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AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00951 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M3C3
EPIC IFP ENERGIES NOUVELLES
C/
[C]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 10 Janvier 2020
RG : F 17/01161
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 30 JUIN 2023
APPELANTE :
EPIC IFP ENERGIES NOUVELLES
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sandrine AZOU de l’AARPI DE PAR DIEU BROCAS MAFFEI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[I] [C]
né le 04 Avril 1961 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Alexandra MANRY, avocat au barreau de LYON, Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Mai 2023
Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, présidente
– Catherine CHANEZ, conseillère
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 Juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
L’IFP Energies Nouvelles est un établissement public à caractère industriel et commercial de recherche, d’innovation et de formation à l’expertise.
Il applique volontairement certaines dispositions de la convention collective de l’industrie du pétrole et employait au moins 11 salariés au moment du licenciement.
Il a recruté M. [I] [C] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 9 mai 1984, en qualité d’opérateur. M. [C] est devenu à compter du 5 juin 2000 technicien chimiste ECR (Essais, Contrôle, Recherches).
Par courrier du 24 juillet 2015, l’établissement a notifié une mise à pied disciplinaire de 3 jours à M. [C] pour avoir introduit du matériel de plongée dans l’entreprise et l’avoir nettoyé en utilisant le matériel de l’entreprise, ainsi que pour un volume de conversations téléphoniques important et des appels sans lien avec son activité professionnelle, notamment à l’international.
L’établissement public a convoqué le salarié à 2 entretiens préalables successifs en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, lesquels se sont tenus les 1er et 15 juin suivants.
Par courrier du 29 juin 2016, M. [C] a fait l’objet d’un licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
« (‘) 1. Niveau de commandes anormalement élevé
Nous vous reprochons en premier lieu un niveau de commande anormalement élevé, tant au regard de votre activité qu’en comparaison de vos collègues.
Comme vous le savez, nous avons mené une réflexion sur l’optimisation des commandes de consommables par projets dans l’équipe technique de R123 – à laquelle vous appartenez – sur la période de janvier 2013 à avril 2016.
A cette occasion, nous avons eu connaissance de l’ensemble des commandes effectuées par l’équipe de R123 sur cette période.
Nous avons alors constaté que le niveau de vos commandes était très élevé sur certains produits.
Nous avons alors décidé d’effectuer un inventaire afin de comprendre le mode de fonctionnement de l’équipe quant aux commandes de consommables ainsi que les usages associés.
Cet inventaire, effectué le 23 mai 2016 n ‘a pas permis de justifier le niveau de vos commandes, bien au contraire.
Pour exemple, nous avons pu constater les quantités de commande suivantes depuis 2013 de votre part (liste non exhaustive) :
38 clefs dont 11 clefs à molette chromées 4, 12 clefs à molette chromées 6, 2 clefs à molette chromées 8 et 13 jeux de 9 clefs mâles 6 pans
55 paires de gants
155 kg de Teepol
110 kg de chiffons
40 entonnoirs
200 sacs poubelle de 130 litres auxquels s’ajoutent 375 sacs poubelle de 30 litres.
Ces quantités apparaissent totalement disproportionnées au regard de vos fonctions. Et leur caractère anormal est incontestable lorsqu’on les met en perspective avec les commandes passées par vos collègues.
A titre de comparaison et sur ces mêmes outils et consommables, Monsieur [Z], qui fournit l’ensemble de ses collègues du bâtiment Elbaite (pour rappel, le bâtiment Elbaite compte 6 salariés lesquels exercent les mêmes fonctions que vous, auxquels il faut rajouter entre 3 et 5 stagiaires et/ou thésards par an) a passé les commandes suivantes sur cette même période :
13 clefs et 3 jeux de 9 clefs mâles 6 pans
10 kg de Teepol
15 paires de gants
13 entonnoirs
10 sacs poubelle de 130 litres.
Votre niveau de commandes est, ainsi, très largement supérieur à celui observé au sein du bâtiment Elbaite, qui permet pourtant de pourvoir aux besoins de plusieurs collaborateurs.
Ces éléments démontrent clairement une quantité de commande anormalement élevée de votre part, qui n’est en aucun cas justifiée par la nature des tâches que vous accomplissez et/ou par votre niveau d’activité.
Confrontés à cette situation révélatrice d’un manquement flagrant à vos obligations les plus élémentaires, nous avons décidé de vous convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 1er juin 2016.
A l’occasion de cet entretien, vous avez tenté de justifier votre niveau de commandes par un prétendu partage de vos outils’ avec vos collègues, et avez également prétexté que vous auriez été victime de nombreux vols.
Interrogés sur ces points, vos collègues ont clairement indiqué :
n’utiliser que de manière exceptionnelle votre outillage,
que leurs besoins de consommables étaient marginaux par rapport aux quantités commandées.
Vous n’avez par ailleurs, jamais alerté vos collègues ou votre hiérarchie sur les prétendus vols dont vous auriez été victime, à l’exception de la disparition d’une station de protection contre la foudre évoquée au hasard d’une discussion avec un collègue, ni rempli la moindre fiche de malveillance.
Vous connaissiez pourtant cette procédure pour y avoir eu recours le 06 janvier 2011 et nous vous rappelons que vous êtes tenu de nous alerter en cas de suspicion de vol manifestement récurrente.
Enfin, vos collègues n’ont par ailleurs pas fait mention de vol de matériel sur cette période de référence.
Les motifs que vous avez invoqués lors de l’entretien préalable ne sont donc nullement de nature à vous exonérer de vos manquements.
Nous vous rappelons que les commandes ont pour but de vous permettre d’exécuter vos missions clans de bonnes conditions et doivent donc être proportionnelles à votre activité, étant souligné que la confiance et l’autonomie qu’accorde l’IFPEN à ses collaborateurs impliquent corrélativement la plus grande honnêteté de leur part.
Un tel niveau de commande, sans commune mesure avec les commandes de vos collègues occupant le même poste de travail, et sans lien avec les exigences de votre activité, constitue une utilisation manifestement abusive des ressources d’IFPEN, qui génère un coût non négligeable pour l’entreprise.
Il s’agit là d’un manquement flagrant aux bonnes pratiques d’achat, et plus largement, d’une violation grave des obligations inhérentes à votre contrat de travail et notamment de votre obligation de loyauté, ce qui n ‘est pas tolérable.
2. Dénigrement et insulte
En second lieu, nous vous vous reprochions le comportement totalement inacceptable que vous avez cru pouvoir adopter à la suite de l’entretien préalable du 1 °”juin 2016.
En particulier, le 6 juin 2016, vous avez formulé une remarque à l’un de vos collègues relative à l’utilisation de l’imprimante, lui conseillant de se méfier et sous-entendant qu’il pourrait lui être reproché de faire des photocopies.
Une telle remarque est, déjà, inacceptable car relevant d’un dénigrement patent de votre hiérarchie et plus largement des orientations et décisions de la Direction.
Mais, plus grave encore, alors que votre manager était intervenu pour vous proposer de lui faire part directement de vos commentaires, vous avez cru pouvoir, a l’occasion du vif échange qui s’en est suivi, le traiter de « con » en présence d’autres collègues de travail.
De tels propos, particulièrement déplacés et qui traduisent une remise en cause ouverte du pouvoir de direction de votre responsable d’activité, sont intolérables.
Cet échange est par ailleurs créateur de tensions sociales pour l ‘ensemble de vos collègues et d’humiliation pour votre manager, ce qui a pour conséquence de perturber le bon fonctionnement du service.
Il est, plus largement, inadmissible d’insulter qui que ce soit au sein de l’entreprise.
Compte tenu de ces graves manquements, commis alors que nous étions en train de réfléchir sur les suites à donner à l’entretien du 18 juin au cours duquel nous vous avions exposé nos griefs concernant vos commandes anormalement élevées, nous n’avons pas eu d’autre choix que de vous convoquer à un second entretien préalable fixé au 15 juin suivant pour recueillir vos observations sur ces nouveaux faits.
Lors de cet entretien du 15 juin, vous avez nié avoir insulté Monsieur [V] de la sorte, et prétendu que vous lui auriez simplement dit « arrête de faire le con », alors même que plusieurs témoins nous ont confirmé vous avoir entendu l’insulter.
Nous vous avons fait part de notre surprise concernant cette explication dans la mesure ou plusieurs témoins de l’échange que vous avez eu avec votre responsable ont confirmé cette insulte.
Vous avez par ailleurs prétendu, pour tenter de légitimer vos propos inadmissibles, que vous aviez « l’habitude de vous parler familièrement » entre vous.
Or, nous vous rappelons que les insultes envers des collègues et/ou la hiérarchie ne constituent pas un registre d’échange habituel dans le cadre de relations de travail et que de tels propos ne sauraient être tolérés au sein d’IFPEN qui attache une importance particulière aux principes de respect et de cordialité entre ses collaborateurs.
Le comportement que vous avez adopté est, ainsi, injustifiable.
Nous considérons que vos manquements, dont la matérialité est incontestablement établie par les éléments en notre possession, sont d’une gravité telle qu’ils rendent impossible votre maintien dans l’entreprise et justifient la rupture immédiate de notre collaboration. (‘) »
Par requête du 26 avril 2017, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon afin de contester son licenciement.
Par jugement du 10 janvier 2020, le conseil de prud’hommes a notamment :
Condamné l’établissement à payer à M. [C] la somme de 6 554,52 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 655,45 euros de congés payés afférents ;
Condamné l’établissement à payer à M. [C] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamné l’établissement à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Débouté M. [C] de ses autres demandes ;
Condamné l’établissement aux dépens.
Par déclaration du 6 février 2020, l’établissement a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 2 novembre 2020, il demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris ;
Débouter M. [C] de ses demandes ;
Condamner M. [C] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [C] aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées, déposées au greffe le 17 août 2020, M. [C] demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris, sauf à porter le quantum des dommages et intérêts à 100 000 euros et en conséquence, condamner l’établissement à lui verser les sommes suivantes :
6 554,52 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 655,45 euros de congés payés afférents ;
100 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
En toutes hypothèses, condamner l’établissement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel et le débouter de sa demande reposant sur le même fondement ;
Condamner l’établissement aux dépens ;
A titre subsidiaire, confirme le jugement querellé.
La clôture est intervenue le 6 février 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
1-Sur le licenciement
Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.
En application de l’article L. 1232-6 alinéa 2 du même code, la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Ces motifs doivent être suffisamment précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire. L’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier des motifs. Si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.
Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
En outre, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, l’employeur a fondé sa décision sur deux séries de faits détaillés dans la lettre de licenciement :
– un niveau de commande d’outils et de consommables anormalement élevé entre janvier 2013 et avril 2016 ;
– le dénigrement de la hiérarchie et l’insulte proférée à l’encontre de son manager le 6 juin 2016.
Sur le premier grief, il expose avoir constaté à l’occasion d’une évaluation de la répartition des achats de consommables entre les divers projets que les commandes de consommables et d’outils passées par M. [C] étaient nettement plus importantes que celles de ses collègues, y compris de celles de M. [Z], pourtant chargé des commandes destinées au personnel de son propre bâtiment.
Il verse aux débats des tableaux reprenant les commandes passées par M. [C] et d’autres salariés (pièce 30), dont M. [Z], et des graphiques synthétisant ces données et permettant de faire des comparaisons entre les salariés.
Le tableau de la pièce n°30 n’est pas daté mais M. [C] ne conteste pas les chiffres.
Il apparait ainsi notamment que M. [C] a commandé 375 sacs poubelles de 30 litres et 155 kg de produit d’entretien pour les sols et M. [Z] aucun sac et seulement 10 kg de produit, ou que si le premier a été destinataire de 25 clés à molette, le second n’en a reçu aucune sur les 3 années concernées.
L’employeur démontre également qu’une entreprise prestataire était chargée de l’entretien des sols une fois par mois et plus sur demande.
M. [C] soutient n’avoir commis aucune faute, en ce que :
– il n’existait dans l’entreprise aucune directive quant au niveau de commande ; toutes les commandes ont été validées et les chefs de projet en assuraient le suivi, si bien que le niveau de ses commandes était connu et toléré depuis au moins 3 ans ;
– la situation de son collègue M. [Z] ne peut être comparée à la sienne, dans la mesure où ils évoluaient dans des unités différentes (Kernite pour lui et Elbaïte pour M. [Z]) et avec du matériel différent ; lui-même était connu pour être un « maniaque » de la propreté ;
– il lui était confié la commande de consommables pour le bâtiment Kernite et nombre de produits étaient répartis entre lui-même et les techniciens ou laissés en libre-service ;
– il avait laissé son outillage en arrivant au bâtiment Kernite et au cours des derniers mois, il déposait du matériel dans les 2 unités car il faisait la navette entre les 2 ;
– l’établissement ne peut apporter la preuve que le matériel a été sorti des locaux professionnels ;
– certains matériels à bas coût ont fait l’objet de vols sans qu’aucune déclaration en ce sens n’ait été établie.
Si les commandes apparaissent comme « approuvées » dans le tableau communiqué en pièce 30 par l’établissement, celui-ci verse toutefois aux débats un schéma retraçant le circuit de validation des demandes d’approvisionnement. Il en ressort que les demandes portant sur un montant inférieur à 500 euros étaient immédiatement suivies d’une sortie du stock, sauf indisponibilité, et M. [C] ne conteste pas que les excès dont il lui a été fait le reproche portaient précisément sur des consommables et des outils d’une valeur inférieure à ce seuil. Il apparait donc qu’aucun contrôle n’était réalisé a priori sur les commandes passées par M. [C] et la démarche initiée par l’établissement en avril 2016 pour avoir une vision d’ensemble des achats par projet montre bien qu’il n’existait pas davantage de contrôle a posteriori.
Quant au moyen tiré de l’absence de consignes relatives au niveau de commande, il est inopérant au regard des quantités excédentaires par rapport aux commandes effectuées par les autres salariés.
L’employeur apporte la preuve que M. [Z] évoluait dans un bâtiment équipé de matériel plus important en nombre et en volume que celui de M. [C], et qu’il avait été chargé par M. [V], responsable d’activités, de passer les commandes de consommables pour les salariés travaillant dans le bâtiment Elbaïte, alors que M. [C] ne justifie pas des différences qu’il allègue entre le bâtiment Kernite et le bâtiment Elbaïte qui selon lui auraient imposé l’usage d’un plus grand nombre de consommables. Il ne prouve pas davantage avoir eu besoin de laisser du matériel à sa disposition dans chacun des 2 bâtiments pour travailler alternativement sur les deux secteurs, ni avoir abandonné ses outils en arrivant au bâtiment Kernite, ce qui, en tout état de cause, ne saurait expliquer des commandes si abondantes sur ses 3 dernières années de service, ni avoir constaté des vols.
Enfin, l’attestation de M. [Y] qui écrit avoir « constaté à de multiples reprises que M. [C] avait commandé pour plusieurs personnes (sacs poubelles, consommables’) du matériel en son nom et ayant fait la distribution et la répartition » et l’avoir « vu distribuer du matériel à des collègues certains outils commandés par erreur afin d’éviter de faire un retour magasin inutile et fastidieux (matériel pris et accepté par les collègues à qui rien n’est reproché)» ne saurait permettre d’établir que le salarié était chargé de passer les commandes de consommables pour le bâtiment Kernite et montre au contraire l’absence de contrôle de la pertinence des commandes et la désinvolture de M. [C] en la matière.
Par ailleurs, l’employeur n’alléguant pas que le salarié a fait sortir des outils et des consommables des locaux professionnels, M. [C] ne saurait lui reprocher de ne pas en avoir rapporté la preuve.
En conclusion, l’employeur établit la réalité du premier grief fondant le licenciement de M. [C] et celui-ci échoue à justifier son comportement par des exigences professionnelles ou par une tolérance de l’établissement.
Sur le second grief, dont le salarié conteste la matérialité, la société verse aux débats diverses attestations.
Le courriel de M. [X], qui n’a pas été témoin des faits, n’apporte rien aux débats. Quant aux attestations, qui émanent toutes de salariés de l’établissement public, il revient à la cour d’en apprécier la force probante. Ainsi, M. [V] décrit les faits repris dans la lettre de licenciement et indique avoir été traité de « con » par M. [C], et Mme [G] et M. [O] confirment qu’une altercation est survenue le 6 juin 2016 dans le bâtiment Elbaïte. Mme [G] témoigne avoir entendu crier M. [C], sans avoir saisi la teneur des propos échangés. M. [O], qui ne se souvient pas de l’intégralité des propos tenus, confirme néanmoins que M. [C] a traité M. [V] de « con ».
A la lumière de ces éléments, la cour considère que l’employeur apporte la preuve que M. [C] a observé un comportement fautif le 6 juin, tant par sa remarque totalement inadaptée sur l’utilisation de l’imprimante alors qu’il venait de faire l’objet d’un entretien préalable à sanction, que par l’insulte proférée à l’encontre de son supérieur hiérarchique.
Cette succession de fautes commises par le salarié ne permettait plus la poursuite de la relation contractuelle, le dialogue n’étant plus possible. Le licenciement pour faute grave était justifié.
Le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et M. [C] débouté de l’ensemble de ses demandes.
2-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de M. [C].
L’équité commande de le condamner à payer à l’établissement la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 10 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Lyon,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [I] [C] de l’ensemble de ses demandes ;
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de M. [I] [C] ;
Condamne M. [I] [C] à payer à l’IFP Energies Nouvelles la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la procédure d’appel ;
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE