Mise à pied disciplinaire : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02175

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Mise à pied disciplinaire : 22 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/02175
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°210

N° RG 20/02175 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-QS7Y

S.A.S. SARP OUEST – SANIROISE

C/

M. [P] [R]

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Mikaël BONTE

– Me Roger POTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Mars 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A.S. SARP OUEST – SANIROISE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Ayant Me Mikaël BONTE, Avocat au Barreau de RENNES pour postulant et représentée à l’audience par Me Laurent LE BRUN, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [P] [R]

né le 11 Décembre 1966 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant à l’audience à laquelle il est représenté par Me Roger POTIN, Avocat au Barreau de BREST

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2004, la SASU SARP OUEST-SANIROISE, venant aux droits de la SA ROLLAND TIP a engagé M. [P] [R] en qualité de Chauffeur opérateur, en application de la convention collective de l’assainissement et de la maintenance industrielle.

Le 27 février 2018, M. [R] a été victime d’un accident du travail et se blessait à la cheville gauche.

Le 30 avril 2018, l’employeur a notifié à M. [R] une mise à pied disciplinaire pour avoir conduit son véhicule malgré sa blessure à la cheville gauche.

Le 14 mai 2018, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 mai 2018.

Le 4 juin 2018, M. [R] était licencié pour faute grave.

Le 26 juillet 2018, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de contester son licenciement pour faute grave.

La cour est saisie d’un appel formé le 3 mai 2020 par la SASU SARP OUEST-SANIROISE à l’encontre du jugement prononcé le 13 mars 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Brest a :

‘ Dit et jugé que le licenciement de M. [R] était sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SASU SARP OUEST-SANIROISE à verser à M. [R] les sommes suivantes :

– 8.885,52 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 4.472,58 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 447,25 € brut au titre des congés payés afférents,

– 24.636,30 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Disposé que les sommes allouées seront porteuses des intérêts de droit à compter de la demande en justice pour les montants à caractère salarial (date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse, soit le 27 juillet 2019), à compter de la notification pour les dommages et intérêts, en vertu des dispositions de l’article 1231-7 du code civil,

‘ Constaté que l’exécution provisoire est de droit pour une partie des condamnations qui précèdent, le salaire moyen mensuel pouvant valablement être fixé à la somme de 2.229,53 €,

‘ Ordonné le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités,

‘ Ordonné à la SASU SARP OUEST-SANIROISE à remettre à M. [R] un bulletin de paie rectifié et une attestation Pôle Emploi pour tenir compte de la présente décision, et de régulariser la situation de M. [R] auprès des organismes sociaux, dont la caisse de retraite, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du délai de 15 jours suivant notification du jugement à intervenir, et pour une période limitée à 30 jours, le Conseil s’en réservant la liquidation éventuelle,

‘ Condamné la SASU SARP OUEST-SANIROISE à verser à M. [R] la somme de 1.200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ Condamné la SASU SARP OUEST-SANIROISE aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 août 2020, suivant lesquelles la SASU SARP OUEST-SANIROISE demande à la cour de :

‘ Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Brest du 13 mars 2020,

‘ Dire et juger que le licenciement de M. [R] repose bien sur une faute grave,

‘ Débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

‘ Condamner M. [R] à lui payer la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner M. [R] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 27 octobre 2020, suivant lesquelles M. [R] demande à la cour de :

‘ Déclarer recevable et bien fondé ses demandes,

‘ Débouter la SASU SARP OUEST-SANIROISE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

‘ Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la SASU SARP OUEST-SANIROISE à lui verser les sommes suivantes :

– 8.885,52 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 4.472,58 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 447,25 € bruts au titre des congés payés afférents,

– 24.636,30 € nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonné à la SASU SARP OUEST-SANIROISE de produire un bulletin de paie rectifié et une attestation Pôle Emploi tenant compte des dispositions du jugement,

– ordonné à la SASU SARP OUEST-SANIROISE de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux, dont la caisse de retraite,

– disposé que les condamnations emportent intérêts légaux à compter de la date de réception de la convocation au bureau de conciliation par l’employeur pour les sommes à caractère salarial, et à compter de la notification du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire,

– condamné la SASU SARP OUEST-SANIROISE à lui verser la somme de 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la même aux entiers dépens de première instance,

Y ajoutant,

‘ Préciser que la date de réception de la convocation au Bureau de conciliation par l’employeur est le 27 juillet 2018 et non 2019 ;

‘ Condamner la SASU SARP OUEST-SANIROISE à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

‘ Condamner la même aux entiers dépens en cause d’appel, y compris les frais de l’huissier instrumentaire en cas d’exécution forcée de l’arrêt.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mars 2023.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Pour infirmation à ce titre, la SASU SARP OUEST-SANIROISE soutient le bien fondé du licenciement pour faute grave du salarié en ce que quelques jours après la notification de sa mise à pied, M. [R] s’en est pris à son supérieur hiérarchique, M. [N] en l’appelant et le menaçant à trois reprises de représailles physiques au cours d’une conversation téléphonique.

Pour confirmation, M. [R] soutient essentiellement le caractère non fondé des reproches contenus dans la lettre de licenciement.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’appelant dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.

En l’espèce, aux termes d’une procédure régulière sur la forme, les faits reprochés au salarié selon la lettre de licenciement datée du 4 juin 2018 (pièce n°7 du salarié) sont les suivants :

‘ En date du 4 mai 2018, à 16h23, vous avez menacé par téléphone, Monsieur [N], Directeur de l’agence Sarp à [Localité 4], dans les termes suivants :

Le 4 mai 2018, suite à le réception de votre courrier de mise à pied, vous avez téléphoné à votre directeur, vous lui avez demandé de ses nouvelles en demandant s’il se portait bien parce que vous alliez personnellement vous occuper de son cas suite à la réception de votre courrier de mise à pied.

Votre Directeur vous a expliqué la raison de votre sanction et vous avez de nouveau indiqué que vous alliez vous occuper de son cas personnellement. Vous lui avez demandé pour qui il se prenait pour prendre de telles décisions et qu’il outrepassait ses droits. Vous avez clos l’entretien en indiquant que vous alliez vous occuper de son cas, voir même par des moyens légaux’.

La nature de vos propos nous a amené à les faire enregistrer par la gendarmerie de [Localité 4].

Au cours de notre entretien, nous vous avons indiqué que tous types de menaces étaient inacceptables au sein de l’entreprise, et ceci pour l’ensemble des collaborateurs. Un tel comportement rend impossible la poursuite de votre contrat de travail dans notre entreprise.

Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave’.

Pour établir la réalité des menaces et du comportement du salarié, l’employeur produit uniquement le procès-verbal d’audition de M. [N] à la gendarmerie de [Localité 4] en date du 4 mai 2018 (pièce n°6).

Ces déclarations de M. [N], chef de l’agence dont dépendait le salarié, sont strictement déclaratives et le grief n’est corroboré par aucun autre élément.

Il n’est pas justifié de suites pénales.

Au vu de ce seul élément, il est simplement établi que M. [R] a réagi vivement à la sanction disciplinaire de son employeur, qu’il a d’ailleurs contestée par courrier du 18 mai 2018 (pièce n°5 du salarié) compte tenu du contexte singulier de sa prise en charge par son employeur lors de son accident du 27 février 2018, sans pour autant que le comportement de M. [R] ne rende impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée de préavis et ne caractérise une faute grave, ni plus une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [R] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour les montants retenus par les premiers juges en tenant compte d’un salaire de référence de 2.236,29 € brut et non autrement discuté en cause d’appel. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la SASU SARP OUEST-SANIROISE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [R] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d’indemnités. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l’anatocisme

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande du salarié et le jugement confirmé.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, telle qu’ordonnée par les premiers juges. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SASU SARP OUEST-SANIROISE, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

Condamnée aux dépens, elle sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en revanche de la condamner, sur ce même fondement juridique, à payer à M. [R] une indemnité d’un montant de 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

* * *

*

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation le 27 juillet 2018 et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE la SASU SARP OUEST-SANIROISE à verser à M. [R] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SASU SARP OUEST-SANIROISE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SASU SARP OUEST-SANIROISE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 


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