Mise à pied disciplinaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01701

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Mise à pied disciplinaire : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/01701
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N° RG 21/01701 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IYBQ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 08 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 23 Mars 2021

APPELANT :

Monsieur [K] [O]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Michel ROSE de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Etablissement Public POLE EMPLOI

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Robert APÉRY de la SEP APOLLINAIRE SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de CAEN

Etablissement Public POLE EMPLOI NORMANDIE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 7]

n’ayant pas constitué avocat

régulièrement assigné par acte d’huissier en date du 20/07/2021

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 25 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 25 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Juin 2023

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 08 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [O] a été engagé par l’ASSEDIC de Basse Normandie devenue Pôle emploi Basse Normandie le 19 décembre 2008 après fusion avec l’ANPE, en qualité de juriste par contrat de travail à durée déterminée du 14 avril 1997, contrat requalifié judiciairement en contrat de travail à durée indéterminée par arrêt de la cour d’appel de Caen du 5 février 2001.

A compter du 1er janvier 2016, Pôle emploi Normandie s’est substitué à Pôle emploi Basse Normandie et Pôle emploi Haute Normandie.

En denier lieu, M. [K] [O] occupait le poste de responsable de service au sein du service de prévention des fraudes et affaires sensibles.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale du Pôle emploi.

Le licenciement pour faute grave a été notifié au salarié le 27 avril 2018.

Par requête du 28 novembre 2018, M. [K] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et d’indemnités.

Par jugement du 23 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :

– joint les procédures enregistrées sous les n° RG 18/00946 et RG 18/00999,

– rejeté les demandes avant dire droit présentées par M. [K] [O], dit que M. [K] [O] n’a pas été victime d’agissements de harcèlement moral, ni d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, débouté M. [K] [O] de ses demandes indemnitaires relatives au harcèlement moral, à la revalorisation de son coefficient au coefficient 400, de rappel de salaire et des congés payés correspondants, d’injonction de remise de documents sous astreinte, de paiement au titre de la prime de transport,

– dit que le licenciement de M. [K] [O] repose sur une faute grave,

– débouté M. [K] [O] de sa demande de réintégration,

– débouté M. [K] [O] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés au titre de la mise à pied à titre conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement abusif, de dommages intérêts pour brusque rupture,

– débouté M. [K] [O] du surplus de ses demandes,

– dit que les règles légales et conventionnelles de la procédure de licenciement ont été respectées,

– débouté’le syndicat CGT Pôle Emploi Basse Normandie de ses demandes de dommages intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [K] [O] à verser à Pôle Emploi la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné le syndicat CGT Pôle Emploi Basse Normandie à verser à Pôle Emploi la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [K] [O] aux dépens.

M. [K] [O] a interjeté appel le 21 avril 2021.

Par conclusions remises le 24 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [K] [O] demande à la cour de :

– le dire recevable et bien fondé en son appel,

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes avant dire droit présentées, dit et jugé qu’il n’a pas été victime d’agissements de harcèlement moral ni d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, l’a débouté de ses demandes indemnitaires relatives au harcèlement moral, de revalorisation de son coefficient au coefficient 400, de rappel de salaire et des congés payés correspondants ainsi que d’injonction de remise de documents sous astreinte, de paiement au titre de la prime de transport, dit et jugé que le licenciement repose sur une faute grave, débouté de sa demande de réintégration, débouté de ses demandes de rappel de salaire et congés payés au titre de la mise à pied à titre conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif et pour brusque rupture, débouté du surplus de ses demandes, dit que les règles légales et conventionnelles de la procédure de licenciement ont été respectées, enfin en ce qu’il l’a condamné à verser à Pôle emploi la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

statuant à nouveau,

– fixer la rémunération brute mensuelle à hauteur de 4 307,09 euros,

– dire qu’il a été victime de harcèlement moral depuis l’année 2016,

– dire qu’il a été victime d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dite de résultat,

– condamner Pôle emploi à lui verser une indemnité de 60 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice consécutif au harcèlement moral et/ou manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,

– le dire fondé en sa demande de revalorisation de son coefficient au coefficient 400,

– condamner Pôle emploi à lui verser un rappel de salaire à hauteur de 21 116,60 euros bruts, outre 2 111,66 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– enjoindre à Pôle emploi de lui remettre des bulletins de paie du mois de mars 2016 jusqu’au mois d’avril 2018, avec la mention du coefficient 400, de justifier de la régularisation de l’ensemble des charges sociales patronales et salariales conformes à l’arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d’un mois suivant la notification du dit arrêt,

– condamner Pôle emploi à lui verser un rappel de salaire à hauteur de 1 000 euros bruts au titre de la prime “transport”, et 3 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour illégalité de la mise en disponibilité d’office,

– dire le licenciement pour faute grave du 27 avril 2018 nul, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse, au surplus abusif,

– ordonner, à titre principal, la réintégration au sein des effectifs de Pôle emploi à compter du licenciement avec reconstitution de l’ensemble des salaires et de sa carrière depuis son éviction abusive, outre l’indemnité résultant de la période d’inactivité, comme il est dit à l’article 1235-3-1 du code du travail,

– renvoyer les parties à une audience ultérieure à l’effet de conclure utilement sur le montant alloué en cas de réintégration,

– condamner Pôle emploi à lui verser les sommes suivantes :

rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 6 255,15 euros bruts,

congés payés y afférents : 625,51 euros bruts,

– condamner, subsidiairement et à défaut de réintégration, Pôle emploi à verser le montant des sommes suivantes :

rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 6 255,15 euros bruts,

congés payés y afférents : 625,51 euros bruts,

indemnité compensatrice de préavis : 12 921,27 euros bruts,

congés payés y afférents : 1 292,13 euros bruts,

indemnité conventionnelle de licenciement : 40 055,61 euros nets,

dommages et intérêts pour licenciement abusif : 155 055,24 euros nets,

dommages et intérêts pour brusque rupture : 30 000 euros,

– dire que le montant des condamnations à caractère salarial portera intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure du 18 octobre 2018, à tout le moins, le jour de la saisine prud’homale, soit le 27 novembre 2018,

– dire que le montant des condamnations à caractère de dommages et intérêts portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du dit arrêt,

– enjoindre à Pôle emploi de lui remettre son dernier bulletin de salaire, son certificat de travail, son reçu pour solde de tout compte et son attestation Pôle Emploi, le tout conforme au jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document, passé un délai d’un mois suivant la notification de l’arrêt,

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir au sein de l’établissement Pôle Emploi de [Localité 5] et la communication de l’arrêt aux institutions représentatives du personnel,

– dire que la cour d’appel de Rouen se réservera le droit de procéder à la liquidation de l’astreinte pour l’avenir,

– condamner Pôle emploi à lui verser une indemnité complémentaire de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire l’arrêt commun et opposable au Pôle emploi Normandie.

Par conclusions remises le 21 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’Etablissement public Pôle emploi demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a rejeté les demandes avant dire droit présentées par M. [K] [O], dit que M. [K] [O] n’a pas été victime d’agissements de harcèlement moral ni d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, débouté M. [K] [O] de ses demandes indemnitaires relatives au harcèlement moral, à la revalorisation de son coefficient au coefficient 400, de rappel de salaire et des congés payés correspondants ainsi que d’injonction de remise de documents sous astreinte, de paiement au titre de la prime de transport, dit que le licenciement de M. [K] [O] repose sur une faute grave, débouté M. [K] [O] de sa demande de réintégration, débouté M. [K] [O] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés au titre de la mise à pied conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de dommages intérêts pour brusque rupture, débouté M. [K] [O] du surplus de ses demandes, dit que les règles légales et conventionnelles de la procédure de licenciement ont été respectées, débouté le syndicat CGT Pôle emploi Basse Normandie de sa demande de dommages intérêts et celle formulée au titre de l’article 700 code de procédure civile, condamné M. [K] [O] à verser à Pôle emploi la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné le syndicat CGT Pôle emploi Basse Normandie à verser à Pôle emploi la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné M. [K] [O] aux dépens,

statuant à nouveau,

– condamner M. [K] [O] à lui verser une somme de 5.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

M. [K] [O] a signifié la déclaration d’appel et ses conclusions à l’Etablissement public Pôle emploi Normandie le 20 juillet 2021, qui n’a pas constitué.

La procédure a été clôturée à l’audience du 25 avril 2023 avant l’ouverture des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d’observer que le syndicat CGT Pôle emploi Basse Normandie qui était sur la cause en première instance n’a pas interjeté appel et n’intervient pas en cause d’appel.

I – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

I-1 – Sur la classification de l’emploi

M. [K] [O] sollicite le bénéfice d’une revalorisation de son indice, estimant qu’il relève du coefficient 400 échelon 0 depuis sa prise de fonction au poste de responsable de service en mars 2016 en application du principe ‘à travail égal, salaire égal’, puisque ses homologues bénéficiaient tous au minimum du coefficient 400, y compris pour certains qui occupent un rang hiérarchique inférieur au sien, comme Mme [M], son adjointe, qui bénéficiait du coefficient 425 pour la responsabilité des fraudes sur trois départements ou M. [I] du coefficient 400 pour la même responsabilité sur deux départements, alors que lui même était responsable sur 5 départements, qu’il était le seul à participer au Comité de direction Maîtrise des risques à disposer de ce coefficient et à ne pas être au forfait-cadre.

Mettant en avant la contradiction entre cette revendication alors que dans le même temps le salarié soutient que ses responsabilités ont été amoindries, Pôle emploi s’y oppose, en ce que l’argumentation du salarié omet de prendre en compte l’ancienneté dans la fonction, le déroulement de carrière et la grille de classification applicable à Pôle emploi. Il explique que les niveaux et coefficients d’ouverture de ce poste au sein de la Direction régionale étaient ‘Encadrant hautement qualifié’ au coefficient 300 (coefficient 759 dans la nouvelle grille), lequel s’échelonne du coefficient 300 au 325, de sorte que le salarié a été correctement positionné au coefficient 325-1 au regard de son ancienneté et de son déroulement de carrière, que sur 108 membres de l’encadrement intermédiaire au sein de Pôle emploi Normandie, à la date du 28 avril 2018, 27 bénéficiaient du coefficient 325 pour une ancienneté médiane de 18 ans et 14 d’un coefficient inférieur à 300 pour une ancienneté médiane de 18,5 ans, soit 38 % ayant un coefficient inférieur ou égal au salarié, les 66 membres bénéficiant d’un coefficient supérieur à 325 ayant une ancienneté médiane de 24 ans, soit 3 ans de plus que M. [K] [O].

M. [K] [O], qui est devenu responsable du pôle achats/juridique en août 2011, a accédé au coefficient 325 le 1er juillet 2014.

Le coefficient 325 est attribué à un professionnel ou encadrant hautement qualifié relevant de l’échelon 1 qui optimise les méthodes et les moyens.

Cet emploi implique une responsabilité d’encadrement sur une unité nécessitant la mise en oeuvre de techniques multiples, dans le cadre d’une fonction ayant un objectif bien défini, soit un emploi constitué d’activités complexes, requérant une réelle expertise dans un métier.

La responsabilité porte pour les emplois d’encadrement sur le contrôle des règles existantes à partir de consignes élaborées et pour les emplois de professionnel, elle est liée à la production de procédures nouvelles.

En terme d’initiative, l’autonomie est large, elle s’exerce dans le cadre d’objectifs fixés par la hiérarchie et porte sur le choix des moyens et méthodes, sur l’organisation générale du travail. Le contrôle s’exerce a posteriori, au vu des résultats et de l’activité.

Le coefficient 400 s’applique au professionnel ou encadrant confirmé échelon 2 lequel propose des plans d’action et des moyens à mettre en oeuvre dans le cadre d’une politique précise et d’objectifs spécifiques.

Cet emploi conjugue une responsabilité d’encadrement et/ou une responsabilité liée à la maîtrise de techniques multiples voire à une expertise dans un domaine couvrant l’institution. Le titulaire soit traite des problèmes complexes, soit contribue aux résultats et à l’évolution de la vie de l’institution.

Il a une double responsabilité d’appliquer la politique définie par la direction et contribuer à faire évoluer cette politique.

L’initiative s’exerce, soit au niveau de l’organisation du travail, du choix des moyens et des méthodes, soit dans le cadre plus large des politiques de l’institution, en fonction des délégations accordées.

Le coefficient 400 est également celui d’entrée pour le professionnel ou encadrant hautement confirmé.

Il résulte du principe ‘à travail égal, salaire égal’ dont s’inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l’article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l’article 1315 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe ‘à travail égal, salaire égal’ de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l’espèce, en comparant sa situation notamment à celle de Mme [M] qui était son adjointe et à ce titre avait des responsabilités au plus équivalentes aux siennes en qualité de responsable de service au sein du service de prévention des fraudes et affaires sensibles, laquelle avait certes une ancienneté plus importante, mais laquelle était prise en compte au titre d’une prime spécifique d’ancienneté, comme établit par l’examen des bulletins de paie produits par le salarié, M. [K] [O] soumet des éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.

Pour vérifier la pertinence et l’objectivité de cette inégalité, la comparaison doit être opérée avec des salariés disposant d’un même niveau de responsabilité et non nécessairement avec l’ensemble des membres de l’encadrement ou un échantillon de ceux ci comme proposé par l’employeur à travers la communication d’un constat d’huissier du 13 décembre 2019, qui conduit à proposer une comparaison de la situation de M. [K] [O] par des considérations d’ordre générale relatives au taux de salariés ayant un coefficient égal ou inférieur ou ayant un coefficient supérieur au salarié en considération de durées d’ancienneté.

Cette analyse ne permet pas de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant la différence invoquée, dans la mesure où les situations individuelles des cadres sont distinctes en fonction de plusieurs critères objectifs comme notamment le périmètre de leur responsabilité ou leur expérience, éléments non fournis.

Par ailleurs, si l’ancienneté peut justifier des différences de rémunération, c’est à la condition qu’elle ne donne pas déjà lieu au versement d’une prime spécifique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’examen des bulletins de paie de M. [K] [O] révélant le versement d’une prime d’ancienneté indépendante de la rémunération de base.

Ainsi, l’employeur est défaillant dans la charge de la preuve lui incombant.

La cour infirme donc le jugement entrepris ayant débouté M. [K] [O] de sa demande de rappel de salaire.

Non spécifiquement discuté, le rappel de salaire sollicité pour une classification de l’emploi au coefficient 400 est accordé pour un montant de 21 116,60 euros bruts, outre les congés payés afférents.

Pôle emploi devra remettre à M. [K] [O] un bulletin de paie récapitulatif des sommes dues mentionnant le coefficient 400 et justifier de la régularisation des charges sociales et patronales, sans que les circonstances justifient le prononcé d’une astreinte.

I-2 – Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L’article L. 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, M. [K] [O] fait valoir que son employeur l’a volontairement confronté à une dégradation significative de ses conditions de travail à compter de mars 2016, date de sa prise de fonction en qualité de responsable du service de prévention des fraudes et affaires sensibles en :

– ne lui faisant bénéficier d’aucun suivi ni soutien de la hiérarchie,

– se trouvant confronté à une hiérarchie hostile exigeant de lui une disponibilité constante,

– subissant le retrait progressif des attributions de son service avec disparition de 7 prérogatives du chef de service entre les 30 juin 2016 et 10 juillet 2017,

– ne justifiant pas objectivement le choix de M. [K] [R] dans le processus de sélection du candidat au poste de directeur de la Maîtrise des risques,

– ne lui accordant pas un niveau de rémunération en lien avec ses responsabilités.

Il n’est pas établi une exigence de disponibilité constante du salarié, dès lors que la seule difficulté relevée étant afférente à un échange de mails avec Mme [F], alors directrice Maîtrise des risques, à la suite du retard du salarié au rendez-vous qu’elle lui avait fixé à la suite de sa prise de fonction, lui demandant qu’à l’avenir, les rendez-vous entre eux soient bien calés et en cas de retard qu’il la prévienne sur son portable, ce qui constitue un rappel des règles élémentaires quant au respect des rendez-vous fixés.

Il ne peut non plus être retenu un choix non objectif pour pourvoir le poste de directeur de la Maîtrise des risques, auquel le salarié avait candidaté et qui a été obtenu par M. [K] [R], alors que le salarié n’a pas été au terme de la procédure de recrutement en refusant de se rendre à l’entretien fixé dans le cadre du processus de sélection du candidat, estimant inutile d’honorer le rendez-vous fixé le 17 août 2017 aux termes d’échanges évoquant le fait qu’il aurait des informations selon lesquels le choix aurait déjà été arrêté sur la personne de M. [K] [R], sans que cette allégation du salarié ne soit corroborée par aucun élément.

Au demeurant, l’employeur justifie de ce que M. [R] disposait d’une plus grande ancienneté au sein de l’institution, mais aussi en qualité de cadre.

Contrairement à ce qu’il allègue, le salarié a été informé du détachement de Mme [G] [F] auprès de la Direction de l’inspection générale et du contrôle interne comme les autres responsables de service le 2 mai 2017, jour de l’effectivité de la mesure, puis de sa nomination au poste d’inspectrice générale à la Direction Maîtrise des Risques à compter du 1er juin 2017 le 7 juin 2017.

En revanche, le salarié présente des faits répétés qui pris dans leur ensemble ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel en ce que :

– pour les motifs sus développés, il n’a pas été rémunéré à la hauteur de ses responsabilités et en tout cas, il a subi une inégalité de traitement,

– il a sollicité à plusieurs reprises dès le 11 mars 2016 de pouvoir bénéficier du forfait cadre, sans obtenir de réponse positive, voire même de réponse, Mme [F] lui répondant qu’un tel forfait était à la discrétion exclusive de la direction régionale, que rencontrant Mme [U] [Y], directrice des ressources humaines le 13 avril 2016 , ses demandes au titre de son coefficient d’emploi et du forfait cadre étaient rejetées, que son recours préalable à la saisine de la Commission de l’article 39 de la convention collective auprès de la directrice régionale le 1er février 2017 est resté sans réponse et son recours hiérarchique auprès du directeur régional adjoint, M. [H] [E], transmis le 2 mai 2017 a été supprimé le 17 mai 2017 sans être lu par son destinataire.

Finalement, il a saisi la Commission de l’article 39 de la convention collective d’un recours le 16 janvier 2018,

– des attributions de son service ont été retirées entre les 30 juin 2016 et 10 juillet 2017 ainsi que cela résulte de l’examen comparatif des descriptifs des activités du salarié en qualité de responsable de service qui permet de constater les différences suivantes :

– au titre du pilotage et stratégie, il n’est plus mentionné qu’il :

– élabore les plans d’actions de son service en définissant la contribution de son ou ses équipes à l’atteinte des objectifs

– organise sur son périmètre d’intervention le déploiement opérationnel des projets nationaux en lien avec les autres services de Pôle emploi

– pilote par les résultats les activités de son service

– au titre de l’organisation, il a perdu la coordination et validation de la planification des activités de son service en mobilisant les outils de management de la qualité et de la maîtrise des risques,

– au titre de l’animation d’équipe : pas de modification,

– au titre de des relations avec le réseau externe, il n’a plus en charge le suivi et l’évaluation de la qualité des contrats avec les prestataires

– au titre des relations avec le réseau interne : aucun changement,

– au titre des relations de services, il perd l’activité de proposition des actions correctives à son responsable de fonction, sur la base des analyses des réclamations et résultats des contrôles et enquête de satisfaction internes et/ou externes.

Il présente ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

L’employeur, qui rappelle que jusqu’à la présente procédure, M. [K] [O] n’avait jamais fait état d’un harcèlement moral qu’il aurait subi, n’a jamais utilisé le dispositif de prévention et traitement des risques professionnels mis en place au sein de l’institution, ni signalé une telle situation lors de ses entretiens d’évaluation ou par tout autre moyen, fait valoir que les accusations portées ne sont pas avérées et sont de pure opportunité, que le salarié a été déclaré apte sans réserve par le médecin du travail le 4 septembre 2014 et n’a fait l’objet d’aucun arrêt de travail prolongé depuis sa nomination comme responsable du service Prévention des fraudes et affaires sensibles, qu’il a exercé son pouvoir normal de direction et d’organisation en lui rappelant les règles élémentaires de courtoisie s’agissant le respect des heures de rendez-vous, ne lui a pas accordé le bénéfice de la convention de forfait-jours comme ne répondant pas aux conditions pour ce faire et qu’il ne lui a jamais été retiré des attributions, la différence entre juin 2016 et juillet 2017, s’expliquant par la réalité des tâches accomplies.

Sur la demande au titre de la convention de forfait, Pôle emploi explique que Mme [Y], directrice des ressources humaines a reçu M. [K] [O] le 13 avril 2016 pour lui expliquer les motifs pour lesquels il n’y était pas éligible, puisqu’en application des dispositions conventionnelles, sont éligibles les cadres de droit privé autonomes dans la gestion de leur temps de travail quotidien qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein du service ou de l’équipe au sein de laquelle ils sont intégrés et qui sont rémunérés au moins au coefficient de base 350.

Néanmoins, alors que le salarié aurait dû être rémunéré sur la base du coefficient 400 pour les motifs sus développés, et qu’au sein de la direction Maîtrise des risques, seul M. [P] [I] ne bénéficiait pas d’une convention de forfait, il n’est pas produit d’éléments objectifs justifiant le refus opposé au salarié d’en bénéficier quand bien même ses fonctions n’impliquaient pas qu’il en bénéficie nécessairement et cette différence de traitement dénoncé par le salarié de manière répétée depuis son changement de fonction n’est justifiée par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.

Sur le retrait des fonctions, si l’employeur invoque une analyse erronée du salarié puisque le descriptif des fonctions actualisé s’opère à partir de l’entretien professionnel annuel pour être le reflet de l’activité effectivement réalisée à un instant donné, néanmoins, il n’est pas produit l’entretien annuel d’évaluation permettant de le vérifier, et même si aucun modification n’a été apportée au périmètre des délégations de signature, cette circonstance ne suffit pas à établir que la réduction des missions ne relevait pas de l’initiative de l’employeur.

Ainsi, l’employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement présentés par M. [K] [O] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aussi, le harcèlement moral est établi et la cour infirme en ce sens le jugement entrepris.

Alors que le préjudice financier est réparé par un rappel de salaire au titre du coefficient 400, que M. [K] [O] n’apporte aucun élément permettant d’apprécier plus amplement les conséquences dommageables qu’il a eu pour lui, mais compte tenu des circonstances du harcèlement subi et de sa durée, le préjudice en résultant est réparé par l’octroi de la somme de 3 000 euros.

I-3 – Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Il résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Par ailleurs, l’article L.1152-4 du même code impose à l’employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Cette obligation de prévention est distincte de celle résultant de l’article L.1152-1. Aussi, la méconnaissance de chacune des obligations, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents pour le salarié, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

En l’espèce, M. [K] [O] ne présente pas une demande distincte de celle afférente au harcèlement moral, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce point dès lors que le harcèlement moral a été retenu.

I- 4 – Sur la prime transport

Invoquant une disparité de traitement entre les salariés des départements de la Seine-Maritime et de l’Eure avec ceux de la Manche, de l’Orne et du Calvados, laquelle n’est justifiée par aucun élément objectif, M. [K] [O] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser un rappel à hauteur de 1 000 euros au titre de la prime de transport dont il a été privé.

Pôle emploi s’y oppose aux motifs que les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. En l’espèce, l’indemnité de transport bénéficiant aux agents de pôle emploi travaillant sur le territoire de la Haute Normandie a été instituée par un accord collectif conclu le 27 août 2002 et malgré la fusion des Assedic et de l’Anpe par la loi n°2008-126 du 13 février 2008 l’application de cet accord a été maintenu et cette volonté du maintien des accords comportant des dispositions plus favorables a été formalisée dans le préambule de la convention collective. Dès lors, en l’absence de modification du champ d’application géographique de l’accord collectif par le regroupement de Pôle emploi Basse-Normandie et Haute Normandie, il n’y a pas lieu de l’appliquer sur tout le territoire normand.

Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de l’entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

En l’espèce, alors que la prime de transport allouée aux salariés de Seine-Maritime et de l’Eure résulte d’un accord collectif dont les dispositions ont été maintenues en dépit des évolutions de la structure de l’employeur, que la convention collective nationale de Pôle emploi a expressément prévu le maintien des dispositions plus favorables des accords locaux existant à la date de son entrée en vigueur, que le champ d’application géographique n’avait pas été modifié au cours de l’exécution du contrat de travail de M. [K] [O], il existe une présomption de justification de la différence de traitement ainsi opérée.

Il convient d’ailleurs d’observer que saisie de ce problème par le SNAP Normandie, la Dirrecte avait sollicité des explications de la part de l’employeur et la réponse apportée par la directrice régionale, Mme [V] [X] [A] a paru satisfactoire, même s’il était prévu que la question donne lieu à négociation dans un processus d’harmonisation.

Faute pour M. [K] [O] de démontrer que la différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle, la simple constatation du traitement différent ne constituant pas cette démonstration, c’est à raison qu’il a été débouté de la demande au titre du rappel de prime par les premiers juges qui sont ainsi confirmés.

II – Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

M. [K] [O] soutient que son licenciement est nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que Pôle emploi a violé les règles procédurales en matière disciplinaire et ses droits de défense, qu’il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits, qu’en tout état de cause, il conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés.

II-1 – Sur la nullité du licenciement

Si le salarié évoque l’engagement de la procédure de licenciement quelques jours après sa saisine de la commission paritaire à l’occasion de laquelle il demandait qu’il soit mis fin aux manoeuvres de la direction régionale de Pôle emploi à l’encontre de sa carrière, néanmoins, alors que la procédure disciplinaire a été diligentée à la suite d’un signalement de deux salariées, en raison d’un comportement inadapté du salarié survenu le 11 janvier 2018, aucun lien n’est établi entre la dénonciation des faits de harcèlement moral dont le salarié se disait victime et le licenciement, ni davantage avec la situation discriminatoire à raison de son parcours et de ses revendications.

Par ailleurs, les éventuelles irrégularités affectant la procédure de licenciement, afférentes au respect des dispositions conventionnelles relatives au délai de convocation du salarié en entretien préalable après possibilité offerte de consulter son dossier ou encore la notification du licenciement sur demande motivée du directeur d’établissement, n’ont pas pour effet de le rendre sans cause réelle et sérieuse s’agissant d’irrégularités de procédure, lesquelles donnent lieu à indemnité si le licenciement est dit fondé.

Enfin, la qualité des éléments apportés par l’employeur pour établir la réalité des griefs, notamment en lien avec les conditions dans lesquelles l’enquête a été menée, doit être appréciée pour accorder ou non force probante aux éléments produits au soutien du licenciement.

II-2 – Sur la violation de la règle non bis in idem

M. [K] [O] soutient que sa mise en disponibilité provisoire s’apparente à une mise à pied disciplinaire, comme étant une mesure prise alors qu’aucune procédure disciplinaire n’était engagée, compte tenu de sa durée comprise entre le 23 février et le 9 mars 2018.

Pôle emploi s’y oppose aux motifs que la mise en disponibilité provisoire ne constitue pas une sanction disciplinaire s’agissant d’une mesure provisoire adaptée à la situation et comme n’ayant pas une durée excessive.

Aux termes de l’article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il est admis que l’employeur peut prendre, préalablement à la procédure de licenciement, des mesures provisoires adaptées destinées à garantir les intérêts de l’entreprise pourvu qu’il n’en résulte pas, sans accord du salarié, une modification durable du contrat de travail.

En l’espèce, à la suite du signalement effectué le 11 janvier 2018 par Mme [D] [J], choquée du comportement de M. [K] [O] lors de cette journée de travail auprès de M. [K] [R], directeur de la Maîtrise des risques, lequel était aussi destinataire le 22 janvier 2018 d’un mail adressé par Mme [Z] [L] pour lui demander un rendez-vous, qui a été organisé le 26 janvier 2018 à [Localité 7] et au cours duquel elle a évoqué des faits qu’elle a qualifié de harcèlement sexuel, il a été décidé l’audition de M. [K] [O] et des sept autres salariés de la direction concernée, entretiens menés les 12 et 13 février 2018 à [Localité 5], lesquels ont donné lieu à une synthèse.

Les deux salariées mettant en cause M. [K] [O] ont également rédigé des attestations datées des 22 février 2018 pour Mme [D] [J] et 23 février 2018 pour Mme [L].

Par remise en mains propres le 23 février 2018, a été notifiée au salarié sa mise en disponibilité provisoire rémunérée afin de permettre la poursuite sereine de l’enquête à la suite de l’alerte faite par un agent du service, précision étant faite qu’il ne s’agissait ni d’une sanction, ni d’une mise à pied mais d’une mesure provisoire adaptée à la situation actuelle.

Suite au courrier du conseil du salarié adressé à Pôle emploi le 8 mars 2018 sollicitant notamment les motifs justifiant sa mise en disponibilité provisoire, le 9 mars 2018, l’employeur a adressé la convocation du salarié en entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu’au licenciement et lui a notifié dans le même temps sa mise à pied conservatoire.

Il en résulte que la mise en disponibilité provisoire du salarié, préalable à l’engagement de la procédure disciplinaire, n’avait pas pour objet de permettre le déroulement serein de l’enquête interne rendue nécessaire après la révélation de faits graves au sein du service dont le salarié avait la responsabilité, puisqu’aucune diligence n’a été accomplie entre sa mise en disponibilité sur une durée particulièrement significative de 15 jours et sa mise à pied à titre conservatoire.

Il s’en déduit que cette mise en disponibilité s’analyse comme étant une sanction affectant sa présence au sein de Pôle emploi pour les faits qui avaient été portés à la connaissance de l’employeur, qui dès lors a épuisé son pouvoir disciplinaire à leur égard.

En conséquence, le licenciement pour faute grave, en ce qu’il repose sur les mêmes faits et qu’aucun fait postérieur n’est visé, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

II-3 – Sur les conséquences du licenciement

M. [K] [O] sollicite des dommages et intérêts au titre de l’illégalité de la mise en disponibilité d’office.

Dès lors que cette mesure requalifiée en sanction, entraîne pour conséquence le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement avec toutes conséquence de droit, il n’est pas établi l’existence d’un préjudice distinct demeuré non indemnisé justifiant l’octoi d’une indemnisation autonome à ce titre.

Le salarié est donc débouté de cette demande, par arrêt confirmatif.

La demande de réintégration est également rejetée dès lors qu’aucune nullité du licenciement n’a été prononcée.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, sur la base d’un salaire de 4 307,09 euros compte tenu du coefficient qui lui est applicable, M. [K] [O] est fondé à obtenir paiement des sommes suivantes :

rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire : 6 255,15 euros

congés payés afférents : 625,51 euros

indemnité compensatrice de préavis d’une durée de 3 mois en application de l’article 35 de la convention collective : 12 921,27 euros

congés payés afférents : 1 292,12 euros

indemnité conventionnelle de licenciement :

selon l’article 36 de la convention collective, en considération d’une ancienneté de 21 ans et 3 mois, préavis inclus, suivant le calcul auquel a procédé le salarié, non critiqué par l’employeur : 40 055,61 euros.

S’agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] [O] sollicite son indemnisation à hauteur de 36 mois de salaire alors que l’article L.1235-3 du code du travail prévoit pour une ancienneté de 21 ans une indemnité comprise entre 3 et 16 mois de salaire, considérant qu’il y a lieu d’écarter l’application de cette disposition qui viole notamment l’article 24 de la Charte européenne des Droits sociaux.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Au contraire, les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l’encontre d’autres particuliers et qui, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale de la convention, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire, sont d’effet direct en droit interne.

Néanmoins, les dispositions des articles L. 1235-3 , L. 1235-3 -1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée et il convient de rejeter la demande tendant à les voir écartées.

Si M. [K] [O] a rencontré des difficultés importantes pour faire valoir ses droits à l’allocation de retour à l’emploi, ils ont été néanmoins rétablis certes avec retard mais dans les conditions conformes à ses droits.

Au 24 mars 2023, il justifie toujours de son indemnisation au titre des prestations chômage.

Il convient néanmoins d’observer qu’il ne justifie d’aucune démarche active depuis la rupture du contrat de travail en vue de rechercher une insertion professionnelle pérenne.

Aussi, la cour lui accorde la somme de 50 000 euros.

M. [K] [O] sollicite réparation du préjudice résultant de la brusque rupture du contrat de travail.

Néanmoins, alors qu’il est indemnisé de la perte de son emploi, que la procédure a été mise en oeuvre par l’employeur en raison de l’alerte de deux salariées évoquant des faits de harcèlement sexuel, le fait que M. [K] [O] soit écarté de son service dans ces circonstances n’apparaît pas en soi fautif et dès lors il convient de rejeter la demande à ce titre.

Les conditions de l’article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.

Compte tenu de l’issue du litige, Pôle emploi devra remettre à M. [K] [O] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes à caractère salarial dues, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail conformes à la présente décision.

Les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau d’orientation et de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Aucune circonstance ne justifie d’ordonner la publication du présent arrêt au sein de l’établissement Pôle emploi de [Localité 5] et de le communiquer aux institutions représentatives du personnel.

III – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, Pôle emploi est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [K] [O] la somme de 3 000 euros pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l’appel, publiquement par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [K] [O] de ses demandes au titre du rappel de prime de transport, de dommages et intérêts pour illégalité de la mise en disponibilité d’office et pour brusque rupture du contrat de travail ;

L’infirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne Pôle emploi à payer à M. [K] [O] les sommes suivantes :

rappel de salaire au titre du coefficient 400 : 21 116,60 euros bruts

congés payés afférents : 2 111,66 euros bruts

dommages et intérêts en réparation du

harcèlement moral : 3 000,00 euros

rappel de salaire au titre de la mise à pied

conservatoire : 6 255,15 euros

congés payés afférents : 625,51 euros

indemnité compensatrice de préavis : 12 921,27 euros

congés payés afférents : 1 292,12 euros

indemnité conventionnelle de licenciement : 40 055,61 euros

dommages et intérêts pour licenciement

sans cause réelle et sérieuse : 50 000,00 euros

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau d’orientation et de conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Ordonne la remise par Pôle emploi à M. [K] [O] d’un bulletin de paie récapitulatif des sommes dues au titre du rappel de salaire mentionnant le coefficient 400 et des sommes salariales accordées au titre de la rupture du contrat de travail, d’un certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt et la justification de la régularisation des charges patronales et salariales ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Ordonne le remboursement par Pôle emploi aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. [K] [O] dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision ;

Rejette la demande visant à ordonner la publication du présent arrêt au sein de l’établissement Pôle emploi de [Localité 5] et de le communiquer aux institutions représentatives du personnel ;

Condamne Pôle emploi aux entiers dépens de première d’instance et d’appel ;

Condamne Pôle emploi à payer à M. [K] [O] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute Pôle emploi de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente

 


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