Mise à pied disciplinaire : 31 mai 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/02129

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Mise à pied disciplinaire : 31 mai 2023 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/02129
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AFFAIRE : N° RG N° RG 21/02129 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FUSB

 Code Aff. :AP

ARRÊT N° 23/ AP

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint-Denis en date du 22 Novembre 2021, rg n° F19/00306

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 31 MAI 2023

APPELANTE :

Monsieur [Z] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Bernard VON PINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Association IMP [5] prise en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Clôture : 05/12/2022

DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mars 2023 en audience publique, devant Aurélie POLICE, conseillère chargé d’instruire l’affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 31 MAI 2023 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Laurent CALBO

Conseiller : Aurélie POLICE

Conseiller : Laurent FRAVETTE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 31 MAI 2023

Greffier lors des débats : Mme Delphine GRONDIN

Greffier lors du prononcé par mise à disposition au greffe : M.Jean-François BENARD

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige’:

M. [Z] [V] (le salarié) a été engagé par l’association [5] (l’association) en qualité de cuisinier, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 20 janvier 2003.

Les 24 octobre 2018 et 17 septembre 2019, deux mises à pied disciplinaire de trois jours ont été notifiées à M. [V].

Le 16 décembre 2020, M. [V] a été licencié pour faute grave.

Sollicitant l’annulation des deux sanctions disciplinaires prononcées à son encontre et la reconnaissance de sa qualité de chef de cuisine, M. [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion, par requête du 24 juin 2019, qui a, par jugement du 22 novembre 2021 :

– dit que la qualité de «’chef de cuisine’» n’est pas reconnue à M. [V],

– dit que la sanction du 24 octobre 2018 de trois jours de mise à pied est infondée, annulé la sanction et condamné l’association [5] à verser à M. [V] la somme de 359,08 euros au titre de rappel de salaire,

– dit que la sanction du 17 septembre 2019 de trois jours de mise à pied est fondée et débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire,

– dit que l’état de santé et professionnel de M. [V] n’est pas du fait de son employeur’;

– condamné l’association à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association aux dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par M. [V] par acte du 17 décembre 2021.

Vu les conclusions notifiées par M. [V] le 4 mars 2022 ;

Vu les conclusions notifiées par l’association le 2 juin 2022′;

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Motifs :

Sur la qualité de chef de cuisine’:

Vu l’avenant n°2014-01 du 4 février 2014 relatif à la reconstitution du socle conventionnel à l’annexe 1 relative à la classification des emplois et grille de salaires à la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ;

Vu l’avenant n°2017-02 du 15 mars 2017 relatif à la valeur du point et aux classifications’;

M. [V] soutient exercer l’emploi de chef de cuisine correspondant à la catégorie de responsable logistique niveau 2, eu égard aux mentions figurant sur ses bulletins de paie, à sa rémunération et aux fonctions exercées, ce que conteste l’employeur. Ce dernier objecte que le salarié relève de la catégorie d’ouvrier hautement qualifié, eu égard à sa spécialité en pâtisserie, et qu’il exerce le métier de cuisinier. Il argue du fait que le reclassement s’opère au regard des seules fonctions réellement exercées, aucun droit ne pouvant être accordé du fait d’une erreur de qualification conventionnelle sur quelques bulletins de paie antérieurs.

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée, les juges du fond appréciant souverainement les éléments qui leur sont soumis, ils doivent rapprocher les fonctions réellement exercées par le salarié des dispositions de la grille de classification fixée par la convention collective.

L’avenant à la convention collective n°2014-01 du 4 février 2014 définit, dans la filière logistique, plusieurs niveaux de classification. A l’article 4.4, sont regroupés les ouvriers des services logistiques niveau 2, dans lesquels figurent les ouvriers hautement qualifiés et les responsables logistiques niveau 2.

L’avenant n°2017-02 du 15 mars 2017 ne modifie pas les classifications fixées en matière logistique de l’avenant de 2014 mais modifie uniquement la valeur du point.

L’ouvrier hautement qualifié assure l’exécution de travaux de haute qualité et technicité, impliquant une part importante d’initiative et de responsabilité dans les domaines relevant de sa qualification.

Le responsable logistique niveau 2 assure quant à lui la responsabilité et la coordination des personnels des services logistiques.

En l’espèce, il est constant que M. [V] a été embauché en qualité de cuisinier, étant titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle de cuisinier, option cuisine classique, sans qu’aucun avenant au contrat ne soit communiqué.

Il résulte de la convention collective applicable que le poste de cuisinier relève de la catégorie des ouvriers des services logistiques niveau 2 ou des ouvriers hautement qualifiés tandis que le poste de chef cuisinier relève de la catégorie des ouvriers des services logistiques niveau 2.

Le poste de chef de cuisine requiert donc, à la différence du poste de cuisinier, l’exercice de missions d’encadrement incluant les personnels des services logistiques.

M. [V] produit une fiche de poste (pièce n°2 / appelant), datée de juin 2009, contestée par l’association. Il apparaît en effet que la signature et le cachet apposés sur le document sont strictement identiques à ceux figurant sur le premier courrier de sanction (pièce 6 / appelant), de sorte que cette pièce est dépourvue de force probante.

Il résulte ensuite du bulletin de paie de novembre 2012 (pièce 52 / appelant) qu’un complément métier de 50 points a été ajouté au coefficient de référence de 339 et qu’un rappel de complément métier a été accordé à M. [V] de juin 2009 à octobre 2012.

Si la convention collective prévoit que le complément métier de 50 points correspond à l’emploi de chef de cuisine, il n’est toutefois pas démontré que M. [V] aurait bénéficié de ce complément au titre d’une requalification de ses fonctions, un tel complément pouvant être alloué en raison d’une compétence particulière.

Sur ce point, l’association fait valoir qu’elle avait envisagé d’attribuer au salarié un complément de 33 points compte tenu de ses compétences techniques en pâtisserie, mais que sur demande du salarié, elle a accepté de lui octroyer 50 points.

Ces éléments ne démontrent donc pas la volonté de l’association de promouvoir son salarié au niveau de responsable logistique niveau 2.

De même, l’utilisation par l’association du vocable «’chef de cuisine’» (pièces 5 et 24 / appelant) ou la mention de la qualification de «’chef de cuisine’» sur les bulletins de paie, alors que l’emploi y a toujours été indiqué comme étant celui de «’cuisinier’» (pièces 10 et 11 / appelant), ne caractérisent pas l’intention de l’employeur de classer son salarié au niveau de responsable logistique niveau 2.

Seules les missions effectivement confiées au salarié peuvent déterminer le niveau dont il relève et doivent être recherchées.

M. [V] soutient qu’il effectuait les commandes, composait les menus ainsi que des plans nutritionnels, formait les stagiaires et gérait les stocks, étant l’interlocuteur vis-à-vis de la direction.

Il apparaît toutefois que sur les six bons de commande versés aux débats (pièces 28, 29, 38, 39 / appelant), trois ne sont pas signés de la direction et deux ont été signés par M. [V] «’Po économe’», ce qui démontre que cette mission relevait en réalité de l’économe et que M. [V] a pu, ainsi que le soutient l’employeur, assurer ponctuellement cette mission en l’absence de celui-ci.

L’établissement des menus et de la répartition des repas pour la livraison apparaissent relever des missions de cuisinier, qui peut disposer d’une part d’initiatives et de responsabilités.

En ce qui concerne l’activité de M. [V] de formation de stagiaires, outre le fait que cette mission ne relève pas nécessairement du chef de cuisine, la seule attestation de M. [U] ne démontre pas en outre qu’une formation en cuisine lui aurait été dispensée dès lors qu’il atteste seulement avoir «’pu observer en tant que stagiaire pendant ma formation d’éducateur spécialisé à l’IMP de [5] d’avril 2016 à avril 2017 le chef cuisinier [Z] [V] exercer sa profession. J’atteste également de la rigueur que démontrait ce dernier quant à l’exécution de ses tâches professionnelles. […]’».

Dans un courrier du 12 décembre 2017 ayant pour objet «’Objectifs de travail 2018’» (pièce n°24 / appelant), M. [W], directeur de l’association, indique à M. [V] que’:

«’Par la présente nous souhaitons formaliser les objectifs fixés dans le cadre de votre entretien professionnel, du 11 décembre 2017, avec votre responsable hiérarchique, Mme [R] [I], Responsable des ressources humaines en charge des services logistiques.

– En votre qualité de chef de cuisine nous vous avons demandé en juin 2017 d’établir une nouvelle organisation de service de restauration en intégrant de la polyvalence entre les commis de cuisine ([F] et [K]) et entre vous et [F]. Cette organisation doit mentionner les tâches de chacun et les grilles horaires adaptées. En sus de la polyvalence il convient d’optimiser la nouvelle ressource humaine qui vous a été attribuée.

Cette nouvelle organisation devra être présentée au plus tard le 31/01/18 à votre supérieure hiérarchique.

– Conformément aux recommandations d’SSA et suite à la formation hygiène qui vous a été délivrée cette année, nous attendons pour le 1er trimestre 2018 au plus tard la réalisation de plans et plannings de nettoyage sur l’IMP et sur le site de plateau caillou.

– A compter du 1er janvier 2018, à l’appui des nouveaux équipements, nous vous demandons de reprendre la réalisation de deux pâtisseries par mois, ainsi que l’organisation de repas thématiques comme la semaine du goût, le repas de Noël (‘) afin de diversifier l’offre de restauration et de contribuer à l’éveil gustatif des usagers. Les repas thématiques, après concertation en réunion d’équipe, devront être validés par la Direction Générale et respecter le budget alimentation.

– Nous vous rappelons qu’en sus des tâches administratives qui vous incombent, vous demeurez en charge de la réalisation du plat chaud'[‘] ».

Le fait qu’il ait été demandé à M. [V] de proposer une réorganisation du service de restauration rentre toutefois dans la mission qui lui est attribuée en qualité de cuisinier, et, si la direction envisageait de confier à M. [V] une nouvelle mission d’encadrement, il n’est pas démontré que celle-ci ait été déclinée dans les faits. D’ailleurs, dans le courrier de notification d’une sanction disciplinaire du 24 octobre 2018 ( pièce 6 / intimée), M. [W] rappelle à M. [V] qu’il n’a pas remis, en 2017, le document de proposition de réorganisation de la cuisine.

En outre, l’association produit la fiche de poste, établie en mai 2015, de l’adjoint de direction en charge des ressources humaines et de la logistique (pièce 17 / intimée) dans laquelle figure expressément les missions d’assurer la responsabilité et le coordination des personnels des services logistiques, ce dont il résulte qu’elles n’étaient pas confiées à M. [V].

Le fait que M. [V] ait listé les tâches accomplies par M. [L], commis, sur demande de la direction (pièce 35 / appelant), ne démontre pas que celles-ci auraient été déterminées par les seuls soins du salarié.

Enfin, dans un courriel du 20 juin 2019 (pièce 12 / appelant), M. [V] sollicite des éclaircissements quant à la nomination de M. [H] en qualité de responsable du service des achats et de «’manager’» de l’équipe de cuisine, ce qui démontre que les fonctions d’encadrement n’étaient pas exercées par M. [V].

Aucune pièce ne vient donc établir que M. [V] exerçait des missions de coordination et d’encadrement des personnels des services logistiques.

De surcroît, les photographies versées aux débats ne disposent d’aucune force probante en l’absence d’éléments quant aux conditions dans lesquelles elles ont été prises.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande de reconnaissance de la qualité de «’chef de cuisine’».

Sur l’annulation des sanctions disciplinaires’:

Selon l’article L. 1333-1 du code du travail, «’En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié’».

Selon l’article L. 1333-2 du code du travail, «’le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise’».

a) Sur la mise à pied disciplinaire du 24 octobre 2018′:

Vu la lettre du 24 octobre 2018 notifiant la mise à pied disciplinaire ;

M. [V] conteste l’ensemble des fautes qui lui sont reprochées.

En premier lieu, l’association reproche à M. [V] d’avoir refusé, le 27 septembre 2018, d’appliquer les consignes données en refusant de faire cuire des viennoiseries en vue de l’organisation d’une formation professionnelle prévue la semaine suivante et d’avoir adopté un ton irrespectueux à l’égard de Mme [I].

M. [V] fait valoir que la demande concernait une prestation pour le jour même, et non pour la semaine suivante, qu’elle a été formulée à un moment où l’équipe était déjà occupée et qu’il a uniquement signalé la complexité de l’accomplissement de tâches simultanées.

Bien que l’association démontre qu’une formation avec viennoiseries était prévue les 2 et 3 octobre 2018, il résulte des termes mêmes de la lettre de notification de sanction disciplinaire (pièce 6 / intimée) que M. [V] n’a pas opposé un refus à l’exécution de la directive donnée, mais a renvoyé Mme [I] vers Mme [N], son second. Le fait qu’il ait ensuite exposé ne pas être satisfait de l’organisation de la cuisine ne caractérise aucun irrespect de sa part, d’autant que la responsable des ressources humaines est effectivement intervenue à un moment peu propice, en pleine préparation du repas, et que le fait de faire part des difficultés ressenties dans ses conditions de travail relève des relations normales de travail.

Ce grief relatif à l’insubordination de M. [V] n’est pas établi.

En deuxième lieu, l’association reproche à M. [V] de ne pas avoir mentionné, le 28 septembre 2018, la provenance de la viande bovine sur le menu diffusé aux usagers, alors même que cela lui avait été expressément demandé par courriel du 26 septembre 2018 (pièce n° 21 / intimée).

M. [V], qui ne conteste pas les faits, fait valoir que le délai entre l’élaboration des menus (le mardi), la diffusion des menus (le jeudi) et la réception des commandes (le vendredi) ne lui permettait pas d’apposer la mention quant à la provenance de la viande.

Toutefois, il est établi par la pièce n°21, produite par l’association, que M. [V] n’a pas mentionné la provenance de la viande sur le menu de la semaine du 1er au 5 octobre 2018 à destination des usagers, alors que le salarié précise dans le courriel d’accompagnement du 28 septembre 2018 que la viande est en provenance d’Allemagne.

Il est donc établi que, lors de l’envoi du menu, M. [V] avait connaissance de la provenance de la viande, sans toutefois le mentionner sur le menu, comme cela lui avait été demandé et ce afin de répondre aux exigences réglementaires, ce qui établit son manquement aux instructions qui lui ont été transmises par son employeur.

Le grief invoqué est justifié.

En troisième lieu, l’association reproche à M. [V] un appel téléphonique du 3 octobre 2018 au cours duquel l’épouse de celui-ci aurait proféré des accusations de harcèlement moral de la part de Mme [I] à l’encontre de son mari.

Aucune faute n’est imputable à M. [V]. Le grief n’est pas fondé.

En quatrième lieu, l’association reproche à M. [V] de ne pas avoir assisté au comité qualité relatif aux procédures d’hygiène alimentaire, de s’être retiré dudit comité de manière unilatérale en des termes inappropriés et d’avoir refusé de participer aux travaux de celui-ci.

M. [V] conteste ces faits, sans plus amples explications.

L’association ne produit aucune pièce à l’appui de ses affirmations, de sorte que les griefs invoqués à l’encontre de M. [V] du fait de son retrait du comité qualité ne sont donc pas établis.

Ainsi, le seul grief retenu à l’encontre de M. [V] à l’appui de la sanction disciplinaire du 24 octobre 2018, consistant en l’absence de mention de la provenance de la viande bovine sur le menu diffusé aux usagers en date du 28 septembre 2018, en méconnaissance des directives de sa direction, en l’absence de tout passif disciplinaire et de préjudice causé à l’employeur, ne saurait constituer un manquement suffisamment grave de la part de ce dernier pour justifier une mise à pied disciplinaire de trois jours.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire de trois jours infligée au salarié et alloué à ce dernier la somme, non discutée par l’employeur, de 359,08’euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre disciplinaire.

b) Sur la mise à pied disciplinaire du 17 septembre 2019′:

Vu la lettre du 17 septembre 2019 notifiant la mise à pied disciplinaire ;

En premier lieu, l’association reproche à M. [V] d’avoir fait preuve d’insubordination en refusant de respecter les consignes données le 3 juin 2019 relatives à la simplification des menus les jours de réalisation de la pâtisserie afin de ne pas pénaliser le second de cuisine en charge du plat principal et d’avoir eu un comportement inapproprié en ne signalant pas que l’éplucheur était défectueux au motif qu’il n’était «’pas chef’».

M. [V] conteste les faits en faisant valoir que le menu de la semaine du 17 au 21 juin 2019 avait été soumis et validé par l’équipe de cuisine, avant toute mise en ‘uvre, et que de surcroît la cuisson d’un gigot d’agneau, prévu au menu ce jour-là, était sans incidence sur le bon déroulement du service.

Si les consignes de simplification des menus ne sont pas contestées, il n’est en revanche pas démontré que la réalisation d’un gigot d’agneau serait complexe, le seul fait qu’une modification de menu soit intervenue étant insuffisante à l’établir.

En ce qui concerne la défectuosité de l’éplucheur, M. [V] affirme l’avoir signalé à M. [G], économe.

Ce dernier atteste toutefois (pièce 29 / intimée) du : « refus [ de M. [V]] de remonter l’information à sa hiérarchie que la machine à éplucher les pommes de terre est en panne pour la simple raison qu’il n’est pas responsable de la cuisine’», ce qui démontre que l’information n’avait pas été portée à sa connaissance.

L’association ne justifie toutefois pas qu’il relevait de la responsabilité de M. [V] de signaler les matériels défectueux, de même que la teneur des propos tenus par ce dernier et leur caractère irrespectueux ne sont pas établis.

Ces griefs ne sont dès lors pas fondés.

En deuxième lieu, la société reproche à M. [V] d’avoir manqué de réserve et d’avoir calomnié sa supérieure hiérarchique auprès de ses collègues.

M. [V] conteste les faits en faisant valoir qu’il s’agit de «’bruits de couloir’».

La société ne produit aucune pièce à l’appui de son affirmation et ne justifie pas d’un exercice abusif du droit à la liberté d’expression par le salarié, de sorte que le grief invoqué à l’encontre de M. [V] n’est pas établi.

En troisième lieu, la société reproche à M. [V] d’avoir adopté des comportements virulents, inappropriés et irrespectueux, en contestant le 20 juin 2019, par l’envoi d’un courriel en qualité de représentant de la section syndicale, la promotion accordée à M. [G], puis au cours d’échanges verbaux suivants avec Mme [I].

D’une part, il ressort du courriel litigieux (pièce n°23 / intimée) que M. [V], en sa qualité de représentant de la section syndicale, demande à la directrice des éclaircissements sur la situation au sein du service cuisine suite à une réunion du 3 juin 2019 au cours de laquelle il a été évoqué par Mme [I] un mal être au sein de l’équipe cuisine et la promotion de M. [G].

M. [V] a adressé le courriel litigieux dans le cadre de l’exercice normal de son mandat syndical, pour lequel la société ne justifie pas d’un abus dans l’exercice de cette prérogative. Il ne peut lui être reproché l’envoi de ce message, formulé en termes respectueux.

D’autre part, concernant l’échange qui s’en est suivi avec Mme [I], M. [V] indique, dans la fiche d’incident établie le jour même, que Mme [I] lui a demandé «’sur un ton très en colère’» de sortir de cuisine pour aller dans son bureau et lui demander de s’expliquer sur le précédent courriel, qu’elle était «’furieuse en me criant dessus’» et «’elle n’a pas arrêté de me crier dessus et j’avais du mal à placer un mot’» (Pièce n°13 / appelant).

L’association reconnaît que Mme [I] est venue en cuisine pour interroger le salarié sur le but du courriel et que le «’ton est monté de chaque côté’», sans démontrer que des propos irrespectueux auraient été tenus par M. [V] à l’encontre de sa supérieure hiérarchique.

Le grief relatif au comportement inadapté de M. [V] le 20 juin 2019 n’est donc pas établi.

En dernier lieu, la société reproche à M. [V] son insubordination constituée par des sollicitations réitérées et délibérées auprès de la direction générale en ne respectant pas la ligne hiérarchique directe. Il est également reproché à M. [V] d’avoir eu trente minutes de retard lors de son entretien professionnel du 20 juin 2019, pour lequel il s’est présenté en qualité de représentant de la section syndicale.

M. [V] reconnaît avoir interpellé la direction mais dans un souci de bonne répartition des tâches. Il conteste en outre être arrivé en retard à son entretien professionnel, affirmant avoir au contraire attendu que Mme [I] soit disponible.

Malgré les explications fournies par l’association quant à la qualification conventionnelle de M. [V], notamment par courrier du 22 mai 2019 à la CFDT (pièce 12 / intimée), le salarié a continué à revendiquer les fonctions de chef de cuisine, en interrogeant la nomination et remettant en cause les interventions de M. [G] (pièces 26 et 27 / intimée).

S’il ne résulte ensuite d’aucune pièce que M. [V] se serait présenté en retard lors de son entretien individuel de fonctionnement du service cuisine du 20 juin 2019, il est en revanche établi que M. [V] a refusé de s’y présenter en sa qualité de salarié, arguant de son mandat syndical et se positionnant ainsi dans un objectif de revendications mais pour la seule défense de ses intérêts personnels, seule sa situation étant abordée (pièces 23 et 24 / intimée).

Le comportement d’opposition de M. [V] à l’égard de sa hiérarchie directe est donc établi, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [V] de sa demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 17 septembre 2019 et de sa demande en paiement de la retenue de salaire correspondant.

Sur les dommages et intérêts pour préjudices moraux et personnels :

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [V] réclame la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, suite aux faits de harcèlement qu’il dit avoir subis. Il se plaint en effet de la perte injustifiée de sa qualité de chef de cuisine, de modifications dans l’organisation du service et de la notification de deux sanctions disciplinaires injustifiées. Il fait valoir que ces agissements ont entraîné une dégradation de son état de santé.

Pris dans leur ensemble, ces éléments laissent supposer l’existence d’un harcèlement. Il incombe par conséquent à l’association de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’association conteste les griefs formés à son encontre, indiquant que M. [V] n’a jamais été rétrogradé, qu’il a toujours exercé la fonction de cuisinier, que malgré les explications qui lui ont fournies, le salarié a persisté dans un fonctionnement d’opposition notamment à l’encontre de Mme [I] et de M. [G] relevant tous deux les difficultés à travailler avec M. [V] (pièce 26 / intimée ‘ compte-rendu de M. [G] du 3 octobre 2019′; pièces 24 et 25 / intimée).

Ainsi qu’il a été dit précédemment, la revendication de M. [V] quant à la qualité de chef de cuisine n’est pas fondée, de sorte que les modifications intervenues dans l’organisation de la cuisine, notamment la nomination de M. [G] en tant que «’manager de l’équipe de cuisine’» sont justifiées.

En outre, si la sanction du 24 octobre 2018 apparaît disproportionnée au vu de la seule faute caractérisée, celle du 17 septembre 2019 a en revanche été reconnue justifiée.

Il est donc établi que les décisions objectives prises par l’association tant en ce qui concerne la classification retenue pour le poste de M. [V] que les changements organisationnels opérés ou encore les sanctions prises à l’encontre du salarié sont toutes exemptes de harcèlement moral.

À défaut de caractérisation de faits de harcèlement moral, M. [V] sera débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 22 novembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions’;

Y ajoutant,

Déboute M. [V] de sa demande indemnitaire pour préjudices moraux et personnels’;

Vu l’article 700 du code de procédure civile’;

Déboute M. [V] et l’association [5] de leurs demandes au titre des frais non répétibles’d’instance ;

Condamne l’association [5] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, Conseiller, et par Monsieur Jean-François BENARD, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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