Mise à pied disciplinaire : 24 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00179

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Mise à pied disciplinaire : 24 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/00179
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 MAI 2023

N° RG 22/00179

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6N4

AFFAIRE :

[Z] [M]

C/

S.A.S. CURAGE INDUSTRIEL DE [Localité 4] (CIG)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : 20/00355

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Timothée OTTOZ

la SCP PECHENARD & Associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Timothée OTTOZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. CURAGE INDUSTRIEL DE [Localité 4] (CIG)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 – N° du dossier 200187

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [M] été engagé par la société Curage Industriel de [Localité 4] (Cig) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2019, avec une reprise de son ancienneté au 1er avril 2018, en qualité d’aide opérateur, statut ouvrier, niveau 2, échelon 1, coefficient 170, en référence aux dispositions de la convention collective nationale de l’assainissement et de la maintenance industrielle.

Par lettre datée du 26 juin 2019, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 8 juillet suivant, puis par lettre datée du 26 juillet 2019, lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par lettre datée du 1er août 2019, le salarié a contesté le bien-fondé de son licenciement.

Par lettre datée du 5 août 2019, l’employeur lui a répondu maintenir sa décision de licenciement.

Le 17 juillet 2020, [Z] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin de faire juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de la société Cig à lui payer diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 6 décembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont dit que le licenciement s’analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et que la société Cig devra verser à [Z] [M] les sommes suivantes :

* 755,75 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 2 267,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 226,72 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ont débouté la société Cig de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ont débouté [Z] [M] du surplus de ses demandes et ont mis les dépens à la charge de la société Cig.

Le 17 janvier 2022, [Z] [M] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 15 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, [Z] [M] demande à la cour de réformer le jugement, de condamner la société Cig à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’enjoindre à ladite société de lui remettre les bulletins de paie et les documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de la condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de verser directement cette somme à l’avocat désigné par le bureau d’aide juridictionnelle, qui s’engage à renoncer, le cas échéant, à recevoir la part contributive de l’Etat, par application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Cig demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu un licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ses condamnations à paiement des sommes pour les montants et les chefs retenus, statuant à nouveau, de juger que le licenciement est fondé sur une faute grave, de débouter [Z] [M] de l’intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée au salarié lui reproche un non-respect des consignes de travail et de sécurité le 21 juin 2019 à l’occasion de son travail sur le stand de tir de [Localité 5] où il se trouvait avec son collègue, M. [X] [P], à la suite d’un courriel du client reçu par l’employeur le 24 juin 2019, se plaignant de divers manquements fautifs du salarié, à savoir :

1- de s’être équipé à l’intérieur du stand alors que cela est interdit ;

2- le fait que la ventilation du stand de tir n’était pas actionnée ;

3- le fait d’avoir porté un masque dont le moteur n’avait pas été rechargé, ne remplissant donc plus sa fonction de filtrage de l’air permettant de le protéger contre le plomb, obligeant le client à le faire sortir du stand de tir pour confirmer la non-fonctionnalité du masque et prévoir son remplacement ;

4- le fait que le balisage à l’entrée du stand de tir n’avait pas été réalisé ;

5- d’avoir eu un échange virulent avec son coéquipier devant le client.

Contestant la réalité des faits qui lui sont reprochés, le salarié conclut au caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement en faisant valoir que l’employeur produit des éléments qui se contredisent, qu’il s’est équipé dans le vestiaire, qu’il portait un masque dont le moteur avait été rechargé mais que celui-ci était défectueux, que la ventilation et le balisage ont eu lieu avec un simple retard et qu’aucun échange virulent avec son collègue n’est intervenu. Il sollicite la confirmation du jugement s’agissant des condamnations intervenues et une indemnité pour licenciement abusif de 5 000 euros.

La société conclut au bien-fondé du licenciement pour faute grave et au débouté de toutes les demandes en faisant valoir que la réalité des faits ressort d’une plainte du client qui lui a été adressée le 24 juin 2019 et d’un compte-rendu établi par un technicien de la préfecture de police le 24 juin 2019 à la suite d’un contrôle qualité sur les lieux le 21 juin 2019. Elle précise que l’autre salarié a été sanctionné par une mise à pied disciplinaire de cinq jours, que le salarié a fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 10 juin 2019, que son masque était neuf et qu’il avait suivi plusieurs formations professionnelles à ses missions, la dernière quinze jours avant les faits.

En application de l’article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque.

Au soutien de la faute grave qu’elle invoque, la société Cig produit deux pièces :

– un compte-rendu de visite effectué par M. [H] [E], technicien supérieur de la préfecture de police de Paris indiquant qu’à la suite de son contrôle de qualité de service, il a pu constater ‘un non-respect de la méthodologie de dépollution ainsi que la mauvaise qualité du matériel utilisé’ en indiquant notamment que :

. ‘Un des techniciens s’est habillé à l’intérieur du stand alors que des vestiaires ou des blocs sanitaires sont à leur disposition’,

. ‘un des masques filtrant de respiration assisté montre des signes de faiblesse au bout de 10 minutes (j’ai demandé au technicien de quitter le stand, il n’était plus en mesure de continuer son travail en toute sécurité)’,

. ‘la ventilation du stand n’a pas été actionnée (nous avons du faire la remarque et la mettre en route à leur place)’,

.’aucun balisage à l’entrée du stand indiquant le nettoyage en cours’ (…) ;

– un courriel adressé à la société le 24 juin 2019 par la société Engie cliente mentionnant le constat de M. [U] [W], responsable de la maintenance, suite à sa visite sur le stand de tir de [Localité 5] le 21 juin 2019 concernant la prestation de nettoyage, ainsi formulé :

‘. Non port du masque sur l’intervention de nettoyage de la fosse

. Comportement inapproprié en présence du client et du personnel sur place

. Matériel vétuste au niveau de l’aspirateur

. Délai d’intervention non respecté (supérieur à 2h)’.

S’agissant du fait 1, alors que le salarié conteste s’être équipé sur le stand de tir, les éléments produits par l’employeur ne permettent pas d’imputer ce fait à [Z] [M], alors que deux salariés étaient présents sur le site et que M. [E], seul à évoquer ce fait, ne fournit pas d’élément permettant d’identifier le salarié en cause. Ce grief ne peut être retenu à l’encontre du salarié.

S’agissant des faits 2 et 4, ceux-ci sont contestés par le salarié qui invoque seulement un retard dans la mise en marche de la ventilation et du balisage à l’entrée du stand sans en préciser la raison. Seul M. [E] évoque ces faits, en précisant avoir mis en route la ventilation à la place des salariés. Il s’ensuit que la méthodologie relative à l’opération de dépollution n’a pas été correctement appliquée par le salarié.

S’agissant du fait 3, le salarié confirme le constat de M. [E], à savoir que son masque s’est déchargé, ce qui l’a contraint à quitter le stand de tir pour le recharger, et invoque la défectuosité du masque qui avait une charge très faible ne lui permettant pas d’accomplir entièrement sa prestation de nettoyage sans avoir à le recharger. M. [E] a fait le constat de ce qu’un des masques filtrant de respiration montrait des signes de faiblesse au bout de dix minutes et conclut à une mauvaise qualité du matériel utilisé, faits qui ne sont pas imputables au salarié. L’allégation de l’employeur relative au fait que le masque n’avait pas été chargé par le salarié n’est établie par aucun élément, le rapport du test d’ajustement du masque du salarié du 18 avril 2019 produit par l’employeur n’établissant en aucune manière la fonctionnalité de celui-ci au 21 juin 2019. Ce grief ne peut être retenu à la charge du salarié.

S’agissant du fait 5, alors que le salarié conteste tout échange virulent avec son collègue, la simple mention figurant au rapport de M. [E] ne suffit pas à caractériser une faute du salarié, en l’absence de toute précision quant aux circonstances et à la teneur de cet échange entre les deux salariés. Ce fait ne peut être tenu pour établi.

Il résulte de ce qui précède que le salarié n’a pas correctement appliqué la méthodologie relative à l’opération de dépollution quant à la ventilation et au balisage du site. Il ne ressort pas des éléments produits par l’employeur que ces carences résultent d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée du salarié. En tous les cas, le licenciement du salarié constitue une sanction disproportionnée par rapport à ces seuls faits, et ce, même si le salarié avait été rappelé à l’ordre le 24 juin 2019 pour une ‘insuffisance professionnelle sur chantier’ sans plus de précision et avait suivi des formations professionnelles sur les risques liés au plomb, à l’utilisation des équipements de protection individuelle et à la sécurité.

Il s’ensuit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Cig au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents et à une indemnité de licenciement, dont les montants sont exacts et non discutés, et de l’infirmer en ce qu’il a retenu que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de sa demande d’indemnité pour licenciement abusif.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, eu égard à l’ancienneté d’une année complète du salarié, celui-ci a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un mois et deux mois de salaire brut.

Le salaire mensuel brut s’élevant à 2 267,24 euros, il lui sera alloué à la charge de l’employeur la somme de 2 300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise de documents

Cette demande est formée à hauteur d’appel.

Eu égard à la solution du litige, il sera enjoint à la société Cig de remettre au salarié un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Cig sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’avocat désigné par le bureau d’aide juridictionnelle qui s’engage à renoncer à recevoir la part contributive de l’Etat, par application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu’il dit que le licenciement s’analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et déboute [Z] [M] de sa demande d’indemnité pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau sur les chef infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Curage Industriel de [Localité 4] (Cig) à payer à [Z] [M] la somme de 2 300 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ENJOINT à la société Curage Industriel de [Localité 4] (Cig) de remettre à [Z] [M] un bulletin de paie et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt,

DEBOUTE [Z] [M] de sa demande d’astreinte,

CONDAMNE la société Curage Industriel de [Localité 4] (Cig) aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société Curage Industriel de [Localité 4] (Cig) à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’avocat désigné par le bureau d’aide juridictionnelle qui s’engage à renoncer à recevoir la part contributive de l’Etat, par application de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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