Mise à pied disciplinaire : 27 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04258

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Mise à pied disciplinaire : 27 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/04258
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 27 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04258 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDV2N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/07468

APPELANTE

Madame [U] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra RAMOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0921

INTIMEE

S.A. API RESTAURATION

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-François CORMONT, avocat au barreau de LILLE, toque : 0079

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [E], a été engagée par la S.A. API restauration, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 mars 2015, en qualité de chef de groupe, statut employé.

A compter du 1er mai 2016, elle est devenue adjointe au responsable de restauration et a été amenée à travailler sur différents sites.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

Mme [E] a été arrêtée pour maladie à compter du 31 janvier 2017.

Selon avis du 22 juin 2017, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste, avec dispense de recherche de reclassement.

Par lettre datée du 31 août 2017, Mme [E] a été licenciée pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

A la date du licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 2 ans et 5 mois et la société API restauration occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, Mme [E] a saisi le 19 septembre 2017 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 1er avril 2021, rendu en sa formation de départage, et auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– condamne la société API restauration à payer à Mme [E] une somme de 72 euros à titre de complément d’indemnité de licenciement,

– rappelle que les condamnations de nature salariale portent intérêt à compter de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation,

– déboute Mme [E] du surplus de ses demandes,

– déboute la société API restauration de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

Par déclaration du 04 mai 2021, Mme [E] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 3 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 juillet 2021, Mme [E] demande à la cour de :

– dire et juger Mme [E] bien fondée en ses fins, moyens et prétentions,

y faisant droit,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en service de départage du 1er avril 2021 en toutes ses dispositions,

par conséquent,

à titre principal :

– dire et juger nul et de nul effet le licenciement notifié à Mme [E] en date du 31 août 2017,

– condamner la société API restauration à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

– 5 291, 06 euros au titre de l’indemnité de préavis,

– 529,11 euros au titre des congés payés y afférents,

– 746,36 euros au titre de l’indemnité pour nullité du licenciement (12 mois de salaire),

à titre subsidiaire,

– dire et juger dépourvu de toute cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à Mme [E] en date du 31 août 2017,

– condamner la société API restauration à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

– 5 291, 06 euros au titre de l’indemnité de préavis,

– 529,11 euros au titre des congés payés y afférents,

– 31 746,36 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois de salaire),

en tout état de cause :

– condamner la société API restauration à payer à Mme [E] la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

à titre subsidiaire,

– condamner à tout le moins la société API restauration à payer à Mme [E] la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité et de résultat,

– condamner la société API restauration à payer à Mme [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance,

– condamner la société API restauration la somme de 2. 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel,

– condamner la société API restauration aux entiers et dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2021, la société API restauration demande à la cour de :

à titre principal :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société API restauration au paiement d’une somme de 72 € à titre de complément d’indemnité de licenciement,

– débouté la société API restauration de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– fixer le salaire de référence de Mme [E] à la somme de 2.441,54 €,

– débouter Mme [E] de sa demande de complément d’indemnité de licenciement,

– condamner Mme [E] à verser à la société API restauration la somme de 1.200 € au titre des frais irrépétibles de première instance et à la somme de 2 500 € à hauteur d’appel, au titre de l’article 700,

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

– débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire :

– limiter la condamnation à l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4.200 € et débouter Mme [E] du surplus de sa demande,

– limiter la condamnation aux dommages-intérêts pour licenciement nul à 6 mois de salaire, soit la somme de 14.649,24 € et débouter Mme [E] du surplus de sa demande,

– limiter la condamnation aux dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à 3 mois de salaires, soit la somme de 7.324,62 € et débouter Mme [E] du surplus de sa demande.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur le harcèlement moral :

Pour infirmation du jugement Mme [E] soutient en substance qu’elle a subi de la part d’un de ses responsables et d’un client des propos à connotation raciste et la dénigrant physiquement. Elle affirme avoir été victime d’une inégalité de traitement, le maître d’hôtel embauché après elle s’étant vu offrir une rémunération bien supérieure à la sienne alors qu’il n’était qu’en CDD et présentait un niveau de qualification professionnelle et une ancienneté moindres que la sienne. Elle ajoute qu’elle n’a bénéficié d’aucune prime pour la préparation du repas de Noël contrairement à certains de ses collègues et ne percevait pas de primes d’habillage bien que le port d’une tenue de travail impliquant des opérations d’habillage et déshabillage lui était imposé. Elle fait par ailleurs valoir que lorsqu’elle a été promue en avril 2016, et qu’elle est passée d’un statut employé à agent de maîtrise, l’avenant qu’elle a signé n’a été appliqué que plusieurs mois après, alors qu’il aurait du prendre effet immédiatement, et qu’elle aurait ainsi du être augmentée, le mois suivant cette signature. Mme [E] soutient encore qu’elle a cumulé les fonctions d’employée de restauration, adjointe de direction, caissière, cheffe de cuisine, responsable room services, et maître d’hôtel, ce qui constitue un manquement grave de l’employeur à son obligation contractuelle, et lui a provoqué un état d’anxiété généralisé et un syndrome dépressif réactionnel à l’origine de son inaptitude.

La société API restauration réplique que les propos évoqués ne sont ni caractérisés ni datés, qu’en outre le responsable qui aurait tenu ces propos a été détaché temporairement puis a été muté, Mme [E] n’étant donc plus en contact avec lui lorsqu’elle a été placée en arrêt de travail. S’agissant de la différence de rémunération reprochée, elle conteste l’existence d’une rupture d’égalité de traitement faisant valoir que le maître d’hôtel n’avait pas les mêmes fonctions et été embauché dans le cadre d’un contrat à durée déterminée, et que les situations comparées n’étaient donc pas similaires.

La société API restauration soutient par ailleurs que le changement de statut de la salariée n’engendrait aucune augmentation salariale, laquelle n’a d’ailleurs jamais été sollicitée. Elle ajoute que la salariée était payée au-dessus du salaire conventionnel.

S’agissant des primes l’employeur fait valoir que les temps d’habillage et de déshabillage étaient compris dans le temps de travail effectif et ne donnaient donc pas lieu à contrepartie.

La société API restauration indique enfin que Mme [E] ne s’est jamais plainte de ses conditions de travail, que son poste était polyvalent par nature, et qu’aucun lien n’est démontré entre son état de santé et ses conditions de travail.

Aux termes des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du code du travail précise que lorsque survient un litige relatif à l’application des dispositions de l’article précité, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, la salariée présente au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral les éléments de faits suivants:

– le contrat de travail à durée déterminée de M. [D] engagé en qualité de maitre d’hôtel pour la période du 31 octobre 2016 au 10 novembre 2016 moyennant une rémunération de 2 800 euros alors qu’en sa qualité de responsable adjointe de restauration elle ne percevait que 2 100 euros

– ses fiches de paye démontrant l’absence de prime d’habillage et de prime de repas de Noel,

– un mail en date du 9 juin 2015 adressé par la DRH à la direction dénonçant le comportement ‘irrespectueux et déplacés ‘ d’un salarié de l’entreprise affirmant que l’équipe était à bout. Elle précise s’agissant de Mme [E] ‘S’ajoutent à cela des propos constituants de la discrimination raciale à l’égard de [B] et [U]. Il essaye de parler en arabe et quand [U] lui demande de répéter il évince le sujet. Nous ne saurons tolérer son comportement qui peut aussi être associé à du harcèlement moral.’

Il ressort des pièces versées aux débats que ce salarié a d’ailleurs fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire notifiée le 7 mars 2016 pour ‘comportement inapproprié, discriminant et humiliant’ vis à vis des autres membres de son équipe, même si Mme [E] n’est pas spécifiquement visée comme étant victime de ces propos.

– une attestation d’un salarié, M. [G], directeur de site sur la période du 31 août 2015 au 16 décembre 2016, indiquant avoir constaté au sein de l’entreprise un manque flagrant de respect du personnel malgré ses demandes tant au niveau des conditions de travail qu’en termes de rémunération, précisant que la direction demandait toujours plus, raison pour laquelle il avait démissionné pour ne pas cautionner ces agissements. S’agissant de Mme [E] en particulier le salarié indique ‘ elle est arrivée sur site en janvier 2016 au poste de directrice adjointe mais sans avenant ni augmentation malgré les engagements de la société API restauration…; …elle a été parfois obligée de rester en dehors de ses horaires…mais non payée…;… Elle a été mise en doute par le client sur son aspect physique sur son interrogation sur ses qualités’.

– une attestation d’une salariée, Mme [H] (pâtissière) au sein de l’entreprise affirmant avoir été présente lors de l’arrivée de Mme [E] en tant que Directrice adjointe en janvier 2016. Elle indique que Mme [E] en plus de ses fonctions était aussi caissière, préparatrice des entrées, des plats et des desserts, s’occupait des recharges des denrées manquantes, faisait la gestion des marchandises et remplaçait le personnel absent, faisant ainsi des horaires ‘ à rallonge’ . Elle ajoute qu’après le départ du chef de cuisine sanctionné par la direction, suite au blocus des salariés qui ne supportaient plus son irrespect et ses propos racistes, Mme [E] a, sous le contrôle de son directeur, dû faire office de gestionnaire en cuisine, gestionnaire des commandes et des animations. Elle mentionne encore que Mme [E] faisait l’objet de propos à connotation raciste de la part des responsables de services généraux sur le site où API était prestataire. Elle affirme que Mme [E] a, en sa présence évoqué maintes fois auprès de la direction la réévaluation de sa rémunération, le mal être de l’équipe, les pressions psychologiques et les sous entendus raciaux qu’elle subissait, la direction s’étant contenté de lui répondre à ce sujet, qu’elle ne pouvait rien faire.

– une attestation émanant d’un salarié, M. [W] (maitre d’hôtel) affirmant que Mme [E] soutenait son équipe, face notamment à la cliente qui mettait la pression et qu’elle faisait ‘ un double travail de l’administration du club’ mentionnant: ‘c’était une période difficile où nous ne comptions pas nos heures’.

– de nombreux avis de salariés dénonçant les conditions de travail et l’ambiance délétère au sein de l’entreprise.

– des arrêts de travail ininterrompus à compter du 31 janvier 2017;

– une fiche de suivi individuel renforcé du médecin du travail en date des 30 mai 2017 mentionnant que le maintien de la salariée à son poste de travail dans la société API restauration serait gravement préjudiciable à sa santé.

– un avis d’inaptitude du médecin du travail en date du 26 juin 2017 confirmant que le maintien de la salariée dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

– une lettre d’un médecin psychiatre du 20 mars 2017 indiquant avoir reçu la salariée pour un syndrome dépressif caractérisé secondaire à une souffrance au travail et orientant la salariée vers le service de souffrance au travail.

– un certificat médical du 31 janvier 2017 mentionnant que la salariée présentait un anxiété généralisée qu’elle indiquait être en rapport avec des incidents sur son lieu de travail.

Ces éléments pris dans leur ensemble, en ce compris les éléments médicaux laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour démontrer que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, l’employeur se limite à faire valoir s’agissant des propos discriminants que ceux-ci ne sont ni datés ni circonstanciés, alors que les éléments produits permettent néanmoins d’établir que plusieurs salariés de l’entreprise dont Mme [E] ont été victimes de propos racistes, la société API restauration reconnaissant d’ailleurs que le chef cuisinier a été mis à pied à titre disciplinaire puis muté sur un autre site en raison des propos racistes qu’il tenait.

S’agissant de l’absence d’augmentation suite à la promotion de Mme [E] qui est passée d’un poste de Chef de Groupe, statut employé, à un poste d’Adjointe au Responsable de restauration statut agent de maitrise, la société qui se limite à faire valoir que le minimum conventionnel est respecté, ne justifie d’aucun élément objectif étrangers à tout harcèlement moral permettant d’expliquer cette absence d’évolution de rémunération, alors que le directeur de site lui même atteste que la salariée est arrivée sur site en janvier 2016 au poste de directrice adjointe mais sans avenant ni augmentation malgré les engagements de l’employeur, l’avenant n’ayant été régularisé qu’en mai 2016 et l’augmentation accordée qu’en octobre 2016.

En ce qui concerne la différence de rémunération entre Mme [E] et M. [D] la société API restauration qui conteste l’inégalité de traitement en faisant valoir qu’il s’agit de situations qui ne sont pas comparables puisque M. [D] a été engagé en qualité de maître d’hôtel pour une durée déterminée de 2 semaines, ne donne aucune explication objective permettant de justifier l’importance de l’écart entre les 2 rémunérations ( 2 100 euros pour Mme [E] et 2 800 euros pour M. [D]) alors que ce dernier occupe un poste d’employé tandis que Mme [E] occupe un poste d’agent de maitrise.

S’agissant de la prime d’habillage qui aux termes de l’avenant n°1 du 7 février 2001 de l’accord-cadre ARTT du 15 janvier 1999, est due au salarié sous forme d’une prime journalière ou d’attribution de 2 jours de repos dans l’année, dès lors que les opérations d’habillage ou de déshabillage sont réalisées sur le lieu de travail, sans qu’elles soient décomptées en temps de travail effectif, la société API restauration qui affirme que le temps d’habillage et de déshabillage était compté dans le temps de travail effectif ne produit aucun élément le démontrant.

L’employeur ne donne par ailleurs aucune explication sur l’absence de prime de repas de Noel.

Pour ce qui est du cumul de fonctions, s’il résulte de la fiche métier ‘adjoint au directeur/responsable restauration’ que la salariée devait assurer la rentabilité du site et la satisfaction du client, encadrer l’équipe de cuisine et superviser la production, superviser le déroulement du service et y participer, superviser la logistique du site, gérer la comptabilité du site et mettre en place et faire appliquer le plan de maitrise sanitaire et les règles de sécurité par l’équipe, la société API restauration ne produit aucun élément permettant de justifier que la salariée ait du exercer en plus de ses fonctions celles de salariés qu’elle était censée encadrer, étant rappelé que le directeur de site a démissionné en raison des conditions de travail imposées par l’employeur et qu’il ne souhaitait pas cautionner.

La société échouant à démontrer que ses décisions sont justifiées par des éléments étrangers à tout harcèlement moral, la cour par infirmation du jugement retient que les faits présentés par la salariée sont constitutifs de harcèlement moral.

Il y a en conséquence lieu de condamner la société API restauration, à payer à Mme [E] qui justifie d’un état anxio dépressif qui est au regard des faits établis en lien manifeste avec ses conditions de travail et à l’origine de l’avis d’inaptitude aux termes duquel le médecin du travail a indiqué que son maintien dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la nullité du licenciement:

Mme [E] soutient qu’au vu du harcèlement moral qu’elle a subi et qui est à l’origine de l’avis d’inaptitude dont elle a fait l’objet, son licenciement est nul.

La société API restauration qui conteste l’existence d’un tel harcèlement et le lien entre les faits qui lui sont reprochés et l’inaptitude de la salariée, fait valoir que le licenciement prononcé en raison de l’inaptitude médicalement contesté de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 1152-3 du Code du travail, toute rupture du contrat de travail résultant d’un harcèlement moral est nulle de plein droit.

L’article L 1235-3 du code du travail dispose que le salarié victime d’un licenciement nul peut prétendre à une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.

En l’espèce, la salariée a été victime de faits de harcèlement moral et a été placée en arrêt maladie dans le cadre d’un syndrome dépressif puis déclarée inapte au motif que son maintien à son poste de travail serait gravement préjudiciable à sa santé. Il en résulte que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement qui est la conséquence des agissements de harcèlement moral est nul.

Il y a lieu eu égard à son ancienneté et à l’absence de justificatifs sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement de condamner la société API restauration à lui payer la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, outre la somme de 5 291,06 euros au titre de l’indemnité de préavis et celle de 529,11 euros au titre des congés payés afférents.

En ce qui concerne l’indemnité de licenciement, la société API restauration fait valoir, pour infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer une somme de 75 euros à titre de reliquat, que le salaire de référence à prendre en compte s’élève à la somme de 2 441,54 euros et non à la somme de 2 645,53 euros et que l’indemnité de licenciement qui s’élève ainsi à 1 180 euros a été intégralement payée.

Mme [E] n’apporte aucune réponse sur ce point.

Au regard des bulletins de paie versés aux débats et du solde de tout compte, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société API restauration à payer à Mme [E] la somme de 72 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Pour faire valoir ses droits en première instance et en cause d’appel Mme [E] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté Mme [E] de sa demande en condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile, et la société API restauration sera condamné à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance et 1 500 euros au titre des frais engagés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de Mme [U] [E] est nul.

CONDAMNE la SA API restauration à payer à Mme [U] [E] les sommes de:

– 5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral

– 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 5 291,06 euros au titre de l’indemnité de préavis

– 529,11 euros au titre des congés payés afférents.

DÉBOUTE Mme [U] [E] de sa demande en condamnation de la somme de 72 euros au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement.

CONDAMNE la SA API restauration à payer à Mme [U] [E] la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés en première instance en application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SA API restauration à payer à Mme [U] [E] la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SA API restauration aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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