Mise à pied disciplinaire : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00076

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Mise à pied disciplinaire : 7 juillet 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00076
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ARRET N° 23/133

R.G N° 22/00076 –

N° Portalis

DBWA-V-B7G-CKBC

Du 07/07/2023

S.A.S. TRANSFOM

C/

[P]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 07 JUILLET 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 25 Mars 2022, enregistrée sous le n° 20/00415

APPELANTE :

S.A.S. TRANSFOM

prise en la personne de son representant legal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIME :

Monsieur [R] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Alizé APIOU-QUENEHERVE, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

– Madame Anne FOUSSE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 19 mai 2023,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 07 juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.

ARRET : Contradictoire

************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 4 avril 2005, M. [R] [P] a été embauché par la SAS Transform en qualité de technicien-gabiste, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 376 euros, pour 152 heures de travail.

M. [P] a été élu délégué du personnel, le 22 mai 2018.

Par lettres recommandées avec avis de réception des 9 janvier 2020 et 15 mai 2020, la SAS Transform a notifié au salarié deux avertissements.

Le 10 septembre 2020, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 29 septembre 2020.

Puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 19 octobre 2020, l’employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours ouvrables, du jeudi 12 au lundi 16 novembre 2020.

Le 3 décembre 2020, M. [R] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour obtenir l’annulation de la sanction de mise à pied disciplinaire et le paiement d’un rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre des dommages-intérêts, pour harcèlement et discrimination syndicale.

Par jugement contradictoire du 25 mars 2022, le conseil de prud’hommes a :

condamné la SAS Transform à verser à M. [P] la somme de 328,92 euros, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

condamné la même à la somme de 700 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

débouté la SAS Transform de sa demande reconventionnelle.

Le conseil a, en effet, considéré que le paiement du rappel de salaire était justifié par l’absence de production du règlement intérieur par l’employeur qui ne démontrait pas la bonne application de la sanction de mise à pied. Il a aussi estimé le harcèlement moral et la discrimination syndicale non avérées par la production par M. [P] d’éléments laissant supposer leur existence.

Par déclaration électronique du 5 mai 2022, la SAS Transform a relevé appel du jugement.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, le conseiller de la mise en état, statuant sur incident, a déclaré l’appel relevé par la SAS Transform recevable.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2023, l’appelante demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il a invalidé la sanction de mise à pied et l’a condamnée au paiement du rappel de salaire et, en conséquence de débouter M. [P] de ce chef de prétention.

Elle sollicite encore le paiement de la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir que la mise à pied infligée au salarié respecte les termes du règlement intérieur. Elle souligne avoir justifié les griefs reprochés au salarié, qui se montent à onze en l’espace de deux mois. Elle affirme que ce dernier échoue à démontrer que la sanction a un rapport avec la visite de la DIECCTE dans l’entreprise, le 13 juillet 2020 qui a eu lieu sur l’initiative de M. [P].

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et discrimination syndicale formée par le salarié, elle indique que ce dernier ne produit aucun élément laissant supposer des faits caractéristiques de harcèlement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, l’intimé demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts, et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner la SAS Transform à lui verser la somme de 5 000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement et de la discrimination syndicale.

Il demande la confirmation de la décision pour le surplus et la condamnation de l’appelante à lui verser la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

S’agissant de la mise à pied disciplinaire, l’intimé s’étonne de ce que l’employeur lui fasse des reproches qui ont trait au traitement de valeurs alors que cela ne rentre pas dans ses attributions et de ce que la sanction ait été mise à exécution à distance des faits commis. Il estime que l’employeur ne rapporte pas la preuve des griefs qui lui sont imputés. Il fait valoir encore que la sanction est disproportionnée.

Sur le harcèlement moral et la discrimination, il se plaint d’un acharnement de l’employeur et d’une surveillance constante.

MOTIVATION

Sur la sanction disciplinaire de mise à pied :

Selon les dispositions de l’article L 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Aux termes de l’article L 1333-1 du même code, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article suivant du même code précise que la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, les premiers juges, même s’ils ont omis de le dire expressément ont annulé la mesure de mise à pied disciplinaire et condamné l’employeur à payer à M. [P] les jours correspondant à la sanction.

Les griefs faits au salarié sont contenus dans la lettre de notification du 19 octobre 2020 et sont reproduits ci-dessous intégralement.

« (‘) Nous vous rappelons, ci-dessous, les faits qui vous sont reprochés et qui ont été abordés lors de cet entretien.

. Faits reprochés : Crédit Agricole [Localité 4]

Le jeudi 16 juillet 2020, dans le cadre de l’exercice de vos missions, en votre qualité de technicien Gabiste, et conformément à votre circuit d’affectation ([Localité 5] ‘ Nord), vous étiez en charge notamment pour le site du [Localité 4] de notre client Crédit Agricole :

du conditionnement de versement client en vue de leur récupération par le personnel transporteur de fonds ;

du transfert des fonds livrés par les transporteurs et destinés à l’agence, conformément à la procédure en vigueur, eu égard à la configuration particulière des locaux sites du [Localité 4].

En effet, depuis février 2019, la procédure mise en place et appliquée pour ce site, conformément à la prestation demandée par notre client, dans le respect des règles de sécurité qui réglemente notre activité, impose le passage du Technicien Gabiste, le jeudi obligatoirement entre 7h30 et 9h30.

La contrainte horaire imposée, eu égard à la configuration particulière des locaux, permet le transfert des fonds destinés à l’agence dans un espace dédié, et ce avant l’ouverture de l’agence au public.

Pour autant, ce jeudi 16 juillet 2020, vous n’avez pas respecté cette procédure impérative.

Suite à la réception, le 17 juillet 2020, d’un courriel de signalement du directeur de l’agence du [Localité 4] du Crédit Agricole, M. [J] [V], dirigeant, a été informé de plusieurs anomalies constatées sur ce site tout particulièrement le jeudi 16 juillet 2020 à savoir :

le non-respect des horaires de passage sur ledit site ;

le non-respect de la procédure de transfert des fonds livrés par les transporteurs est destiné à l’agence dans le coffre de service agence ;

votre attitude qualifiée de «très désagréable» vis-à-vis du personnel de l’agence qui a cherché à comprendre la cause de votre retard.

Les recherches effectuées nous ont permis de constater que vous vous êtes présenté à ladite agence le jeudi 16 juillet 2020 à 10h46.

Soit un retard de plus d’une heure et 16 minutes pour lequel vous n’avez pas jugé opportun d’en avertir votre hiérarchie. D’autant plus que vous n’avez reçu aucune consigne particulière de votre hiérarchie qui aurait pu générer et justifier ce passage tardif.

Par ailleurs, depuis le 10 juillet 2020, les fonds livrés par les transporteurs et destinés à l’agence n’ont pas été transférés dans le «coffre de service agence» à l’issue de vos passages sur ce site le lundi 13 et le jeudi 16 juillet 2020.

Ces fonds, essentiellement des commandes de fonds destinés aux clients de l’agence n’ont pas pu leur être livrés dans le délai contractuel imparti.

Suite à ce signalement, un de vos collègues Technicien Gabiste a dû être dépêché spécialement pour exécuter cette tâche.

Au lieu de concéder à vos manquements, à ces faits viennent s’ajouter votre attitude envers la préposée de notre client. En effet cette dernière présente au moment de votre passage a tenu à vous rappeler l’importance du respect de la procédure en place pour des questions de sécurité notamment.

Ce à quoi vous avez répondu de façon «très désagréable» selon ses propres termes je cite «je fais ce que mon patron me demande de faire : d’aller à [Localité 7], au [Localité 6] et par rapport à l’heure, je passe quand je peux».

Un tel comportement, préjudiciable à l’image de notre entreprise, est inacceptable et ne saurait être toléré. Que cela soit en entreprise ou chez nos clients, nous attendons de nos collaborateurs un professionnalisme qui au-delà des compétences techniques doit également se traduire par des compétences de savoir être.

Un incident d’une telle importance aurait dû faire l’objet d’un signalement immédiat. Pour autant vous n’avez pas jugé opportun de prévenir votre chef de service, votre direction.

Comportement que nous déplorons fortement et que nous ne saurions tolérer !

Nous vous rappelons qu’il vous appartient, en votre qualité de technicien Gabiste, d’adapter votre circuit journalier en fonction des obligations de chaque client d’autant plus que ce circuit et ses impératifs sont coutumiers.

En effet vous n’êtes pas sans connaître cette procédure mise en application dès le lancement de la prestation ainsi que pour les trois autres sites de ce client qui présentent les mêmes particularités d’implantation.

Nous avons pu à ce titre noté que vous avez su respecter l’horaire imposé lors de vos précédents passages les jeudis 2 et 9 juillet 2020 tous deux effectués avant 9h30.

Ce ne sont donc pas moins de trois manquements que nous déplorons et qui vous sont reprochés cette seule journée du 16 juillet 2000.

. Autres faits reprochés : Crédit Agricole DFX

Dans le cadre de l’exercice de vos missions en qualité de technicien Gabiste et conformément à votre circuit d’affectation (Grand Sud), vous étiez en charge du vidage des bornes de collecte DFX (versements provisoires ‘ dépôt express) pour notre client Crédit Agricole.

Conformément à la procédure «agence fermée» mise en place et généralisée à toutes les agences depuis le 3 août 2020, qu’elle soit ouverte ou fermée, en cas d’anomalie constatée dans des opérations de vidage et conditionnement des remises clients collectés, doivent être appliquées les consignes ci-après :

en cas d’écart entre le nombre de remises comptées par le technicien Gabiste et celui mentionné sur le listing, l’écart doit être mentionné sur le listing et sur la fiche d’intervention DFX, avant le conditionnement des versements pour récupération par les transporteurs (consigne n°2).

‘ En cas d’absence de listing, les remises clients doivent rester dans la DFX. En outre une fiche de déplacement doit être établie avec pour mention absence de listing (consigne n°3).

Procédure qui a été portée à la connaissance et transmise à l’ensemble du personnel technicien Gabiste dont vous faites partie, dans le cadre de réunions animées par un des chefs de service au transport et dont l’ordre du jour portait sur la procédure d’utilisation de la tablette et la procédure DFX.

Réunion à laquelle vous avez assisté en date du 30 juillet 2020 comme en atteste la feuille d’émargement.

Procédure que vous appliquez sans difficulté jusqu’au 5 août 2020, date à laquelle personnel au traitement en charge de la reconnaissance, du contrôle de ses versements pour notre client Crédit Agricole, à faire remonter des anomalies liées au non-respect de la procédure précitée.

En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’avant sa généralisation, à compter du 3 août 2020, cette procédure était déjà appliquée depuis le lancement de cette prestation pour notre client, en 2018. Mais cette procédure était uniquement appliquée en cas d’anomalie constatée lors des vidages des DFX, quand l’agence bancaire était fermée.

C’est donc cette même procédure qui a été étendue et généralisée, sans distinction d’ouverture ou de fermeture de l’agence bancaire.

Pour autant :

Le 5 août 2020, pour la DFX du marin, vous avez procédé au conditionnement de quatre versements pour leur récupération par les transporteurs (‘). Or pour ces quatre versements, le listing devant être fourni par l’agence n’était pas présent. En application de la consigne n°3, la totalité des remises clientes aurait dû rester dans la DFX, et cette anomalie aurait dû être mentionnée en observation de la fiche d’intervention DFX. Aucune de ces deux consignes n’a été appliquée.

Le 5 août 2020, pour la DFX de Rivière pilote, vous avez procédé au conditionnement de trois versements pour leur récupération par les transporteurs (‘). Or pour ces trois versements, le listing devant être fourni par l’agence n’était pas présent. Dans ce cas également, en application de la consigne n°3, la totalité des remises client aurait dû rester dans la DFX, et cette anomalie aurait dû être mentionnée en observation de la fiche d’intervention DFX. Aucune de ces deux consignes n’a été appliquée.

Le 7 août 2020, pour la DFX du marin, vous avez procédé au conditionnement de trois versements pour leur récupération par les transporteurs (‘). Or pour le versement référence (‘), vous n’avez pas signalé la non concordance entre le nombre de remises client «versements provisoires» annoncées par l’agence et celui que vous avez compté. Vous n’avez pas non plus mentionné cet écart en observation sur la fiche d’intervention DFX. En effet, conformément au listing transmis, cinq heures remises client «versements provisoires» ont été mentionnées alors que vous n’en avez comptabilisé que 2. Soit un écart de trois remises client non présentes. En application de la consigne n°2, cet écart devait figurer en observation tant sur le listing que sur la fiche d’intervention DFX. Aucune de ces consignes n’a été appliquée.

‘ Le 2 septembre 2020, pour la DFX de Rivière salée, vous avez procédé au conditionnement de trois versements pour leur récupération par les transporteurs (‘) or pour le versement (‘) le listing devant être fourni par l’agence n’était pas présent. Ce non-respect de la procédure dû à votre négligence répétée a généré une considérable perte de temps lors du traitement des versements précités.

En effet, pour chacun de vos incidents, le chef d’équipe au traitement, en charge du contrôle des versements pour ce client, a dû se rapprocher du responsable des moyens de paiement et du flux du Crédit Agricole afin de récupérer les listings manquants et/ou procéder à la régularisation nécessaire aux traitements desdites remises clients. Pendant ce temps, ces versements ont dû être bloqués ou placés en quarantaine.

Malheureusement, et encore une fois, il est fort déplorable, qu’en l’espace d’une période d’à peine deux mois, nous ne recensons pas moins de 11 incidents à votre encontre dus au non-respect des procédures en vigueur et à votre comportement au travail.

Tous les faits précités et avérés mettent en évidence une défaillance certaine de votre part dans l’exercice qui découle de votre négligence, vos méthodes de travail, et dont les conséquences sont préjudiciables à notre client Crédit Agricole et nuisent à la réputation et à la confiance accordée à notre société.

Vous conviendrez bien que tout particulièrement dans l’activité que nous exerçons, il est attendu, de par votre qualité vos responsabilités, une plus grande rigueur dans l’accomplissement de missions, cumulée à une relation fondée sur la probité et la confiance.

Or vous semblez visiblement ne pas réaliser la gravité de vos manquements, et tentez de vouloir les justifier par des considérations qui ne sont le fruit que de votre propre jugement au mépris des procédures en vigueur.

Nous vous offrons de saisir l’opportunité de vous amender et vous invitons à assumer vos missions avec le sens des responsabilités et l’expérience que vous êtes censés avoir acquis.

Pour cela, nous vous notifions, et une «mise à pied disciplinaire» d’une durée de trois jours ouvrables, conformément à notre règlement intérieur.

Compte tenu de l’organisation et de la continuité du service à assurer, votre mise à pied prendra effet le jeudi 12 novembre 2020 pour se terminer le lundi 16 novembre 2020 (‘)».

Il appartient à la cour de reprendre ces différents griefs afin d’en apprécier la matérialité au vu des pièces produites aux débats par la SAS Transform. Au cas où ces faits seraient avérés, la juridiction doit vérifier la proportionnalité de la mise à pied de trois jours aux fautes commises par M. [P].

Au préalable, et au regard du règlement intérieur produit, il convient de souligner que l’employeur a pris une sanction conforme aux clauses de ce règlement.

S’agissant des premiers reproches, soit le non-respect des horaires de passage à l’agence Crédit Agricole du [Localité 4], le non-respect de la procédure de transfert des fonds et le comportement irrespectueux de l’agent le 16 juillet 2020, la SAS Transform justifie de l’accord conclu avec la banque pour un passage des techniciens gabistes avant 9h30 et pour la mise en place de procédures pour le transfert des fonds et du mail de plainte du directeur de l’agence adressé à la SAS Transform, le 17 juillet 2020, pour des faits survenus la veille. Ce courriel vise ainsi les trois griefs, sachant qu’il est justifié que l’agent concerné est bien M. [P].

S’agissant des autres reproches, soit des anomalies sur les opérations de vidage des bornes de collecte DFX des agences du Crédit Agricole des communes du sud de la Martinique à compter du mois d’août 2020, la SAS Transform prouve que M. [P] a été informé des procédures à respecter (feuille de présence à une réunion du 30 juillet 2020 signée) et que ces dernières n’ont pas été suivies par le salarié les 5 et 7 août 2020, les 2, 3, 7, 15 et 21 septembre 2020 pour différents types d’anomalies.

M. [P] ne conteste d’ailleurs pas la matérialité des griefs.

Il ne saurait alléguer que le deuxième grief repose sur une manipulation de valeur qui ne relève pas de son poste. En effet, il est bien expliqué dans la lettre de notification de la sanction que ce qui est reproché à M. [P] est d’avoir vider la boîte DFX des remises clients en l’absence de listings et de n’avoir pas signalé l’absence de concordance entre le listing et le nombre de remises clients. Il ne s’agit donc pas de manipuler des valeurs.

Comme souligné par la SAS Transform, le poste occupé par M. [P] exige une grande rigueur puisqu’il participe aux transferts de fonds ou de valeurs détenus par des banques pour leurs clients. Il est important que ni la sécurité des transactions, ni les contenus transportés ne puissent être remises en cause. D’ailleurs, le salarié justifie de ce qu’il est soumis à l’obligation de se voir délivrer une carte professionnelle.

Or, les faits reprochés au salarié démontrent une grande légèreté de sa part par rapport aux procédures strictes à respecter.

La sanction prononcée est donc parfaitement proportionnée aux fautes commises.

S’agissant d’une mise à pied disciplinaire et non d’une mise à pied conservatoire, il importe peu que sa mise en ‘uvre ait été différée de quelques semaines.

Le jugement doit donc être infirmé de ce chef, les premiers juges n’ayant au surplus pas examiné les griefs reprochés à M. [P] sur le seul prétexte de l’absence du règlement intérieur dans les pièces fournies par l’employeur.

3- Sur le harcèlement moral et la discrimination syndicale :

Aux termes de l’article L 1132-1 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de ses activités syndicales ou de son exercice d’un mandat électif.

Selon les dispositions de l’article L 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance du principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Selon les dispositions de l’article 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Aux termes de l’article L 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L 1152-1 à L 1152-3 et L 1153-1 à L 1153-4 (‘) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Pour se prononcer sur l’existence d’une discrimination ou d’un harcèlement moral, il appartient au juge de suivre le même raisonnement, soit :

– en premier lieu, d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits s’agissant en particulier du harcèlement,

– en deuxième lieu, d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ou d’une discrimination,

– en troisième lieu, et dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ou d’une telle discrimination et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou toute discrimination.

M. [P] ne produit au soutien de ses allégations de discrimination du fait de ses responsabilités syndicales et de harcèlement moral que le procès-verbal des élections au comité économique et social d’avril 2018, ses courriers de réponse aux deux avertissements qui lui ont notifiés par son employeur les 9 janvier et 15 mai 2020 et une déclaration d’accident du travail effectuée, à son nom, par la SAS Transform, le 23 décembre 2020, dans laquelle il est précisé «nous n’avons aucune information sur cet accident (‘) aucune information n’a pu être obtenue du salarié malgré les relances de la RRH (‘)». Dans ses courriers de contestation des avertissements, le salarié s’est contenté de rappeler les textes légaux relatifs au harcèlement moral et la discrimination.

Ces seuls éléments, non accompagnés d’éléments de faits objectifs, sont donc parfaitement insuffisants à laisser supposer l’existence d’une situation de harcèlement ou de discrimination. Les allégations selon lesquelles la sanction de mise à pied disciplinaire aurait été prise par l’employeur en réponse à une visite de la DIECCTE dans l’entreprise, sur l’initiative de M. [P], ne sont pas plus matérialisées par des attestations de collègues ou des pièces probantes.

Les premiers juges ont ainsi, à juste titre, rejetés la demande de dommages-intérêts formée par le salarié en réparation de faits de harcèlement ou de discrimination syndicale.

Le jugement est confirmé de ce chef.

4- Sur les dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

M. [P] est condamné aux entiers dépens.

Le jugement est encore infirmé sur la condamnation de la SAS Transform au versement d’une indemnité de procédure à M. [P].

Ce dernier est, au contraire, condamné à payer à la SAS Transform la somme de 1 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [R] [P] de sa demande de dommages-intérêts en réparation de faits constitutifs de harcèlement moral et discrimination syndicale,

L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [R] [P] de sa demande d’annulation de la sanction de mise à pied disciplinaire notifiée le 19 octobre 2020,

Déboute, en conséquence, M. [R] [P] de sa demande en paiement d’un rappel de salaire pour la période du 12 au 16 novembre 2020,

Déboute M. [R] [P] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] [P] aux entiers dépens,

Condamne M. [R] [P] à payer à la SAS Transform la somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

La Greffière La Présidente

 


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