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AFFAIRE : N° RG N° RG 21/01241 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FSW6
Code Aff. :LC
ARRÊT N° 23/ LC
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT PIERRE en date du 18 Juin 2021, rg n° F 20/00127
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
APPELANTE :
E.U.R.L. REUNION TOUS SERVICES (RTS)
La Société REUNION TOUS SERVICES , EURL au capital de 300 000 €, immatriculée au RCS de SAINT DENOS sous le n°344 247 507 ayant son siège social au [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D’AVOCATS MICKAEL NATIVEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [F]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 05/12/2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique, devant Laurent CALBO, conseiller chargé d’instruire l’affaire, assisté de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 25 MAI 2023 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Laurent CALBO
Conseiller : Aurélie POLICE
Conseiller : Laurent FRAVETTE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 25 MAI 2023
Greffière lors des débats : Mme Delphine GRONDIN
Greffier lors du prononcé par mise à disposition : M. Jean-François BENARD
* *
*
LA COUR :
Exposé du litige’:
M. [Y] [F] (le salarié) a été embauché par la société Réunion Tous Services RTS (la société) en qualité de contrôleur, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 30 septembre 2013, et a été promu responsable de l’agence sud à compter du 1er janvier 2015.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 26 octobre 2018.
Saisi par M. [F], qui invoquait la nullité de son licenciement et sollicitait l’indemnisation de ses préjudices et le paiement d’heures supplémentaires, le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre de la Réunion, par jugement rendu le 18 juin 2021, a déclaré l’affaire recevable, dit et jugé le licenciement fondé sur une faute grave, dit et jugé que le harcèlement moral n’est pas fondé, dit et jugé que les heures supplémentaires sont dues, condamné la société à lui payer les sommes de 54 082,35 euros à titre d’heures supplémentaires, 5 408,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires et l’a débouté du surplus de ses demandes.
Appel de cette décision a été interjeté par la société Réunion Tous Services RTS le 9 juillet 2021.
Par arrêt mixte du 15 septembre 2022, la cour a’:
– confirmé le jugement rendu le 18 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Saint-Pierre de la Réunion en ce qu’il a déclaré recevables les demandes ;
– avant-dire droit sur les autres chefs du jugement attaqué, ordonné la communication par M. [F] des pièces originales n°18 et 28, et par la société Réunion Tous Services RTS de la décision de rejet de prise en charge de l’accident du 22 janvier 2018 notifié par la caisse générale de sécurité sociale’ou de toute autre pièce émanant de l’organisme à ce sujet, et invité les parties à formuler toutes observations utiles sur la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 22 janvier 2018 et sur l’application au litige de l’article L.1226-9 du code du travail.
La clôture de l’instruction est intervenue le 5 décembre 2022.
* *
Vu les dernières conclusions notifiées parla société Réunion Tous Services RTS le 2 décembre 2022 ;
Vu les dernières conclusions notifiées par M. [F] le 4 novembre 2022′;
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.
Sur ce’:
Sur la nullité du licenciement’:
1°/ pour violation de la protection du salarié pendant la suspension du contrat de travail’:
Aux termes de l’article L.1226-9 du code du travail’, «’Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.» et de l’article L.1226-13 du même code, « Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-18 est nulle.’».
En l’espèce, M. [F] fait valoir qu’il a été placé en arrêt de travail en suite d’un accident du travail du 22 janvier 2018 pris en charge par l’organisme de sécurité sociale.
L’original du certificat médical initial (pièce 18), versé au débat par l’intimé à l’invitation de la cour, démontre que la date a été surchargée afin de substituer le mois de janvier (01) au mois de février (02).
Cependant, M. [F] a produit l’original du courrier de prise en charge de l’accident du travail (pièce 28 / intimé) adressée par la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion. La société en a fait de même concernant le courrier notifié par l’organisme à son endroit (pièce 15 / appelant).
S’il existe une incohérence sur les dates des deux documents tendant à la notification de la prise en charge d’un même accident du travail, soit celle du 9 août 2017 pour le courrier notifié au salarié, c’est-à-dire antérieurement à l’accident pris en charge, et celle du 22 juin 2018 pour le courrier notifié à l’employeur, il est en revanche constant que les deux documents mentionnent l’avis favorable donné par le médecin conseil de la caisse sur le caractère professionnel d’un «’syndrôme dépressif’» et l’avis défavorable sur le caractère professionnel de «’maltraitance au travail ‘ burn out’».
Contrairement à ce que soutient la société, l’accident du travail n’a donc pas fait l’objet d’un refus de prise en charge puisque seul le caractère professionnel des lésions consécutives à «’maltraitance au travail ‘ burn out’» a été rejeté, à la différence des lésions consécutives à un «’syndrôme dépressif’» dont le caractère professionnel a été reconnu.
Ainsi, il est établi que l’employeur a eu connaissance dès le 22 juin 2018 du caractère professionnel d’un «’syndrôme dépressif’» au titre de la législation professionnelle en référence à un accident du travail du 22 janvier 2018.
M. [F] justifiant de prolongations d’arrêts de travail consécutifs jusqu’au 31 octobre 2018, la rupture de la relation de travail est intervenue alors que le salarié bénéficiait d’une suspension de son contrat de travail en suite d’un accident du travail.
Bénéficiant des dispositions protectrices de l’article L.1226-9 précité, la société doit démontrer l’existence d’une faute grave de l’intéressé ou l’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
La lettre de licenciement du 26 octobre 2018 est rédigée comme suit’: «'(‘) Par courrier en date du 10 octobre 2018, nous vous avons notifié une convocation à un entretien préalable pour le Vendredi 19 octobre 2018 à 8h30 à notre l’agence antenne sud de Saint Pierre sise au [Adresse 3], afin de vous exposer les faits qui vous sont reprochés et de recueillir vos explications,
Nous constatons que vous ne vous êtes pas présenté, et que vous n’avez pas justifié votre absence à cet entretien.
Nous avons eu en effet à constater de votre part des agissements constitutifs d’une faute grave.
Vous avez été embauché par l’entreprise le 30 septembre 2013 et occupez actuellement le poste de responsable d’exploitation.
Vous êtes actuellement en arrêt de travail et ce, depuis le 22 janvier 2018. Si cet arrêt de travail implique la suspension du contrat qui nous lie et vous dispense d’exécuter, le temps du congé, les obligations principales découlant du contrat de travail, il n’en demeure pas moins que vous restez soumis durant votre arrêt de travail au respect du devoir de loyauté et de l’obligation de bonne foi envers votre employeur.
Tel n’a cependant manifestement pas été le cas.
Depuis que vous vous êtes mis en congé maladie vous n’avez cessé de nous harceler soit par téléphone, soit par texto, en proférant des insultes ou des allégations mensongères.
Vous êtes passé récemment à un stade niveau supérieur en proliférant des menaces de mort à l’encontre de votre collègue Mr [R] [K].
En effet, le 25 septembre 2018 à 9 h 23 en visite de chantier au Tampon, M. [R] [K] a reçu sur son portable un appel venant d’un numéro fixe [XXXXXXXX01]. Il vous a immédiatement reconnu, et vous l’avez abreuvé d’insultes, et plus grave encore vous avez proféré des menaces de mort à son encontre.
Je vous rappelle que les menaces de mort sont punies par la loi et réprimées par l’article 22-17 du code pénal de 3 ans de prison et de 45.000 euros d’amende.
Outre le fait qu’aucune raison ne justifiait que vous le contactiez dans la mesure où vos missions sont suspendues depuis le début de votre arrêt maladie, les menaces proférées à son encontre, pendant son travail, sont d’une particulière gravité et l’ont notamment conduit à déposer plainte à votre encontre.
Par ailleurs, le 5 octobre 2018, vous avez adressé un sms à votre employeur, comportant des insultes mais également des menaces, qui ne peuvent raisonnablement être tolérées.
Ce faisant, vous avez, à plusieurs reprises, gravement manqué à l’obligation de loyauté vous incombant, obligation qui subsiste même pendant les périodes de suspension de votre contrat.
Au vu de tout ce qui précède, et dans la mesure où nous n’avons pas pu modifier notre appréciation sur les faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.
Nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, privatif de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis.
Le licenciement prend donc effet immédiatement sans indemnité de préavis ni de licenciement. (…)’».
A l’appui des manquements du salarié invoqués, la société produit la plainte déposée le 25 septembre 2018 par M. [K] pour des menaces de mort proférées par M. [F] le même jour en ces termes’: «'[K], arrête fé la di la fé dessus moin, si ou arrêt pas koz dessus moin. Pas la peine que mi vient à [Localité 7] mi coupe ton tête’», «’Si mi vient bureau [Localité 8], mi fé descendre à ou, le patron, [Y] et [N]’», «’Arrêt fé out macro pou le patron’» (pièce 7 / appelant)
Contrairement à ce que soutient M. [F], la qualité de salarié de la victime ne suffit pas à dénier toute force probante à ces éléments, l’intimé n’apportant aucun commencement de preuve d’une collusion entre la société et M. [K].
Il est donc établi les menaces proférées par M. [F] à l’encontre de M. [K] en sa qualité d’employé de la société, les agissements de l’intimé s’étant suivi d’un arrêt de travail de M. [K] du 26 au 27 septembre 2018 (pièce 8 / appelant).
La société produit également un procès-verbal de constat d’huissier de justice constatant que M. [F] a adressé un sms au représentant de l’employeur le 5 octobre 2018 en ces termes «’Je voudrais juste te dire que tu n’aurait pas du jouer avec nos sentiments…C’est degueulasse et j’ai honte de t’avoir suivi…j’avais confiance en toi mais tu n’est qu’une pourriture je te fait pas de menaces mais je texecre et n’aurait de cesse que te faire rendre gorge…Dis toi bien que [H] est un enfant de coeur a côté de moi…ta choisi le mauvais cheval…Et tes sbires iront en TAULE AVEC TOI…’» (pièce 10 / appelant).
M. [F] n’apporte aucun élément contredisant efficacement ces éléments.
Il est donc établi des menaces de mort proférées par M. [F] à l’endroit du représentant de l’employeur quelques jours après celles proférées à l’égard de M. [K].
Les autres sms détaillés dans le procès-verbal de constat d’huissier de justice et datés des 17 juillet et 1er août 2018, ne sont ni menaçant ni harcelant.
Antérieurement, il est uniquement établi l’envoi de plusieurs sms au représentant de l’employeur les 23 janvier, 5 et 7 février 2018 afin de s’expliquer sur certains points ou de demander une entrevue.
Or, l’envoi de 15 sms entre le 23 janvier et le 5 octobre 2018 ne caractérise pas le comportement harcelant reproché par l’employeur aux termes de sa lettre de licenciement.
En revanche, les menaces de mort proférées à un salarié le 25 septembre 2018, qui ont eu pour conséquence de désorganiser la société suite à l’arrêt de travail qui en a suivi, puis au représentant de l’employeur le 5 octobre suivant, caractérisent des manquements graves de M. [F] justifiant l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’accident à l’origine de la suspension du contrat de travail.
Aucune nullité du licenciement n’est encourue de ce chef.
2°/ pour harcèlement moral’:
Vu les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail’et 954 du code de procédure civile’;
A l’appui du harcèlement moral dont il se dit victime, M. [F] fait valoir que’la société lui a retiré certaines prérogatives de chef d’agence le 7 janvier 2016, l’a dénigré devant ses collègues et l’a sanctionné d’une mise à pied injustifiée sans tenir compte du harcèlement subi, ce qui a eu pour conséquence de porter atteinte à ses droits et sa dignité et de dégrader son état de santé.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement.
Il incombe par conséquent à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société réfute toute situation de harcèlement.
S’agissant du retrait de prérogatives, la société expose qu’elle a mis en place une nouvelle organisation concernant les devis et courriels adressées aux clients. Effectivement, par courriel du 7 janvier 2016 diffusé à l’ensemble des services (pièce 7 / intimé), l’employeur a décidé de soumettre à l’approbation préalable de la direction générale les devis ou courriels adressés aux clients.
La société, qui a ainsi agi en vertu de ses pouvoirs de direction et d’organisation, démontre que sa décision est exempte de tout harcèlement.
Elle ajoute que M. [F] n’a pas été déchargé, contrairement à ce qu’il soutient sans le démontrer, du management de son équipe, seules les demandes de congé des agents placés sous son autorité devant être validées par la direction afin d’avoir une meilleure visibilité de l’ensemble de l’activité et des absences des personnels du sud de l’île.
Effectivement, M. [F] produit uniquement un courriel du 8 mars 2016 selon lequel la direction générale rappelle à une salariée que sa demande de congé n’a pas été validée par la direction (pièce 8 / intimé). Il ne justifie d’aucune autre mesure ayant restreint ses prérogatives de manager.
Ainsi, la société, à qui il revient dans le cadre de son pouvoir de direction de valider les congés de ses salariés, justifie que sa décision de la validation des congés des salariés par la direction est exempte de tout harcèlement.
S’agissant des dénigrements, brimades et pressions, la société fait valoir que les éléments produits par le salarié ne démontrent pas ce qu’il avance.
En effet, le courriel du 28 janvier 2016 selon lequel la direction générale interroge M. [F] sur l’envoi d’un courriel à M. [H] concernant un sujet ne relevant pas de ses attributions, ne contient aucune formulation agressive ou dénigrante, outre le fait qu’il n’est adressé qu’au seul salarié (pièce 9 / intimé).
De surcroît, M. [F] n’explique pas les raisons de l’envoi de son courriel sur un sujet opérationnel à un personnel du service des ressources humaines.
De même, le courriel du 18 février 2016 adressé par la direction générale à tous les services en ce qui concerne la diffusion d’une note à mettre en évidence et à rappeler aux personnels, ne caractérise aucune brimade ni pression de l’employeur. Le fait que la société précise «'[Y], tu martel le tête de tes gars pour cela. Affiche’» constitue une directive de procéder, par le truchement des responsables de service, à un rappel ferme de la note concernée, sans que l’employeur n’ait excédé à ce titre son pouvoir de direction (pièce 11 / intimé).
Enfin, les courriels des 12 et 22 janvier 2018, rédigés respectivement par M. [F] à l’attention de la direction générale et par la direction générale à l’endroit de plusieurs services, attestent d’une difficulté sur les mesures de protection à prendre afin d’éviter les disparitions de stock, sans qu’il ne soit établi à ce titre l’imputation à M. [F] d’un vol (pièces 16 et 17 / intimé).
En outre, rien ne vient établir que l’employeur aurait à cette occasion excédé son pouvoir de direction.
En conséquence, la société justifie que ses décisions, qui ne revêtent aucune brimade, pression ou dénigrement, sont exemptes de tout harcèlement.
S’agissant de la mise à pied injustifié, la société rétorque qu’elle a été contrainte de prononcer une sanction de mise à pied disciplinaire le 22 septembre 2016 en raison du comportement irrespectueux de M. [F] et inacceptable à l’égard des salariés et de la direction, du refus d’exécuter des tâches relevant de ses fonctions et d’un manque d’implication dans son poste de responsable.
Elle ajoute que cette sanction n’a jamais été contestée et qu’il n’en a d’ailleurs pas sollicité l’annulation ce dont il convient de tirer toutes les conséquences.
En effet, M. [F] ne produit aucune pièce justifiant d’une contestation élevée contre cette décision dans le délai légal.
Surtout, la cour n’étant pas saisie d’une demande d’annulation de la sanction, les faits retenus par l’employeur sont définitivement établis.
La société justifie ainsi que sa sanction est exempte de tout harcèlement.
S’agissant de la dénonciation de faits de harcèlement, la société objecte qu’elle n’a jamais été alertée par M. [F] sur ce point et que le document attribué à Mme [W], salariée de l’entreprise, dont l’authenticité n’est pas établie, doit être rejeté.
D’une part, M. [F] ne s’appuyant pas dans ses écritures du 12 octobre 2021 sur le document invoqué par la société (pièce 6 / appelant), il n’y a pas lieu à apprécier de sa force probante.
D’autre part, contrairement à ce que soutient le salarié, aucun élément probant sur la dénonciation d’une situation de harcèlement à son employeur n’est produit. Au contraire, le salarié s’appuie sur une plainte déposée à ce titre le 14 août 2018 (pièce 29 / intimé), soit pendant la suspension de son contrat de travail, ce qui ne justifie pas d’une situation de harcèlement dénoncé avant l’arrêt de travail.
En outre, les réserves opposées par l’employeur dans le cadre de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du travail ne sauraient à elle seules être constitutives d’un acte de harcèlement, la société ne faisant à cette occasion qu’exercer ses prérogatives prévues par la législation sur les risques professionnels.
La société justifie ainsi que ses agissements à l’égard de M. [F] sont exempts de tout harcèlement.
Dès lors en l’absence de démonstration de faits répétés constitutifs de harcèlement, M. [F] échoue à démontrer le harcèlement moral qu’il impute à son employeur sans qu’il soit nécessaire d’apprécier de la dégradation de son état de santé.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le harcèlement moral non fondé, débouté M. [F] de ses demandes indemnitaires pour harcèlement moral et de nullité du licenciement comme étant la conséquence d’un harcèlement.
Sur le licenciement pour faute grave’:
Aux termes des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail,’«’Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse’» et «’Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. (…)’».
Le licenciement étant motivé par une faute grave du salarié, il appartient à la société de rapporter la preuve d’une violation par M. [F] d’une obligation découlant du contrat de travail ou d’un manquement à la discipline de l’entreprise, rendant impossible son maintien dans celle-ci.
Or, il a été jugé qu’alors que M. [F] était en arrêt de travail, il a proféré des menaces de mort par téléphone à un salarié de la société le 25 septembre 2018 alors qu’il se trouvait sur le lieu de son travail, qui ont eu pour conséquence de désorganiser la société suite à l’arrêt de travail qui en a suivi, ce qui constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles.
Il a ensuite proféré des menaces de mort le 5 octobre suivant en adressant un sms au représentant de la société, ce qui constitue un nouveau manquement grave à ses obligations.
En conséquence, de tels manquements réitérés à quelques jours d’intervalle rendaient impossible le maintien de M. [F] dans l’entreprise.
En outre, il n’est justifié d’aucune démarche vexatoire de l’employeur lors de la procédure de licenciement.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté M. [F] de ses demandes d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour procédure vexatoire.
Sur les heures supplémentaires’:
Aux termes de l’article L.3121-28 du code du travail, «’Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.’».
Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, «’En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.».
Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement par la production de ses propres éléments.
En l’espèce, M. [F] avance qu’il «’était amené à effectuer bien plus d’heures qui ne lui ont jamais été rémunérées’», qu’il prenait son poste à 5 heures du matin au lieu de 8 heures et finissait le soir vers 20 heures au lieu de 17 heures.
Il en déduit qu’il réalisait 6 heures supplémentaires par jour, soit 30 heures supplémentaires par semaine.
Les témoignages de M. [H], ancien directeur des ressources humaines, et de M. [X], ancien responsable de stock et «’chauffeur privé’» du directeur général, attestent d’une amplitude horaire excédant les 35 heures hebdomadaires (pièces 26 et 27 / intimé).
La société n’est pas fondée à solliciter la mise à l’écart de ses pièces eu égard à un différend entre elle et ses salariés, cette circonstance ne privant pas de force probante ces attestations dès lors qu’aucune collusion entre le salarié et les témoins n’est démontrée.
Si ces témoignages sont imprécis sur les horaires effectivement effectués par M. [F], tel n’est pas le cas du document qu’il désigne de «fiche de pointage’» (pièce 25 / intimé) sur la période non continue du 6 mai 2016 au 5 janvier 2018 qui permet à l’employeur de répondre utilement sur ces points (pièce 11 / appelant).
Ainsi, il s’évince des éléments soumis à la cour que M. [F] renseignait sur un logiciel les visites de chantier qu’il effectuait. Toutefois, la société fait valoir à juste titre que certaines visites distantes de plusieurs kilomètres sont espacées de seulement quelques minutes. En réalité, les date et heure figurant sur le document au titre des chantiers visités correspondent à l’horaire auquel le logiciel a été renseigné par le salarié et non à l’horaire auquel la visite a été effectuée.
Pour autant, ces éléments confirment que M. [F] a renseigné ces données aux horaires mentionnés sur le listing, et donc en dehors de son temps de travail habituel fixé de 8 à 12 heures et de 14 à 17 heures.
Après analyse des documents, il sera retenu les heures supplémentaires suivantes’:
– en 2016, sept heures en mai, une heure en juillet, une heure en août, sept heures en septembre, trente-quatre heures en octobre, douze heures en novembre et trois heures en décembre’;
– en 2017, quinze heures en janvier, deux heures en février, quatre heures en mars, quatre heures en avril, cinq heures en mai, cinq heures en juin, huit heures en juillet, une heure en septembre, onze heures en octobre, deux heures en novembre et huit heures en décembre’;
– en 2018, trois heures en janvier.
M. [F] justifie ainsi de 133 heures supplémentaires, la société n’apportant aucun élément justifiant d’un décompte contraire.
En l’absence de justificatif permettant de retenir plus de huit heures supplémentaires par semaine, il sera retenu une majoration de 25’% du taux horaire de 20,78 euros brut (3152,20/151,67).
Le rappel de salaire s’élève à ce titre à 3 455,22 euros bruts, outre les congés payés y afférents de 345,52 euros. Le jugement est infirmé sur ces points.
Sur les dommages et intérêts pour dépassement du temps de travail’:
Vu l’article L.3131-1 du code du travail’;
M. [F] sollicite des dommages et intérêts en suite du manquement de la société à ses obligations en matière durée légale du travail.
S’agissant d’une demande indemnitaire, il appartient à M. [F], contrairement au régime probatoire applicable aux heures supplémentaires, de rapporter la preuve d’un manquement de l’employeur, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Or, il résulte des attestations de salarié de l’entreprise que M. [F] dépassait régulièrement son temps de travail hebdomadaire sans que l’employeur, alerté de cette situation, n’ait pris de mesure en faveur du respect de ses obligations.
Le manquement de la société est donc caractérisé.
La violation par l’employeur de la législation sur le temps de travail cause nécessairement un préjudice à M. [F], qui ne peut toutefois tendre à l’indemnisation des lésions prises en charge au titre de l’accident du travail du 22 janvier 2017, laquelle relève exclusivement de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur devant la juridiction compétente.
Sur la base des éléments produits établissant une fatigue en lien avec le travail, il sera alloué à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé’:
Vu l’article L. 8221-5 du code du travail’;
M. [F] fait valoir qu’il dépassait la durée hebdomadaire du travail ce qui constitue un travail dissimulé.
Ce faisant, l’intimé ne démontre pas que l’employeur ait ainsi volontairement agi afin de se soustraire à ses obligations.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.
PAR CES MOTIFS’:
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Vu l’arrêt mixte du 15 septembre 2022,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société à payer à M. [F] les sommes de 54 082,35 euros à titre d’heures supplémentaires, 5 408,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non respect du repos quotidien’;
Statuant sur les chefs de jugements infirmés,
Condamne la société Réunion Tous Services RTS à payer à M. [F] les sommes de
3 455,22 euros bruts au titre des heures supplémentaires, et 345,52 euros au titre des congés payés y afférents’;
Condamne la société Réunion Tous Services RTS à payer à M. [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de temps de travail’;
Y ajoutant,
Déboute M. [F] de sa demande de nullité de licenciement fondée sur la violation de la protection du salarié consécutive à un accident du travail’;
Vu l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société Réunion Tous Services RTS à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros au titre des frais non répétibles d’instance’;
Condamne la société Réunion Tous Services RTS aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Laurent CALBO, Conseiller, et par M. Jean-François BENARD, Greffier placé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,