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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 14 Juin 2022
N° RG 20/00097 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GMVI
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 18 Décembre 2019, RG 2018F00317
Appelante
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG, dont le siège social est situé Industriestrasse 13 C – 6300 ZUG / SUISSE
Représentée par Me Elsa BELTRAMI, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocats plaidants au barreau de LYON
Intimé
M. [G] [J]
né le 20 Février 1974 à GRENOBLE, demeurant 217, Rue du Grand Clos – 73230 BARBY
Représenté par Me Vincent PARNY, avocat au barreau de CHAMBERY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 17 mai 2022 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
– M. Michel FICAGNA, Président,
– Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,
– Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,
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Il a été procédé au rapport.
Aux termes d’un acte du 8 février 2008, la société Togo, a vendu à la société Gaïa, représentée par son gérant M. [G] [J], sa branche d’activité Marcon Music, moyennant le prix de 40 000 € , financé à hauteur de 39 000 € par un prêt bancaire consenti par le Crédit Lyonnais intervenant au même acte, garanti par le cautionnement de M. [J] dans des conditions précisées aux pages 14 et 15 de l’acte, à hauteur de 22 425 € pour une durée de 108 mois.
La déchéance de ce prêt est acquise depuis le 06 décembre 2010 par suite de la défaillance de la société Gaïa.
Par jugement rendu le 27 septembre 2011, le tribunal de commerce de Grenoble a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Gaïa.
La société Crédit Lyonnais a produit sa créance qui a été admise au passif de la société Gaïa à hauteur de 33 680,14 euros à titre privilégié concernant le prêt de 39 000 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5.80 % , et pour la somme de 5 610,02 euros à titre chirographaire au titre du solde débiteur d’un compte numéro 02 638 071 278 g.
Par jugement rendu le 25 novembre 2014, le tribunal de Grenoble a prononcé la liquidation judiciaire de la société Gaïa. Cette procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 27 octobre 2015.
Selon bordereau de cession de créance du 6 juillet 2017, le Crédit Lyonnais LCL a cédé 8 249 créances à la société de gestion et de recouvrement de créances, Intrum Debt Finance AG pour la somme globale de 119 510 361,20 euros.
Par acte du 30 octobre 2018, la société Intrum Debt Finance AG a assigné M. [G] [J] devant le tribunal de commerce de Chambéry, aux fins de condamnation à lui payer la somme de 22.425,00 €, outre intérêts au taux de 8,8 %, à compter du 04/09/2018 date de réception de la mise en demeure, en exécution de son engagement de caution.
M. [J] a soulevé diverses exceptions et moyens tendant au rejet de la demande.
Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a :
– Déclaré irrecevable la société Intrum Debt Finance Ag pour défaut de qualité dans sa demande principale en condamnation à l’encontre de M. [G] [J],
– Débouté la société Intrum Debt Finance Ag de toutes ses demandes,
– Rejeté la demande de M. [G] [J] présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société Intrum Debt Finance Ag aux dépens.
La société Intrum Debt Finance AG a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions d’appelante n° 3 du 1er avril 2022, elle demande à la cour :
Vu l’article 1134 (ancien) du code civil, ensemble les articles 2288 et suivants de ce même code,
Vu les articles 1321 et suivants (nouveaux) du code civil,
– de réformer le jugement rendu le 18 décembre 2019 par le tribunal de commerce Chambéry et statuant à nouveau,
– de juger la société Intrum Debt Finance AG recevable à agir à l’encontre de M. [G] [J], ès qualité de caution de la société Gaïa, en sa qualité de cessionnaire de créance,
– de juger recevable et bien fondée la demande en paiement présentée par la société Intrum Debt Finance AG,
– de condamner M. [G] [J], ès qualité de caution de la société Gaïa, à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 22.425 euros en principal, outre intérêts au taux de 8,8 % à compter du 4 septembre 2018, date de réception de la lettre de mise en demeure adressée par le Conseil de la concluante,
En tout état de cause, et y ajoutant,
– d’ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 nouveau du code Civil,
– de débouter M. [G] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, – de condamner M. [G] [J] à payer à la société Intrum Debt Finance AG une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel et de toutes ses suites.
Elle soutient :
– qu’elle justifie pleinement venir aux droits de la banque LCL – Le Crédit Lyonnais, et ainsi de sa qualité à agir à l’encontre de la caution, par suite d’une cession de créance intervenue au mois de juillet 2017, dont elle produit, outre un exemplaire de l’acte de cession, un extrait de la liste des créances cédées, visant expressément les créances anciennement détenues par la banque sur la société Gaïa et sa caution, ainsi qu’une attestation de cession établie par le LCL – Le Crédit Lyonnais, aux termes de laquelle la banque attestait de la cession intervenue,
– que la prescription est valablement interrompue par la déclaration de créance et ne reprend son cours qu’à compter de la clôture de la procédure, peu important que le créancier soit autorisé à agir à l’encontre des personnes physiques cautions et coobligées à compter notamment du jugement prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal,
– qu’après l’extinction du cautionnement, la caution reste tenue de garantir les dettes qui sont nées et devenues exigibles entre la souscription du cautionnement et son terme,
– qu’en l’espèce, M. [G] [J] s’est, le 8 février 2008, engagé en qualité de caution de la société Gaïa au titre du prêt professionnel de 39.000 euros, pour une durée de 9 ans (108 mois), soit jusqu’au 8 février 2017,
– qu’il s’agit toutefois là de la durée de l’obligation de couverture de la caution, et non celle de son obligation de règlement,
– que la créance du LCL-LE Crédit Lyonnais telle qu’issue du prêt professionnel de 39.000 euros est sans aucun doute née pendant la période de couverture de l’acte de cautionnement, soit avant le 8 février 2017, la procédure de liquidation judiciaire ayant été clôturée pour insuffisance d’actif au mois d’octobre 2015,
– que M. [G] [J] a régulièrement été informé, avant toute action en paiement, de la cession intervenue le 6 juillet 2017, par une correspondance en date du 16 mai 2018,
– qu’aux termes d’une jurisprudence constante rendue sur le fondement de l’article 1690 du code civil, la cession de créance peut être régulièrement notifiée au débiteur cédé par voie d’assignation, mais encore en cours d’instance par voie de conclusions,
– que M. [G] [J] sera ainsi condamné à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 22.425 euros en principal, limite de son engagement de caution, outre intérêts
– qu’il appartient à la caution qui s’estime victime d’une disproportion d’apporter la preuve de la faute du banquier,
– que M. [G] [J] ne verse aux débats aucune preuve à l’appui de ses prétentions permettant de justifier ses revenus et son patrimoine au moment de la conclusion des actes de cautionnement en date de février 2008,
– qu’il a également déclaré avoir un patrimoine à hauteur de15.000 €, dans sa fiche de renseignements dûment remplie et signée, M. [G] [J], pour un engagement de caution à hauteur de 22.425 € et déclarait :
– un revenu disponible de 12.000 € puisqu’il déclarait “0€”de charges annuelles et un patrimoine net de 15.000 €,
– que la jurisprudence considère qu’un cautionnement dont le montant représente 80 % des ressources disponibles de la caution n’est pas manifestement disproportionné (Cass. com., 28 février 2018, n°16-24.841).
M. [G] [J] aux termes de ses conclusions d’intimés du 29 juillet 2020, demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1109 (ancien), 1110 alinéa 1er (ancien), 1212, 2292 et 2311 du code civil,
Vu l’article 9 du code de procédure civile,
Vu les articles L 314-18 et L 332-1 du code de la consommation,
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions,
– de débouter la société Intrum Debt Finance AG de l’ensemble de ses prétentions,
– de condamner la société Intrum Debt Finance AG à payer à M. [G] [J] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société Intrum Debt Finance AG aux entiers dépens.
Il soutient :
– que la demande de la société Intrum Debt Finance AG irrecevable et infondée,
– que son engagement de caution d’une durée de 108 mois (9 ans), soit d’une durée plus longue que le contrat de prêt, a pris fin au 8 février 2017,
– que la fixation d’une durée du cautionnement excédant le terme de l’obligation principale ne peut s’interpréter que comme exprimant la commune intention des parties de limiter le droit de poursuite du créancier, de sorte que le terme stipulé à l’acte de caution constitue un terme extinctif à partir duquel la caution, ne peut plus être poursuivi,
– que la stipulation d’un terme extinctif plus éloigné que l’échéance de l’obligation principale signifie que le créancier devait faire diligence dans le recouvrement de sa créance à l’encontre de la caution avant l’arrivée de ce terme, sous peine de perdre le bénéfice de la sûreté,
– que l’assignation de la société Intrum Debt Finance AG a été délivrée le 30 octobre 2018, soit plus de 108 mois après l’engagement de caution,
– que ce terme extinctif constituait un élément déterminant du consentement de M. [J] sans lequel celui-ci ne se serait pas engagé en qualité de caution,
– que l’acte de caution est nul en cas d’erreur sur ce terme,
– que l’acte de caution est nul car manifestement disproportionné par rapport aux revenus et l’absence de patrimoine de M. [G] [J] au moment de sa conclusion,
– que la société Intrum Debt Finance AG n’établit nullement que la dette du débiteur principal, la société Gaïa, liée au prêt ayant servi à l’achat de son fonds de commerce, serait comprise dans l’objet de la cession de créance du 6 juillet 2017 qu’elle invoque, d’un montant de 119.510.361,20 €,
– qu’il n’existe aucune preuve que l’annexe au bordereau de cession feuille soit l’une des annexes du bordereau de cession de créances du 06 juillet 2017,
– que les montants mentionnés ne correspondent d’ailleurs pas à ceux des autres pièces (avis d’admission de créances et décomptes),
– que l’attestation fait référence à un numéro de contrat de prêt que l’on ne retrouve pas dans l’acte de vente du fonds de commerce.
MOTIFS
Sur le principe de la créance
M. [J] ne conteste pas le principe de la créance du Crédit Lyonnais attestée par un avis d’admission au passif de la société Gaïa délivré par le greffier du tribunal de commerce de Grenoble en date du 19 mars 2012, produit aux débats (pièce 3).
Sur la cession de créance
L’appelante produit un bordereau de cession en date du 6 juillet 2017, de la société LCL à la société Intrum Justitia Debt Fiance AG ( ancienne dénomination de l’appelante) portant sur 8249 créances pour un montant de 119 510 361,20 € , avec une annexe comportant un tampon ‘certifiée conforme’ sur laquelle figure les mentions suivantes :
Numéro de contrat Numéro de dossier Montant Nom ou raison sociale Code postal
02638071278G 82554 4193,64 Gaïa 38600
08903830GA48 82554 27135,6 Gaïa 38600
Elle produit également une attestation de la société LCL en date du 27 mars 2019, certifiant que la créance détenue à l’encontre de la société Gaïa au titre du prêt a bien été cédée à la société Intrum Debt Finance AG.
Il résulte de ces pièces que la société de recouvrement, cessionnaire de la créance du Crédit Lyonnais à l’encontre de la société Gaïa, justifie parfaitement de sa qualité à agir.
Le jugement déféré sera donc réformé de ce chef.
Sur le terme extinctif du cautionnement invoqué par M. [J]
Aux termes de l’article 2292 du code civil , ” le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté”.
En l’occurrence, M. [J] s’est porté caution le 8 février 2008 dans les termes suivants :
‘ En me portant caution de la société Gaïa dans la limite de la somme de (…) 22 425 € (…) et pour la durée de 108 mois, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Gaïa n’y satisfait pas lui-même (…)’
La clause de cautionnement précise en page 15, :
‘ La Caution restera engagée jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes susceptibles d’être dues au titre du prêt .’
En se portant caution pour une durée de 108 mois, M. [J] s’est donc nécessairement engagé à payer toutes les sommes que pourrait devoir la société Gaïa au titre du prêt au terme de cette durée, peu important que le contrat de prêt soit d’une durée moindre, les parties ayant pu envisager une éventuelle prorogation de la durée du prêt.
Il n’y a pas lieu à interpréter cette clause claire du contrat de cautionnement.
Sur la nullité pour erreur évoquée dans les conclusions
La demande de nullité n’étant pas reprise au dispositif des conclusions, il n’y a pas lieu à statuer.
Sur la disproportion
Aux termes de l’article L 314-18 du même code, ” Un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de paiement ou un organisme mentionné au 5 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres Il ou Ill du présent titre, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation “.
En l’espèce, le cautionnement est limité à la somme de 22 425 €.
L’appelante fournit la fiche de renseignement complétée par M. [J] le 20 décembre 2017, qui précise qu’elle a trait au cautionnement du prêt de 39 000 € souscrit par la société Gaïa, sur laquelle , M. [J] a indiqué :
– des revenus salariaux de 12 000 € par an,
– aucune charge,
– un patrimoine de 15 000 € .
M. [J] ne produit pas ses revenus de l’année 2007, mais ceux des années suivantes qui ne peuvent être utilement pris compte pour apprécier la situation de ce dernier au 8 février 2008.
En conséquence, il convient de constater que le cautionnement n’était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante.
Sur les dépens
La charge des dépens incombe à la partie perdante
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,
Déclare recevable la demande de la société Intrum Debt Finance AG,
Condamne M. [G] [J], ès qualité de caution de la société Gaïa, à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 22.425 euros en principal, outre intérêts au taux de 8,8 % à compter du 4 septembre 2018, date de réception de la lettre de mise en demeure,
Y ajoutant,
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 nouveau du code Civil,
Déboute M. [G] [J] de ses demandes,
Condamne M. [G] [J] à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel .
Ainsi prononcé publiquement le 14 juin 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, Le Président,