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ARRÊT DU
26 Mai 2023
N° 688/23
N° RG 21/00647 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TTLK
IF/AS
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS
en date du
19 Avril 2021
(RG 19/00309 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 26 Mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.A.S.U. COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS (COVED)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Mme [V] [U]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Jonathan DARE, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Camille COULON, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS : à l’audience publique du 04 Avril 2023
Tenue par Isabelle FACON
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier [I]
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier [I], Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 mars 2023
Par contrat de travail à durée indéterminée du 21 mars 2016, la société Collectes Valorisation Energie Dechets (la société) a engagé Madame [V] [U] en qualité de secrétaire de direction, au statut d’agent de maîtrise, coefficient 132.
La relation de travail était régie par la convention collective des activités du déchet.
Elle devenait assistante commerciale au sein du service de développement, à compter du 3 septembre 2018.
Son salaire mensuel brut s’élevait en dernier lieu à la somme de 2001 euros.
Par lettre remise en mains propres du 3 mai 2017, la société lui a notifié une sanction de mise à pied disciplinaire d’une journée à la suite de différents manquements professionnels.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 6 novembre 2018, Madame [V] [U] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 30 novembre 2018, la société a notifié à Madame [V] [U] son licenciement.
Madame [V] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Lens et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 19 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Lens a condamné la société à payer à Madame [V] [U] les sommes suivantes :
– 7003 .92 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4002.24 euros brut au titre du préavis,
– 400.22 euros brut au titre des congés payés afférents,
– 1000 euros au titre du préjudice distinct,
– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société a fait appel de ce jugement par déclaration du 11 mai 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande l’infirmation du jugement aux fins de débouté de Madame [V] [U] et sa condamnation à lui payer l’indemnité de préavis qu’elle a perçu une seconde fois, en exécution du jugement, ainsi que la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre la charge des dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, Madame [V] [U] demande la confirmation du jugement et la condamnation de la société à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 2000 euros.
Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement :
Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige a été rédigée par l’employeur comme suit :
« Le 21 juin 2018, M. [G] [Z], votre responsable hiérarchique direct, vous a demandé de procéder à la résiliation du bail des locaux de [Localité 5].
Vous avez procédé à la résiliation du bail en contactant la SCCV des Prés Loribes.
Le 24 octobre 2018, nous avons été contactés par un cabinet d’avocats qui nous a indiqué que la SSCV des Prés Loribes n’était plus propriétaire des locaux occupés.
Depuis le 21 mai 2014, la SCI GAMA en était propriétaire.
En septembre 2018, vous avez été destinataire d’un mail émanant de la SCI GAMA afin de prolonger le bail, vous ne vous êtes pas alarmée de votre erreur.
Le congé ayant été délivré à l’ancien propriétaire, il est de jurisprudence constante que la signification du congé qui a été faite à une personne autre que le bailleur équivaut à une absence de congé.
Le bail est donc toujours en vigueur.
Vos erreurs ont entraîné l’irrégularité de la demande et le refus de résiliation du bail à la date demandée, entrainant sa reconduction jusqu’au 30 Juin 2019.
Pourtant, vous disposiez de toutes les informations vous permettant de mener à bien votre tâche,’adresse et le nom du propriétaire vous ayant été transmis par un mail du 04 Novembre 2016 et inscrites par vous dans votre répertoire téléphonique.
Par ailleurs, vous étiez de façon régulière en contact avec le propriétaire afin de régler les problèmes liés à la gestion des locaux.
Votre erreur occasionne pour la société un surcoût estimé à environ 20 000 euros hors taxes, et le décalage des amortissements des travaux de notre exploitation de [Localité 6] à Juin 2019.
Lors de l’entretien, vous nous avez fait part de votre détachement par rapport à cette situation, répliquant que M. [G] [Z] aurait dû vérifier votre mail du 27 Juin 2018, dans lequel vous l’informiez de la bonne prise en compte de sa demande, et de la résiliation du bail au 27 Juin 2018.
Pour rappel, ce n’est pas la première fois que nous sommes amenés à vous reprocher votre manque de rigueur dans les tâches qui vous sont confiées.
Le 3 Mai 2017, nous avons été contraints de vous notifier une mise à pied disciplinaire d’une journée suite à vos divers manquements professionnels. : le non-respect de vos horaires de travail,le manque de réactivité dans les demandes urgentes, les erreurs constantes dans la rédaction de vos rapports annuels avaient à cette occasion été évoqués.
En Septembre 2017 encore, nous vous avions confié l’organisation d’un tournoi de football qui se déroulait dans l’Oise.
A cette occasion, vous étiez chargée de communiquer, auprès des différentes exploitations participantes, les conditions d’organisation et de transports des joueurs inscrits.
Vous avez envoyé un mail à [Y] [C], chef d’équipe de [Localité 6], alors en congés, afin de l’informer de ces dernières.
Malgré le message d’absence reçu dans la foulée, vous n’avez pas jugé bon de prévenir le responsable d’exploitation, ou tout autre encadrant, du déroulé de ces festivités.
Ce manque de communication et de sérieux, ont entrainés l’annulation de dix personnes, dépréciant un évènement important et fédérateur pour nos équipes, et impactant financièrement l’entreprise à hauteur de 1500 euros.
Nous avions décidé à l’époque de ne pas vous sanctionner et de vous renouveler notre confiance.
Les explications recueillies lors de votre entretien du 16 Novembre 2018, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.
Compte tenu de ce qui précède et de votre attitude lors de l’entretien, le maintien de nos relations contractuelles nous semble impossible.
En conséquence, nous nous voyons dans l’obligation de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour non-respect des consignes et insubordination caractérisée. »
Madame [V] [U] reconnaît avoir demandé au cabinet d’huissier d’adresser un congé à l’ancien propriétaire, en se fiant au bail initial. Elle estime que cette seule erreur qu’elle partage avec le cabinet d’huissier et son supérieur, alors qu’elle n’est pas juriste et que ce type d’acte ne relève pas de son poste, ne peut justifier son licenciement, ni pour non respect des consignes, ni pour insubordination.
Madame [V] [U] a été engagée en tant qu’agent de maîtrise, coefficient 132, aux fonctions de secrétaire de direction, dépendant du directeur des Exploitations à [Localité 5]. La classification de la convention collective de l’emploi d’agent de maîtrise de gestion ou d’administration à ce coefficient prévoit une autonomie de degré 3/4 pour l’organisation, l’exécution du travail et la prise de décision, ainsi que des connaissances de degré 2/4 de bonne pratique de plusieurs technicités.
Le supérieur hiérarchique de Madame [V] [U] a réitéré la demande de résiliation du bail de ‘[Localité 5]’, sans plus de précision, par un mail du 21 juin 2018.
L’huissier de justice a adressé à Madame [V] [U] un mail de confirmation de signification de congé dans l’affaire COVED/ Des Prés Loribes, le 27 juin 2018, qu’elle a fait suivre immédiatement à son supérieur hiérarchique. Madame [V] [U] ne conteste d’ailleurs pas avoir procédé elle-même à la demande d’acte auprès de l’huissier instrumentaire avec la remise du bail.
Madame [V] [U] avait elle-même transmis à son supérieur hiérarchique, par un message électronique du 4 novembre 2016, le bail commercial de 2007 et les documents de rachat par la SCI Gama. Elle disposait dans son répertoire des coordonnées du gérant de la SCI Gama, en tant que propriétaire des locaux. Il est acquis qu’elle communiquait avec lui, notamment au regard des échanges par messages électroniques du 18 septembre 2018 aux termes desquels ce dernier lui demandait les coordonnées de son supérieur hiérarchique.
La cour rejoint le conseil de prud’hommes en ce qu’il a exclu toute notion d’insubordination.
Toutefois, force est de constater que la consigne de réaliser la demande de résiliation du bail n’a pas été respectée par Madame [V] [U].
En effet, en ne transmettant pas l’attestation de rachat des locaux de la société Des Près Loribes à la SCI Gama en même temps que le bail à l’huissier, Madame [V] [U] ne permettait pas à ce dernier d’exécuter efficacement l’action demandée. C’est, en effet, à tort que Madame [V] [U] estime que l’huissier aurait du s’assurer que la société Des Près Loribes était encore propriétaire des locaux.
Cette erreur est le résultat d’un manque de rigueur et d’organisation de la part de Madame [V] [U] qui occupait un poste de bon niveau d’autonomie dans les relations avec les tiers et dans l’organisation de son travail. De fait, cette autonomie n’imposait pas une vérification systématique de ses actions par le supérieur hiérarchique.
Contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes, cette faute doit être corrélée avec le préjudice financier subi par la société, qui s’est trouvée engagée avec son bailleur jusqu’au 30 juin 2019, alors qu’elle souhaitait y mettre un terme au 31 décembre 2018.
Dès lors, cette faute aux conséquences importantes, commises par une salariée de moins de trois ans d’ancienneté, en difficulté sur son poste au regard de la précédente sanction et de ses entretiens d’évaluation du 30 juin 2017 et du 30 mars 2018, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Le jugement sera infirmé.
Sur les dépens, l’indemnité de procédure et la demande de remboursement des sommes versées à la suite du jugement de première instance
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Madame [V] [U], partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.
Le jugement sera infirmé sur les dépens, ainsi que sur l’indemnité de procédure qui en découle.
En revanche, compte-tenu des éléments soumis aux débats, en particulier de la disparité économique entre les parties, il ne sera pas fait droit à la demande d’indemnité pour frais de procédure formulée par la société, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’y a pas lieu à ordonner le remboursement des sommes qui ont pu être perçues par Madame [V] [U] en exécution du jugement entrepris, le présent arrêt constituant un titre exécutoire permettant de plein droit une telle restitution.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute Madame [V] [U] dont le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse de ses demandes,
Déboute la société Collectes Valorisation Energie Dechets de ses autres demandes,
Condamne Madame [V] [U] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER
Cindy LEPERRE
LE PRESIDENT
Olivier [I]