Mise à pied disciplinaire : 24 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00292

·

·

Mise à pied disciplinaire : 24 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00292
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2023

N° RG 22/00292

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7GX

AFFAIRE :

[K] [Y]

C/

S.A.S.U. THYSSENKRUPP MATERIALS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F18/00753

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Vanessa DARGUEL

la SELARL LMC PARTENAIRES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [K] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Vanessa DARGUEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1728

APPELANT

****************

S.A.S.U. THYSSENKRUPP MATERIALS FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Gildas LE FRIEC de la SELARL LMC PARTENAIRES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 220 – N° du dossier 18.07413

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Après avoir exécuté plusieurs missions à compter du 1er avril 2016 pour le compte de la société Thyssenkrupp Materials France (Tkmf), [K] [Y] a été engagé par cette société suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2016 en qualité de magasinier cariste, statut ouvrier, coefficient E04, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerces intracommunautaire et d’importation-exportation.

A compter de décembre 2016, il est devenu agent logistique.

A la suite des élections qui se sont tenues les 20 et 27 juillet 2017, le salarié a été élu délégué du personnel suppléant du site de [Localité 4] où il travaillait.

Par lettre datée du 5 juillet 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 18 juillet suivant, puis par lettre datée du 24 juillet 2017, lui a notifié un premier avertissement.

Après plusieurs convocations à entretien préalable par lettres recommandées avec avis de réception datées des 26 juillet et 24 août 2017 que le salarié n’a pas retirées, l’employeur lui a notifié une nouvelle convocation par lettre datée du 8 septembre 2017, pour un entretien préalable fixé au 15 septembre 2017.

Par lettre datée du 11 septembre 2017, le salarié a contesté les faits qui lui étaient reprochés à l’appui de l’avertissement et des convocations, en indiquant avoir le sentiment de faire l’objet d’un acharnement et d’une injustice au regard de l’application des règles de sécurité par les salariés dans l’entreprise.

Par lettre datée du 9 octobre 2017, l’employeur l’a informé avoir rappelé à tous les collaborateurs les règles de sécurité au sein de l’atelier.

Par lettre datée du 9 octobre 2017, l’employeur lui a notifié un deuxième avertissement.

Par lettre du 1er décembre 2017, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement fixé au 13 décembre 2017.

Par lettre datée du 3 janvier 2018, le salarié a été convoqué pour une audition devant le comité d’entreprise fixée le 8 janvier 2018 suite à l’entretien préalable du 13 décembre 2017.

Par lettre datée du 6 janvier 2018, le salarié a sollicité le report de l’audition en invoquant se trouver en arrêt de travail depuis le 18 décembre 2017 suite à un accident du travail.

Par lettre datée du 10 janvier 2018, le salarié a signalé à l’inspecteur du travail faire l’objet d’une situation de harcèlement moral.

Par lettre datée du 10 janvier 2018, une nouvelle convocation a été adressée au salarié pour une audition devant le comité d’entreprise fixée au 17 janvier 2018.

Par lettre datée du 14 janvier 2018, le salarié a sollicité un nouveau report de son audition eu égard à son arrêt de travail.

Par lettre datée du 17 janvier 2018, l’employeur a informé le salarié du maintien de la réunion du comité d’entreprise, en relevant le fait que celui-ci n’avait pas donné suite à la proposition faite par un membre du comité d’entreprise de le véhiculer pour lui permettre d’être auditionné.

Par lettre datée du 29 janvier 2018, l’employeur a demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier le salarié.

Par décision du 29 mars 2018, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement, considérant que le caractère isolé des seuls faits établis, soit ceux du 29 novembre 2017, ne justifiait pas un licenciement mais une sanction d’une échelle inférieure.

Le 6 avril 2018, le salarié a déposé une plainte à la brigade de gendarmerie de [Localité 4] à la suite notamment de faits d’agression physique du 5 avril 2018 mettant en cause son supérieur hiérarchique, M. [J], dans les locaux de l’entreprise.

Par lettre datée du 6 avril 2018, le salarié a à nouveau alerté l’inspecteur du travail sur sa situation professionnelle en invoquant les faits du 5 avril 2018.

Du 6 avril au 22 avril 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre datée du 25 avril 2018, l’employeur a notifié au salarié un troisième avertissement pour avoir été surpris en train de fumer dans l’atelier et alors qu’il ne portait pas son casque.

Par lettre datée du 26 avril 2018, le salarié a informé l’employeur de son dépôt de plainte du 6 avril 2018 suite à l’agression subie par M. [J] le 5 avril 2018.

Par lettre datée du 16 mai 2018, l’employeur a informé le salarié de la mise en oeuvre d’une enquête suite aux faits du 5 avril 2018.

Par lettre datée du 11 juillet 2018, l’employeur a notifié au salarié un quatrième avertissement.

Par lettre datée du 16 juillet 2018, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 juillet suivant à la suite de faits du 13 juillet 2018.

Par lettre datée du 25 juillet 2018, le salarié, contestant les avertissements et notamment ceux des 25 avril 2018 et 11 juillet 2018, a sollicité leur annulation et a fait part de son intention de saisir le conseil de prud’hommes pour faire cesser la situation de harcèlement discriminatoire qu’il estimait subir.

Par lettre datée du 30 juillet 2018, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de deux jours.

Par lettre datée du 31 juillet 2018, l’employeur a répondu au salarié maintenir les sanctions et l’a informé que l’enquête du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail menée à la suite de sa plainte contre M. [J] n’avait pas fait état d’acte de violence à son encontre du fait de M. [J].

Le 23 novembre 2018, [K] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin d’obtenir l’annulation des sanctions disciplinaires et la condamnation de la société Tkmf à lui payer des rappels de salaire et des dommages et intérêts en réparation notamment des préjudices subis du fait du harcèlement moral et de la discrimination dont il estime avoir fait l’objet.

Par lettre datée du 16 avril 2021, le salarié a été licencié pour faute grave.

Par jugement de départage mis à disposition le 17 décembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes a dit que [K] [Y] manque en l’ensemble de ses démonstrations, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en ce compris celles au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a laissé les dépens de l’instance à la charge de [K] [Y] et a dit n’y avoir lieu d’assortir la décision de l’exécution provisoire.

Le 28 janvier 2022, [K] [Y] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 28 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, [K] [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société Tkmf de sa demande reconventionnelle, en conséquence, de fixer le salaire mensuel brut moyen à la somme de 2 125,58 euros et de :

– revaloriser le salaire mensuel brut de base aux sommes de 1 700 euros à compter du 1er juillet 2018 et de 1 740 euros à compter du 1er janvier 2020, condamner la société Tkmf à lui verser un rappel de salaire de 3 316,50 euros pour la période du 1er juillet 2018 au 16 avril 2021,

– annuler les avertissements des 24 juillet 2017, 9 octobre 2017, 25 avril 2018 et 11 juillet 2018 ainsi que la mise à pied disciplinaire en date du 30 juillet 2018, condamner la société Tkmf à lui verser un rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire de 148,60 euros et 14,86 euros au titre des congés payés afférents,

– condamner la société Tkmf à lui verser les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de santé,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcer les condamnations avec intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les rappels de salaire et d’indemnités et faire application de l’anatocisme,

– condamner la société Tkmf aux entiers dépens de la procédure,

– débouter ladite société de toutes ses demandes reconventionnelles.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Tkmf demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter [K] [Y] de l’intégralité de ses demandes et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le rappel de salaire

Le salarié demande une revalorisation de son salaire et forme une demande de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er juillet 2018 jusqu’au licenciement le 16 avril 2021, sur le fondement du principe ‘à travail égal salaire égal’.

La société conclut au débouté de la demande en faisant valoir qu’aucune atteinte au principe d’égalité de traitement salarial au détriment du salarié n’est établie.

Si, aux termes de l’article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En conséquence, il appartient au salarié de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celle des salariés auxquels il se compare et il incombe à la société de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs et matériellement vérifiables.

Le salarié se compare à deux collègues, embauchés postérieurement à lui, M. [D] et M. [A] en indiquant qu’ils effectuent le même travail que lui et bénéficient d’un salaire supérieur au sien.

Le salarié produit ses bulletins de paie mentionnant un salaire brut mensuel hors prime de 1 610 euros à compter du 1er février 2018, un contrat de travail d’un salarié anonymisé embauché le 1er juillet 2018 sur un poste d’agent logistique, statut ouvrier, position E04, moyennant un salaire brut mensuel hors primes de 1 700 euros, sa sommation au conseil de la société Tkmf de communiquer les contrats de travail et bulletins de salaire de ces salariés à compter de juillet 2018. Les bulletins de paie produits en pièces 11 et 12 par la société afférents à deux salariés anonymisés embauchés respectivement au 1er juillet 2018 et au 1er août 2018 au poste d’agent logistique, statut ouvrier, coefficient E04 mentionnent un salaire brut de base de 1 700 euros.

Il produit encore deux attestations de ses collègues indiquant le 19 décembre 2019 :

– pour M. [D] être entré dans la société Tkmf le 21 novembre 2016 et avoir été formé au poste qu’il occupe actuellement par M. [Y] qui occupait anciennement ce poste ;

– pour M. [A], avoir occupé un poste de cariste de ligne pendant un mois et avoir été formé à ce poste par M. [D] ;

ainsi que son curriculum vitae dont il ressort qu’il a suivi une formation de cariste en 2011 et n’avait pas d’expérience professionnelle de ce poste à son embauche au sein de la société Tkmf, une autorisation de conduite datée du 27 août 2015 justifiant de l’obtention d’une formation ‘Caces 4″ le 19 août 2015, un justificatif de suivi de formation de pontier élingueur et un permis autorisation de conduite pontier/élingueur datée du 21 octobre 2015, une habilitation de membre du jury titre professionnel du 15 juillet 2021 et un exemple de convocation à la participation à ce jury professionnel, ces deux dernières pièces n’étant cependant pas pertinentes car elles se rapportent à une période postérieure au licenciement de M. [Y].

Les pièces produites par le salarié démontrent qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celle de M. [D] et M. [A] auxquels il se compare et il incombe à la société de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs et matériellement vérifiables.

La société fait valoir que les deux salariés auxquels le salarié se compare disposent d’une solide expérience sur leur poste, ayant été longtemps en intérim avant leur embauche et de compétences plus élevées, ce qui justifie le montant de leur salaire brut de base à l’embauche de 1 700 euros.

S’agissant de M. [D], il ressort de son curriculum vitae qu’avant son embauche par la société Tkmf le 1er juillet 2018, il a occupé un poste de cariste pontier mat gerbeur entre 2009 et 2012 et un poste de conducteur d’engin de chantier en 2013 et 2014 et qu’il est titulaire des certificats d’aptitude ‘Caces engins de travaux publics 1/2/4/9″ et ‘Caces 1/3/4/5″ obtenus en 2012.

Il ressort en outre de l’autorisation de conduite signée par [C] [G], directrice des ressources humaines de la société Tkmf accompagnée de l’attestation Caces que M. [D] a suivi une formation ‘Caces catégorie 3 et 5″ avec l’organisme de formation Axos et a réussi l’examen le 5 avril 2017.

Il ressort enfin du compte-rendu d’évaluation des performances de M. [D] du 24 septembre 2018, des performances évaluées comme totalement acquises s’agissant du domaine technique de cariste, et d’acquises s’agissant du domaine technique de pontier.

La différence de salaire de base à l’embauche entre M. [D] et M. [Y] est ainsi objectivement justifiée par la maîtrise du poste pour M. [D] au regard de ses certificats d’aptitude et expériences professionnelles antérieures à son embauche au sein de la société Tkmf.

S’agissant de M. [A], il ressort de son curriculum vitae que celui-ci a suivi une formation de magasinier/cariste en 2017 et n’avait pas d’expérience professionnelle en cette matière lors de son embauche par la société Tkmf le 1er juillet 2018.

Toutefois, il ressort des autorisations de conduite établies par Mme [G] accompagnées des attestations Caces que celui-ci a suivi une formation ‘Caces 1/3/5″ et a réussi l’examen le 1er mars 2017 et a suivi une formation ‘Caces 4″ et a réussi l’examen le 7 novembre 2017.

Il ressort en outre du compte-rendu d’évaluation des performances de M. [A] du 26 septembre 2018 des performances évaluées comme acquises s’agissant des domaines techniques tant de cariste que de pontier.

La différence de salaire de base à l’embauche entre M. [A] et M. [Y] est ainsi objectivement justifiée par la maîtrise du poste pour M. [A] au regard de ses performances acquises évaluées concomitamment à son embauche en contrat à durée indéterminée et de ses certificats d’aptitude obtenus antérieurement à son embauche au sein de la société Tkmf et notamment en raison du fait qu’il était titulaire des Caces 1/3/4/5 avant son embauche alors que M. [Y] n’est titulaire que d’un Caces 4.

L’atteinte au principe d’égalité de traitement salarial invoquée par M. [Y] ne se trouve ainsi pas fondée. Celui-ci sera par conséquent débouté de ses demandes de revalorisations salariales et de rappel de salaire. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé des sanctions disciplinaires

Le salarié conclut à l’annulation des quatre avertissements et de la mise à pied disciplinaire qu’il a contestés et qu’il estime injustifiés.

La société conclut au débouté des demandes et à la confirmation du jugement sur ces points.

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Le point de départ de ce délai intervient au jour où l’employeur à une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Il ressort de l’article L. 1333-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif à la mise en oeuvre du droit disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l’employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction, que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il ressort de l’article L. 1333-2 du code du travail que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

S’agissant de l’avertissement notifié le 24 juillet 2017

L’avertissement en cause sanctionne le fait pour le salarié d’être reparti, le 19 juin 2017, après le rechargement en gaz de son chariot élévateur à la station de [Localité 4] en arrachant la station de rechargement, ce qui a généré l’intervention d’un prestataire pour un coût total de 1 094,82 euros.

Le salarié fait valoir que la sanction est disproportionnée par rapport aux faits, relatifs à une simple faute d’inattention et qu’elle a été prise en rétorsion de sa candidature aux élections professionnelles.

La société fait valoir que le salarié a reconnu les faits et estime que la sanction est justifiée et proportionnée eu égard au risque de fuite de gaz qui aurait pu être causé par l’arrachage de la station de rechargement en gaz par le salarié.

Force est de constater que le salarié a reconnu avoir commis une ‘manipulation non volontaire’ et ne conteste pas que son défaut de maîtrise du chariot élévateur qu’il conduisait a causé l’arrachage de la station de rechargement en gaz en cause.

Le salarié allègue que des agissements commis par ses supérieurs hiérarchiques ou ses collègues qui ne respectent pas les règles de sécurité et commettent des agissements qui entraînent des préjudices plus importants, ne font pas l’objet de sanctions spécifiques, sans toutefois établir par des éléments objectifs ses allégations qui ne ressortent que de ses propres écrits, les attestations de collègues citées dans ses écritures au soutien de cette allégation soit ne faisant pas référence à cette allégation, soit étant insuffisamment précises et circonstanciées.

L’avertissement notifié à la suite des faits du 19 juin 2017 n’est ni disproportionné par rapport aux faits sanctionnés, ni injustifié.

Les faits se sont produits le 19 juin 2017, le salarié a été convoqué pour un entretien préalable afin de recueillir ses explications par lettre du 5 juillet 2017 et a été sanctionné le 24 juillet 2017.

Le salarié indique avoir déposé sa candidature aux élections professionnelles le 29 juin 2017.

Toutefois, alors que l’avertissement est justifié et proportionné, l’engagement d’une procédure disciplinaire postérieurement à la candidature du salarié aux élections professionnelles, pour des faits objectivement vérifiables, n’ayant aucun lien avec son engagement syndical ne permet pas de laisser présumer une mesure de rétorsion discriminatoire en raison de l’engagement syndical du salarié. Ce moyen n’est pas fondé.

Il convient de débouter le salarié de sa demande d’annulation de l’avertissement du 24 juillet 2017 et de confirmer le jugement sur ce point.

S’agissant de l’avertissement notifié le 9 octobre 2017

L’avertissement en cause reproche au salarié d’avoir été trouvé endormi dans le vestiaire le 20 juillet 2017 et non à son poste de travail, par M. [I], responsable de ligne, qui effectuait un tour des postes.

Contestant les faits et faisant valoir qu’il était en pause lorsqu’il a été trouvé par M. [I], le salarié invoque la prescription des faits, l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur et une mesure de rétorsion dans la mesure où cette sanction est intervenue immédiatement après qu’il ait signalé une différence de traitement.

La société conclut à l’absence de prescription des faits, qu’elle n’a pas choisi le 24 juillet 2017 de ne sanctionner que les faits de l’arrachage de la station de rechargement, qu’elle a toujours voulu recueillir les explications du salarié et qu’elle a été contrainte de le convoquer plusieurs fois, ce que celui-ci lui reproche désormais, que l’avertissement était bien fondé et justifié.

En l’espèce, à la suite des faits du 20 juillet 2017, la société a successivement convoqué M. [Y] à un entretien préalable par lettres recommandées des 26 juillet et 24 août 2017, que celui-ci n’a pas retirées à la Poste, puis par lettre datée du 8 septembre 2017 pour un entretien préalable fixé et tenu le 15 septembre 2017. Il s’ensuit que les poursuites disciplinaires ont été engagées dans un délai de deux mois à compter de la connaissance des faits par l’employeur. Le moyen tiré de la prescription n’est pas fondé.

La société produit en pièce 7 un courriel de M. [J], directeur de site, aux termes duquel celui-ci a informé le 25 juillet 2017 Mme [G], directrice des ressources humaines, de ce que le 20 juillet 2017 vers 13 heures, M. [I], responsable de ligne, cherchait M. [Y] qui n’était pas à son poste de cariste de ligne, qu’il l’a finalement trouvé en train de dormir allongé sur le sol dans le vestiaire. Il s’en déduit que lors de la notification de l’avertissement datée du 24 juillet 2017, la société n’était pas informée dans toute leur ampleur des faits du 20 juillet 2017, de sorte que le moyen tiré de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur n’est pas fondé.

Il ressort d’une attestation rédigée par M. [I], responsable de ligne, que celui-ci a, en des termes précis, relaté dans quelles circonstances il a surpris M. [Y] en train de dormir dans les vestiaires pendant son temps de travail, provoquant ainsi un arrêt de la chaîne de production.

Le salarié ne produit pas de pièce établissant la réalité d’une pause au moment où M. [I] l’a surpris en train de dormir dans les vestiaires, ainsi que d’une surveillance excessive. M. [I] a expliqué objectivement les raisons pour lesquelles il cherchait le salarié, à savoir que son absence avait provoqué l’arrêt de la chaîne de production, ce dont il s’ensuit que l’allégation de surveillance excessive n’est pas fondée.

L’employeur justifie que l’avertissement était proportionné et bien fondé aux faits qu’il sanctionne.

Alors que l’avertissement est justifié et proportionné, l’engagement d’une procédure disciplinaire postérieurement à la candidature du salarié aux élections professionnelles, pour des faits objectivements vérifiables n’ayant aucun lien avec son engagement syndical ne permet pas de laisser présumer une mesure de rétorsion discriminatoire en raison de l’engagement syndical du salarié. Ce moyen n’est pas fondé.

Il convient de débouter le salarié de sa demande d’annulation de l’avertissement du 9 octobre 2017 et de confirmer le jugement sur ce point.

S’agissant de l’avertissement notifié le 25 avril 2018

L’avertissement en cause reproche au salarié un non-respect des règles de sécurité constaté par M. [J] qui a attesté le 11 avril 2018 l’avoir vu en train de fumer une cigarette dans l’enceinte de l’atelier et alors qu’il ne portait pas de casque.

Le salarié relève que la date des faits n’est pas précisée, qu’il était en arrêt de travail pour maladie à compter du 11 avril 2018 et conteste les faits en produisant deux attestations de collègues de travail.

La société conclut au bien-fondé de l’avertissement dans la mesure où les faits sont rapportés par son supérieur hiérarchique.

En l’espèce, la lettre de notification de l’avertissement en cause ne précise pas la date des faits. Toutefois, il se déduit des explications mêmes de M. [Y] que les faits se sont produits le 5 avril 2018.

M. [J] explique dans une attestation datée du 11 avril 2018 avoir vu M. [Y], tête nue, en train d’allumer une cigarette en train de quitter l’atelier, alors que lui-même quittait son bureau vers 21h30 et passait dans le couloir du premier étage dont les fenêtres donnent sur l’atelier, qu’il est descendu et est allé à la rencontre de M. [Y] qui se dirigeait vers les vestiaires, que quand ils se sont rejoints, celui-ci n’avait plus de cigarette, qu’il lui avait demandé ce qu’il tenait dans la main gauche en lui précisant l’avoir vu fumer, que celui-ci a tendu la main vers lui, l’a ouverte et refermée immédiatement, qu’il tenait un briquet, qu’il avait désigné sa main avec son doigt en lui demandant pourquoi il tenait un briquet, que M. [Y] a contesté le fait qu’il fumait, qu’il avait élevé le ton en l’accusant de lui avoir touché la main, de s’être approché trop près de lui et de lui manquer de respect.

Le 6 avril 2018 à 14 heures 25, M. [Y] a déposé une plainte à la gendarmerie de [Localité 4] pour des violences volontaires en exposant que le 5 avril 2018 vers 21h30, M. [J] s’était directement dirigé vers lui, lui avait pris les deux mains qui se trouvaient dans les poches de sa veste et les avaient retournées brusquement, étant persuadé qu’il était en train de fumer, en lui disant qu’il l’avait vu en train de fumer, en présence de son collègue, [O] [T]. Il produit un certificat médical d’arrêt de travail mentionnant un syndrôme dépressif réactionnel à compter du 6 avril 2018 jusqu’au 22 avril 2018.

[O] [T] a attesté le 26 août 2018 que M. [J] a interpellé M. [Y] en lui disant je vous ai vu fumer en précisant : ‘or aucun de nous deux n’avait de cigarette en main’, et que M. [J] avait alors pris les mains de M. [Y] qui se trouvaient dans son gilet de sécurité : ‘avec agressivité’, pour vérifier s’il ne cachait rien dans ses mains.

Alors que le témoignage de M. [J] n’est corroboré par aucun autre élément et que M. [T] qui était présent lors des faits, indique qu’aucun d’eux n’avait de cigarette en main lorsque M. [J] est arrivé, la matérialité des faits n’est pas établie.

L’avertissement notifié le 25 avril 2018 sera par conséquent annulé. Le jugement sera infirmé sur ce point.

S’agissant de l’avertissement notifié le 11 juillet 2018

L’avertissement en cause reproche au salarié d’avoir refusé de prendre son poste le 28 juin 2018 au motif de ne pas avoir de tenue appropriée et d’avoir été aperçu avec un gilet de sécurité portant la mention suivante écrite au feutre : ‘la violence’.

Pour expliquer son refus de prise de poste, le salarié fait valoir qu’il rencontrait des difficultés pour obtenir des pantalons propres pour travailler, ce qu’il a dénoncé en vain, qu’il a finalement pris son poste en mettant son pantalon non nettoyé et conteste avoir porté un gilet de sécurité portant la mention alléguée.

La société explique que le salarié a refusé de porter des vêtements propres non portés appartenant à un autre collaborateur, a interrompu le travail pendant plus d’1h30 et que l’équipe de production a dû être réorganisée entraînant une surcharge de travail pour ses collègues et un retard dans la production.

S’agissant du port d’un gilet de sécurité portant la mention :’la violence’ écrite au feutre, la société produit une photographie montrant une personne de dos portant un gilet de sécurité jaune présentant une inscription dans le dos : ‘la violence’ avec une prise de vue mentionnée au 28 juin 2018. En l’absence de toute précision quant à l’auteur du cliché et aux circonstances de la prise de ce cliché, cette seule pièce ne permet pas d’établir les faits reprochés au salarié.

S’agissant du refus de prise de poste le 28 juin 2018, le salarié ne conteste pas ce fait mais l’explique par le fait qu’il n’aurait pu prendre son poste avec son pantalon non nettoyé. Dans sa lettre datée du 25 juillet 2018, il expose de manière détaillée les difficultés qu’il aurait rencontrées depuis décembre 2017 dans le nettoyage de ses pantalons de travail. Toutefois, alors qu’il allègue de difficultés récurrentes depuis plusieurs mois, il ne produit pas d’alerte à l’employeur avant ce courrier du 25 juillet 2018, alors qu’il a régulièrement écrit à l’employeur pour faire état de ses conditions de travail. Ses allégations ne sont pas vérifiées par d’autres éléments. Il n’explique pas pour quelle raison il aurait attendu sa prise de poste le 28 juin 2018 pour faire état de cette difficulté.

Le refus de prise de poste le 28 juin 2018 sera considéré comme n’étant ni justifié, ni légitime.

L’avertissement sanctionnant ces faits est justifié.

Il convient de débouter le salarié de sa demande d’annulation de l’avertissement du 11 juillet 2018 et de confirmer le jugement sur ce point.

S’agissant de la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juillet 2018

La sanction disciplinaire en cause d’une durée de deux jours, exécutée les 4 et 5 septembre 2018, reproche au salarié d’avoir été surpris par M. [N], son responsable hiérarchique, le 13 juillet 2018, allongé derrière le local du comité d’entreprise de l’atelier durant son temps de travail, puis d’avoir passé trente minutes au téléphone avant de reprendre le travail et que son chariot élévateur ne se trouvait pas dans la zone d’attente sécurisée.

Le salarié fait valoir que la mise à pied doit être annulée car elle impacte sa rémunération et ses conditions de travail et modifie donc le contrat de travail alors qu’il est salarié protégé. Il indique avoir rencontré un mal de dos l’ayant obligé à s’allonger quelques minutes et conteste être resté trente minutes au téléphone.

La société réplique que la mise à pied est justifiée par les manquements du salarié.

Au soutien des faits, la société ne produit qu’un écrit dactylographié signé par M. [N], en pièce 4, qui ne constitue pas une attestation à défaut de répondre aux conditions de forme prescrites par l’article 202 à code de procédure civile. La rédaction de cet écrit, seule pièce produite par l’employeur, est incohérente en ce qu’elle débute par la mention ‘Je soussigné, [Z] [N], avoir vu Mr [B] [Y] ….’ puis se poursuit ainsi : ‘Après 30 mn d’attente du cariste, [Z] s’est inquiété de ne pas voir ce dernier au poste. Il l’a cherché dans l’atelier …’, ‘après 5 mn de recherche, il a surpris Mr [Y]…’, les autres phrases étant de la même manière rédigées à la troisième personne du singulier alors que le document est sensé avoir été rédigé par M. [N]. Dans ces conditions, cet écrit dont il n’est démontré qu’il ait été rédigé par M. [N] au regard de son contenu ne présente pas de force probante.

A défaut de production d’élément objectif justifiant les faits reprochés au salarié et alors que celui-ci, qui établit rencontrer des problèmes de dos par des pièces médicales produites aux débats, notamment le compte-rendu d’une Irm peu important que celui-ci est postérieur aux faits, au regard de la chronicité existante de cette pathologie, et ne s’être allongé que quelques minutes afin de soulager son mal de dos, le grief reproché au salarié ne justifie pas la sanction retenue qui est en tout état de cause disproportionnée.

La mise à pied notifiée le 30 juillet 2018 sera par conséquent annulée.

Il sera fait droit à la demande du salarié et la société sera condamnée à lui payer les sommes de 148,60 euros au titre du rappel de salaire pour les deux journées concernées et de 14,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur le harcèlement moral et la discrimination

Le salarié fait valoir qu’il a été harcelé et discriminé à la suite de sa candidature aux élections professionnelles en invoquant les faits suivants :

1° des procédures disciplinaires, ayant fait l’objet en moins de deux ans de quatre avertissements, une mise à pied, deux procédures de licenciement et ayant reçu six convocations à entretien préalables ;

2° un acharnement et une surveillance excessive ;

3° des accusations injustifiées avec mise en oeuvre de procédure pénale ;

4° des dénigrements et vexations constituant des actes d’humiliation ;

ayant dégradé sa dignité et sa santé.

Le salarié précise avoir renoncé à ses fonctions électives dans un souci d’apaisement.

La société conteste tout acte de harcèlement et de discrimination syndicale en invoquant l’exercice de son pouvoir disciplinaire et le fait notamment que le salarié a produit trois attestations au soutien de ses allégations de harcèlement moral et de discrimination qui n’ont pas été rédigées par leurs auteurs présumés, M. [S], [P] et [R].

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L. 1154-1 du code du travail : ‘Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.

Aux termes de l’article L. 2141-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Aux termes de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, s’agissant des faits visés en 1°, il ressort des développements qui précèdent que le salarié a fait l’objet d’un avertissement le 25 avril 2018 et d’une mise à pied disciplinaire le 30 juillet 2018 injustifiés, les trois autres avertissements étant justifiés. L’employeur a engagé une procédure de licenciement à son encontre mais l’inspecteur du travail a refusé d’accorder l’autorisation de licenciement par décision du 29 mars 2018 en considérant que le caractère isolé des seuls faits établis, soit ceux du 29 novembre 2017, à savoir avoir manqué de vigilance dans l’utilisation du chariot élévateur en évacuant une charge de 5 125 kg avec un chariot d’une capacité de 5 000 kg, ne justifiait pas un licenciement mais une sanction d’une échelle inférieure. Les reproches formulés par l’employeur au soutien des sanctions disciplinaires et de la tentative de licenciement ne présentent aucun lien avec l’exercice de son mandat représentatif.

Les faits visés en 1° sont établis.

S’agissant des faits visés en 2°, le salarié renvoie à l’avertissement notifié le 11 juillet 2018 qui était justifié ainsi qu’à la mise à pied à titre disciplinaire notifiée le 30 juillet 2018 qui était injustifiée ; toutefois, la surveillance et l’acharnement excessifs allégués par le salarié ne ressortent pas du caractère injustifié de ces deux sanctions.

S’agissant des faits visés en 3°, le salarié produit les pièces de l’enquête préliminaire diligentée par la brigade territoriale de gendarmerie de [Localité 4] à la suite de la plainte pour faux et usage de faux déposée le 14 janvier 2020 par la société Tkmf à son encontre. Il en ressort en substance que trois attestations produites par le salarié dans l’instance prud’homale n’ont pas été rédigées par leurs auteurs, mais par une tierce personne et que les auteurs ont indiqué avoir fourni leurs propres pièces d’identité et signé ces attestations en toute connaissance de cause. Le parquet de Pontoise a classé l’enquête au motif d’un absence d’infraction. Alors que les attestants ont seulement indiqué initialement ne pas avoir rédigé les attestations en cause, leurs écritures étant différentes, les investigations menées à la suite de la plainte déposée par la société ont permis d’établir que les trois personnes avaient sciemment fait rédiger leurs attestations par une tierce personne. Si les accusations à l’encontre du salarié se sont en définitive révélées injustifiées, c’est à la suite de l’enquête pénale diligentée. Les faits ne sont pas établis.

S’agissant des faits visés en 4°, le salarié renvoie à une lettre datée du 6 mars 2018 signée par lui-même et une dizaine d’autres personnes, aux termes de laquelle le salarié atteste sur l’honneur ne jamais avoir été violent ou agressif envers aucun de ses collaborateurs, ainsi qu’à l’attestation litigieuse signée par M. [R] mais non rédigée par celui-ci et qui ne revêt pas de force suffisamment probante. Les allégations de dénigrements et vexations constituant des actes d’humiliation ne renvoie à aucun fait précis et ne sont pas établies.

Le salarié produit encore un arrêt de travail à compter du 6 avril 2018 mentionnant un syndrôme dépressif réactionnel et une ordonnance prescrivant notamment du Xanax en date du 6 avril 2018.

Il y a lieu ainsi de retenir que le salarié présente des éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer des agissements répétés de harcèlement moral.

Il ressort des développements précédents que la société ne prouve pas que l’avertissement notifié le 25 avril 2018 et la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juillet 2018 étaient justifiés par des éléments objectifs.

Il convient par conséquent de retenir que le salarié a subi un harcèlement moral.

Au soutien de la discrimination, le salarié ne présente pas de faits articulés distincts puisque sont invoqués indistinctement le harcèlement moral et la discrimination en renvoyant aux mêmes faits. Il invoque un harcèlement discriminatoire en indiquant qu’il a subi des agissements répétés de harcèlement moral à partir de sa candidature aux élections professionnelles. Force est de constater que celui-ci a été l’objet de deux sanctions disciplinaires injustifiées postérieurement à sa candidature aux élections professionnelles et son élection alors qu’il n’avait pas été l’objet de sanctions disciplinaires avant sa candidature. La discrimination en raison du mandat syndical sera par conséquent retenue.

Le préjudice moral causé au salarié par le harcèlement et la discrimination subis sera réparé par l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros, à défaut de justification d’un plus ample préjudice. La société sera condamnée au paiement de cette somme.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer au salarié la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu’il déboute [K] [Y] de ses demandes d’annulation de l’avertissement notifié le 25 avril 2018 et de la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juillet 2018, de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination et en ce qu’il statue sur les intérêts, leur capitalisation, les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

ANNULE l’avertissement notifié le 25 avril 2018 et la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juillet 2018,

CONDAMNE la société Thyssenkrupp Materials France à payer à [K] [Y] les sommes suivantes :

* 148,60 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire,

* 14,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral et de la discrimination,

RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Thyssenkrupp Materials France aux entiers dépens,

CONDAMNE la société Thyssenkrupp Materials France à payer à [K] [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x