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DLP/CH
[W] [P]
C/
S.A.S. LES PETITS FILS DE VEUVE AMBAL prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00757 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F2FE
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, section Industrie, décision attaquée en date du 22 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 18/642
APPELANT :
[W] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par M. [Y] [U] (Délégué syndical ouvrier), muni d’un pouvoir en date du 9 mai 2023
INTIMÉE :
S.A.S. LES PETITS FILS DE VEUVE AMBAL prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Marie RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, et Me Christine ETIEMBRE de la SELAS CABINET JURIDIQUE SAONE RHONE, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sylvaine ASTRUC, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique devant la Cour composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre, Président,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société Les Petits fils de Veuve Ambal (la société Ambal) fabrique et commercialise des crémants de Bourgogne.
Elle a engagé M. [P] en qualité de technicien de maintenance à compter du 12 septembre 2011, coefficient III A, tel que prévu par la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops spiritueux et liqueurs de France (la CCN) applicable à la relation contractuelle.
M. [P] a été élu membre titulaire au sein de la délégation unique du personnel en 2014 et également désigné délégué syndical par force ouvrière.
Sa désignation en tant que délégué syndical a été renouvelée en mai 2018.
Par lettre recommandée du 6 mai 2013, la société Ambal a notifié à M. [P] une mise à pied disciplinaire d’une journée effectuée le 15 mai 2013 pour des retards entre le 7 janvier et le 17 avril 2013.
Par lettre recommandée du 17 avril 2014, elle l’a alerté sur ses retards lors de sa prise de poste et l’a invité à ne plus les réitérer.
Par lettre recommandée du 5 mai 2014, elle a notifié à M. [P] un avertissement pour un manquement à ses obligations professionnelles, lui reprochant de ne pas être intervenu, le 25 avril 2014, sur un problème d’orientation concernant le capsulateur 7000 et d’avoir fait preuve d’un manque de réactivité dans l’exercice de ses fonctions.
Par lettre recommandée du 29 juillet 2014, elle lui a notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours, effectuée les 3, 4 et 5 octobre 2014, pour un nouveau manquement aux horaires de travail, ainsi que des propos insultants à l’égard d’un apprenti atteint d’un handicap auditif.
Par lettre recommandée du 30 juillet 2015, M. [P] s’est encore vu notifier une mise à pied disciplinaire à effectuer le 2 septembre 2015, pour ses nombreux retards, malgré les avertissements et les rappels à l’ordre antérieurs.
Par lettre en réponse du 23 septembre 2015, le salarié a contesté la sanction disciplinaire, en indiquant que ses absences étaient en réalité des heures de délégation, ce qui l’a empêché de pointer ses horaires.
Par lettre recommandée du 9 novembre 2015, la société Ambal a, dès lors, annulé la sanction disciplinaire.
Par courrier recommandé du 3 février 2017, elle a de nouveau sanctionné M. [P] par une mise à pied disciplinaire à effectuer les 14, 15 et 16 février 2017, en raison de nombreux retards lors de sa prise de poste, malgré les rappels à l’ordre antérieurs.
Par lettre recommandée du 1er mars 2017, M. [P] a contesté cette sanction disciplinaire, estimant que ses retards étaient sans conséquence sur l’organisation de l’activité de la société laquelle a cependant a maintenu la mise à pied par lettre du 2 mai 2017.
Par courrier recommandé du 6 novembre 2017, le salarié a sollicité un rappel de salaire correspondant à la classification VIII A.
Par lettre du 14 mars 2018, la société Ambal a rejeté sa demande en précisant que le statut VIII A correspondait à des activités exigeant un niveau de compétence d’un poste de cadre, fonction que le salarié n’avait jamais assumée.
C’est dans ce contexte que M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes, par requête déposée le 9 octobre 2018, aux fins d’obtenir des rappels de salaires et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Il a par la suite sollicité, à titre provisionnel, la communication par la société Ambal du contrat de travail de M. [S], ainsi que ses bulletins de salaire.
Par décision du 29 novembre 2018, le bureau de conciliation a rejeté cette demande aux motifs qu’elle ne remplissait pas les conditions d’application des articles L. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail et se heurtait au respect de la vie privée de M. [S].
Par une nouvelle requête déposée le 18 janvier 2019, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Par jugement du 22 octobre 2021, le conseil de prud’hommes a ordonné la jonction des procédures et rejeté l’ensemble des demandes du salarié.
M. [P] a relevé appel de cette décision.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 1er février 2022, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré,
– condamner la société Ambal à lui payer :
* 10 080 euros à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2014 à octobre 2017, outre 1 008 euros de congés payés afférents,
* 4 374 euros à titre de rappel de salaire pour la période de novembre 2017 à décembre 2018, outre 437,40 euros de congés payés afférents,
– condamner la même à reprendre le salaire par rapport à un niveau VIII, échelon A, à partir du 1er janvier 2019, avec l’indemnité compensatrice de congés payés afférentes, jusqu’à la décision de la cour d’appel,
– condamner la société Ambal à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Ambal de la convocation devant le bureau de conciliation,
– la condamner à lui verser 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2022, la société Ambal demande à la cour de :
– dire et juger que le poste occupé par M. [P] relève de la classification conventionnelle niveau III, échelon A,
– dire et juger que la mention apposée dans le contrat de travail est une erreur matérielle,
– dire et juger prescrites les demandes de rappel de salaire de M. [P] pour la période antérieure au 9 octobre 2015,
– dire et juger qu’elle a exécuté loyalement le contrat de travail,
– dire et juger qu’elle n’a commis aucune inégalité de traitement injustifiée et ne s’inscrit pas dans un comportement discriminatoire à l’encontre de M. [P],
– dire et juger que M. [P] ne justifie pas d’un quelconque préjudice,
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
– condamner M. [P] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SCP Soulard.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera liminairement relevé que le jugement déféré n’est pas remis en cause en ce qu’il rejette la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale. En effet, M. [P] ne reprend pas cette prétention dans le dispositif de ses conclusions qui, seul, lie la cour.
SUR LES DEMANDES DE RECLASSIFICATION ET DE RAPPEL DE SALAIRE AFFÉRENTES
M. [P] soutient qu’il relève du niveau VIII, échelon A, de la CCN applicable et sollicite un rappel de salaire sur cette base de novembre 2014 à décembre 2018, puis la poursuite de ce paiement jusqu’au prononcé du présent arrêt. A cet effet, il se reporte aux termes de son contrat de travail qui vise cette classification et à ses bulletins de salaire. Il compare également sa situation à celle de M. [S] qui occupaient les mêmes fonctions que lui et relevait de cette classification.
En réponse, la société Ambal s’oppose et rétorque que le contrat de travail est affecté d’une erreur matérielle en ce que le poste de technicien de maintenance pour lequel le salarié a été recruté ne correspond pas à la classification revendiquée et mentionnée au contrat.
Saisi d’une contestation sur la classification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer sans autre considération que l’examen des fonctions réellement exercées. Il doit les comparer a la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l’emploi, les dispositions des conventions collectives devant s’appliquer à la lettre. Lorsque la convention collective prête à interprétation, il convient de faire prévaloir l’interprétation qui rapproche le plus le classement des fonctions exercées.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique, avec éventuellement un rappel de salaires conforme au minimum conventionnel en vigueur.
Ici, l’article 1 du contrat de travail de M. [P] mentionne qu’il est recruté au niveau VIII, échelon A, de la CCN applicable, en qualité de technicien de maintenance. Il est en outre convenu que le salarié effectuerait les remplacements du responsable maintenance lors des prises de congés. Ses bulletins de salaire indiquent également ce niveau de classification qui correspond au statut cadre.
Or, il est jugé que les mentions portées sur le bulletin de paie, l’attribution d’un salaire nettement supérieur au salaire minimum correspondant à l’emploi exercé ou encore les mentions du contrat travail ne sont que des indices insuffisants à contrebalancer la méthode de la comparaison des fonctions réellement exercées avec la classification de la convention collective.
La convention collective applicable à la relation contractuelle définit le poste d’ouvrier classé niveau III, échelon A, comme suit :
« chef d’équipe : au niveau III, le salarié peut avoir, tout en assurant son travail, la coordination du travail d’une équipe qui, en général, ne dépasse pas dix travailleurs, sans assumer les responsabilités hiérarchiques d’un agent de maîtrise ». (pièce B4)
Le poste de cadre niveau VIII échelon A est quant à lui défini en ces termes :
« cadres et ingénieurs ayant plus d’un an d’expérience et pouvant exercer des fonctions de commandement et d’animation sur des personnels des positions hiérarchiques moins élevées ou exerçant une activité exigeant un haut niveau de compétence ». (pièce B5)
M. [P] expose qu’il assurait le remplacement du responsable maintenance lors de ses congés et qu’il pouvait ainsi intervenir sur les sites de [Localité 5] ainsi qu’en région PACA. Or, le salarié renverse la charge de la preuve en exigeant de l’employeur qu’il justifie lui avoir confié des tâches et une rémunération correspondant aux mentions figurant dans son contrat de travail alors qu’il lui appartient de démontrer qu’il effectuait les tâches d’un cadre tel que définies par la CCN. Il ne prétend pas, au demeurant, disposer du niveau de compétence requis. Les pièces et, notamment les attestations (pièces 21 à 25 et 30), qu’il verse aux débats sont inopérantes et, en tout état de cause, insuffisantes à rapporter cette preuve en ce qu’elles ne donnent aucune précision sur les missions réellement confiées au salarié, étant au surplus relevé que les attestations sont rédigées dans des termes strictement identiques. M. [P] se compare à M. [S] qui était agent de maîtrise depuis le 1er janvier 2018 (niveau V, échelon B), ce qui est exclusif de la classification revendiquée par l’intéressé. Au surplus, le remplacement ponctuel sur un poste de qualification supérieure n’est pas de nature à conférer cette qualification si elle ne relève pas de l’activité principale du salarié, étant encore observé que le responsable de maintenance était classé au niveau V échelon B de la CNN au moment de l’embauche de M. [P], soit à un niveau inférieur à celui réclamé par ce dernier (pièce B8 de l’employeur). Enfin, la rectification de l’erreur matérielle sur le contrat de travail ne saurait s’analyser en une modification du contrat de travail.
Le premier juge a pertinemment relevé qu’au vu de la durée hebdomadaire de travail, de la définition contractuelle de ses missions et de ses entretiens d’évaluation, M. [P] était appelé à exercer des fonctions similaires à celles décrites au niveau III échelon A et que l’employeur n’a jamais eu l’intention de le surclasser.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de reclassification de M. [P] et ses demandes de rappel de salaire afférentes.
SUR L’EXÉCUTION DÉLOYALE DU CONTRAT DE TRAVAIL
M. [P] se prévaut de l’exécution déloyale de son contrat de travail par l’employeur au titre du non-respect de la CCN. Il se réfère à ce titre au non-respect de la classification qui lui a été appliquée.
Il est constant que l’employeur, au même titre que le salarié, a l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. Il se doit ainsi de respecter les règles légales, conventionnelles, contractuelles ou simplement d’usage dont il a connaissance et est notamment tenu d’une obligation de sécurité de moyen renforcé.
La preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur doit être rapportée par le salarié qui l’allègue.
En l’espèce, il a été précédemment jugé que M. [P] ne relevait pas de la classification cadre de sorte que la société Ambal n’a pas manqué à ses obligations conventionnelles, aucun autre manquement n’étant allégué à son égard.
Il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts du salarié.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. [P], qui est à l’origine d’un appel non fondé, doit prendre en charge les entiers dépens d’appel et supporter, à hauteur de cour, une indemnité au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] et le condamne à payer complémentairement en cause d’appel à la société Les petits-fils de veuve Ambal la somme de 1 500 euros,
Condamne M. [P] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Kheira BOURAGBA Olivier MANSION