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N° RG 21/03751 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4N2
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 06 JUILLET 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 27 Août 2021
APPELANT :
Monsieur [T] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A.S. SIEMO
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Delphine DREZET, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 17 Mai 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 17 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 06 Juillet 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Siemo (la société ou l’employeur) a pour activité l’échafaudage, l’isolation et l’ignifugeage et intervient dans le secteur de l’industrie, le secteur naval et le secteur nucléaire. Elle emploie plus de 300 salariés et applique la convention collective nationale du bâtiment.
M. [B] (le salarié) a été embauché par la société en qualité d’échafaudeur calorifugeur aux termes d’un contrat de travail à durée déterminée à compter du 22 août 2005 qui s’est poursuivi dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2005.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié bénéficiait du statut de chef d’équipe.
Par courrier en date du 22 décembre 2017, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de cinq jours pour non port du casque de sécurité.
M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 mars 2019 par lettre du 1er mars précédent, mis à pied à titre conservatoire à compter puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du19 mars 2019 motivée comme suit :
‘ Suite à notre entretien préalable du 11 mars 2019 auquel nous vous avions convoqué en date du 1er mars 2019, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.
Les motifs de votre licenciement sont les suivants: non-respect des consignes de sécurités relatives aux installations clients et au travail en hauteur.
Nous vous rappelons les faits: Nous avons eu le regret de constater, le 27 février 2019, sur le chantier CND Sud- site Total Raffinerie Le Havre, que pour dépanner une équipe vous étiez monté debout sur un corps de vanne et de plus, sans porter votre harnais de sécurité ni vous attacher.
Ces faits nous ont été également rapportés par notre client.
Ce comportement désinvolte est extrêmement dangereux et aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour votre sécurité et celles de vos collègues. Il est strictement interdit de prendre appui sur une installation client: vanne, tuyauterie ou instrumentation. Vous ne connaissez pas la résistance de l’équipement et la rupture de l’installation occasionnée par le poids de votre corps aurait pu entraîner une explosion. De plus, vous êtes monté sur cette installation sans porter ni accrocher votre harnais, au mépris total des consignes de sécurité qui vous interdisent tout travail en hauteur sans porter et accrocher les équipements de protection individuelle obligatoires lors de travaux en hauteur.
En l’absence d’accrochage de votre harnais de sécurité, vous n’êtes pas protégé contre une éventuelle chute qui peut s’avérer mortelle.
L’obligation de porter le harnais de sécurité et de l’accrocher lorsque vous effectuez des travaux d’échafaudage en hauteur vous était parfaitement connue. L’interdiction de monter ou de prendre appui sur des installations clients vous était parfaitement connue également.
Ces règles incontournables vous ont été rappelées régulièrement lors des ’causeries sécurité’ et accueil TOTAL.
En qualité de chef d’équipe, il n’est pas acceptable d’enfreindre les règles de sécurité.
Nous avons dû vous rappeler à l’ordre à maintes reprises concernant les règles de sécurité.
Les sanctions liées au non-respect des consignes de sécurité sont connues de tous, elles figurent dans le règlement intérieur et a été rappelée à l’ensemble des salariés le 1er décembre 2017 par une note de service qui précise ‘ le non-respect de cette consigne sera considérée comme une faute grave et systématiquement suivi d’une sanction’.
Vous avez déjà fait l’objet d’une mise à pied de 5 jours pour non port de votre casque de sécurité.
Votre comportement est inacceptable et constitue un manquement grave à la discipline de notre société.
En outre, vous savez parfaitement que nos donneurs d’ordre sont très vigilants et exigeants quant au respect des consignes de sécurité. Or, par ce comportement totalement irresponsable, vous faites courir à notre société le risque d’être éjecté du marché ou de ne plus être consulté à l’avenir ce qui est de nature à constituer pour l’entreprise un risque financier et commercial fortement préjudiciable.
Par conséquent, au regard de la gravité des faits qui vous sont reprochés, nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration fût-ce même pendant la durée du préavis. Aussi, nous vous notifions, par la présente lettre votre licenciement immédiat pour faute grave, licenciement sans indemnités ni préavis.(…)
Nous vous confirmons la mise à pied conservatoire qui vous a été signifiée le 1er mars 2019 par courrier recommandé. En conséquence, votre solde de tout compte sera arrêté à la date du 1er mars 2019. (…)’
Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes du Havre, qui, par jugement du 27 août 2021 a :
– rejeté la demande principale en indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– rejeté la demande subsidiaire en requalification du licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné le salarié au paiement des dépens,
– condamné le salarié au paiement de la somme de 1 500 euros à l’employeur en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté le salarié de sa demande d’indemnité de procédure,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de celle accordée de plein droit par la loi,
– débouté les parties de leurs autres demandes.
M. [B] a interjeté appel le 28 septembre 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 6 septembre précédent.
La société a constitué avocat par voie électronique le 13 décembre 2021.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 novembre 2021, le salarié appelant demande à la cour de :
– le juger recevable et bien fondé dans son appel,
– juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou, subsidiairement, le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamner l’employeur à lui verser les sommes suivantes:
48 125,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
4 812,58 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 481,25 euros au titre des congés payés afférents,
9 224,10 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
1 203,14 euros à parfaire au titre de la mise à pied conservatoire,
3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 25 février 2022 la société intimée, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée et la condamnation de l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure (3 500 euros) ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture en date du 27 avril 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 17 mai 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le licenciement
Le salarié soutient que l’employeur ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits allégués, que les pièces produites sont insuffisantes à caractériser le fait fautif, que le jour des faits il ne travaillait pas en hauteur mais était au sol.
L’employeur indique que les faits reprochés au salarié sont matériellement établis, rappelle les circonstances de travail du salarié au sein de la raffinerie, des normes de sécurité strictes en vigueur sur le site et de la potentielle dangerosité du comportement adopté au vu de la nature des installations.
Sur ce ;
Pour satisfaire à l’exigence de motivation posée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables.
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
En l’espèce, la société verse aux débats une ‘fiche d’échange terrrain’ renseignée par la société Total qui mentionne que le 27 février 2019, lors du montage d’un échaffaudage ‘la personne au sol passait des éléments à la personne en hauteur étant debout sur un corps de vanne à 50 cm du sol’.
L’employeur produit également l’attestation de M. [O], échafaudeur, qui indique que le 27 février 2019, sur le secteur D11 de la rafinerie TOTAL, trois ouvriers ont monté un échafaudage, qu’il était à une hauteur de 2m50 et que [T] [B] lui a passé une moise de 70 en posant le pied pour monter sur la tuyauterie.
Au vu de ces éléments, l’employeur établit que le 27 février 2019 le salarié est monté sur une vanne de la raffinerie TOTAL pour passer un élément d’échafaudage à son collègue, qu’il s’est ainsi retrouvé à 50 cm du sol.
Le salarié ne verse aux débats aucun élément aux fins de remettre en cause la matérialité de ce fait.
Il résulte des éléments produits par l’employeur, non utilement contestés par l’appelant, que le salarié avait connaissance des règles de sécurité à respecter et, plus spécifiquement des règles de sécurité en vigeur sur le site TOTAL.
Au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, de la nature de la faute commise par le salarié, de la potentielle dangerosité du comportement adopté, de son statut de chef d’équipe, du précédent disciplinaire il apparaît que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l’espèce la qualification de faute grave.
Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Le salarié doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement illégitime ainsi que de ses prétentions relatives aux indemnités de rupture ainsi qu’au rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.
2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer. Il convient en l’espèce de condamner le salarié, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure, la condamnation au paiement d’une indemnité de procédure prononcée par les premiers juges étant infirmée en son montant.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner le salarié appelant aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes du Havre du 27 août 2021 sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant:
Condamne M. [T] [B] à verser à la société Siemo la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [T] [B] aux entiers dépens d’appel.
La greffière La présidente