Mise à pied disciplinaire : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08759

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Mise à pied disciplinaire : 25 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08759
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 25 MAI 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08759 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAO42

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/07948

APPELANTE

Société LES SAVOYARDS REUNIS

Immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro siren 542 062 211

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas CHAMPIGNY-MAYA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [K] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

n’ayant pas constitué avocat. Signification de la déclaration d’appel et des conclusions de l’appelant remise à étude le 7 novembre 2019.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– DEFAUT,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

Mme [I] a été embauchée par la société Les Savoyards Réunis (LSR Propreté), entreprise de nettoyage, par contrat à durée indéterminée du 03 avril 2013, en qualité d’agent de service.

Le 29 septembre 2017, Mme [I] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de trois jours.

Par courrier du 07 février 2018, Mme [I] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 26 février 2018.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 02 mars 2018, la société lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant les motifs de son licenciement, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête en date du 19 octobre 2018.

Par jugement contradictoire du 21 juin 2019, le conseil de prud’hommes a :

-dit le licenciement de Mme [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamné la SAS Les Savoyards Réunis dite LSR Propreté à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

1.548,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

154,48 euros à titre de congés payés afférents,

842,15 euros à titre d’indemnité de licenciement,

154,84 euros au titre de la mise à pied d’octobre 2017,

15,48 euros à titre de congés payés afférents,

4.645,44 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

rappelé l’exécution provisoire de droit,

condamné la SAS Les Savoyards Réunis dite LSR Propreté aux dépens.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 01 août 2019, la société Les Savoyards Réunis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 04 novembre 2019, la société Les Savoyards Réunis (LSR Propreté) demande à la cour de :

– infirmer la décision du Conseil de prud’hommes de Paris du 21 juin 2019 et notamment en ce qu’il a :

dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la Société au paiement subséquent soit :

1.548,48 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis,

154,48 euros au titre de congés payés afférents,

842,15 euros au titre d’indemnité de licenciement,

condamné au paiement de 154,84 euros au titre de la mise à pied disciplinaire d’octobre 2017 et 15,48 euros au titre des congés payés afférents,

condamné la société LSR Propreté à un article 700 et aux dépens de la première instance;

-ordonner la restitution des sommes versées au titre de l’exécution provisoire de première instance ;

-dire et juger que le licenciement de Mme [I] repose sur une faute grave ;

-débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner reconventionnellement Mme [I] au paiement de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [I] n’a pas constitué avocat, la déclaration d’appel et les conclusions ayant été signifiées à étude le 7 septembre 2019.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions visées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été déclarée close le 1er février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En application du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui sans énoncer de nouveaux moyens demande la confirmation du jugement est réputé s’en approprier les motifs.

Sur la mise à pied disciplinaire

Le conseil de prud’hommes a retenu que Mme [I] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire de trois jours à compter du 10 octobre 2017 pour des manquements à la qualité de son travail et pour ne pas avoir répondu aux sollicitations du client.

Il en a conclut que Mme [I] conteste les motifs de cette sanction, laquelle n’est pas démontrée et prouvée par le défendeur et qu’il y a donc lieu d’en prononcer la nullité et de condamner l’employeur à un rappel de salaire correspondant à la retenue salariale à savoir 154, 84 euros ainsi que 15, 48 euros de congés payés afférents.

L’employeur conclut pour sa part que la mise à pied d’octobre 2017 était justifiée au regard du comportement de la salariée. Cette sanction est d’autant plus proportionnée que le comportement aurait pu faire l’objet d’un licenciement mais que la société a choisi de laisser une énième chance à Mme [I] de se ressaisir.

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En application de l’article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Mme [I] a été engagée aux termes de son contrat de travail en qualité d’agent de service.

Par courrier en date du 29 septembre 2017, elle se voyait notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours en ces termes:

‘Nous vous avions convoquée le 26 septembre2017 à 14:30 en vue d’envisager à votre encontre une mesure de licenciement.

En effet, à la suite d’un contrôle inopiné le 11 septembre 2017 effectué par M. [T], inspecteur sur le site de notre client la Bovida situé au [Adresse 2] où vous travaillez dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée nous avons constaté des manquements au niveau de votre travail:

– les sols ne sont pas lavés,

– les pieds de chaises ne sont pas dépoussiérés ainsi que les objets meublants;

– les prestations des sanitaires (nettoyages, désinfections et approvisionnements) ne sont pas réalisés correctement.

De plus notre client nous informe que vous ne lui répondez pas quand il vous parle. Vous ne daignez pas dire ‘bonjour’, ce qui est tout de même une règle de politesse au quotidien.

Vous vous êtes présentées à l’entretien et vous vous êtes engagée à rectifier les points négatifs cités ci dessus.

Les explications recueillies lors de l’entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation.

En conséquence, par la présente lettre nous vous signifions une mise à pied disciplinaire de trois jours.

Elle commencera le 10/10/2017 et prendra fin le 12/10/2017 sur l’ensemble de vos affectations’.

L’employeur produit la fiche de ‘contrôle qualité’ effectué le 11 septembre 2017 sur le site du client la Bovida qui fait état des manquements de la salariée dans l’exécution de ses tâches, les 29 points de contrôle de son travail étant évalués ‘moyen’ ou ‘insuffisant’. Cette sanction est intervenue en raison de l’exécution défectueuse par la salariée de ses tâches et en conséquence de son contrat de travail ayant déjà donné lieu à des rappels à l’ordre et des avertissements ainsi qu’à une mutation disciplinaire suite à une plainte d’un autre client.

Il s’évince de ces éléments que la sanction notifiée le 29 septembre 2017 s’avérait justifiée et proportionnée.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

La société appelante fait valoir que le licenciement de Mme [I] repose sur une répétition de faits fautifs caractérisant l’existence d’une faute grave de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Elle expose reprocher à la salariée l’exécution défectueuse de son contrat de travail, le manquement à ses obligations contractuelles malgré plusieurs rappels à l’ordre et son comportement inapproprié réitéré.

Mme [I] n’a pas constitué avocat et n’a donc pas fait valoir ses moyens en cause d’appel.

Devant le conseil de prud’hommes, elle a soutenu qu’aucun document ne vient justifier la motivation de la lettre de licenciement, ce qui a été repris par le conseil de prud’hommes, lequel a relevé que l’employeur ne justifie pas des griefs allégés et note que le licenciement est intervenu sans qu’aucune mise à pied ne soit prononcée alors même que le licenciement pour faute grave est celui qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est rédigée de la façon suivante:

‘ Nous vous avions convoquée le lundi 26 février 2018 à 14h30 en vue d’envisager à votre encontre une mesure de licenciement.

Nous avons à déplorer de votre part un agissement constitutif d’une faute grave.

En effet, suite à des contrôles inopinés du 8 janvier 2018 et du 5 février 2018 (fiches de contrôle à l’appui) nous constatons à nouveau des manquements graves au niveau de votre travail ainsi qu’au niveau de votre comportement.

Une nouvelle fois, votre travail est très mal fait voire non fait: les sols, les coins et les sanitaires sont dans un état déplorable et nécessitent une remise en état.

Egalement vous continuez à ne pas répondre au client et de lui tourner le dos quand il s’adresse à vous.Vous avez déjà été sanctionnée pour les mêmes raisons par une mise à pied en octobre 2017.

Dès lors, il n’ y a pas eu de changement de votre part.

Le client nous menace de résilier le contrat qui nous lie si nous ne procédons pas à un changement d’agent.

Cette conduite met en cause l’image de la société et nous discrédite vis-à-vis de notre client. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous informons que nous avons en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave’.

S’agissant du manque d’investissement et des nombreux manquements, la société verse aux débats les pièces suivantes:

– un courrier en date du 22 juin 2015 adressé à la salariée et aux termes duquel l’employeur lui notifiait son mécontentement quant à la qualité de son travail sur le site d’un client et la convoquait à un entretien avant de prendre une sanction à son égard;

– un premier courrier d’avertissement en date du 10 juillet 2015 adressé à la salariée et rédigée en ces termes : « Des manquements graves ont été constatés au niveau de votre travail, les poussières ne sont pas bien faites, ainsi que les sanitaires, l’aspirateur n’est pas bien passé et les escaliers ne sont pas faits régulièrement. Nous avons eu des réclamations suite à cela, de la part du Client.

Malgré plusieurs passages de l’inspecteur et de Monsieur [G], responsable d’exploitation, où ils vous ont réexpliqué les prestations et les méthodes à exécuter, nous constatons qu’il n’y a pas de changement au niveau de la qualité de votre travail’;

-un deuxième courrier d’avertissement en date du 4 novembre 2016 par lequel l’employeur lui notifiait son mécontentement quant au non respect des horaires de travail;

-le courriel de plainte émanant d’une société cliente. Ainsi le 2 juin 2017, la représentante de la société SemPriSeine indiquait que depuis 3 ans elle n’était pas satisfaite du travail effectué par Mme [I] qui après s’être ressaisie s’était de nouveau laisser aller. A cette occasion, la responsable des moyens généraux de cette société signalait qu’elle avait du hausser le ton pour que Mme [I] exécute ses tâches mais avait constaté qu’elle avait omis de nettoyer le dessus des poubelles et n’avait pas enlevé les poussières des meubles. Elle demandait en conséquence à la société LSR de retirer Mme [I] de ce site;

– le courrier en date du 26 juin 2017 par lequel la société LSR notifiait à Mme [I] suite au courriel de client sa mutation à titre disciplinaire aux motifs que ‘suite à ces problèmes récurrents nous estimons que vous n’êtes pas en mesure d’assurer des prestations de nettoyage correctes dans les locaux du client’;

– le courrier en date du 29 septembre 2017 par lequel l’employeur signifiait à la salariée une mise à pied disciplinaire de trois jours du 10 octobre 2017 au 12 octobre 2017 en raison de manquements au niveau de son travail et de son attitude vis à vis du client;

– les fiches de contrôle ‘qualité’ en date du 11 septembre 2017, 6 décembre 2017, 8 janvier 2018, 5 février 2018 faisant état de la qualité insuffisante ou moyenne de la plupart des tâches exécutées.

La Cour constate au vu des l’ensemble des pièces produites que malgré les rappels de l’employeur à plusieurs reprises, Mme [I] n’a pas modifié son comportement dans l’exécution de ses tâches. En effet, les dernières fiches de contrôle réalisées en 2018 et visées dans la lettre de licenciement font état par rapport aux précédents contrôles de trois points d’amélioration sur 29, majoritairement évalués moyen ou insuffisant.

Le grief est en conséquence établi.

S’agissant du comportement inapproprié vis à vis du client, l’employeur fait état dans le courrier notifiant à la salariée sa mise à pied disciplinaire de ce qu’un client se serait plaint lors d’un contrôle inopiné réalisé le 11 septembre 2017 de ce qu’elle ne lui répondait pas quand il lui parlait. Or l’attitude reprochée sur ce point à la salariée a déjà été sanctionnée sur le plan disciplinaire. L’employeur ne vise aucun autre événement postérieur au soutien d’une réitération ultérieure d’un tel comportement.

Le grief de réitération de l’attitude vis à vis du client n’est en conséquence pas établi.

Du tout, il s’évince que le refus persistant de la salariée sans motif légitime d’accomplir des tâches entrant dans ses attributions malgré plusieurs rappels constitue une inexécution fautive et réitérée de ses obligations contractuelles qui, au vu de leur durée, rend impossible son maintien dans l’entreprise.

Il résulte de ces éléments que le licenciement pour faute grave est justifié.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et Mme [I] déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais non compris dans les dépens. La société LSR sera en conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Mme [K] [I] de toute ses demandes,

CONDAMNE Mme [I] aux dépens de première instance et d’appel;

DEBOUTE la Société Savoyards Réunis de toute autre demande.

La greffière, La présidente.

 


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