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ARRÊT N° /2023
PH
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 22/02037 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FBGE
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY
21/00038
02 septembre 2022
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A.S. BUS EST Prise en la personne de son Président en exercice, domicilié audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur [X] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Raoul GOTTLICH de la SCP D’AVOCATS RAOUL GOTTLICH PATRICE LAFFON, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties
Président : WEISSMANN Raphaël
Conseiller : STANEK Stéphane
Greffier : RIVORY Laurène (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 13 Avril 2023 tenue par WEISSMANN Raphaël, Président, et STANEK Stéphane, Conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN et Guerric HENON, présidents, et Stéphane STANEK, conseiller, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 06 Juillet 2023 ;
Le 06 Juillet 2023 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [X] [K] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société S.A.S BUS EST à compter du 01 octobre 2018, en qualité d’agent d’accueil et d’information.
Par courrier du 06 janvier 2020, Monsieur [X] [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 janvier 2020.
Par courrier du 03 février 2020, Monsieur [X] [K] a été convoqué une séance en conseil de discipline fixée au 11 février 2020.
Par courrier du 19 février 2020, Monsieur [X] [K] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 03 février 2021, Monsieur [X] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :
– de dire que Monsieur [X] [K] n’a commis aucune faute grave,
– de dire et juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,
– de condamner la société S.A.S BUS EST à lui verser les sommes suivantes :
– 3 392,86 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 670,09 euros de rappel sur indemnité légale de licenciement,
– 1 696,43 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 169,64 euros de congés payés afférents,
– 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement réalisé dans des conditions vexatoires,
– d’ordonner à la société S.A.S BUS EST à lui remettre les documents de fon de contrat rectifiés, sous astreinte provisoire de 50,00 euros par jour de retard, à compter de l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir, et se réserver le droit de liquider l’astreinte,
– de condamner la société S.A.S BUS EST à verser à Monsieur [X] [K] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 02 septembre 2022, lequel a :
– dit que Monsieur [X] [K] n’a commis aucune faute grave,
– dit que le licenciement de Monsieur [X] [K] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
– condamné la société S.A.S BUS EST à verser à Monsieur [X] [K] les sommes suivantes :
– 3 392,86 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 670,09 euros de rappel sur indemnité légale de licenciement,
– 1 696,43 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 169,64 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement réalisé dans des conditions vexatoires,
– d’ordonner à la société S.A.S BUS EST à lui remettre les documents de fIn de contrat rectifiés, sous astreinte provisoire de 50,00 euros par jour de retard, à compter de l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification du présent jugement, nonobstant toute procédure d’appel, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,
– de condamner la société S.A.S BUS EST à verser à Monsieur [X] [K] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société S.A.S BUS EST aux entiers dépens,
– débouté la société S.A.S BUS EST de ses entières demandes, fins et prétentions dirigées contre Monsieur [X] [K]
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Vu l’appel formé par la société S.A.S BUS EST le 07 septembre 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société S.A.S BUS EST déposées sur le RPVA le 07 novembre 2022, et celles de Monsieur [X] [K] déposées sur le RPVA le 31 janvier 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 01 mars 2023,
La société S.A.S BUS EST demande :
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 02 septembre 2022,
– de dire et juger Monsieur [X] [K] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions,
– de débouter Monsieur [X] [K] de ses demandes,
– de condamner Monsieur [X] [K] à verser à la société S.A.S BUS EST la somme de 3 000,00 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Monsieur [X] [K] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Monsieur [X] [K] demande :
– de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 02 septembre 2022 en son intégralité,
– de débouter la société S.A.S BUS EST de ses entières demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de Monsieur [X] [K],
– de condamner la société S.A.S BUS EST à verser à Monsieur [X] [K] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société S.A.S BUS EST aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de la société S.A.S BUS EST déposées sur le RPVA le 7 novembre 2022, et de Monsieur [X] [K] déposées sur le RPVA le 31 janvier 2023.
Sur le licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« Vous avez été convoqué à un entretien préalable qui s’est déroulé le 22 janvier 2020 et au cours duquel vous n’étiez pas assisté.
Le 11 février 2020 s’est tenue une séance du conseil de discipline au cours de laquelle vous n’avez pas souhaitez vous faire assister.
Malgré les observations que vous avez pu nous fournir sur les faits qui vous sont reprochés; nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour fautes graves pour les motifs’ suivants :
Des absences répétées à votre poste de travail sans en informer votre responsable hiérarchique et sans fournir de justificatif à votre employeur.
En effet, nous avons constaté, à plusieurs reprises (le lundi 25 novembre 2019 à 17h15 et le lundi 9 décembre 2019 à 17h45 pour être précis) que vous n’étiez pas présent à votre poste de travail alors que vos horaires de travail du lundi sont de 14h30 à 18h00.
Cette heure de travail du lundi de 17h à 18h est une heure en back office (agence fermée) qui peut être modulée en fonction des heures réellement effectuées sur le restant de la semaine de travail niais impérativement sur demande préalable et validation de votre hiérarchie,
Or, vous n’avez fait aucune demande auprès de votre responsable hiérarchique, Madame [B] [R], pour finir plus tôt ces deux jours-là et nous avons découvert de manière inopinée ces absences.
Nous vous rappelons que vous êtes tenus de respecter vos horaires de travail et que toute demande d’absence doit Faire l’objet d’une validation de votre employeur en amont. En effet, il ne vous est pas possible d’aménager vos horaires à votre guise même en cas d’impératifs personnels.
Nous avons également appris, avec stupeur, lors de votre entretien du 22 janvier 2020 que vous vous étiez également absenté de votre poste de travail les 10 et 11 décembre 2020 (horaires précis indéterminé) pour des raisons de santé. Vous nous avez d’ailleurs produit des justificatifs médicaux que lors de cet entretien, soit plus d’un mois après les faits.
Or, nous vous rappelons qu’en cas d’absence, vous avez l’obligation de produire un justificatif dans un délai maximal de 48h. Plus généralement, toute absence de l’agence, qui accueille du public, doit impérativement être signalée à votre employeur. Des horaires d’ouverture et de fermeture sont déterminés et communiqués à la collectivité ainsi qu’aux usagers et il n’est pas envisageable de ne pas les respecter scrupuleusement. Vous ne pouvez pas de votre propre chef décider de (fermer l’agence commerciale.
Le comportement dont vous avez fait preuve est inadmissible tant en ternies de gestion du personnel de l’entreprise, qu’en ternie de responsabilité et de satisfaction de nos usagers, de noire client institutionnel et du respect des engagements contractuels pris par Bus Est en respect du cahier des charges fixé dans le cadre de la délégation de service public qui lie notre entreprise au PETR du pays du Lunévillois.
Par ailleurs, nous avons reçus à votre égard, diverses plaintes de la part de clients et de la collectivité concernant votre comportement envers eux.
Selon les dires de clients, le 3 décembre 2019 à 11 heures vous lui avez dit « nous sommes chargés d’une mission de service public et c’est comme ça, et si ça ne vous plaid pas c’est pareil » et de « baisser d’un ton ». Il nous a indiqué que vous avez eu à son encontre une attitude verbale agressive.
Cela est intolérable. Dans le cadre de l’exercice de vos fonctions vous vous devez absolument de conserver un comportement exemplaire envers nos usagers et faire preuve de sang-froid en toute circonstance d’autant plus lorsque les clients sont agressifs. Il n’est pas entendable que vous perdiez votre calme et cela, quel que soit la virulence des propos tenus par les personnes que vous recevez au sein de l’agence.
A la suite de cette plainte déposée par les clients auprès de la collectivité, celle-ci a décidé d’envoyer un client mystère à l’agence de [Localité 5] le 13 décembre 2019 à 11n56. Lorsque la personne est arrivée, vous étiez en train de fermer les portes de l’agence et vous lui avez indiqué « là je ferme » et qu’il fallait revenir lors de la réouverture de l’agence l’après-midi à partir de 14h30 et jusqu’à 18h.
Or, l’agence est ouverte jusqu’à midi. Si vous devez vous absenter de votre poste de travail pour un court moment (pour vous rendre aux toilettes par exemple), il est impératif de prévenir le client en ce sens et de lui indiquer que vous vous absentez et que vous revenez dans quelques minutes afin de pouvoir traiter sa demande. Nous vous rappelons que vous êtes au service des usagers du réseau de transports lunévillois et, à ce titre, vous devez respecter les horaires d’ouverture de l’agence.
Nous avons donc été plus que surpris lorsque nous avons constaté que vous persistiez dans une attitude désinvolte à l’encontre de votre hiérarchie et inappropriée envers les usagers et ce, malgré les divers rappels à l’ordre oraux dont vous aviez déjà fait l’objet en début d’année dernière. Pour rappel, nous vous avions également convoqué pour des problèmes récurrents de comportement inadapté en juin 2019. Ces faits avaient donné lieu à une mise à pied disciplinaire d’une durée de trois jours. Nous comptions, à la suite de cette sanction, sur une prise de conscience de votre part. Malheureusement, celle-ci n’a pas eu lieu et nous le regrettons.
L’ensemble des fautes relevées remettent totalement en question la confiance que nous vous accordions dans l’exercice de vos missions et ne nous permettent plus d’envisager la poursuite de notre relation contractuelle.
En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave. Celui-ci prendra effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement » (pièce n° 2 de l’appelante).
– Sur le non-respect de la procédure disciplinaire conventionnelle :
Monsieur [X] [K] expose qu’en application de l’article 54 de la Convention Collective Nationale des Réseaux de Transports Publics Urbains de Voyageurs du 11 avril 1986, l’agent à l’encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée, doit être avisé de sa comparution devant le Conseil de discipline 8 jours au moins avant la réunion de celui-ci (pièce n° 13 de l’intimé).
Il fait valoir à cet égard, que le courrier de convocation étant daté du 3 février 2020 et la réunion s’étant tenue le 11 février suivant, le délai de 8 jours au moins n’a pas été respecté et qu’en conséquence, s’agissant d’une violation d’une garantie de fond, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse (pièce n° 3 de l’intimé).
Monsieur [X] [K] expose également que l’alinéa 2 de l’article 52 de la Convention collective prévoir que le dossier de la procédure disciplinaire doit être communiqué à l’agent mis en cause, lequel est autorisé à prendre des notes en vue de sa défense.
Il fait valoir qu’en l’espèce, il n’a pas eu communication de son dossier et donc des éléments qui lui étaient reprochés, l’empêchant ainsi de se défendre utilement.
En conséquence, s’agissant de la violation d’une garantie de fond, le licenciement est là encore dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans ses conclusions, l’employeur indique avoir « parfaitement et scrupuleusement respecté la procédure lui incombant ».
Motivation :
La convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs prévoit les dispositions suivantes:
« Article 52: Instruction des affaires disciplinaires:
Lorsqu’un agent titulaire doit être déféré devant le conseil de discipline, son dossier ainsi que les pièces relatives aux faits qui lui sont reprochés sont transmis au chef de service qui est chargé de l’instruction. Celui-ci examine le dossier, avise l’intéressé, fait les enquêtes complémentaires qu’il juge nécessaires, réunit tous les documents susceptibles d’éclairer le conseil de discipline et fait un rapport.
Le chef de service chargé de l’instruction entend l’intéressé et lui donne communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés. Le chef de service dresse, séance tenante, un procès-verbal de l’audience qu’il fait signer par l’agent et par l’assistant de celui-ci, après leur en avoir donné lecture.
L’agent est autorisé à prendre des notes en vue de sa défense.
Tout agent déféré au conseil de discipline peut, avant de comparaître devant le conseil, demander à être entendu par le directeur du réseau ou son représentant ; celui-ci fixe le jour et l’heure de l’audience à laquelle peut assister le chef de service de l’agent.
Article 54: Procédure devant le conseil de discipline
Le conseil de discipline est convoqué par le directeur du réseau qui en fixe l’ordre du jour. Il est réuni au jour indiqué dans la convocation et, dans le cas de suspension de service, six jours au plus tard après la date de mise en suspension de l’agent.
Dans le cas où l’agent n’est pas suspendu, il doit être avisé de sa comparution devant le conseil huit jours au moins avant la réunion de ce conseil (…) ».
En l’espèce, ne figurent au dossier ni l’accusé de réception de la lettre de convocation de Monsieur [X] [K] devant le conseil discipline qui s’est tenu le 11 février 2020, ni le procès-verbal prévu à l’article 52 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant avant dire-droit, contradictoirement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Demande à la société S.A.S BUS EST lui communiquer l’accusé de réception, ou sa copie, de la lettre de convocation de Monsieur [X] [K] devant le conseil discipline qui s’est tenu le 11 février 2020,
Demande à la société S.A.S BUS EST de lui communiquer le procès-verbal, ou sa copie, de l’audience prévue par l’article 52 de convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains,
Dit que ces documents devront lui être communiqués avant le 31 août 2023,
Renvoie l’affaire à l’audience du 31 août 2023 à 09h30,
Dit que l’ordonnance de clôture du 23 mars 2023 n’est pas révoquée,
Réserve les dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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