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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 21/01167 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UOL6
AFFAIRE :
S.A.S.U. SAFRAN TRANSMISSION SYSTEMS ………
C/
[B] [E]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 08 Mars 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE CEDEX
N° Chambre :
N° Section : I
N° RG : F 19/01514
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christophe DEBRAY
Me Aurélien WULVERYCK de l’AARPI OMNES AVOCATS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. SAFRAN TRANSMISSION SYSTEMS
N° SIRET : 692 015 217
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par : Me Christophe DEBRAY, avocat constitué au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 Représentée par Me Pierre SAFAR de la SELARL DUPUY Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0061 –substitué par Me Clément WALLEZ avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Madame [B] [E]
née le 28 Juillet 1981 à REIMS
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par : Me Aurélien WULVERYCK de l’AARPI OMNES AVOCATS, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J091
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Mme Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [B] [E] a été engagée à compter du 1er septembre 2015, en qualité de gestionnaire administration des ventes, statut employé, par contrat de travail à durée indéterminée par la société Hispano-Suiza (devenue la société par actions simplifiée à associé unique Safran Transmission Systems) qui a pour activité l’étude et la fabrication de transmissions de puissance pour l’industrie aéronautique et spatiale, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale de la métallurgie de la région parisienne.
Par courrier du 6 décembre 2016, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à sanction, fixé au 20 décembre suivant. Par courrier du 21 décembre 2016, elle s’est vu notifier un rappel à l’ordre.
Par courrier du 17 juillet 2017, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à sanction, fixé au 24 juillet suivant. Par courrier du 31 juillet 2017, elle s’est vu notifier un avertissement.
Par courrier 5 janvier 2018, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à sanction qui s’est tenu le 12 janvier suivant. Par courrier du 9 février 2018, Mme [E] s’est vu notifier une mise à pied d’une durée de deux jours.
Convoquée le 4 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 14 juin suivant, Mme [E] a été licenciée par lettre datée du 22 juin 2018 énonçant une faute.
Contestant son licenciement, elle a saisi, le 18 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement à titre principal, sinon constater l’absence de cause réelle et sérieuse, de voir juger le manquement par la société à son obligation de sécurité en raison du harcèlement moral subi, de voir annuler sa mise à pied disciplinaire, et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 8 mars 2021, notifié le 29 mars suivant, le conseil a statué comme suit :
Fixe la rémunération mensuelle de Mme [E] à 3 481,68 euros ;
Annule la mise à pied du 9 février 2018 et à ce titre condamne la société Safran Transmission Systems à verser à Mme [E] la somme de 273,65 euros et la somme de 27,37 euros au titre des congés afférents ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention du risque ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à 20 000 euros au titre du harcèlement moral ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à 14 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à un article 700 de 1 500 euros ;
Condamne la société Safran Transmission Systems aux entiers dépens ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à verser à Pôle Emploi la somme de 3 481,68 euros ;
Condamne la société Safran Transmission Systems à remettre à Mme [E] les bulletins de paie modifiés ainsi que l’attestation Pôle Emploi ;
Déboute la société Safran Transmission Systems de sa demande reconventionnelle ;
Dit ne pas avoir lieu à exécution provisoire ;
Intérêts au taux légal.
Le 19 avril 2021, la société Safran Transmission Systems a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 14 février 2023, la société Safran Transmission Systems demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :
Déclaré le licenciement de Mme [E] comme étant sans cause réelle et sérieuse,
Reconnu un manquement de sa part à son obligation de sécurité,
Reconnu un harcèlement moral qui lui est imputable,
Annulé la mise à pied du 9 février 2018,
Infirmer le jugement en ce qu’il a l’a condamnée à verser à Mme [E] les sommes suivantes :
-14.000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 273,65 euros à titre de rappel de salaire et 27,37 euros à titre des congés afférents,
– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention du risque,
-20.000 euros à titre de harcèlement moral,
-1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-Dépens.
Infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à Pôle Emploi la somme de 3.481,68 euros.
En statuant à nouveau :
Débouter Mme [E] de l’intégralité de ses demandes ;
Condamner Mme [E] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Mme [E] aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 13 février 2023, Mme [E] demande à la cour de :
Juger que la société Safran Transmission Systems a manqué à son obligation de santé et de sécurité à son égard, celle-ci ayant subi un harcèlement moral au travail sur lequel elle a alerté l’employeur en vain ;
Juger que son licenciement est nul à titre principal et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire ;
Annuler la mise à pied disciplinaire du 9 février 2018,
En conséquence,
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Safran Transmission Systems à un rappel de salaire de 273,65 euros bruts sur la mise à pied disciplinaire du 9 février 2018 et à la somme de 27,36 euros bruts au titre des congés payés y afférents ainsi qu’à une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul malgré la reconnaissance du harcèlement moral subi par elle ;
Infirmer le jugement dans ses quanta et se faisant :
Condamner la société Safran Transmission Systems à la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1152-1 et suivants ainsi que L.4121-1 et suivants du code du travail ainsi qu’à 10.000 euros pour manquement à l’obligation de prévention du harcèlement moral ;
Condamner la société Safran Transmission Systems à une indemnité de 40.000 euros pour licenciement nul à titre principal et d’une indemnité de 40.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire ;
En tout état de cause,
Condamner la société Safran Transmission Systems à 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonner la remise d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard ;
Laisser les dépens à la charge de la société.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 15 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 mars 2023.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral et l’obligation préventive de sécurité
Mme [E] fait valoir sa surcharge de travail, les commentaires agressifs ou intimidants, la différence de traitement et les sanctions disciplinaires injustifiées dont elle a fait l’objet. Elle fait égard à la confusion des rôles, des responsabilités et des périmètres suite à une restructuration « désastreuse ». Elle précise avoir alerté sa hiérarchie de la dégradation de ses conditions de travail, son syndicat et le médecin du travail, qui s’en ouvrait à l’employeur, sans qu’il ne réagisse jamais. Elle fait valoir les troubles de sa santé, s’ensuivant. Elle indique avoir fait offre de mobilité interne, à laquelle mit fin son licenciement, qu’elle tient pour partie de son harcèlement.
La société Safran dément l’existence d’éléments laissant présumer un tel harcèlement.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La surcharge de travail
Il n’est pas contesté qu’un certain flottement advint après la réorganisation de la direction des ventes en janvier 2016 sur les attributions de chacun dont se font l’écho les entretiens annuels d’évaluation de l’intéressée pour les années 2016 et 2017, le mail de responsable support, M. [Y], deux ans après, le 13 décembre 2017 confirmant au reste : « peut-être qu’une clarification du périmètre des activités et responsabilités de chacun dans le cadre des procédures internes s’impose », ce à quoi le responsable du service, M. [L], disait y travailler.
Ce dysfonctionnement pérenne ajoutait nécessairement au travail comme l’affirme la salariée, d’autant qu’elle se plaignait d’un stress quotidien dû à la réactivité inhérente à l’emploi, dont témoigne son mail du 15 mars 2018, reprochant à l’un de ses collègues son envoi tardif de fichiers appelant sa réponse, ou ses propos lors de ses entretiens annuels d’évaluation.
Elle a fait part de sa surcharge de travail compte tenu du volume important de ses commandes et de la teneur de son portefeuille lors de ses entretiens annuels, sans être contredite par l’employeur, qui en prit note. Cet élément, dénié par l’employeur, sera retenu.
Les commentaires agressifs ou intimidants
Mme [E] produit divers mails, par lesquels M. [L] l’invitait à une moindre sollicitation par mails, ainsi parmi d’autres : « est-il possible de se parler au lieu de faire des mails » « nous perdons bien trop de temps » etc., ou lui faisant reproche ainsi : « je trouve fort de café que tu laisses penser que je ne transfère pas toutes les informations. C’est juste pas acceptable de ta part », ou après sa proposition d’annuler un déplacement : « ton mail n’est pas acceptable. Ils ont mis pour la deuxième fois l’avion à notre disposition (‘) ce n’est pas aux opérationnels d’être la variable d’ajustement » etc.
Elle produit les mails de Mme [D], sa supérieure directe, disant « où en es-tu sur cette offre ‘ notre hiérarchie n’attend plus. Si tu n’as pas le temps, [R] prend le relais. Merci », ou « ne réponds pas stp. Merci ».
La société Safran dément l’agressivité de M. [L], dont les mails, seulement directifs, ne lui étaient uniquement adressés et qui proposait à l’occasion de l’aider. Elle relève au contraire le soutien de sa hiérarchie, qui la félicitait.
Cela étant, ces commentaires, exprimés en termes courtois ainsi que l’observe la société Safran, ne peuvent pas être regardés comme agressifs ou intimidants. Cet élément n’est pas établi.
La différence de traitement
L’échange sur les congés d’été 2017 laisse voir que Mme [E] posait fin juin ses dates de congé en août, que l’employeur entendit discuter, et qu’il refusa partiellement, selon lui, à raison de 2 jours. En mars 2018, elle sollicitait le 8 mars, 15 jours de congé dès le 19 mars suivant, que l’employeur refusa, vu le bulletin de paie.
Elle justifie du refus de l’employeur des congés posés les semaines 34 et 35, courant août 2018, et de son acceptation des congés posés la même semaine de la personne intérimaire.
Cet élément sera retenu.
Les sanctions
Il est constant que Mme [E] a été rappelée à l’ordre ou sanctionnée à trois reprises, pour ses retards considérés injustifiés.
Il est acquis aux débats qu’elle a été licenciée le 22 juin 2018 pour faute, Mme [E] soutenant le caractère fallacieux des griefs et celui, opportuniste, du licenciement autorisant, selon elle, sa supérieure à constituer une équipe à son image.
Ces éléments doivent être retenus.
La dégradation de l’état de santé
Mme [E] a été placée en arrêt maladie du 15 janvier au 15 février 2018, pour syndrome anxio-dépressif ‘ stress au travail.
L’alerte
Mme [E] démontre avoir avisé l’employeur au moyen de plusieurs correspondances de sa souffrance ainsi : « nos conditions de travail ont dépassé depuis longtemps la limite de l’acceptable car notre travail n’est pas respecté en tant qu’ADV MRO » (novembre 2017), contre son manager, « c’est infernal sa façon de m’harceler (‘) je ne comprends pas pourquoi il s’acharne sur moi » (décembre 2017).
Par ailleurs, le médecin du travail a porté sa voix auprès de l’employeur par mail du 11 janvier 2018, pour « des difficultés à son poste de travail », ainsi d’« être à l’heure le matin en lien [avec] le stress que génère son activité professionnelle mais aussi suite à des échanges de mail avec une hiérarchie transverse. »
Au demeurant, elle faisait état lors de ses entretiens annuels d’évaluation en mars 2017 et 2018, de son stress « compte tenu des diverses activités que nécessite le poste d’ADV MRO mais aussi à cause des nombreuses attentes que les clients internes et externes (‘) ces demandes se font souvent pressantes. (‘) de ce fait, l’articulation entre vie personnel et professionnelle est complètement déséquilibrée. », « on demande toujours aux mêmes personnes de faire des concessions, des efforts, d’être compréhensif, ce qui est épuisant et déstabilisant », « le comportement inhabituel et anormal de mon manager vis-à-vis de moi m’a conduit à demander ma mobilité dès que cela a été possible », « la dégradation de l’environnement de travail, les dysfonctionnements organisationnels (charge importante) et le manque de soutien du management » etc.
Cet élément est établi.
La société Safran relève, faute d’alerte, n’avoir pas eu l’obligation d’une enquête interne.
Selon l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d’information et de formation ; 3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Ces mesures sont mises en ‘uvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.
Cela étant, du moment que l’employeur, pourtant averti à plusieurs reprises des difficultés de l’intéressée, qui dénonçait la surcharge de son travail, l’instabilité de ses fonctions et son harcèlement par sa hiérarchie, et dont le discours fut relayé par le médecin du travail, ne réagit pas, force est de constater qu’il manqua à satisfaire à son obligation de sécurité préventive.
Mme [E], qui n’explicite pas mieux son dommage, en sera indemnisée par l’allocation de 1.000 euros, et le jugement, confirmé sur le principe, sera infirmé sur le quantum.
Quoique l’employeur le dénie, il ressort suffisamment des éléments établis par la salariée et dans cette mesure, pris ensemble, la présomption d’un harcèlement moral.
Sur les justifications de l’employeur déniant à ces agissements d’être constitutifs d’un harcèlement moral
Sur la surcharge de travail
Pour la réorganisation du service, la société Safran évoque son pouvoir de direction et rappelle que le changement dans les habitudes de travail ne saurait pas constituer un harcèlement moral.
Quoique l’employeur justifie avoir établi une note de service en décembre 2015 pour expliquer la réorganisation, il ressort des mails échangés entre les parties que divers ajustements devaient être faits entre les services dans sa suite et notamment à l’occasion de l’arrivée de nouvelles personnes dans le service, (M. [J], responsable du département commerce, le 13 décembre 2017), la réorganisation en pôles de l’atelier MRO étant encore en phase de réglage selon Mme [D], le 22 mars 2018. Si le fait même de la réorganisation fonctionnelle de l’entier service est étrangère, en soi, au harcèlement, elle suppose néanmoins que l’employeur accompagne la réadaptation plus ou moins longue s’ensuivant pour prévenir son effet délétère sur les conditions de travail, et ici, l’employeur répondit le plus souvent aux interrogations de la salariée, qui disposait au reste d’une fiche de poste détaillée comme l’affirme, sans être contredit, le mail de Mme [D] en mars 2018, et il organisa des réunions quotidiennes d’atelier pour organiser et répartir les tâches de la journée.
La société Safran impute à la salariée la surcharge de son travail par l’adresse de correspondances inutiles et ses retards.
Il résulte de différents échanges la récurrence de griefs à son égard : manque de synthèse, perte de temps au travers de messages inutiles et rigides (Mme [D], mail du 21 juin 2017 : « merci de ne pas perdre de temps dans ces écrits et de ne pas intervenir dans la gestion de [C] », entretien annuel d’évaluation 2017 « il faut aussi parfois assouplir ses positions et ne pas se lancer dans des joutes verbales improductives » etc.).
L’employeur note en tout état de cause avoir embauché une personne en intérim à la demande de l’intéressée, et ce fait est constant.
Cela étant, la surcharge de travail étant pour partie due à la salariée qui disputait les tâches de chacun sans que la réciproque ne soit établie, et pour le reste ayant donné lieu à réajustement, y compris sur les contours des postes ainsi qu’en témoigne Mme [D] lors de l’entretien annuel d’évaluation tenu en mars 2018, l’employeur établit suffisamment d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur les congés
La société Safran fait état de son pouvoir de direction pour l’attribution des congés, en 2017 et 2018, qu’établissent les mails de Mme [D], les 10 juillet 2017, 8 et 29 mars 2018, qui rappela la nécessité d’une présence minimale et d’une concertation et finalement, vu le désaccord persistant appliqua la règle de priorité selon les situations familiales pour le mois d’août 2018. Elle justifie ainsi d’éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Sur les sanctions
La société Safran conteste que soient injustifiées les sanctions de retards par ailleurs reconnus.
L’article L.1333-1 du code du travail dit que « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
Mme [E] a été rappelée à l’ordre le 21 décembre 2016 pour ses retards réitérés le matin après 9h30 fixées par l’horaire collectif, et elle reconnaissait lors de son entretien annuel d’évaluation tenu en mars 2017, leur réalité et disait, sur observation, souhaiter améliorer sa ponctualité.
Elle a été avertie le 31 juillet 2017 pour des retards injustifiés, de même nature. Elle reconnaissait également son manque de ponctualité lors de son entretien annuel d’évaluation tenu en mars 2018. Si Mme [E] fait désormais valoir son travail tardif le soir, et le stress dû au comportement de M. [L], ces éléments ne sont pas de nature à justifier ses arrivées tardives le matin.
Ces sanctions sont ainsi justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, au regard des articles 2 et 3 du règlement intérieur stipulant, le premier, la nécessité d’être présent à l’heure, le second : « lorsque ces retards ou insuffisances de pointage sont fréquents, ils peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires », dont la salariée dispute vainement la régularité pour non-respect des formalités afférentes à son adoption et à sa publicité, faute d’arguments précis.
La lettre de mise à pied du 9 février 2018 reproche à Mme [E] sur la période du 5 novembre « 2018 » au 5 janvier 2018 des retards 30 jours sur 40, de n’avoir, de manière répétée, pas assisté aux réunions quotidiennes obligatoires de production, d’être arrivée le 8 décembre 2017 en retard à une importante réunion avec le client Rolls Royce.
Mme [E], qui relève l’absence de production du règlement intérieur, explique ses retards par son stress la privant de sommeil, ce pourquoi elle ne pouvait être présente à l’ensemble des réunions quotidiennes de production se tenant à 9 heures dont elle avait été partiellement déchargée. Elle réclame paiement de son salaire.
Au rappel des dispositions des articles L.1332-2 et R.1332-1 du code du travail, la société Safran soutient les griefs invoqués que n’atténuent pas, selon elle, les excuses avancées. Elle nie la pérennité de l’aménagement prévu le 29 mars 2017 d’assister une fois au moins par semaine à ces réunions, révisé le 19 juillet suivant.
Contrairement à ce qu’énonce la salariée, le règlement intérieur est versé aux débats.
Si Mme [E] se prévaut de l’autorisation de n’être pas présente à la réunion quotidienne de 9 heures, il n’en reste pas moins que le 19 juillet 2017, comme le relève la société Safran, Mme [D] lui intimait d’y assister chaque jour. Pour le surplus, elle ne dénie ni les retards ni ses absences qu’elle justifie de même manière que précédemment. Elle n’établit pas plus avoir été autorisée à venir tardivement à la réunion du 8 décembre 2017.
Dès lors, la sanction, prononcée après deux autres de moindre mesure, pour des faits similaires contre lesquels elle fut incessamment mise en garde, est justifiée et proportionnée, et comme telle, étrangère à tout harcèlement.
La demande de rappel de salaire sera rejetée et le jugement infirmé en son expression contraire.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
« Nous faisons suite à l’entretien disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement auquel vous avez été convoquée par courrier en date du 14 juin 2018, en présence de Mme [V], Responsable des Relations Sociales et de votre responsable hiérarchique, Monsieur [J], Responsable du Département Commerce. Vous étiez assistée de Monsieur [M] [H], représentant du personnel.
Lors de cet entretien préalable, nous vous avons signifié que nous avions à déplorer de votre part les agissements fautifs suivants :
– Le refus de tenir dans les délais une réunion de revue de commande pour une pièce d’un client majeur
Le 25 mai 2018, lors de la réunion RQP [réunion quotidienne de production] du matin, vous avez été avertie par le correspondant GP du secteur MRO (« Maintenance, Repair and Overhaul ») de la réception à [Localité 4] d’un matériel en provenance d’un client dont vous avez la responsabilité administrative. Il a été précisé lors de cette RQP que le matériel devait être réparé en urgence. Cette urgence impliquait, de fait, la nécessité d’organiser dans la journée la réunion de revue de commande, qui permet d’aligner les différents secteurs impliqués sur le mode de réparation du matériel, et ainsi de lancer la réparation. Lors de cette réunion du matin, votremanager direct ainsi que l’ensemble de l’équipe Administration des Ventes étaient présents, et vous vous êtes engagée à organiser la réunion de revue de commande.
A deux reprises dans la journée, le correspondant GP vous a rappelé sa demande du matin en précisant qu’un membre de la shop MRO était disponible et attendait pour engager les travaux. A aucun moment, vous n’avez alerté sur l’impossibilité de réaliser cette tâche.
Vous avez quitté la société le vendredi soir sans avoir réalisé cette réunion ni prévenu votre hiérarchie et tout en sachant que vous étiez en congés le lundi suivant. Vous avez programmé cette revue de commande le mardi le 29 mai 2018 alors que le besoin était de la programmer dans la journée du vendredi 25 mai 2018.
Ces faits ne peuvent être tolérés et constituent un manquement aux missions qui sont les vôtres, en tant que technicienne support ADV.
Cela est d’autant moins acceptable que vous aviez déjà connaissance des difficultés rencontrées avec ce matériel et qu’un monteur attendait cette réunion et ne pouvait pas intervenir tant que celle-ci n’était pas réalisée. Malgré tout, vous avez pris la décision de planifier la revue de commande dans un délai qui ne respectait pas celui demandé et en prenant le risque inacceptable de créer un retard vis-à-vis du client.
Compte tenu des délais et pour suppléer à votre manquement, il a été demandé à une de vos collègues de réaliser cette réunion en urgence le lundi 27 mai 2018 pour permettre la poursuite du processus de prise en main et de réparation.
– L’envoi d’une offre commerciale sans la prise en compte d’une pièce majeure ayant pu avoir pour incidence la perte de 100 000 euros pour l’entreprise.
Le 13 mars 2018 vous avez adressé une offre commerciale d’un montant de 49 360 euros accompagnée d’un SFR (« shop finding report »), à l’un de vos principaux clients concernant la réparation d’une AGB (« Accessory Gearbox »).
Le SFR, qui permet d’expliciter, par le biais notamment de photos, les réparations à mener sur le matériel ou ses constituants et de donner du sens à l’offre commerciale envoyée au client, indiquait que le carter était rebuté, ce qui engendrait nécessairement le changement intégral de celui-ci, dont le coût seul, ne peut être inférieur à 100 000€.
En votre qualité d’ADV et au regard de ce coût, vous ne pouviez ignorer que l’offre commerciale ne contenait pas le prix du carter à changer, pourtant nécessaire au vu du SFR, et impactant significativement la décision du client quant à l’acceptation ou non de cette offre.
Le 4 mai 2018, votre responsable hiérarchique direct s’est rendu compte que le montant indiqué dans votre offre commerciale n’était pas cohérent avec le coût du remplacement d’un carter.
Votre N+2, [U] [J], a dû lui-même contacter en urgence le client pour lui annoncer l’erreur et tenter de résoudre la situation. Cette situation a également eu pour conséquence d’obliger ce client à demander un nouvel accord à son propre client générant par conséquence des délais supplémentaires.
Une telle faute n’est pas tolérable au regard de votre métier et du préjudice financier que cela aurait pu engendrer pour l’entreprise, et pour les effets sur l’image de l’entreprise vis-à-vis du client.
– Le refus de mise à jour d’outils de suivi malgré les directives de votre hiérarchie
A titre d’exemple, il vous a été demande, notamment le 5 avril 2018, à vous comme à l’ensemble de l’équipe d’enregistrer les offres commerciales sous une base lnshare afin de permettre aux responsables du secteur d’avoir une visibilité complète de l’ensemble des offres commerciales du service, de piloter l’activité par des indicateurs (KPI) et vis-à-vis des clients, mais surtout de permettre, en cas d’absence et ou d’urgence, l’intervention d’un tiers.
Malgré plusieurs relances de votre hiérarchie, notamment le 6 avril 2018, le 15 mai 2018 et 25 mai 2018, vous avez attendu cette dernière relance pour informer votre hiérarchie que vous n’aviez pas mis à jour la base lnshare.
En réponse, votre N+2 a confirmé la demande de mise à jour de la base en vous demandant le nombre d’offres à charger, demande à laquelle vous n’avez pas répondu.
Par ailleurs, dans le cadre de votre poste vous devez également charger un tableau hebdomadaire de suivi de commande pour le WIP Rolls Royce. Des demandes de vos hiérarchies vous ont été régulièrement adressées, notamment le 11 avril 2018. Force est de constater que l’ensemble des tableaux hebdomadaires de suivi n’ont pas été chargés.
Ces agissements sont constitutifs d’insubordination et ne peuvent être tolérés.
– Le non-respect de votre périmètre et de ses prérogatives de travail malgré les demandes répétées de votre hiérarchie
A de nombreuses reprises vous êtes intervenue vis-à-vis de collaborateurs en interne sur des sujets d’ordre technique et qui peuvent nécessiter des habilitations alors que votre fonction ne le prévoit pas et que cela n’est pas dans votre champ de compétences.
Votre hiérarchie vous a demandé à plusieurs reprises de cesser ces formes d’engagement de votre part qui ne sont pas de votre responsabilité.
Pour exemple le 5 avril 2018, votre manager, à la suite d’un mail d’un opérationnel, vous a rappelé « comme déjà signalé plusieurs fois (. . .) concentrons-nous sur nos missions premières ».
De même, à plusieurs reprises des collègues opérationnels vous ont demandé, directement et expressément, de ne pas vous engager sur des questions d’ordre technique, notamment, le 5 avril 2018 et le 27 avril 2018.
Vous êtes, par ailleurs, le 17 mai 2018 entrée en contact directement avec un sous-traitant et avez remis en question le travail réalisé alors qu’il ne vous incombe pas de traiter de ce type de problématique.
Ces agissements sont constitutifs d’insubordination et ne peuvent être tolérés.
Ces griefs qui vous ont été exposés sont d’autant moins acceptables que vous aviez déjà fait l’objet d’une mise à pied de deux jours notifiée le 9 février 2018 pour d’autres faits.
Les explications que vous nous avez fournies lors de l’entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits.
Compte tenu du caractère fautif de ceux-ci et de leurs conséquences, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement en raison des agissements fautifs décrits ci-dessus.
[‘] ».
En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l’article L.1235-1 du même code impartit au juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l’employeur, de former sa conviction en regard des éléments produits par l’une et l’autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le refus d’organiser une réunion de revue de commande
La société Safran rappelle qu’il appartient en premier lieu à l’administrateur des ventes d’organiser la réunion de revue de commande sans laquelle aucune réparation ne peut se faire, et dont l’urgence, s’agissant de celle du 25 mai, avait été énoncée le matin même puis rappelée et à laquelle, d’ailleurs, la salariée s’était engagée mais sans y procéder, peu important qu’il puisse déjà y avoir du retard. Elle dément l’impossibilité d’y procéder, dont en tout état de cause elle aurait dû être prévenue.
Mme [E] dément avoir eu l’information le 25 mai 2018 de l’urgence de la réunion qui ne pouvait, en tout état de cause, se tenir le jour-même vu ses contraintes professionnelles, et alors que les délais conventionnels étaient déjà dépassés depuis des semaines.
Cela étant, le mail du 25 mai 2018 de M. [L] confirme que la revue de commande, dont Mme [E] devait s’occuper, devait se tenir le matin et Mme [D], en réponse, souligne l’engagement de la salariée pour ce faire. La matérialité des faits n’est donc pas sérieusement discutée. Par ailleurs, le moyen tiré du retard de l’employeur n’est pas opérant.
Le grief est ainsi fondé.
L’erreur dans l’offre commerciale
La société Safran fait valoir l’anomalie entre le devis et le schéma technique que Mme [E] aurait dû repérer, et dont l’avisait au reste, le 20 février 2018, le responsable de la production. Elle soutient que la salariée est seule responsable du contenu de l’offre commerciale.
Et Mme [E] conteste l’imputabilité de l’oubli, le devis validé par l’inspecteur qualité n’évoquant pas le carter.
Cependant, Mme [E] était, vu son mail du 13 mars 2018, en possession du shop findings report concluant « after having fully inspection the accessory gearbox, the main housing assy must be scrapped for dents significant on the lower lug and non machined area ». Le 20 février 2018, le responsable de production lui écrivait, sur cette offre : « vu au constat à l’arrivée : le carter AGB sera rebuté et remplacé par un neuf ».
La validation de l’offre commerciale de réparation à laquelle elle devait procéder contient son contrôle même succinct de sa teneur, ce dont elle convenait par mail du 22 mai 2018 : « quand bien même par souci de cohérence nous faisons souvent un contrôle des documents techniques et de la liste des pièces, l’ADV MRO n’a pas la responsabilité ni la compétence pour valider la liste… » et qui résulte de son entretien du 18 novembre 2016 à l’occasion de la Lean-T ADV, ses missions étant ainsi décrites : « analyse du devis technique et élaboration de l’offre commerciale ».
Du moment que le rapport de l’atelier concluait seulement à la mise au rebut du carter cassé dont le remplacement, évoqué par son collègue de l’atelier, doublait le prix de l’offre, et qu’il n’était pas cité dans la liste des pièces, Mme [E], qui est l’interface finale avec le client, aurait dû au moins interroger l’inspecteur d’atelier, et la circonstance d’une faute partagée n’enlève rien à la sienne.
Par ailleurs, Mme [D] atteste qu’elle avait déjà traité d’offre similaire, et avait la compétence pour voir que la liste jointe était lacunaire.
Le grief, d’une négligence fautive, est fondé.
Le refus de mise à jour des outils de suivi
La société Safran exprime avoir relancé à 7 reprises la salariée en vain, durant 3 mois, et l’avoir au reste prévenue bien avant ses congés d’avril 2018, et plus d’un an auparavant, ce à quoi Mme [E] lui oppose l’envoi de la directive d’archivage durant ses congés, le défaut de temps ensuite pour y procéder, l’impossibilité au reste d’une mise à jour en temps réel et l’insuffisance du système.
Il est acquis aux débats que l’employeur avait demandé de renseigner dans le logiciel Inshare les offres commerciales de 2016 et 2017. Par mail des 23 août et 21 septembre 2017, Mme [D] relançait ses collaborateurs à ce sujet. Par mail du 25 mai 2018, Mme [E], qui venait d’être relancée comme d’autres les 5 avril, 15 et 25 mai 2018, indiquait n’y avoir pas procédé.
Si elle fait valoir sa charge de travail, elle n’exprime pas avoir tenté d’y procéder depuis l’été 2017, et ne saurait opposer ses difficultés au dernier moment, en sollicitant soit la décharge de ses tâches, soit la sous-traitance auprès d’un « stagiaire » (mail en réponse du 25 mai 2018. « je propose : sinon je peux essayer de faire 1 ou 2h par jour progressivement ; aide d’un stagiaire pour archiver sur Inshare les anciennes offres. »)
Le grief est fondé.
La société Safran déplore son défaut de mise à jour du tableau hebdomadaire du suivi de commandes pour le WIP Rolls Royce régulièrement et non en temps réel.
Cela étant, Mme [E] reconnait devoir mettre à jour ce fichier. L’employeur justifie dans son rappel du 11 avril 2018 après celui du 22 décembre précédent que le fichier n’avait pas été retouché depuis le 14 décembre 2017. C’est donc inutilement que la salariée dispute de l’insuffisance du système qui n’enregistrerait pas, selon elle, les données renseignées, dont la preuve n’est pas rapportée par ses propres doléances (mail du 2 janvier 2018). Elle y procéda, ainsi qu’elle l’établit, le 26 avril 2018. Mme [D] atteste de la non-visibilité du client s’ensuivant, en observant que l’intéressée était toujours en retard dans ses tâches et désorganisait le service, ainsi : « ce mode de travail entrainant des sollicitations tardives des différents interlocuteurs, créant des désorganisations régulières sur des sujets courants. »
Le grief est également fondé.
Sur le non-respect des périmètres de fonction
La société Safran soutient les interventions techniques de la salariée hors de ses fonctions, contre lesquelles elle avait été prévenue, et qu’elle ne lui demanda jamais ; ce à quoi Mme [E] lui oppose n’être jamais sortie de son périmètre, étant tenue, par la nature de sa fonction, d’intervenir sur des sujets techniques, sinon à la demande de sa hiérarchie.
Si l’employeur verse aux débats les mails du 5 avril 2018 de M. [L] et de Mme [D] invitant l’intéressée à ne pas déborder son périmètre, rien de précis n’est évoqué. Les autres échanges ne sont pas plus étayés. Si Mme [E] suggère être intervenue sur des sujets techniques, elle n’en dit pas plus. Aucun fait objectif ou identifiable n’est ainsi matériellement établi, ne pouvant en tenir lieu la discussion du 17 mai 2018, d’ailleurs illisible, entre l’intéressée et un tiers sur le dédouanement d’un matériel, ou celle du 26 avril précédent, entre collègues, sur la cotation des pièces.
Ce grief n’est pas fondé.
Pour autant, dans la mesure où c’est justement que la société Safran reprocha à la salariée son refus d’organiser une réunion dans l’urgence, sa négligence fautive dans l’offre commerciale du 13 mars 2018 et son refus de procéder à la mise à jour des systèmes d’archivage des offres et du tableau de suivi des commandes d’un important client, il s’en déduit que l’employeur prouve des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, pour justifier du licenciement.
Par ailleurs, sa cause doit être considérée comme sérieuse, au regard de la multiplicité des griefs venant après 3 sanctions disciplinaires pour des retards confinant à l’insubordination.
Or, il suit de ce qui précède que l’employeur ayant justifié chaque fois par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral les faits présentés par l’employée l’ayant présumé, elle ne peut être suivie en sa demande d’indemnisation du harcèlement allégué, qui n’est pas avéré. Ses prétentions en dommages-intérêts seront rejetées par infirmation du jugement.
Par ailleurs, les prétentions de Mme [E] de voir constater la nullité sinon le caractère abusif du licenciement seront rejetées par l’infirmation du jugement à ce second égard.
Cela étant, le jugement sera infirmé sur les condamnations subséquentes, qui seront rejetées, en ce compris celle de rembourser diverses sommes au Pôle emploi.
Sur les frais de justice
Il n’y a lieu à réformation des prescriptions du jugement, sur les frais de justice.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a retenu le principe d’un manquement de l’employeur à l’obligation préventive de sécurité ;
Statuant de nouveau ;
Condamne la société par actions simplifiée Safran Transmission Systems à régler à Mme [E] 1.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son manquement à l’obligation préventive de sécurité ;
Dit le licenciement pourvu d’un motif réel et sérieux ;
Déboute Mme [E] de ses demandes d’annulation de la mise à pied disciplinaire, de dommages-intérêts pour harcèlement moral, en nullité du licenciement, sinon en reconnaissance de son mal -fondé et des prétentions financières subséquentes ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens en cause d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,