Mise à pied disciplinaire : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00455

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Mise à pied disciplinaire : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00455
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 5 JUILLET 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00455 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6YK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Commerce chambre 5 – RG n° F19/10431

APPELANT

Monsieur [C] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Jean-Didier MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

INTIMÉE

SARL CARROSSERIE DE LA BUTTE AUX CAILLES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée du 6 avril 2015, M. [J] a été engagé par la société Carrosserie de la Butte aux Cailles en qualité de carrossier peintre, statut ouvrier qualifié, Echelon 1 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.

La société Carrosserie de la Butte aux Cailles emploie habituellement moins de onze salariés.

Après avoir été mis à pied puis ultérieurement convoqué, par lettre du 3 octobre 2019, à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 octobre 2019, M. [J] a été licencié pour faute grave, par lettre du 23 octobre 2019.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 25 novembre 2019, afin de l’entendre :

– Requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire,

– Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

° prime sur productivité contractuelle septembre 2019 : 188,35 euros,

° congés payés afférents : 18,84 euros,

° rappel de salaire sur mise à pied : 2 715,37 euros,

° congés payés afférents : 271,53 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 6 536,86 euros,

° congés payés afférents : 653,68 euros,

° indemnité de licenciement : 3 986,50 euros,

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 342,15 euros,

° dommages et intérêts pour licenciement abusif : 3 268,43 euros,

° article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

– Ordonner l’exécution provisoire de sa décision,

– Condamner la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à lui remettre les documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par document par jour de retard dont le conseil de prud’hommes se réservera la liquidation.

La société Carrosserie de la Butte aux Cailles a conclu au débouté de M. [J] et à la condamnation de ce dernier à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 10 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

M. [J] a interjeté appel de la décision le 18 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2021, il demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

– Requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire,

– Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal :

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 342,15 euros,

° dommages et intérêts pour licenciement abusif : 3 268,43 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 6 536,86 euros,

° congés payés afférents : 653,68 euros,

° indemnité de licenciement : 3 986,50 euros,

° rappel de salaire sur mise à pied : 2 715,37 euros,

° congés payés afférents : 271,53 euros,

° article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros,

° prime sur productivité contractuelle septembre 2019 : 188,35 euros,

° congés payés afférents : 18,84 euros,

– Condamner la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à lui remettre les documents sociaux de fin de contrat de travail rectifiés.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2021, la société Carrosserie de la Butte aux Cailles demande à la cour de :

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– Juger que le licenciement de M. [J] repose sur une faute grave,

en conséquence :

– Débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire

– Ramener les dommages et intérêts sollicités par M. [J] à hauteur de 3 268 euros,

en toutes hypothèses

– Condamner M. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 14 mars 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 18 avril 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

« Monsieur,

mardi 15 octobre à 11:30, je vous ai reçu dans mon bureau pour un entretien préalable en présence de la personne de votre choix, dûment habilitée pour vous assister. Au cours de cet entretien, je vous ai énuméré les faits pour lesquels j’envisageais à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Jeudi 26 septembre à 16:45, dans mon bureau alors que je vous remettais une lettre d’avertissement concernant votre travail, vous avez eu un comportement menaçant, violent, insultant et obscène.

1/ vos menaces :

Vous vous êtes levé brusquement en tapant de toute votre force sur mon bureau et avez hurlé : « Fais c’est ce que tu as à faire’ fais bien attention à toi’ tu ne sais pas à qui tu as à faire’ tu ne sais pas qui je suis’ ». Lorsque je vous ai rappelé que j’étais le patron de l’entreprise, vous avais hurlé « T’es le patron de rien du tout’ »

En bas dans l’atelier, vous avez menacé [B] [T] devant le reste de l’équipe’ tout en prétendant ne pas m’avoir menacé moi-même. Puis, vous avez cherché à prendre à témoin ceux-là la même devant qui vous menaciez [B], comme quoi je vous avais bousculé’

2/ la violence

Vous m’avez bousculé à deux reprises, cherchant visiblement à me provoquer. Une première fois m’avez bousculé en criant dans l’embrasure de la porte de mon bureau « Tu es le patron de rien du tout’ » Puis une seconde fois vous m’avait provoqué des deux mains en haut du petit escalier’ « il va t’arriver des bricoles… ».

3/ vos obscénités

Vous m’avez pris par l’épaule en tenant votre sexe dans la poche de votre bleu de travail et le frottant sur ma cuisse gauche en me disant à l’oreille : « ‘ je t’encule et j’encule toute ta race…» « …tu n’as pas de témoin’ » Puis en bas des marches, sur le parking vers l’escalier qui descend vers l’atelier vous m’avez à nouveau bousculé pour me provoquer, en parlant plus bas « …tu comptes faire quoi ‘ T’as pas de témoin… »

vendredi 27 septembre peu après 8:00

Vous réitérez vos obscénités de la veille cette fois l’égard de [B]. Vous teniez là encore votre sexe par la poche de votre bleu de travail, le pointiez vers lui en disant « ‘ tu vas voir je vais te montrer ce qu’est un homme’ » puis vous l’avez menacé comme la veille devant d’autres membres de l’équipe « …je vais te faire payer ca… »

Je suis arrivé près de vous juste après vos provocations et je vous ai demandé de quitter les lieux immédiatement. Vous m’avez répondu : « je partirai lorsque j’aurai ma lettre de mise à pied ». Je vous ai dit que j’allais vous la remettre lorsque vous seriez changé et prêt à partir. Je m’occupais d’un client lorsque vous êtes redescendu ; je vous ai prié d’attendre que je termine mon client. Lorsque j’allais vous remettre la lettre de mise à pied, vous aviez quitté les lieux. Vous êtes finalement passé lundi matin 30 septembre à 8:00. prendre votre lettre de mise à pied remis en main propre.

Lors de notre entretien, vous avez répondu sur les faits exposés.

1/ Vous étiez « très surpris que je vous remettre une lettre d’avertissement jeudi 27 septembre’ » Comment pouvez-vous prétendre être étonné quand cet avertissement écrit fait suite à plusieurs avertissements oraux ‘ Lors de chacun de nos entretiens, vous vous étiez déjà montrés très véhément notamment mercredi 24/07/2019 dans l’atelier devant toute l’équipe, vendredi 2/08/2019 en tête-à-tête (juste avant de partir en congé !) et jeudi 5/09/2019 en présence de [B] au bureau. Lors de chacune de ces conversations m’avez répété « ‘ si vous n’êtes pas contents de moi’ prenez vos dispositions’ moi je fais mon travail le reste je m’en tape’ » en vous battant les mains.

2/ Vous prétendez que les faits relatés dans la lettre sont purs mensonges. En réalité, cette lettre très posée énumère des faits récents très précis, illustrant votre longue dérive dans l’efficacité de votre travail et votre mépris pour l’équipe comme pour l’organisation place. D’ailleurs en entendant les conséquences chiffrées de vos manquements que vous avez explosé en insultes et en vulgarité.

3/ Vous admettez vous « être un peu énervé » mais vous niez les faits qui vous sont reprochés. Pourtant les témoins auditifs et visuels peuvent attester ces faits dont la gravité m’a conduit à poser une main courante au commissariat le soir du 26 septembre : vos hurlements, vos menaces, vos insultes, vos obscénités puis quand vous m’avez bousculé’ d’autres témoins ont également vu quand vous avez réitéré vos obscénités vendredi 27 septembre à l’égard de [B].

Les faits sont avérés. Ces faits prennent d’autant d’importance que vous occupez la fonction de peintre et qu’en outre vous avez déjà fait l’objet d’avertissements pour des faits liés à vos propos et votre comportement à l’égard de vos collègues, ce qui démontre votre refus d’assumer vos obligations et responsabilités. Votre comportement inouï justifie votre mise à pied immédiate pour préserver l’équilibre de l’entreprise gravement compromis. Votre déni ne laisse entrevoir aucune possibilité de collaboration future. La gravité des faits, agissements et dysfonctionnements qui vous sont reprochés, en particulier vos obscénités sordides, rendent votre maintien dans l’entreprise impossible. Vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave à effet immédiat sans préavis ni indemnité de licenciement.

(…) »

Pour infirmation du jugement entrepris et contestation du licenciement, M. [J] fait valoir qu’il a été mis à pied à titre conservatoire oralement le vendredi 27 septembre 2019 mais n’a été convoqué à l’entretien préalable que le jeudi 3 octobre 2019, soit sept jours plus tard.

Il soutient, dès lors, que l’employeur n’ayant pas immédiatement engagé la procédure de licenciement après la mise à pied, cette dernière doit être qualifiée de disciplinaire et prive ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse en ce qu’il porte sur des faits déjà sanctionnés par la mise à pied.

La société Carrosserie de la Butte aux Cailles réplique qu’elle a notifié à M. [J] sa mise à pied conservatoire le lundi 30 septembre 2019 par courrier remis en main propre alors que le salarié avait quitté le garage précipitamment après s’être comporté de manière totalement inadmissible, le jeudi 26 septembre 2019, puis s’est à nouveau présenté devant son lieu de travail avant d’en repartir encore une fois précipitamment, le vendredi 27 septembre 2019. Elle fait valoir que le délai de trois jours qui sépare la mise à pied conservatoire du 30 septembre 2019 de la lettre de convocation à l’entretien préalable du 3 octobre 2019 lui a permis très légitimement de se renseigner sur la manière dont il convenait de gérer cette situation totalement inédite pour elle et d’une gravité extrême et qu’ainsi la mise à pied a été concomitante à l’engagement de la procédure disciplinaire et a un caractère conservatoire.

Cela étant, une mise à pied est conservatoire si elle est immédiatement suivie de l’engagement d’une procédure de licenciement. À défaut elle revêt un caractère disciplinaire.

En l’espèce, il résulte clairement des termes de la lettre de licenciement («vendredi 27 septembre peu après 8:00 (‘) je vous ai demandé de quitter les lieux immédiatement. Vous m’avez répondu : « je partirai lorsque j’aurai ma lettre de mise à pied ». Je vous ai dit que j’allais vous la remettre lorsque vous seriez changé et prêt à partir. » ) et des mentions du bulletin de paie du salarié du mois de septembre 2019 (Absence mise à pied conservatoire 27092019-30092019 ») que M. [J] a été mis à pied à titre conservatoire dès le vendredi 27 septembre 2019. La lettre du 30 septembre 2019 n’est donc que la confirmation de la mesure notifiée verbalement.

La procédure de licenciement a ainsi été engagée six jours après la mise à pied.

Or, le motif avancé par la société Carrosserie de la Butte aux Cailles ne peut justifier un tel délai, même en tenant compte du congé de fin de semaine. En effet, l’employeur a immédiatement fait état de la gravité du comportement reproché à son salarié dès le 26 septembre 2019, a relevé que les menaces imputées à celui-ci ont été dirigées envers le chef d’entreprise mais aussi un salarié ([B]) et exprimées en présence de l’équipe. Le délai de six jours entre la mise à pied et la convocation à l’entretien préalable ne peut, dans ces conditions, s’expliquer par un quelconque doute de l’employeur sur les conséquences du comportement du salarié en ce qui concerne son maintien dans l’entreprise, ni par des contraintes liées à des difficultés de rassembler des preuves.

Dans de telles conditions, la mise à pied du 27 septembre 2019 a un caractère disciplinaire.

M. [J] rappelle à juste titre qu’un même fait ne peut être sanctionné deux fois.

La mise à pied a été motivée par les événements des 26 et 27 septembre 2019 qui, en raison du caractère disciplinaire de la mesure, ont donc été sanctionnés.

Au vu de l’interdiction de sanctionner deux fois les mêmes faits rappelée ci-dessus, cette circonstance suffit à priver le licenciement de M. [J] pour faute grave, qui repose sur les mêmes faits, de toute cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera, en conséquence, infirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire ainsi que de sa contestation du licenciement et de toutes les demandes en paiement qui y sont liées.

Par application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail et de l’article 2.12 de la convention collective nationale applicable, la société Carrosserie de la Butte aux Cailles sera condamnée à payer à M. [J] la somme de 6 536,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 653,68 euros au titre des congés payés, au vu d’une rémunération brute mensuelle de 3 268,43 euros, selon les bulletins de paie.

Sur le fondement des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail et de l’article 2.13 de la convention collective nationale applicable, la société Carrosserie de la Butte aux Cailles sera également condamnée à verser à M. [J] la somme de 3 715,04 euros au titre de l’indemnité de licenciement due à un salarié justifiant d’une ancienneté de 4 ans, 6 mois et 17 jours comme revendiquée par l’intéressé.

Par ailleurs, selon l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

Dès lors, compte tenu de l’ancienneté (4 ans en années pleines ouvrant droit à une indemnité comprise entre 1 mois et 5 mois de salaire brut), de l’âge (58 ans) et de la rémunération (3 268,43 euros) du salarié à la date de la rupture et compte-tenu également du fait que l’intéressé ne donne aucune explication et ne verse aucune pièce sur sa situation après la rupture de son contrat de travail, il convient d’allouer à M. [J], la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Il ressort des motifs des conclusions que la demande en dommages et intérêts pour licenciement abusif représentant un mois de salaire brut, bien que figurant séparément dans le dispositif de celles-ci, n’est qu’un subsidiaire à la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire représentant 5 mois de salaires bruts.

Il n’y a donc pas lieu de statuer sur une telle demande.

Sur le rappel de salaire de la période de mise à pied

Les faits reprochés à M. [J] sont établis par les nombreuses attestations versées au dossier par l’employeur qui ne peuvent être considérées comme étant de complaisance sur les seules affirmations du salarié alors qu’au surplus, certaines de ces attestations n’émanent pas de salariés de l’entreprise mais de voisins.

En conséquence, M. [J], qui se réclame du caractère disciplinaire de la mise à pied, n’est pas fondé à solliciter un rappel de salaire sur la période concernée dès lors que la mesure est justifiée et largement proportionnée à la faute du salarié.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de cette demande.

Sur la prime de productivité

Le contrat de travail de M. [J] prévoit qu’à la rémunération fixe s’ajoute une prime sur la productivité dès lors que l’objectif d’heures facturées est atteint et que cette prime est payée avec le salaire du mois m +2 suivant le mois de référence, si 95 % de l’objectif d’heures facturées à m+1 est atteint.

La société Carrosserie de la Butte aux Cailles fait valoir que la prime de productivité ne fait pas partie d’une rémunération contractuelle fixe mais est conditionnée dans le contrat de travail à l’atteinte d’objectifs et que, par ailleurs, il était convenu entre les parties que cette prime n’était pas versée les mois où le salarié comptabilisait une absence. Elle soutient, dès lors, que M. [J] ayant été mis à pied à titre conservatoire pour les faits évoqués le 30 septembre 2020, la prime de productivité ne lui était pas due.

Mais, il n’apparaît pas que l’employeur ait clairement défini les objectifs qui conditionneraient le versement de la prime de productivité et il ne ressort ni du contrat de travail ni des échanges entre les parties qu’il était prévu, ou que le salarié avait accepté, que cette prime ne lui soit pas versée les mois où il comptabilisait une absence.

En conséquence, il sera fait droit, par infirmation du jugement, à la demande de M. [J] en rappel de prime de productivité, selon un montant non autrement contesté.

Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat

Au vu des éléments ci-dessus, la société Carrosserie de la Butte aux Cailles devra remettre à M. [J] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt.

Sur l’article 32-1 du code de procédure civile

L’accueil de certaines demandes du salarié en appel prive l’action en justice engagée par celui-ci à l’encontre de la société Carrosserie de la Butte aux Cailles de tout caractère abusif.

Le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu’il a prononcé une condamnation à l’encontre de M. [J] sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

Sur les frais non compris dans les dépens

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Carrosserie de la Butte aux Cailles sera condamnée à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l’appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en rappel de salaire sur la période de mise à pied,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

REQUALIFIE la mise à pied conservatoire prononcée par la société Carrosserie de la Butte aux Cailles l’égard de M. [J] en mise à pied disciplinaire,

DIT que le licenciement de M. [J] par la société Carrosserie de la Butte aux Cailles est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à verser à M. [J] les sommes suivantes :

° 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

° 6 536,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

° 653,68 euros au titre des congés payés afférents,

° 3 715,04 euros à titre d’indemnité de licenciement,

° 188,35 euros en rappel de prime sur productivité contractuelle de septembre 2019,

° 18,84 euros au titre des congés payés afférents,

CONDAMNE la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à remettre à M. [J] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt,

CONDAMNE la société Carrosserie de la Butte aux Cailles à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Carrosserie de la Butte aux Cailles aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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