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MHD/LD
ARRET N° 388
N° RG 21/01169
N° Portalis DBV5-V-B7F-GHXV
S.A.S.U. SITEL FRANCE
C/
[R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
S.A.S.U. SITEL FRANCE
N° SIRET : 389 652 553
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Jean-Charles GUILLARD de la SELARL MARRE ET GUILLARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [T] [R]
né le 23 Novembre 1968 à [Localité 5] (91)
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Charles PORTIER de la SELARL BONNEAU-CASTEL-PORTIER-GUILLARD, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/003850 du 23/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Avril 2023, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile que l’arrêt serait rendu le 15 juin 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 29 juin 2023.
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 16 octobre 2017, Monsieur [T] [R] a été embauché par la SAS SITEL France en qualité de conseiller client, coefficient 180 échelon 1 moyennant un salaire mensuel de 1 521,22 €.
Par courriers des :
– 25 juillet 2018, envoyé en recommandé avec accusé de réception, il a été placé en mise à pied disciplinaire pendant 3 jours pour comportement inadapté et non respect de process,
– 31 octobre 2018, remis en mains propres, il a fait l’objet d’une mise en garde,
– 17 décembre 2018, envoyé en recommandé avec accusé de réception, il s’est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse au motif d’un comportement et d’une communication inadaptés et d’un non-respect des process après avoir été entendu le 11 décembre précédent lors de l’entretien préalable auquel il avait été convoqué le 28 novembre 2018.
Monsieur [R] a contesté les courriers des 25 juillet, 31 octobre et du 17 décembre 2018 ainsi que les sanctions qui en découlent.
Par requête du 12 novembre 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle aux fins de contester les sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet, se voir accorder les indemnités subséquentes et entendre dire qu’il a été victime d’un harcèlement moral.
Par jugement du 25 mars 2021, le conseil de prud’hommes a :
– dit recevable et bien fondé Monsieur [R] en ses demandes,
– annulé la mise à pied disciplinaire du 25 juillet 2018,
– condamné la SAS SITEL France à régler à Monsieur [R] la somme de 228,18 € bruts au titre des 3 jours de salaires retenus à tort pour la mise à pied disciplinaire,
– dit que le licenciement de Monsieur [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamné la SAS SITEL France à régler à Monsieur [R] la somme de 3 042,44 € bruts à titre de dommages intérêts en application de l’article L.1235-3 du code du travail,
– constaté que Monsieur [R] était victime de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie,
– condamné la SAS SITEL France à régler à Monsieur [R] la somme de 10 000 € au titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
– assorti l’ensemble des condamnations des intérêts de droit à compter du jour de la demande,
– dit avoir lieu à exécution provisoire de droit de la décision à intervenir et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 1 521,22 € pour l’application des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail,
– ordonné en application de l’article L.1235-4 du code du travail le remboursement par la partie défenderesse aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage,
– condamné la SAS SITEL France à régler à l’avocat de Monsieur [R] la somme de 1400 € hors taxe au titre de l’article 700-2° du code de procédure civile,
– rappelé que Maître Portier dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat ; à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci,
– condamné la SAS SITEL France aux entiers dépens de la présente instance,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration électronique en date du 9 avril 2021, la SASU SITEL FRANCE a interjeté appel de la décision.
***
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 mars 2023.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 13 mars 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SASU SITEL France demande à la Cour de :
– la juger recevable et bien fondée en son appel,
– la recevoir en son appel,
– réformer la décision entreprise en sa totalité sauf en ce qu’elle a rappelé que Maître Portier dispose d’un délai de 12 mois à compter du jour où la présente décision est passée en force de chose jugée pour demander le versement de tout ou partie de la part contributive de l’Etat ; à défaut, il est réputé avoir renoncé à celle-ci,
– statuant à nouveau,
– débouter Monsieur [R] de sa demande d’annulation de la mise à pied dont il a fait l’objet,
– débouter Monsieur [R] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
– débouter Monsieur [R] de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice allégué du fait d’un prétendu harcèlement moral,
– débouter Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
– condamner Monsieur [R] aux entiers dépens, ainsi qu’à une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 23 septembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [R] demande à la Cour de :
– débouter la SA SITEL FRANCE de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
– condamner la SA SITEL France à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
SUR QUOI
I – SUR LES SANCTIONS DISCIPLINAIRES :
A – Sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire du 25 juillet 2018 :
La mise à pied disciplinaire – qui ne doit pas être confondue avec la mise à pied conservatoire qui n’est pas une sanction, mais une simple suspension du contrat de travail dans l’attente de la sanction définitive – intervient à la suite d’un entretien préalable et doit être notifiée par écrit au salarié qui en est l’objet.
***
En l’espèce, l’employeur a fondé la mise à pied disciplinaire du 25 juillet 2018 prononcée à l’encontre de Monsieur [R] sur deux séries de faits :
– un comportement inadapté,
– le non-respect de process.
1- Sur le comportement inadapté :
La SASU SITEL France soutient en substance :
– que le règlement intérieur prévoit en son article 23 relatif aux sanctions disciplinaires la ‘mise à pied disciplinaire d’un à cinq jours maximum : suspension temporaire du contrat sans rémunération,’
– que le salarié, reçu en entretien préalable le 16 juillet 2018 à la suite de la convocation qui lui avait été remise en main propre contre décharge le 4 juillet 2018, a reconnu avoir tenu les trois propos,
– que la seule défense de l’intimé qui consiste à soutenir que lesdits propos étaient émis sur le ton de la plaisanterie et n’avaient pas blessé les intéressées ne peut pas être retenue dans la mesure où les attestations qu’il verse sont insuffisantes pour l’établir puisque la première a été rédigée par une salariée qui a été licenciée pour faute grave le 11 décembre 2018 et que les deux autres ont été établies dans des termes exactement similaires, y compris dans les fautes d’orthographe, et portent la même signature,
– qu’en tout état de cause, les propos litigieux ne sont objectivement pas admissibles et qu’il est de son devoir, en tant qu’employeur, dès lors qu’ils ont été tenus publiquement de ne pas les avaliser, sauf à permettre tous les dérapages.
En réponse, Monsieur [R] objecte pour l’essentiel :
– que les propos qui lui sont reprochés sont tous sortis de leur contexte pour justifier d’une sanction à son égard,
– qu’ils n’avaient pas blessé les deux salariés auxquels ils s’adressaient car ils étaient émis sur le ton de la plaisanterie dans le cadre d’une conversation privée,
– que les attestations qu’il verse l’établissent.
***
Cela étant, il convient de relever :
* – que le courrier de notification de la sanction disciplinaire est ainsi rédigé :
‘Comportement inadapté
A plusieurs reprises votre manager a constaté que vous adoptiez une communication inappropriée vis-à-vis de collègues sur le plateau.
A titre d’exemple, le 30 avril 2018, à une collègue qui s’était coupée les cheveux très courts vous avez demandé si ‘elle avait couché avec les Allemands’.
Le 28 juin dernier, vous avez tenu des propos très grossiers vis-à-vis d’un autre collègue : ‘ma b …. dans ton c’.
Enfin durant le mois de juin, et suite à la réception d’un courriel lié à la tenue vestimentaire au travail vous avez commenté cette note en évoquant : ‘les balloches qui bougent de trop dans certaines tenues’.
Cette communication est totalement inacceptable particulièrement dans un cadre professionnel et constitue un manque de respect vis-à-vis de vos collègues.’
* que les attestations versées par Monsieur [R] pour établir que ses propos relevaient de plaisanteries ont indiqué :
° pour celle établie par Madame [A] : ‘ … [L] [E] ne s’était pas couper les cheveux court mais tondue elle-même est pas très bien fait, tout le monde en parler et la blague de [T] a détendu l’ambiance elle n’était pas tout fâcher elle connaît bien [T] c’est l’ex de son cousin. J’étais présente quand il a blagué avec [M] ce n’était pas des propos indécents comme le dit la lettre RH. ‘ [T] est un garçon gentil voir trop gentil car il croit que tout le monde est gentil tout comme lui”(sic)
° pour les autres de façon générale et unanime que Monsieur [R] était un collègue agréable ayant un bon relationnel et une bonne communication, qui s’entendait avec tout le monde, Madame [K] précisant : ‘ses propos étaient tous écouter attentivement et mal interprétés par le manager.. ce qui a plusieurs fois impliqué d’autres collègues sans aucune demande de leur part ..'(sic) et Monsieur [Y] ajoutant : ‘ ‘ toutes ses phrases étaient analysées et sorties de leur contexte pour lui porter préjudice”(sic)
***
Contrairement à ce que soutient l’employeur, le fait que Madame [A] ait été licenciée pour faute grave le 11 décembre 2018 ne discrédite pas d’emblée pour cause de partialité son témoignage dès lors que celui-ci est précis et circonstancié et qu’il se trouve corroboré par les autres attestants.
Or tel est le cas en l’espèce dans la mesure :
– où contrairement à ce que l’employeur prétend encore les attestations de Madame [K] et de Monsieur [Y], rédigées toutes les deux dans des termes absolument différents et circonstanciés, revêtues chacune d’une signature correspondant à celles figurant sur les copies des cartes d’identité des témoins jointes à leurs témoignages, confirment que les propos tenus par Monsieur [R] étaient régulièrement sortis de leur contexte par son manager pour lui nuire,
– où sauf à se borner à prétendre qu’il ne pouvait pas avaliser ces propos, l’employeur est dans l’impossibilité d’établir que lesdits propos ont affecté les salariés auxquels ils s’adressaient et que ceux-ci étaient venus s’en plaindre auprès de lui, en lui demandant d’intervenir.
En conséquence, ce grief n’est pas établi.
2 – Sur le non respect du process :
La SASU SITEL soutient en substance qu’elle justifie des erreurs commises par le salarié et de son non-respect des process que d’ailleurs il ne conteste pas.
En réponse, Monsieur [R] objecte pour l’essentiel que les griefs qui lui sont reprochés sont très vagues et ne lui permettent ni de s’en expliquer ni à la cour d’en apprécier le bien-fondé.
***
Cela étant, il convient de relever que le courrier de notification de la sanction est ainsi rédigé :
‘Non-respect de process
Durant le mois de juin, nous avons constaté des erreurs de process concernant la réalisation de votre travail.
À titre d’exemple, les 22/ 26 /28 et 29 juin, nous avons constaté les dysfonctionnements suivants :
° vous avez transféré des demandes clients aux mauvais destinataire (notamment le niveau 2)
° vous n’avez pas traité des demandes qui étaient pourtant de votre responsabilité.
Nous vous avons rappelé que l’ensemble des process été documenté dans l’outil SFR &CO et que vous deviez l’utiliser davantage…’
Il en résulte comme l’a très justement relevé le premier juge que ce grief est imprécis et ne se rattache à aucun élément particulier.
Le seul fait que le salarié ait reconnu en substance qu’il pouvait faire des erreurs de temps en temps compte tenu des difficultés des process et de leur obsolescence ne signifie pas qu’il reconnaissait nécessairement l’existence des erreurs que l’employeur lui reprochait d’avoir commises les 22/26/28 et 29 juin.
De surcroît, les attestations pré-citées ont souligné l’évolution rapide des process, leur nombre important et les difficultés des salariés – y compris celle des managers – pour les maîtriser et les mémoriser totalement.
En conséquence, ce grief n’est pas établi.
3 – En conclusion, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a prononcé l’annulation de la mise à pied disciplinaire et condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 228,18 € bruts au titre des trois jours de salaire retenus indûment sur le fondement d’une mise à pied injustifiée.
B – Sur le licenciement :
1 – Sur les griefs :
En application des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail :
– le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse,
– le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.
Il en résulte :
1 ) que le caractère réel et sérieux du motif du licenciement implique :
– d’une part l’existence, l’exactitude et l’objectivité dudit motif, étrangères aux préjugés et aux convenances personnelles,
– d’autre part l’impossibilité sans dommage pour l’entreprise de la poursuite du contrat de travail dans la durée.
2 ) – que l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux du licenciement, n’incombe spécialement ni à l’une ni à l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
***
En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L. 1235-2, alinéa 2, du code du travail, invoque deux motifs de licenciement :
– un comportement et une communication inadaptés,
– le non-respect des process.
a – Sur le comportement et la communication inadaptés :
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
‘…Le 15 novembre dernier, sans raison particulière, vous avez tenu les propos suivants : ‘dans 5 ans quand je ferai la manche sous la grosse horloge, si je la vois la [S], je la tue, et la [P] aussi’, [P] étant votre manager et [S] la formatrice.
Lors de l’entretien vous aviez nié avoir tenu ces propos alors même que votre manager et les salariés de votre entourage les ont bien confirmés.
Le 27 novembre : suite à un appel client et alors qu’il n’y avait pas de tonalité de votre côté vous avez tenu les propos suivants : ‘Si tu es sourd muet, il ne faut pas appeler’ sans même enclencher la touche ‘mute’ de votre téléphone. Le client aurait pu vous entendre ce qui aurait mis à mal l’image de l’entreprise.
Régulièrement, et notamment en date du 16 novembre et du 17 décembre, vous êtes arrivé en retard de 3 minutes à votre poste de travail car, malgré votre arrivée à l’heure sur le plateau, vous vous êtes arrêté pour discuter avec un collègue et lui amener un café alors que vous saviez que vous auriez dû être logué à votre poste…’
Afin d’étayer ses propos, l’employeur verse :
– les courriels adressés par Monsieur [I], le supérieur hiérarchique de Monsieur [R], à Madame [W], relatant les faits du 25 novembre 2018,
– le relevé des heures de pointage et de travail de Monsieur [R],
– les deux courriels que Monsieur [I] a adressé à ses supérieurs hiérarchiques pour leur indiquer que Monsieur [R] s’était connecté à son poste avec retard,
– l’accord d’aménagement et l’organisation du temps de travail,
– une note de service organisant le traitement des retards.
En réponse, Monsieur [R] conteste les faits qui lui sont reprochés et explique :
– qu’il a contesté les griefs retenus dans sa lettre de licenciement par courrier et conteste fermement à nouveau les propos qui lui ont été prêtés le 15 novembre 2018,
– que s’agissant de l’appel du 27 novembre 2018, il ne s’agissait pas d’un appel client, mais d’un appel interne, vraisemblablement une erreur commise par un collègue de travail puisque personne ne parlait au bout du fil, voire d’une mauvaise plaisanterie,
– qu’à l’évidence ses moindres faits et gestes étaient épiés par son manager, qui saisissait la moindre faute, quitte à fabuler, pour préparer son licenciement,
– qu’au demeurant, il est pour le moins particulier pour un manager d’acter les propos déplacés d’un subordonné alors que lui-même n’est absolument pas irréprochable sur ce point.
– que par ailleurs, il lui est reproché d’être arrivé à l’heure mais d’avoir ‘logué’ son poste de travail avec 3 minutes de retard les 16 novembre et 17 décembre puis d’avoir repris son poste de travail avec 3 minutes de retard après le repas de fin d’année du 4 décembre 2018 alors que ces griefs, formés après la convocation à l’entretien préalable, ne sont absolument pas sérieux et démontrent une volonté d’en rajouter pour justifier un licenciement incontestablement abusif,
– que de surcroît, comme les retards visés demeurent de faible importance et peu fréquents, ils ne peuvent pas justifier un licenciement.
Au soutien de ses griefs, il produit les attestations suivantes rédigées par :
– Madame [B] (pièce 13) qui déclare : ‘Ayant été la collègue de Monsieur [T] [R] durant plusieurs mois, et ayant travaillé au poste voisin, j’atteste que c’est un collègue agréable à vivre, ayant une bonne communication et un bon sens du relationuel. J’ai en revanche été témoin à plusieurs reprises d’extrapolation de la part de [J] [I] (le manager), des propos tenus par [T] [R] et d’autres collègues. [J] [I] a notamment rapporté à sa responsable [P] [F] qu’il l’avait menacé de ‘lui casser la gueule lors d’une dispute’. Dispute dont j’ai été témoin et dans laquelle aucun propos de ce type n’a été tenu par [T]. Par ailleurs cette dispute avait éclaté suite au comportement agressif de [J] [I]. Celui-ci faisait preuve de harcèlement moral à l’égard de plusieurs salariés dont [T] et moi-même. Il tenait des propos déplacés et usés de blagues à caractère sexuel régulièrement. Il s’est notamment adressé à moi pour me dire ‘je ne porte pas de caleçon,
je préfère les strings..'(sic)
– Madame [K] (pièce 14) qui indique : ‘Je témoigne que travailler avec [T] [R] était un plaisir, que c’est une personne très agréable et professionnel, appliqué dans son travail.. J’ai été témoin de l’acharnement et de la pression exercée par [J], le manager d'[T]. Celui-ci a été plusieurs fois convoqué par [J] à tord. Ses propos étaient tous écouter attentivement et mal interprété par le manager [J]. Ce qui a plusieurs fois impliquées d’autres collègues sans aucune demande de leur part. [J] avait totalement fait de [T] son souffre-douleur et j’en suis témoin…'(sic)
– Monsieur [H] [Y] (pièce 15) : ‘j’ai été très surpris du traitement réservé à ce dernier ([T]). Une pression particulière ainsi qu’un ‘flicage abusif’. Toutes ses phrases étaient analysées et sortis de leur contexte pour lui porter préjudice. Aussi dans l’ensemble il me paraît évident que Monsieur [R] était victime d’acharnement de la part de son manager. Monsieur [R] était apprécié de ses collègues mais pas de son manager ce qui explique le traitement injuste dont il a été victime.'(sic)
– Madame [A] (pièce 16) : ‘ ‘ [T] était un collègue sympa, il s’entendait avec tout le monde de 18 à 60 ans et sa comuniquation était adaptée. Les dossiers était complité, les procédures changer souvent et faire 5 erreurs par mois me semble peu. [N] (nom patronymique illisible) la pris en grippe car il lui a dit ce que tout le monde pensait, qu’elle nous parlait mal ce dont je témoigne…j’étais présente quand il a blagué avec [M] ce n’était pas des propos indécents comme le dit la lettre de la RH. Suite aux propos de [J] [I] en disant que [T] voulait l’attendre dehors pour le taper et complètement faux. Il a dit : ‘si tu cherches la bagarre tu vas la trouver” alors que [T] a demandé dès août 2018 a changé de manager rien n’a été fait dans ce sens au contraire il a été placé à côté de lui. Je suis témoin qu’il le harcelait.”(sic)
Il en résulte :
1- d’une part, comme il a été jugé ci-dessus pour des motifs auxquels la cour renvoie, contrairement à ce que soutient l’employeur, que l’ensemble des attestations versées par l’employeur doit être retenu dans la mesure où elles sont toutes rédigées dans des termes absolument différents et circonstanciés et se recoupent entre elles pour expliquer en substance que les propos de Monsieur [I] étaient toujours sortis de leur contexte pour lui porter préjudice,
2 – d’autre part que l’employeur se borne à verser les courriels que Monsieur [I] lui adressait pour lui relater les agissements de Monsieur [R] sans pour autant les étayer par d’autres éléments et notamment les témoignages des salariés visés par les propos litigieux ou
présents lors de la tenue par l’intéressé de ses propos alors que l’objectivité du manager est mise en doute.
Ainsi, il ne peut pas établir leur réalité effective.
3 – par ailleurs, il ne produit aucun élément permettant de démontrer que c’est à un client que le 27 novembre 2018, le salarié a tenu au téléphone les propos suivants : ‘si tu es sourd muet, il ne faut pas appeler’, sans enclencher la touche ‘mute’ du téléphone afin d’éviter que ledit client ou personne de l’extérieur n’entende ses propos et non à un collègue qui l’appelait à partir d’un poste téléphonique interne,
4 – enfin, les trois retards reprochés à Monsieur [R] n’ont jamais été supérieurs à 3 minutes et ne sont donc absolument pas significatifs de sa mauvaise volonté et de son dilettantisme.
En conséquence, ce grief n’est pas établi.
b – Sur le non respect des process :
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
‘…Durant le mois de novembre, nous avons eu connaissance de nombreuses erreurs de process concernant la réalisation de votre travail. A titre d’exemples :
– Le 14 novembre : concernant un problème de réglement de facture, vous n’avez pas adressé le dossier à la bonne équipe,
– Le 15 novembre : concernant un changement d’adresse à effectuer, vous n’avez pas su traiter la demande,
– Le 20 novembre : vous avez envoyé à l’équipe du niveau 2 une mauvaise information concernant un dossier client qui a généré une incompréhension des équipes et une perte de temps.
– Le 23 novembre : vous n’avez pas traité une demande urgente d’une cliente et la réponse n’a pas été apportée en temps et en heure.
– Le 26 novembre :
– vous avez mal traité le dossier qui a dû être géré par une autre équipe au Maroc,
– vous avez effectué une erreur dans le transfert d’un dossier qui n’a, par conséquent, pas été traité.
Toutes ces erreurs de process interviennent parce que vous persistez à refuser de consulter la base de connaissance SFR & Co malgré les nombreuses demandes en ce sens de vos managers et de la formatrice.
Nous constatons ce non-respect des process alors même qu’il y a quelques semaines, nous vous avions notifié une mise à l’épreuve sur des faits similaires. Nous vous avions demandé expressément d’utiliser la base documentaire afin d’éviter que des erreurs se renouvellent d’une part, et afin que vous ne solicitiez plus systématiquement vos collègues ou encadrants qui perdent du temps à vous répondre alors que vous avez la solution dans l’outil.
Lors de l’entretien, vous avez admis que, solliciter vos collègues, encadrants, était plus simple pour vous que d’aller chercher dans la base.
Enfin, votre communication inadaptée et vos provocations vous ont déjà été reprochées à plusieurs reprises mais manifestement, vous continuez à déraper délibérément.
Lors de l’entretien, vous ne nous avez, une fois de plus, pas montré de volonté d’améliorer votre comportement, et n’avez exprimé aucun regret vis à vis de vos actes…’
Afin d’étayer ses propos, l’employeur verse :
– la mise en garde adressée au salarié par courrier du 31 octobre 2018,
– le relevé des 23 formations dont celui-ci a bénéficié,
– les courriels qui lui ont été envoyés par ses supérieurs hiérarchiques afin de lui signaler les erreurs qu’il avait commises et lui demander de rectifier son travail.
Il en conclut que l’appréciation bienveillante du conseil de prud’hommes n’est pas de mise au regard des nécessités du poste et de la rigueur qu’il appelle.
En réponse, Monsieur [R] objecte pour l’essentiel :
– que s’il consultait la base de données du client SFR pour répondre au client, il n’en demeure pas moins que certaines réponses aux questions posées n’y figuraient pas, raison pour laquelle dans un souci de satisfaire le client, il sollicitait les avis de son manager et de ses collègues de travail,
– qu’aucun des griefs visés dans la lettre de licenciement ne justifiait son licenciement,
– que la SAS SITEL France ne démontre pas la réalité incontestable des faits mais les rapports réguliers de Monsieur [I] à son encontre,
– que les griefs sont subjectifs et que les motifs invoqués cachent un autre motif.
Il s’appuie pour établir la pertinence de ses explications sur les attestations précitées qui toutes relèvent son professionnalisme et l’évolution très rapide des process qui comportait comme corollaire l’impossibilité de tous les maîtriser, avec notamment les témoignages précités de :
– Madame [B] (pièce 13) qui indique : ‘concernant les process, ceux-ci changeaient quotidiennement et en nombre important. Même en consultant la base SFR et CO, il était impossible de tous les maîtriser. Il était d’usage de consulter ses collègues ou ses manager pour les dossiers sur lesquels nous avions un doute. Même les managers nous faisaient commettre des fautes, car eux-mêmes ne maîtrisaient pas tous les process. Tous les salariés de cette activité commettaient des fautes similaires à celle de [T] sans pour autant être licenciés’ (sic)
– Monsieur [Y] (pièce 15) qui précise : ‘ … je certifie que [T] [R] travaillait de façon très professionnel..’ (sic)
– Madame [A] (pièce 16) qui écrit : ‘ …Les dossiers étaient complité, les procédures changer souvent, et faire 5 erreurs par mois me semble peu…'( sic)
***
Cela étant, il en résulte que contrairement à ce que soutient l’employeur, les attestations produites par le salarié doivent être prises en considération pour les motifs sus évoqués.
Or ces témoignages insistent sur l’évolution très rapide des process et les difficultés éprouvées par les salariés et parfois par les managers pour les mémoriser et les maîtriser.
Par ailleurs :
– même si Monsieur [R] était salarié dans l’entreprise depuis octobre 2017, il n’était affecté que depuis mars 2018 dans le poste litigieux, soit depuis quatre mois environ, lorsqu’il a fait l’objet de la première sanction disciplinaire alors qu’il devait bénéficier d’un temps d’adaptation,
– aucun élément extérieur à la société – notamment des plaintes de clients insatisfaits – n’est versé aux débats pour étayer les griefs de l’employeur alors que nécessairement, compte tenu des reproches faits au salarié, ceux-ci auraient dû exister.
En conséquence, il convient de considérer qu’un doute existe sur l’existence de ce grief qui doit profiter au salarié.
c – En conclusion, il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [R] était sans cause réelle et sérieuse.
2 – Sur les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Aucune critique sérieuse n’est élevée à l’encontre du montant des dommages intérêts tel que fixé par le conseil de prud’hommes de La Rochelle.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
II – SUR LE HARCELEMENT MORAL :
A – Sur l’existence d’un harcèlement moral :
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.
Ainsi, le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.
Le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l’article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il en résulte que le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et qu’il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci.
De ce fait, le juge doit :
– en premier lieu examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux,
– puis qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral,
– enfin examiner les éléments de preuve produits par l’employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il est constant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
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Monsieur [R] prétend en substance qu’au cours de la relation de travail, il a été victime de harcèlement moral de la part de son manager dont il a vainement dénoncé le comportement à son employeur qui n’a pas entendu sa demande de changer d’équipe pour ne plus être sous ses ordres.
Il verse aux débats – afin d’étayer ses allégations – :
1 – des attestations de :
– Madame [B] (pièce 13) qui déclare : ‘j’ai en revanche été témoin à plusieurs reprises d’extrapolation de la part de [J] [I] (le manager), des propos tenus par [T] [R] et d’autres collègues. [J] [I] a notamment rapporté à sa responsable [P] [F] qu’il l’avait menacé de ‘lui casser la gueule lors d’une dispute’. Dispute dont j’ai été témoin et
dans laquelle aucun propos de ce type n’a été tenu par [T]. Par ailleurs cette dispute avait éclaté suite au comportement agressif de [J] [I]. Celui-ci faisait preuve de harcèlement moral à l’égard de plusieurs salariés dont [T] et moi-même. Il tenait des propos déplacés et usés de blagues à caractère sexuel régulièrement….’ (sic)
– Madame [K] (pièce 14) qui indique : ‘j’ai été témoin de l’acharnement et de la pression exercée par [J], le manager d'[T]. Celui-ci a été plusieurs fois convoqué par [J] à tord. Ses propos étaient tous écouter attentivement et mal interprété par le manager [J]. Ce qui a plusieurs fois impliquées d’autres collègues sans aucune demande de leur part. [J] avait totalement fait de [T] son souffre-douleur et j’en suis témoin…'(sic)
– Monsieur [H] [Y] (pièce 15) : ‘j’ai été très surpris du traitement réservé à ce dernier ([T]). Une pression particulière ainsi qu’un ‘flicage abusif’. Toutes ses phrases étaient analysées et sortis de leur contexte pour lui porter préjudice. Aussi dans l’ensemble il me paraît évident que Monsieur [R] était victime d’acharnement de la part de son manager. Monsieur [R] était apprécié de ses collègues mais pas de son manager ce qui explique le traitement injuste dont il a été victime.'(sic)
– Madame [A] (pièce 16) : ‘ ‘ [N] (nom patronymique illisible) l’a pris en grippe car il lui a dit ce que tout le monde pensait, qu’elle nous parlait mal ce dont je témoigne… propos de [J] [I] en disant que [T] voulait l’attendre dehors pour le taper et complètement faux. Il a dit : ‘si tu cherches la bagarre tu vas la trouver” alors que [T] a demandé dès août 2018 a changé de manager rien n’a été fait dans ce sens au contraire il a été placé à côté de lui. Je suis témoin qu’il le harcelait.” (sic)
* les différentes sanctions dont il a fait l’objet dans un laps de temps très court :
– courrier de mise à pied disciplinaire du 25 juillet 2018,
– courrier de mise en garde du 31 octobre 2018,
– notification du licenciement du 17 décembre 2018,
* le compte rendu de la visite qu’il a effectuée le 4 septembre 2018 auprès du médecin du travail qui a noté sur sa fiche qu’il était venu de lui-même pour le consulter et qu’il lui avait expliqué qu’il se sentait victime d’une injustice,
* le certificat établi par Monsieur [U], masseur kinésithérapeute, le 13 novembre 2019 aux termes duquel celui-ci a déclaré : ‘avoir suivi Monsieur [R] pour des massages décontractants sur l’ensemble du corps, plus particulièrement sur les cervicales, les épaules et l’ensemble du dos et ce entre août et décembre 2018. À cette époque, Monsieur [R] était dans un état de stress important et présentait des contractures hyperalgiques. J’inclus aussi durant cette période des séances de massage californien à haute visée ‘lâcher prise’ et relaxante..’,
* le certificat médical établi le 20 décembre 2018 par le Docteur [C] qui note : ‘Il ([T] [R]) présente un état anxio-dépressif assez important qui comporte une humeur triste avec idées noires voire suicidaires, anxiété avec ruminations mentales, troubles du sommeil (avec cauchemar), repli sur soi avec phobie sociale (notion de stress post-traumatique). Les éléments dépressifs comportent des sentiments de dévalorisation mais aussi de malveillance et de d’injustices subies. En effet l’intéressé dit avoir été harcelé dans son travail puis licencié injustement. Dans le cadre d’une prise en charge psychiatrique qu’il doit suivre un traitement médicamenteux psychotrope”
* le courrier non daté qu’il a adressé à son employeur après son licenciement pour contester les mise à pied disciplinaire, mise en garde et licenciement,
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L’ensemble de ces éléments peuvent laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de Monsieur [R].
Il appartient donc à l’employeur de prouver que les agissements invoqués par Monsieur [R] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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À ce titre, après avoir rappelé que le grief de harcèlement est devenu un exercice obligé aux fins de tenter de s’affranchir des dispositions restrictives de l’article L 1235-3 du code du travail, la société Sitel objecte pour l’essentiel :
– que Monsieur [R] ne rapporte pas la preuve du harcèlement qu’il allègue,
– que les erreurs qui lui sont reprochées sont établies et qu’il ne les a jamais contestées pas plus que les mises en garde dont il a fait l’objet avant que n’intervienne son licenciement,
– qu’en tout état de cause, elles ne sont pas admissibles au regard des exigences du poste occupé par le salarié et de l’accompagnement dont il a fait l’objet, tant au travers des formations qu’il a reçues que des sanctions dont il a fait l’objet sous forme de mise à pied et de mise en garde, toutes destinées à le mobiliser, à lui faire prendre conscience de la nécessité d’assumer ses fonctions selon les process en vigueur,
– que la cour doit s’interroger sur le crédit qui s’attache aux attestations de salariés peu enclins à apprécier les critiques de leur hiérarchie,
– que l’infirmière de la société s’est vivement émue des paroles que le salarié lui a faussement prêtées selon lesquelles elle lui aurait proposé de ‘monter’ un dossier de harcèlement contre son supérieur hiérarchique et qu’elle a tenu à témoigner que jamais elle n’avait tenu de tels propos,
– que le médecin du travail qui a examiné le salarié à sa demande a consigné les déclarations de ce dernier mais n’en a pas tiré d’autres conséquences puisqu’il a conclu que le salarié devait être revu dans trois ans,
– que l’avis du kinésithérapeute du salarié peine à entraîner la conviction quant à la relation entre les difficultés professionnelles de celui-ci et la nécessité de massages décontractants entre août et décembre 2018,
– qu’enfin le procès d’intention fait par le salarié à l’encontre de son responsable est dépourvu de tout fondement dans la mesure où celui-ci exerce ses fonctions à la grande satisfaction de son employeur depuis le 1er décembre 2004 et où il n’a fait qu’assurer son rôle à l’égard de Monsieur [R] en accord avec divers autres salariés de la société, tels que les formateurs, responsables hiérarchiques et responsables des ressources humaines de l’entreprise.
Afin d’appuyer ses propos, l’employeur verse :
– la feuille de présence du salarié aux formations qu’il a suivies,
– l’attestation de Madame [X], infirmière,
– le courriel de Monsieur [I] du 27 novembre 2019,
– le courrier de licenciement de Madame [A],
– le courriel en date du 4 juillet 2018,
– les courriels du mois de novembre 2018,
– les avertissements en date des 25 mars 2018 et 4 septembre 2020,
– l’attestation employeur de Monsieur [J] [I],
– la note de service relative au traitement des absences et des retards des salariés.
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En liminaire, il convient de rappeler que la validité des attestations produites par le salarié a été reconnue ci-dessus pour les motifs exposés précédemment auxquels la cour renvoie tenant à leur rédaction en des termes différents mais concordants.
Il en résulte qu’aucun élément objectif tendant à démontrer la partialité des témoins n’est rapporté par l’employeur pour écarter les attestations produites par le salarié et de ce fait, écarter les propos des témoins qui déclarent en substance – tel que rappelé ci-dessus – que Monsieur [R] faisait l’objet de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique direct.
Aussi, lorsque les témoins relatent tous dans des termes différents mais néanmoins concordants le comportement du supérieur hiérarchique direct de Monsieur [R] à l’égard de ce dernier et expliquent – en fournissant des exemples – qu’il pouvait modifier auprès du staff de la société dans un sens négatif les propos que lui tenait le salarié afin de lui causer un préjudice, l’employeur peut s’expliquer sur ces faits précis et fournir à son tour des attestations pour rétablir la réalité des faits.
Or il demeure particulièrement silencieux sur ce point et ne donne aucune explication ou ne produit aucun élément permettant de démentir les témoins.
De même, il se borne :
– à relever que même si Monsieur [R] était venu de son propre chef consulter le médecin du travail et avait indiqué à ce dernier qu’il se sentait victime d’une injustice, il n’en demeurait pas moins que le professionnel de santé s’était limité à indiquer sur sa fiche que le salarié devait être revu dans trois ans,
– à commenter la note établie par le masseur kinésithérapeute de Monsieur [R], sans toutefois fournir aucune explication ou commencement d’explication sur le certificat médical du médecin psychiatre qui décrit la situation du salarié fin décembre 2018 comme étant celle d’un sujet en état anxio-dépressif présentant un stress post traumatique alors que ces constatations viennent conforter la note du masseur kinésithérapeute et s’inscrivent dans le droit fil des attestations des témoins.
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En conséquence, il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur échoue à justifier par des éléments objectifs l’essentiel du comportement adopté par le supérieur hiérarchique direct du salarié à son égard, tel que ce dernier et les témoins le décrivent.
Ainsi, pris dans leur ensemble, tous les éléments décrits par le salarié relèvent d’un harcèlement moral exercé par l’employeur.
En conséquence, sur le fondement des principes sus rappelés, même si l’employeur n’a pas voulu sciemment et volontairement se rendre coupables d’un harcèlement moral à l’égard de Monsieur [R], il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a reconnu le harcèlement moral dont le salarié a été victime.
2 – Sur les conséquences du harcèlement moral :
Le salarié victime d’un harcèlement moral peut solliciter des dommages intérêts pour obtenir des dommages intérêts en réparation du préjudice subi.
En l’espèce, Monsieur [R] sollicite la confirmation du jugement attaqué qui lui a accordé une somme de 10000 € à titre de dommages intérêts.
Compte tenu des éléments versés aux débats – pièces médicales et paramédicales, difficultés pour le salarié de retrouver un travail – il y a lieu de faire droit à sa demande et de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
III – SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS DU PROCÈS :
Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par l’employeur.
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Il n’est pas inéquitable de condamner la SASU SITEL France à payer à Monsieur [R] une somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile tout en la déboutant de sa propre demande formée sur le fondement de la même disposition.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 25 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de La Rochelle,
Y ajoutant,
Condamne la SASU SITEL France aux dépens,
Condamne la SASU SITEL France à payer à Monsieur [R] une somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SASU SITEL France de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,