AFFAIRE : N° RG 22/00317 –
N° Portalis DBVC-V-B7G-G5RW
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 28 Janvier 2022
RG n° 2021.1615
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
Madame [F] [B] épouse [D]
née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée et assistée de Me Amélie POISSON, avocat au barreau de LISIEUX
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022022001287 du 03/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMEE :
S.A. CREDIT DU NORD
N° SIRET : 456 504 851
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Sandrine GUESDON, avocat au barreau de CAEN
assistée de Me Amaury PAT, avocat au barreau de LILLE
DEBATS : A l’audience publique du 04 juillet 2022, sans opposition du ou des avocats, M. GOUARIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 03 novembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Selon offre préalable acceptée le 1er juin 2016, le Crédit du Nord (la banque) a consenti à M. [E] [D] en qualité d’emprunteur et à Mme [F] [B], épouse [D], en tant que co-emprunteur un crédit renouvelable Etoile avance d’un montant total autorisé de 8.000 euros.
Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de commerce de Lisieux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de M. [D], exploitant en nom propre un fonds de commerce de restaurant.
Suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception distribuée le 6 août 2019, le Crédit du Nord a prononcé la déchéance du terme du crédit renouvelable.
Selon lettre recommandée avec demande d’avis de réception distribuée le 7 août 2019, le Crédit du Nord a déclaré aux organes de cette procédure sa créance à titre chirographaire pour un montant de 8.000 euros.
Le 8 avril 2021, la SELARL Bernard Beuzeboc, ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [D], a établi un certificat d’irrécouvrabilité de la créance déclarée par le Crédit du Nord.
Par ordonnance du 16 septembre 2019, le président du tribunal de commerce de Lisieux a enjoint à Mme [B], épouse [D], de payer au Crédit du Nord les sommes de 7.994,70 euros en principal, 70 euros au titre des intérêts et 150 euros à titre d’indemnité de procédure.
Le 28 mai 2021, le Crédit du Nord a fait signifier à étude à Mme [B], épouse [D], cette ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire ainsi qu’un commandement de lui payer la somme globale de 8.638,01 euros.
En exécution de cette ordonnance d’injonction de payer, le Crédit du Nord a fait pratiquer, le 28 juin 2021, une saisie-attribution à l’encontre de Mme [B], épouse [D], entre les mains de la Bred Banque populaire, laquelle a été dénoncée le 1er juillet 2021 et a été fructueuse à hauteur de la somme de 1.195,51 euros.
Le 15 juillet 2021, Mme [B], épouse [D], a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 16 septembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Lisieux, soulevant l’incompétence de ce tribunal au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux.
Saisi de la contestation de la saisie-attribution, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lisieux a, par jugement du 2 décembre 2021, sursis à statuer jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué sur cette opposition.
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lisieux a :
– reçu Mme [B], épouse [D], en son opposition,
– débouté celle-ci de son exception d’incompétence et s’est déclaré compétent,
– invité les parties à conclure au fond et renvoyé l’affaire à l’audience du 18 mai 2022,
– réservé la charge des dépens ainsi que toute demande indemnitaire et liquidé les frais de greffe à la somme de 115,23 euros.
Selon déclaration du 11 février 2022, Mme [B], épouse [D], a interjeté appel de cette décision.
Le 28 février 2022, l’appelante a été autorisée à faire assigner à jour fixe pour l’audience du 4 juillet 2022 de cette cour.
Suivant acte d’huissier du 17 mars 2022, Mme [B], épouse [D], a fait assigner à jour fixe devant cette cour le Crédit du Nord aux fins de la recevoir en son appel, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de la recevoir en son exception d’incompétence matérielle, de déclarer le tribunal de commerce de Lisieux matériellement incompétent au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux, de dire que le dossier sera transmis par le greffe du tribunal de commerce de Lisieux à celui du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux et de condamner l’intimée au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité de procédure avec faculté d’option conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Avant la date de l’audience, une copie de cette assignation à jour fixe a été remise au greffe.
Par dernières conclusions du 30 juin 2022, le Crédit du Nord demande à la cour de déclarer mal fondé l’appel interjeté par Mme [B], épouse [D], de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter l’appelante de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIVATION
1. Sur l’exception d’incompétence
Mme [B], épouse [D], fait grief au tribunal d’avoir rejeté son exception d’incompétence matérielle au motif que la créance née du crédit renouvelable souscrit par les époux [D] a été définitivement admise au passif de la procédure de liquidation judiciaire dont fait l’objet M. [D] et que l’obligation principale étant par nature commerciale, l’obligation consentie par l’épouse de celui-ci en qualité de co-emprunteur se trouve commerciale par nature au sens de l’article L. 110-1 du code de commerce, alors que le crédit renouvelable souscrit n’est pas l’une des opérations commerciales par nature mentionnées à cet article en ce qu’il s’agit d’un crédit à la consommation destiné aux besoins du ménage et non à l’activité professionnelle de M. [D], qu’il ne s’agit pas davantage d’un acte de commerce par accessoire, que le crédit en cause constitue un crédit à la consommation régi par les articles L. 312-17 à L. 312-83, D. 312-1 et R. 312-2 du code de la consommation et qu’en vertu des articles R. 312-25 du même code, L. 213-4-5 et R. 313-9-2 du code de l’organisation judiciaire le juge des contentieux de la protection connaît des litiges nés de l’application de ces dispositions, soulignant que l’offre préalable de prêt litigieuse mentionne la compétence du juge des contentieux de la protection pour connaître des litiges nés de l’application du contrat.
Le Crédit du Nord s’approprie les motifs des premiers juges.
Selon l’article L. 110-1 7° et 9° du code de commerce, la loi répute actes de commerce toute opération de change, de banque, courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement ainsi que toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers.
Il résulte de ces dispositions que l’ouverture de crédit consentie par une banque à une personne n’ayant pas la qualité de commerçant demeure une opération civile à l’égard de ce bénéficiaire.
En l’espèce, le crédit renouvelable consenti le 1er juin 2016 par le Crédit du Nord aux époux [D] ne mentionne pas qu’il était destiné à financer l’activité professionnelle de M. [D], exploitant en nom propre un fonds de commerce de restaurant, et aucune des pièces produites n’est propre à démontrer que ce prêt était destiné à répondre aux besoins de cette activité professionnelle.
Aux termes de l’offre préalable de crédit en cause, ce prêt est soumis aux dispositions du code de la consommation.
Il est constant que Mme [B], épouse [D], n’avait pas la qualité de commerçante à la date d’acceptation de cette offre préalable de crédit.
Il s’ensuit que le crédit renouvelable en cause ne constitue pas un acte de commerce par nature ou accessoire à l’égard de Mme [B], épouse [D], peu important que la créance détenue en vertu de ce prêt par le Crédit du Nord à l’encontre de M. [D] ait été définitivement admise au passif de la liquidation judiciaire de ce dernier.
En application des articles L. 312-17 à L. 312-83, D. 312-1, R. 312-2 et R. 312-25 du code de la consommation, L. 213-4-5 et R. 313-9-2 du code de l’organisation judiciaire, comme le prévoit le contrat de crédit renouvelable litigieux en sa page 4, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux, reprenant la compétence du tribunal d’instance à cet égard, est compétent pour connaître des litiges nés de l’application du contrat de crédit à la consommation que constitue l’offre préalable de crédit renouvelable en cause.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
2. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Le Crédit du Nord, qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel, débouté de sa demande d’indemnité de procédure et condamné à payer à Mme [B], épouse [D], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec faculté d’option conformément à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [B], épouse [D], de son exception d’incompétence et s’est déclaré compétent et en ce qu’il a invité les parties à conclure au fond et renvoyé l’affaire à son audience du 18 mai 2022 ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,
Déclare le tribunal de commerce de Lisieux incompétent pour statuer sur le litige né de l’application de l’offre préalable de crédit renouvelable consenti le 1er juin 2016 par le Crédit du Nord à Mme [F] [B], épouse [D], au profit du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux,
Dit que le dossier sera transmis par le greffe du tribunal de commerce de Lisieux à celui du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lisieux ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne le Crédit du Nord aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, et à payer à Mme [F] [B], épouse [D], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec faculté d’option conformément à l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY