Monnaie électronique : 28 juin 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/00697

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Monnaie électronique : 28 juin 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/00697
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ARRET N°

du 28 juin 2022

R.G : N° RG 21/00697 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-E7MX

[I]

c/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST

SP

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL HBS

la SELAS FIDAL

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 28 JUIN 2022

APPELANT :

d’un jugement rendu le 12 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS

Monsieur [F] [I]

16 Place Paul Doumer

02800 LA FERE

Représenté par Me Nicolas HÜBSCH de la SELARL HBS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST

25 rue Libergier

51100 REIMS

Représentée par Me Cécile SANIAL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller

Mme Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 17 mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 juin 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par jugement du 23 mai 2014, le tribunal de grande instance de Reims a condamné M [F] [I] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est (le Crédit Agricole) diverses sommes pour un total de 164 769, 88 euros outre intérêts, au titre de cinq prêts dont deux pour le paiement desquels il s’était porté caution solidaire.

Le 3 juin 2014, le Crédit Agricole a déclaré à la Banque de France un incident de paiement caractérisé concernant M [I].

Le 15 juin 2017, M [I] et Mme [R] [V] épouse [I] ont fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Reims afin d’obtenir sa condamnation à indemniser M [I] de ses préjudices matériel, financier et moral, en demandant la publication de la décision à intervenir, ainsi que son affichage.

Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Reims a condamné le Crédit Agricole à payer à M [I] la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, rejeté les autres demandes de M [I], débouté le Crédit Agricole de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive, laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles, condamné M [I] d’une part et le Crédit Agricole d’autre part à payer les dépens par moitié et ordonné l’exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que la banque avait commis une faute dès lors qu’elle ne justifiait pas avoir informé M [I] du solde débiteur du compte n°06410597120 et de l’inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers faute de régularisation dans les trente jours.

Il a estimé que l’éventuel préjudice qui est résulté de cette faute ne peut cependant excéder la période courant du 3 juin 2014, date de l’inscription au FICP, au 31 mai 2015, date à laquelle M [I] n’ignorait plus les raisons de cette inscription et se trouvait en mesure de faire cesser ladite inscription en remboursant le solde débiteur du compte, particulièrement peu élevé.

Il a en outre rappelé qu’il n’existe aucune interdiction légale pour un établissement de crédit de consentir un prêt à une personne inscrite au FICP et constaté que M [I] ne justifiait pas avoir sollicité un quelconque prêt, auprès du Crédit Agricole ou d’un autre établissement, de sorte qu’il n’établissait pas qu’un prêt lui avait été refusé en raison de la faute du Crédit Agricole, mettant en échec son projet de développement professionnel.

Le tribunal a estimé que la saisie immobilière n’avait aucun lien avec la procédure dont il était saisi, a relevé que M [I] n’était plus notaire à Bohain en Vermandois, commune de situation de l’immeuble objet de la procédure de saisie immobilière, depuis juillet 2014 et qu’il ne justifiait pas que l’inscription au FICP aurait été ébruitée, au surplus du fait de l’établissement bancaire.

M [I] a interjeté appel de ce jugement le 7 avril 2021, par déclaration visant l’ensemble des chefs de décision, à l’exception de celui déboutant le Crédit Agricole de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

Par conclusions notifiées le 5 janvier 2022, M [I] demande à la cour d’appel de :

le juger recevable et bien fondé en son appel,

confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le Crédit Agricole a commis une faute de nature à engager sa responsabilité,

l’infirmer pour le surplus,

statuant à nouveau,

condamner le Crédit Agricole à lui verser les sommes suivantes :

137 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice matériel subi en raison de la faute commise par la banque,

200 000 euros à titre de dommages intérêts pour la perte de chance de voir augmenter son chiffre d’affaires,

20 000 euros au titre de son préjudice moral,

115 618,75 euros à titre de dommages intérêts correspondant au montant des sommes auxquelles il a été condamné par jugement du tribunal judiciaire de Reims du 23 mai 2014,

ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans deux journaux locaux ou régionaux aux frais du Crédit Agricole outre son affichage pendant une durée de trois mois sur la porte des locaux de la mairie de Fluquières et celle du Crédit Agricole du Vermandois,

ordonner la lecture du dispositif de la décision à intervenir lors de l’assemblée générale du Crédit Agricole de Bohain et de Saint Quentin par tel huissier qu’il plaira au tribunal de désigner aux frais du Crédit Agricole,

condamner le Crédit Agricole à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et aux dépens de première instance,

débouter le Crédit Agricole de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive,

débouter le Crédit Agricole de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens de l’instance,

condamner le Crédit Agricole à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel et aux dépens d’appel, dont distraction requise au profit de Me Nicolas Hubsch, représentant de la SELARL HBS, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

M [I] invoque la responsabilité contractuelle de la banque et considère qu’il n’aurait jamais dû faire l’objet d’une inscription au FICP dès lors qu’il n’était concerné par aucune des situations prévues à l’article 4 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au FICP puisqu’il n’avait souscrit aucun crédit et que l’incident allégué par le Crédit Agricole concerne le solde débiteur d’un compte. Il ajoute qu’il n’existait pas d’autorisation de découvert et que les articles L312-92 et suivants du code de la consommation imposaient à la banque, en présence d’un dépassement de plus de trois mois, de lui proposer sans délai un autre type d’opération de crédit.

Il soutient que même s’il devait être considéré qu’un découvert en compte entre dans le champ des dispositions précitées, la banque n’établit pas l’existence d’un incident de paiement faute de démontrer qu’elle lui a adressé une mise en demeure de régulariser sa situation. Il estime que, ce faisant, la banque a en outre manqué à son obligation de conseil en ne lui suggérant pas de créditer le compte débiteur, grâce au solde créditeur d’un autre compte dont il est également titulaire au sein de cette banque.

Il reproche en outre à la banque d’avoir refusé de lui fournir une explication sur la cause de son inscription au FICP alors qu’il était indiqué sur les documents fournis par la Banque de France qu’un prêt était en cause et non le solde débiteur d’un compte, dont il ne se rappelait plus l’existence.

Il conteste avoir reçu les deux courriers d’information produits par le Crédit Agricole et doute même de la réalité de leur envoi.

A titre subsidiaire, il invoque la responsabilité délictuelle du Crédit Agricole, auquel il reproche de lui avoir fait croire qu’il avait mis fin au fichage FICP alors que ce n’était pas le cas.

Il explique que la faute du Crédit Agricole l’a empêché d’obtenir un prêt afin de financer son projet de transfert de son étude dans de nouveaux locaux moins onéreux et plus attractifs pour sa clientèle, qu’il en est résulté pour lui l’impossibilité de payer des charges moindres, de capitaliser et de se constituer un patrimoine immobilier, d’augmenter son activité professionnelle et donc son chiffre d’affaires.

Il invoque en outre le préjudice moral subi en raison de la procédure de saisie immobilière engagée sur son habitation et estime que son inscription au FICP est particulièrement infamante.

Il soutient qu’il doit encore au Crédit Agricole la somme de 115 618,72 euros au titre des condamnations prononcées à son encontre par jugement du 23 mai 2014 en raison de l’entêtement du Crédit Agricole, alors qu’il aurait pu obtenir un prêt pour rembourser ces sommes.

M [I] justifie sa demande de publicité de la décision à intervenir en rappelant qu’il exerce la profession de notaire dans une petite ville et qu’il a été porté atteinte à sa réputation, qu’il entend ainsi rétablir.

Par conclusions transmises le 20 avril 2022, le Crédit Agricole, intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :

déclarer M [I] recevable mais mal fondé en son appel,

d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims le 12 janvier 2021,

statuant à nouveau,

débouter M [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner M [I] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

condamner M [I] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux entiers dépens, dont distraction requise au profit de la SELAS Fidal de Reims, représentée par Me Cécile Sanial, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La banque conteste toute faute de sa part en faisant valoir qu’elle justifie de ce qu’elle a informé M [I] de l’existence du solde débiteur du compte et de l’inscription au FICP.

Elle indique qu’elle a en outre adressé à M [I] un courrier le 6 février 2014 pour l’informer d’une saisie-attribution sur le compte en cause, de sorte que celui-ci avait parfaitement connaissance de son existence.

S’agissant de l’obligation de conseil invoqué par l’appelant, elle soutient qu’une compensation entre les soldes débiteurs et créditeurs de deux comptes ne pouvait être opérée sans l’accord de M [I].

Elle estime que M [I] n’ignorait plus les raisons de son inscription au FICP à compter de la fin du mois de mai 2015 et qu’il pouvait régulariser le solde débiteur du compte, qui était de faible importance, ce qu’il n’a pas fait.

La banque conteste par ailleurs la réalité des préjudices qu’il invoque, ainsi que l’existence d’un lien de causalité avec la faute alléguée en ce que :

les établissements bancaires ne peuvent prendre connaissance du FICP lors de l’octroi d’un prêt professionnel,

M [I] pouvait constituer une société pour les besoins de son projet professionnel, qui aurait contracté le prêt,

l’inscription au FICP n’emporte pas interdiction de délivrer un crédit,

M [I] ne justifie d’aucun refus de financement de la part d’une banque, en relation avec son projet professionnel,

M [I] ne produit aucun document permettant de savoir comment il a chiffré à hauteur de 50 000 euros la perte annuelle de chiffre d’affaires qu’il aurait subie,

il n’a pas, à ce jour, acquis de nouveaux locaux professionnels alors qu’il n’est plus inscrit au FICP depuis 2019,

il n’exerce plus en qualité de notaire à Bohain en Vermandois depuis 2014 et ne justifie pas de ce que le fichage dont il a fait l’objet aurait été ébruité,

la procédure de saisie immobilière n’a aucun lien avec la présente procédure.

MOTIFS

L’article 1147 du code civil, dans sa version en vigueur avant le 1er octobre 2016, dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Sur l’existence d’une faute

L’article L333-4, I du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à l’époque de l’inscription litigieuse au FICP dispose : «’Il est institué un fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Ce fichier est géré par la Banque de France, laquelle est seule habilitée à centraliser ces informations. Il est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Ce fichier a pour finalité de fournir aux établissements de crédit et aux sociétés de financement mentionnés au titre Ier du livre V du code monétaire et financier, aux établissements de monnaie électronique et aux établissements de paiement mentionnés au titre II du même livre V et aux organismes mentionnés au 5 de l’article L. 511-6 du même code un élément d’appréciation de la solvabilité des personnes qui sollicitent un crédit. Toutefois, l’inscription d’une personne physique au sein du fichier n’emporte pas interdiction de délivrer un crédit’».

L’article L333-4 II prévoit : «Les entreprises mentionnées au deuxième alinéa du I sont tenues de déclarer à la Banque de France, dans des conditions précisées par arrêté, les incidents de paiement caractérisés définis par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5. Dès la réception de cette déclaration, la Banque de France inscrit immédiatement les incidents de paiement caractérisés au fichier et, dans le même temps, met cette information à la disposition de l’ensemble des entreprises ayant accès au fichier. Les frais afférents à cette déclaration ne peuvent être facturés aux personnes physiques concernées.

Les informations relatives à ces incidents sont radiées immédiatement à la réception de la déclaration de paiement intégral des sommes dues effectuée par l’entreprise à l’origine de l’inscription au fichier. Elles ne peuvent en tout état de cause être conservées dans le fichier pendant plus de cinq ans à compter de la date d’enregistrement par la Banque de France de l’incident ayant entraîné la déclaration’».

L’article 3 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa version en vigueur à l’époque des faits dispose : «’Champ d’application.

Est considéré comme pouvant faire l’objet d’un incident de paiement déclarable au FICP tout acte par lequel un établissement ou organisme mentionné à l’article 1er met des fonds à la disposition d’une personne physique pour le financement de ses besoins non professionnels ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature, quelle que soit la qualification ou la technique utilisée, notamment :

– les crédits affectés ou liés définis au 9° de l’article L. 311-1 du code de la consommation ;

-les prêts personnels ;

– les crédits renouvelables définis à l’article L. 311-16 du même code ;

– les autorisations de découvert définies au 10° de l’article L. 311-1 du même code ;

– les découverts tacitement acceptés définis au 11° de l’article L. 311-1 du même code ;

– les crédits accordés pour l’acquisition, la construction, l’aménagement ou l’entretien d’un immeuble mentionnés au 1° de l’article L. 311-3 du même code ;

-les regroupements de crédits définis à l’article L. 313-15 du même code ;

– les opérations de location-vente et de location avec option d’achat.

Les opérations de location-vente et de location avec option d’achat sont assimilées à des crédits pour l’application du présent arrêté’».

L’article 4 définit ainsi l’incident de paiement : «’Définition des incidents de paiement.

Constituent des incidents de paiement caractérisés pour l’application du présent arrêté :

1° Pour un même crédit comportant des échéances, les défauts de paiement atteignant un montant cumulé au moins égal :

i) Pour les crédits remboursables mensuellement, à la somme du montant des deux dernières échéances dues ;

ii) Pour les crédits qui ont des échéances autres que mensuelles, à l’équivalent d’une échéance, lorsque ce montant demeure impayé pendant plus de 60 jours ;

2° Pour un même crédit ne comportant pas d’échéance, le défaut de paiement des sommes exigibles plus de 60 jours après la date de mise en demeure du débiteur, notifiée de manière formelle, d’avoir à régulariser sa situation, dès lors que le montant des sommes impayées est au moins égal à 500 euros ;

3° Pour tous les types de crédit, les défauts de paiement pour lesquels l’établissement ou l’organisme mentionné à l’article 1er engage une procédure judiciaire ou prononce la déchéance du terme après mise en demeure du débiteur restée sans effet. Les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er peuvent ne pas inscrire les retards de paiement d’un montant inférieur à 150 euros pour lesquels la déchéance du terme n’a pas été prononcée’».

L’article 5 prévoit :’«’Constat d’un incident de paiement et information des débiteurs défaillants.

I. Dès qu’un incident de paiement caractérisé est constaté, l’établissement ou organisme mentionné à l’article 1er informe le débiteur défaillant que l’incident sera déclaré à la Banque de France à l’issue d’un délai de 30 jours calendaires révolus courant à compter de la date de l’envoi du courrier d’information, le cachet de la poste faisant foi. Ce délai permet notamment à la personne concernée de régulariser sa situation ou de contester auprès de l’établissement ou de l’organisme le constat d’incident caractérisé.

Ce courrier d’information doit mentionner les caractéristiques de l’incident pouvant donner lieu à inscription au FICP, notamment le montant des sommes dues au titre de l’impayé, la référence et le montant du crédit, ainsi que les modalités de régularisation de l’incident avant le délai susmentionné. II doit également préciser les modalités d’exercice, auprès de l’établissement ou de l’organisme mentionné à l’article 1er, des droits d’accès et de rectification des données que ce dernier détient conférés au débiteur défaillant par les articles 39 et 40 de la loi n° 78-17 modifiée.

II. Au terme du délai d’un mois mentionné ci-dessus, sauf si les sommes dues ont été réglées ou si une solution amiable a été trouvée, l’incident devient déclarable et l’établissement ou l’organisme mentionné à l’article 1er informe par courrier le débiteur défaillant des informations qu’il transmet à la Banque de France.

Le courrier de notification de l’inscription à la personne concernée doit mentionner qu’à défaut du paiement intégral des sommes dues donnant lieu à une levée anticipée de l’inscription celle-ci sera conservée pendant la durée d’inscription prévue par l’article 8.

Il doit également indiquer que ces informations sont consultables auprès de la Banque de France pendant toute la durée de l’inscription par l’ensemble des établissements et organismes mentionnés à l’article 1er.

Enfin, il doit également indiquer les modalités d’exercice auprès de la Banque de France des droits d’accès et de rectification des données contenues dans le FICP conférés au débiteur défaillant par les articles 39 et 40 de la loi n° 78-17 modifiée’».

Le découvert tacitement accepté était alors défini à l’article L311-1, 11° du code de la consommation comme l’autorisation donnée par le prêteur à l’emprunteur de disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou l’autorisation de découvert convenue.

L’incident déclaré par le Crédit Agricole est relatif à un découvert et porte la référence «’80206410597120’», qui correspond au numéro d’un compte chèque dont M [I] était titulaire dans les livres de cette banque.

Il n’est pas justifié d’une autorisation expresse de découvert sur le compte en cause. Son solde, débiteur de 628,05 euros au 3 juin 2014, qui perdurait depuis le 10 avril précédent au moins, constituait donc un découvert tacitement accepté. Il entre donc dans le champ d’application défini par l’article 3 précité de l’arrêté du 26 octobre 2010.

Un découvert tacitement accepté ne comportant pas d’échéance, et le montant des sommes impayées étant au moins égale à 500 euros, la caractérisation d’un incident de paiement nécessitait un défaut de paiement des sommes exigibles plus de 60 jours après la date de mise en demeure du débiteur, notifiée de manière formelle, d’avoir à régulariser sa situation.

Le Crédit Agricole invoque deux courriers adressés à M [I]. Le premier, daté du 1er mai 2014 a pour objet : «’information préalable inscription au FICP par l’établissement de crédit’» et fait état d’un incident de paiement caractérisé dans le remboursement du découvert en compte, constitué par un retard de paiement d’au moins 500 euros, 60 jours après une mise en demeure restée sans effet pour un crédit sans échéances échelonnées.

Il est indiqué ensuite que M [I] doit régulariser sa situation avant l’expiration d’un délai de 30 jours calendaires révolus à compter de la date d’envoi du présent courrier.

Ce courrier constitue donc le courrier d’information prévu par l’article 5 de l’arrêté du 26 octobre 2010, faisant courir le délai de 30 jours au terme duquel l’incident devient déclarable.

Le Crédit Agricole ne justifie pas de l’envoi préalable de la mise en demeure d’avoir à régulariser le montant du découvert dans un délai de 60 jours, condition pourtant nécessaire à la caractérisation d’un incident de paiement.

Cette banque a donc commis une faute en faisant procéder à un inscription au FICP alors qu’elle ne justifie pas de ce qu’un incident de paiement avait été préalablement caractérisé.

Sur les préjudices

Le préjudice matériel

Le préjudice matériel invoqué par M [I] repose sur l’impossibilité pour lui d’obtenir un prêt afin de financer son projet professionnel de transférer son étude notariale dans de nouveaux locaux du fait de son inscription au FICP.

Il justifie avoir obtenu l’accord du conseil municipal de La Fère (Aisne) pour lui vendre un terrain d’environ 3 590 m² situé sur cette commune, au prix de 30 600 euros, sans les raccordements aux réseaux qui devaient rester à sa charge.

Les frais d’acquisition et d’aménagement ayant été évalués à 69 000 euros par un expert comptable, M [I] avait pour projet d’emprunter la somme globale de 100 000 euros.

Il produit un échange de courriers électroniques avec un agent de la Caisse d’Epargne de Picardie au mois d’avril 2015, qui ne permet pas d’établir que le prêt qu’il aurait sollicité lui aurait été refusé en raison de son inscription au FICP, étant rappelé qu’une telle inscription n’est qu’un élément d’appréciation pour l’établissement de crédit et n’interdit pas l’octroi d’un prêt. Les seuls éléments évoqués se rapportent à la durée de l’emprunt, l’exigence d’un apport personnel et les «’déclarations 2035’» de M [I], donc ses revenus non commerciaux.

Par un autre courrier, daté du 14 décembre 2021, la Caisse d’Epargne des Hauts de France a informé M [I] de ce que les éléments de son dossier ne permettaient pas à la banque de lui proposer un crédit. Ce courrier est bien postérieur à la levée de l’inscription fautive de M [I] au FICP, qui est intervenue le 29 mai 2019. En outre, il fait suite à une demande d’emprunt d’une somme de 300 000 euros, soit une somme trois fois plus importante que celle initialement évaluée, sans aucune explication quant à une telle augmentation.

M [I] produit en outre des courriers électroniques de la Caisse d’Epargne des Hauts de France et de la Société Générale dans lesquels ces établissements font état, dans des termes généraux, de ce que l’octroi d’un prêt à un client fiché FICP ne serait pas envisageable.

Ces courriers ne suffisent cependant pas à établir avec certitude qu’aucune autre banque n’aurait accepté d’accorder un prêt à M [I] afin de financer son projet professionnel en raison de son inscription au FICP.

Le lien de causalité entre la faute imputable à la banque et le préjudice invoqué n’est donc pas établi de façon certaine.

Pour justifier de ce préjudice, M [I] indique que cette nouvelle installation lui aurait permis de bénéficier d’une diminution de ses charges de 22 200 euros par mois et produit, pour en justifier, un courrier d’un expert comptable, qui fait état d’une baisse des charges d’électricité de 50% et d’une diminution de l’impôt foncier de plus de 44%, sans aucune justification de telles affirmations.

M [I] affirme en outre que l’octroi du prêt professionnel lui aurait permis de capitaliser et de se constituer un patrimoine immobilier puisqu’il aurait pu amortir une partie du prêt pendant le temps où il est resté inscrit au FICP. Cependant, le bien immobilier acquis au moyen de ce prêt ne se serait pas directement retrouvé dans son patrimoine, puisqu’il avait prévu de constituer une SCI pour faire l’acquisition du terrain et l’aménager, qui lui aurait donné les lieux à bail, ainsi que le démontre le projet établi par l’expert comptable. Et les droits de M [I] dans la SCI ne peuvent être exactement évalués au montant du capital emprunté qui aurait été amorti dans l’intervalle de temps pendant lequel il est resté inscrit au FICP.

M [I] doit donc être débouté de sa demande de réparation d’un préjudice matériel et le jugement sera confirmé de ce chef.

La perte de chance d’une augmentation du chiffre d’affaires

M [I] affirme que l’impossibilité de réaliser son projet professionnel, faute d’obtenir un prêt, lui a fait perdre une chance de voir augmenter son chiffre d’affaires.

Le courrier qu’il produit, du gérant d’une société de courtage en travaux et décoration, qui affirme que son local professionnel ne semble plus adapté et nécessite des travaux pour améliorer son attractivité et sa modernisation et qu’il est incontestable que l’amélioration des conditions d’accueil de la clientèle et des conditions de travail des collaborateurs ne peut qu’engendrer rapidement un développement du chiffre d’affaires ne consiste qu’en affirmations trop générales pour justifier de la certitude de la chance qui aurait été perdue par M [I] de voir son chiffre d’affaires augmenter du fait de son installation dans les locaux qu’il projetait de faire construire.

M [I] invoque l’expérience de la réalisation de travaux dans son ancienne étude en 1999, dont il affirme qu’elle a généré une augmentation de son chiffre d’affaires de 50 000 euros. Cependant, les imprimés de déclaration fiscale de ses revenus non commerciaux pour les années 2000 à 2004 font apparaître un niveau de recettes encaissées passant de 2 906 269 euros pour les revenus de 1999, à 4 148 960 euros pour les revenus de 2000, puis se stabilisant entre 547 000 et 585 000 pour les années ultérieures, ce qui ne permet nullement de constater l’augmentation alléguée. En outre, ces seules pièces ne permettent pas d’établir un lien avec la réalisation de travaux, dont il n’est pas justifié, sauf à constater que la ligne des déclarations fiscales correspondant aux frais d’entretien et de réparation fait apparaître des dépenses plus importantes en 1999 et 2000 (22 370 et 20 759 euros) que durant les années suivantes (entre 2 430 et 3 256 euros).

M [I] ne démontre donc pas de façon certaine qu’il aurait eu une chance de voir son chiffre d’affaires augmenter durant les années de son inscription au FICP s’il avait pu mener son projet à bien. Il sera donc débouté de sa demande au titre de la perte de cette chance et le jugement sera confirmé de ce chef.

Le préjudice moral

La procédure de saisie immobilière engagée par le Crédit Agricole sur un immeuble de M [I] et de son épouse est fondée sur le jugement rendu le 23 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Reims.

M [I] ne démontre pas l’existence d’un lien ce causalité entre le préjudice moral que cette saisie lui aurait causé et la faute reprochée au Crédit Agricole du fait de son inscription au FICP pour un découvert en compte distinct de la créance consacrée par le jugement précité

Le sursis à statuer prononcé par le juge de l’exécution dans la procédure de saisie immobilière dans l’attente du présent arrêt n’établit pas de lien de causalité entre la mesure d’exécution forcée et la faute de la banque, d’autant qu’il est motivé par le souci de permettre à M [I] d’apurer sa dette et ainsi d’éviter la vente de son bien aux enchères publiques au moyen des dommages intérêts qui pourraient lui être alloués dans la présente affaire.

M [I] est, en revanche, fondé à invoquer le préjudice moral que lui cause son inscription infondée au FICP au regard de sa profession de notaire. Le préjudice qui en résulte pour lui sera entièrement réparé par l’allocation d’une somme de 3 000 euros. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement au titre d’un préjudice résultant de l’attitude déloyale et fautive de la banque

M [I] demande l’allocation de dommages intérêts d’un montant équivalent à la somme au paiement de laquelle il a été condamné par le jugement du tribunal de grande instance de Reims du 23 mai 2014, en soutenant que son inscription injustifiée au FICP ne lui a pas permis d’obtenir un prêt, qui lui aurait permis de payer les sommes ainsi mises à sa charge. Il estime que le Crédit Agricole est ainsi à l’origine direct du fait qu’il doit encore à ce jour la somme de 115 618,72 euros.

M [I] se trouve débiteur de cette somme envers le Crédit Agricole en exécution du jugement du tribunal de grande instance de 2014, avec lequel l’inscription fautive de M [I] au FICP n’a pas de lien. Dès lors, le préjudice subi par M [I] en raison de l’impossibilité de souscrire un prêt pour payer cette dette ne peut consister dans le fait de devoir cette somme elle-même, mais de devoir supporter les intérêts qui ont pu courir pendant le temps de son inscription au FICP, à la condition que ces intérêts soient supérieurs à ceux que M [I] aurait en tout état de cause dû payer au titre du nouveau prêt. Or la preuve de ce que les intérêts qui auraient été dus au titre du prêt qui aurait été souscrit pour faire face à la créance du Crédit Agricole auraient été moindres que ceux dus en exécution du jugement n’est pas rapportée.

De plus, comme cela a déjà été indiqué, M [I] ne justifie pas qu’il aurait présenté une demande de prêt pour rembourser sa dette envers le Crédit Agricole, ni a fortiori qu’un tel prêt lui aurait été refusé en raison de son inscription au FICP.

Il doit donc être débouté de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la publicité de la présente décision

Il a été établi que M [I] justifiait d’un préjudice moral du fait de son inscription au FICP. Il estime que sa réputation s’en est trouvée atteinte en soulignant le fait qu’il exerce la profession de notaire dans des petites villes «’dans lesquelles ce genre de situation s’ébruite vite’».

Dans ces conditions, la publication qu’il sollicite du dispositif de l’arrêt à intervenir dans deux journaux locaux ou régionaux et sa lecture lors de l’assemblée générale de la Caisse de Crédit Agricole de Bohain et de Saint Quentin, qui ne pourront que donner plus d’échos aux faits ou en raviver le souvenir chez ceux qui en avaient déjà connaissance, ne paraissent pas propres à réparer un tel préjudice.

Les demandes de M [I] tendant à assurer la publicité du présent arrêt seront donc rejetées et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le Crédit Agricole ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une faute de M [I] qui aurait fait dégénérer en abus le droit dont celui-ci dispose d’agir en justice. Il sera donc débouté de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Le Crédit Agricole, partie condamnée, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Il sera confirmé en ce qu’il laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

L’équité ne commande pas de faire droit aux demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Me Nicolas Hubsch, représentant la SELARL HBS, sera autorisé à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en ce qu’il :

condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est à payer à M [F] [I] la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, condamne M [F] [I] d’une part et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est d’autre part à payer les dépens par moitié ;

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est à payer à M [F] [I] la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est aux dépens de première instance ;

Confirme ce jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Déboute les parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile pour leur frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Nord Est aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Nicolas Hubsch, représentant la SELARL HBS.

Le greffier La présidente

 


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