Mise à pied disciplinaire : 26 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08175

·

·

Mise à pied disciplinaire : 26 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/08175
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

-RENVOI APRES CASSATION-

DU 26 MAI 2023

N°2023/ 98

RG 22/08175

N° Portalis DBVB-V-B7G-BJQW5

[C] [Z]

C/

S.A.S. ADREXO

Copie exécutoire délivrée

le 26 Mai 2023 à :

– Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

V348

-Me Sophie ROBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du conseil des Prud’hommes de Martigues du 18 Octobre 2017

Arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 25 Septembre 2020

Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 13 Avril 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 509F-D.

APPELANT

Monsieur [C] [Z], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S.U MILEE, venant aux droits de la S.A.S ADREXO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sophie ROBERT de la SCP SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [C] [Z] a été engagé le 6 novembre 2002 par la société Adrexo, en qualité de distributeur de documents publicitaires, suivant contrat à temps partiel. Il est, par la suite devenu adjoint technique, puis de façon temporaire responsable des opérations spéciales du 1er février au 30 septembre 2008, avant de signer un avenant lui conférant en février 2009 cette qualité et portant sa rémunération mensuelle à 1 530 euros outre les primes.

A compter du mois de février 2011, M.[Z] percevait un salaire mensuel de 1 950 euros outre les primes.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 27 décembre 2013 d’une demande de rappel de salaire. En cours de procédure, il a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par jugement du 18 octobre 2017, le conseil de prud’hommes de Marseille, en sa formation de départage, a condamné l’employeur à payer à M.[Z] les sommes suivantes, de nature salariale :

– 288 euros bruts de rappel de salaires pour classification,

– 28,80 euros au titre des congés payés afférents,

– 50 400,75 euros bruts de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

– 5 040,07 euros au titre des congés payés afférents,

– 8 059,31 euros bruts de rappel de salaires pour majoration au titre du travail de nuit,

– 805,92 euros au titre des congés payés afférents,

– 336,80 euros bruts de rappel de salaires pour la mise à pied du 10 août 2016 injustifiée,

– 33,68 euros au titre des congés payés afférents,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 6/02/2014.

Il a également condamné la société à payer M.[Z] les sommes suivantes de nature indemnitaire :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de respecter les plafonds prévus en matière d’amplitude horaire de travail,

– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail,

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Il a ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 22 mars 2016, condamné l’employeur à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure.

Il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la prime d’ancienneté, du travail dissimulé, de la mise à pied disciplinaire du 26 juin 2017, des sanctions injustifiées, de la résiliation de son contrat de travail et des demandes subséquentes.

Par arrêt du 25 septembre 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

confirmé le jugement, sauf en ses dispositions relatives à la mise à pied du 10 août 2016, aux heures supplémentaires, au quantum du rappel de salaire au titre des heures de nuit, au quantum des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et au quantum des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

statuant à nouveau, condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

– 1 782,40 euros à titre de rappel de salaire pour heures de nuit,

– 178,24 euros au titre des congés payés afférents,

– 13,57 euros de rappel de prime consécutif au rappel de salaire au titre de la classification,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

ordonné la capitalisation des intérêts et condamné l’employeur au paiement d’une indemnité de procédure à hauteur de 2 000 euros, ainsi qu’aux dépens d’appel et débouté le salarié du surplus de ses demandes.

Le salarié a formé un pourvoi le 25 novembre 2020.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 13 avril 2022 a statué ainsi :

‘CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [Z] de ses demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de la société Adrexo à lui payer diverses sommes à titre d’heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de prime d’ancienneté, d’indemnité pour travail dissimulé, d’indemnité de préavis, outre congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Adrexo aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Adrexo et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 3000 euros’.

La cour de renvoi a été saisie par M.[Z] le 7 juin 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement, M.[Z] demande à la cour de renvoi de :

« Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes du 18 Octobre 2017

Statuant à nouveau,

Constater que Monsieur [Z] a réalisé des heures supplémentaires, repos compensateurs et des heures de nuit

Constater que la société ADREXO ne pouvait ignorer ce fait de part l’existence de planning, d’organisation du travail prévus par elle-même

Constater qu’il n’a pas été rémunéré à ce titre

Dire et juger fondées ses demandes de rappels de salaires, prime d’ancienneté de ces chefs de demandes

Dire et juger fondée la demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé

Vu les articles 1227 et 1228 du Code Civil

Constater les manquements de la société ADREXO à son obligation de verser salaire, heures supplémentaires, heures de nuit, respect de son obligation de sécurité aux conditions de travail anormales

Dire et juger la demande de résiliation judicaire fondée

En conséquence, prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur

Dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Débouter la société ADREXO de son appel incident sollicitant l’infirmation du jugement de départage rendu le 18 octobre 2017 sur le point des heures supplémentaires

Par conséquent, condamner la société ADREXO désormais dénommée MILEE à verser à monsieur [Z] :

Infirmer pour les demandes ci-après exposées les quantums alloués par le Conseil de Prud’hommes et condamner la SAS ADREXO désormais dénommée MILEE à payer à Monsieur [Z] les sommes suivantes :

Rappels d’heures supplémentaires 126 767.62 €

Congés payés afférents 12 676.76 €

Infirmer le jugement rendu concernant les chefs de demandes suivants et condamner la société ADREXO désormais dénommée MILEE à verser à monsieur [Z] les sommes suivantes :

Prime d’ancienneté 7 977.51 €

Indemnité en raison du travail dissimulé 9 594.00 €

Indemnité de préavis 4 822.78 €

congés payés afférents 482.28 €

Indemnité de licenciement 6 751.86 €

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 50 000.00 €

Fixer les intérêts de droit et capitalisation de ces mêmes intérêts, à compter de la demande en justice.

Condamner la SAS ADREXO désormais dénommée MILEE à payer à Monsieur [Z] la somme de 2 500.00 € au titre de l’Article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.»

Dans ses dernières écritures développées à l’audience, la société Adrexo devenue la société Milee demande à la cour de renvoi de :

« CONFIRMER le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 18 octobre 2017 en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] :

– De sa demande de rappel de salaire pour prime d’ancienneté,

– De sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

– De sa demande de résiliation judiciaire aux torts de la société ADREXO désormais dénommée MILEE,

– Et en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] des conséquences financières attachées à ces demandes En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [Z] de ses demandes suivantes :

– Prime d’ancienneté 7 977.51 €

– Indemnité en raison du travail dissimulé 9 594.00 €

– Indemnité de préavis 4 822.78 €

– Congés payés afférents 482.28 €

– Indemnité de licenciement 6 751.86 €

– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 50 000.00 €

INFIRMER le jugement de départage du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 18 octobre 2017 en ce qu’il a condamné la société ADREXO désormais dénommée MILEE au paiement de la somme de 50.400,75 euros bruts de rappel de salaires pour heures supplémentaires et 5.040,07 euros de congés payés afférents, le dire et juger mal fondé

Statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER Monsieur [Z] mal fondé dans ses demandes relatives au paiement du rappel d’heures supplémentaires et des congés payés afférents

DEBOUTER Monsieur [Z] de ses demandes, à savoir :

– Rappels d’heures supplémentaires 126 767.62 €

– Congés payés afférents 12 676.76 €

DEBOUTER Monsieur [Z] de sa demande de fixation des intérêts de droit et capitalisation de ces mêmes intérêts, à compter de la demande en justice.

DEBOUTER Monsieur [Z] de sa demande de condamnation de la SAS ADREXO désormais dénommée MILEE à payer à Monsieur [Z] la somme de 2 500.00 € au titre de l’Article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens.

DEBOUTER Monsieur [Z] de l’intégralité de ses demandes, fin et prétentions et de toutes demandes contraires aux présentes

Reconventionnellement :

CONDAMNER Monsieur [Z] au paiement de la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du CPC Le CONDAMNER aux entiers dépens avec distraction de ces derniers selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .»

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties visées par le greffier à l’audience.

Par une note en délibéré reçue le 8 mars 2023, répondant à une demande expresse de la cour lors des débats, la société a indiqué que le contrat de travail de M.[Z] a pris fin le 4 janvier 2018 par un licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur les limites de la cassation

Au regard des moyens de cassation et de l’arrêt sus-visé, il y a lieu de dire que la décision de la Cour de cassation n’a pas remis en cause :

– le maintien des sanctions de mises à pied des10 août 2016 et 26 juin 2017,

– les sommes allouées au titre du rappel de salaire s’agissant de la classification,

– le quantum du rappel de salaires au titre des heures de nuit et au titre des congés payés afférents,

– les sommes allouées à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de respecter les plafonds prévus en matière d’amplitude horaire de travail, pour exécution déloyale et non respect de l’obligation de sécurité.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1 , du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

En vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Après avoir rappelé les textes applicables, M.[Z] indique qu’au constat de la défaillance de l’employeur à produire un quelconque élément sur les heures réalisées, la juridiction aurait dû lui allouer les sommes sollicitées établies par les plannings et témoignages.

Il ajoute que la société ne communique pas de preuve que ses tâches étaient accomplies par d’autres salariés et présente un chiffrage aléatoire car tardif, omettant notamment le fait qu’il devait le soir attendre le retour des chauffeurs.

Il reproche au conseil de prud’hommes d’avoir valorisé les heures supplémentaires à 25% seulement alors que la convention collective de la distribution directe ne le prévoit pas et dès lors, demande l’application de l’article L.3121-36 du code du travail.

Il produit à l’appui :

– des plannings de tournées avec le nom des chauffeurs et un décompte par année, semaine par semaine des heures accomplies (pièce n°15)

– des attestations de chauffeurs (pièces n°5-7-8-9-10-11-12-13)

– un décompte des sommes réclamées de 2008 à 2012 (pièce n°43).

La société reproche aux premiers juges de n’avoir pas pris en considération sa pièce n°7 correspondant à l’analyse effectuée par les supérieurs hiérarchiques de M.[Z] reconstituant son emploi du temps et de n’avoir pas tiré les conséquences de l’incohérence des calculs du salarié.

Elle précise que contrairement aux affirmations de ce dernier, la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a pas retenu l’existence d’heures supplémentaires.

Elle souligne le caractère hasardeux et imprécis des demandes, relevant que les plannings ont été édités par M.[Z] et non par la société, et l’absence totale de corrélation entre ceux-ci et les décomptes, pour lesquels elle fournit un commentaire année par année.

Elle indique que les attestations mentionnent des heures et horaires de travail différents.

Elle produit à l’appui :

– un mail sans date émanant du salarié demandant la régularisation des heures de nuit à raison de 2415 et de 5022 heures supplémentaires (pièce n°6),

– un mail du coordinateur national M. [R] correspondant à «l’étude des heures de nuit qu’auraient effectués N.[Z] après recoupement de différents éléments», indiquant notamment «Direct soir : jusqu’en janvier 2011, NA était également épaulé par [U] [T] assurant le suivi DS ou 20Minutes compte tenu de l’amplitude horaire lié à une activité matin et après-midi. Dans tous les cas, N.A ne peut donc affirmer qu’il assurait la totalité de l’amplitude horaire.» (pièce n°7).

Contrairement aux allégations de la société, le salarié produit des éléments précis et convergents concernant ses horaires, les chauffeurs indiquant que M.[Z] était présent à partir de 3h30 (ou 4h), pour assurer l’ouverture du dépôt et le chargement des palettes pour le journal 20Minutes, ainsi qu’à 14h, pour préparer la répartition et le chargement du journal Direct Soir et jusqu’à 20h30 (ou 21h ) le soir pour attendre le retour des chauffeurs-livreurs et fermer le dépôt.

Les attestations produites sont à mettre en corrélation non seulement avec les plannings des tournées émanant de la société où apparaissent les noms des chauffeurs mais avec les emplois

du temps fournis par M.[Z], établis semaine par semaine.

Ces éléments étaient suffisants pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres données.

Or, s’il ressort du mail visé en pièce n°7 que le salarié a pu sur 5 ans être épaulé à diverses reprises sur ces tâches non démenties au demeurant, la société n’a fourni aucun tableau venant préciser les périodes concernées par jour et semaine; en tout état de cause, son «étude» pour le moins succincte ne concerne que les heures de nuit, lesquelles ne peuvent plus être discutées devant la cour de renvoi.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la société a été sanctionnée par les premiers juges en raison du non-respect de l’amplitude horaire de travail au cours des années concernées, condamnation confirmée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence et non remise en cause par la Cour de cassation, laquelle induit forcément des heures supplémentaires.

Les remarques de la société sur les décomptes sont pour partie fondées, étant relevé également par la cour que la linéarité des calculs sur plusieurs semaines, au demeurant sans indiquer le mois concerné, nuit à la sincérité de la démonstration, M.[Z] comptabilisant ainsi des heures supplémentaires même lorsqu’il est en congés (par exemple en février 2011 et en janvier 2012).

En considération de l’ensemble de ces éléments, et en soulignant l’absence manifeste d’outils utilisés par l’employeur pour comptabiliser les heures de travail de son salarié, la cour a la conviction que M.[Z] a effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées, mais pas dans la proportion affichée, pour les raisons sus-visées et celles retenues par le juge départiteur quant aux horaires prévoyant une pause méridienne.

S’agissant du taux, l’article 6 de la convention collective nationale applicable prévoit que les dispositions du code du travail sont applicables et si une autre disposition indique que les heures supplémentaires sont payées à 25 %, elle ne concerne que les salariés employés à temps partiel ayant été amenés à effectuer au-delà d’heures complémentaires, des heures supplémentaires, de sorte que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas appliqué le taux de 50%, tel que prévu par les dispositions légales.

Cependant, le salarié ne s’est pas conformé au texte qu’il vise lui-même à savoir :

majoration de 25 % du salaire horaire à partir de la 36e heure jusqu’à la 43e heure

majoration de 50 % du salaire dès la 44e heure travaillée,

puisqu’il applique le taux de 25 % sur les 4 premières heures.

Dès lors, la créance salariale doit être fixée ainsi :

Année 2008 : 370 h au taux de 25% (12,41 euros) et 555 h au taux de 50% (14,89 euros), soit un total de 12’855,65

Année 2009 : 395 h au taux de 25% (12,61 euros) et 642 h au taux de 50% (15,13 euros), soit un total de 14’694,41

Année 2010 : 362 h au taux de 25% (15,16 euros) et 678 h au taux de 50% (18,19 euros), soit un total de 17’720,74

Année 2011 : 379 h au taux de 25% (16,07 euros) et 213 h au taux de 50% (19,29 euros), soit un total de 10’199,30

Année 2012 : 382 h au taux de 25% (16,07 euros) et 191 h au taux de 50% (19,29 euros), soit un total de 9’823,13

En conséquence, la société est redevable au salarié de la somme totale de 65’293,23 euros outre 6 529,32 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la prime d’ancienneté

La demande a été rejetée par les premiers juges au motif que les calculs n’étaient pas explicites et en cause d’appel, le salarié ne fait que reproduire les deux feuillets finaux de sa pièce n°43, invoquant l’article 4.2 de la convention collective.

Cependant, ce texte ne prévoit une régularisation annuelle de la prime versée mensuellement qu’en cas «d’heures complémentaires», et non supplémentaires de sorte qu’il n’est pas applicable à la situation de M.[Z].

Sur la demande de résiliation judiciaire

Le salarié invoque à l’encontre de son employeur les manquements suivants :

– un défaut de versement des heures supplémentaires

– des conditions de travail anormales

– un lieu d’exercice professionnel non conforme

– un défaut de respect de ses obligations lors de l’arrêt maladie

– une mise au placard par modification unilatérale de ses fonctions, un défaut de visite médicale de reprise et une mise à pied disciplinaire ayant eu des conséquences sur son état de santé.

C’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le juge départiteur a rejeté la demande, après avoir examiné l’ensemble des griefs sus-visés et il y a lieu d’ajouter que :

– l’employeur démontre avoir programmé une visite de reprise le 8 juin 2017 (pièce n°27),

– la sanction de deux jours de mise à pied était justifiée,

– le salarié ne caractérise d’aucune façon sa mise au placard, la tournée effectuée avec M. [E], coordinateur national, étant destinée à lui faire utiliser un nouvel outil de travail, et son remplacement partiel et temporaire (du 1er juillet au 31 août 2017) par M.[N] étant intervenu postérieurement après un nouvel arrêt maladie,

– l’employeur justifie par de nombreuses pièces avoir procédé à des travaux dans les locaux concernés, et à un déménagement.

En outre, si le défaut de paiement des heures supplémentaires est patent sur la période 2008-2012, il y a lieu de constater que le salarié a continué à occuper le même poste de 2013 à 2016, sans formuler aucun reproche de cet ordre à l’encontre de son employeur sur cette dernière période, de sorte que le seul manquement retenu ne peut être considéré comme suffisamment grave pour dire que le maintien du contrat de travail était impossible.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande et celles financières subséquentes, étant précisé que celle relative à l’indemnité de licenciement ne pouvait prospérer en l’état de la non contestation du licenciement pour inaptitude, intervenu alors que le dossier était pendant devant la cour.

Sur le travail dissimulé

L’article L.8221-5-2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, si l’employeur a démontré sa négligence dans le suivi de la charge de travail du salarié et démontré sa carence en ne planifiant pas les horaires de M.[Z] afin d’éviter une amplitude horaire trop importante, il ne peut en être déduit qu’il a entendu dissimuler son activité en ce que le salarié était totalement autonome dans ses fonctions et n’a formulé aucune demande en paiement circonstanciée ou de repos compensateurs, préalablement à l’instance judiciaire.

Dès lors, c’est à juste titre que M.[Z] a été débouté de sa demande indemnitaire forfaitaire formée sur le fondement de l’article L.8223-1 du code du travail.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer la décision dans ses dispositions relatives aux intérêts.

La société doit s’acquitter des dépens de la procédure, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre payer à M.[Z] la somme de 2 000 euros en sus de celles déjà allouées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2022,

Statuant dans les limites de la cassation,

Confirme le jugement déféré SAUF s’agissant du quantum du rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,

Condamne la société Adrexo devenue Milee à payer à M. [C] [Z] les sommes suivantes:

– 65’293,23 euros à titre de rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées sur les années 2008 à 2012,

– 6 529,32 euros au titre des congés payés afférents,

– 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Milee aux dépens de la présente procédure.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x