Mise à pied disciplinaire : 22 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00584

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Mise à pied disciplinaire : 22 juin 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 22/00584
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AFFAIRE : N° RG 22/00584

N° Portalis DBVC-V-B7G-G6DN

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de COUTANCES en date du 03 Février 2022 RG n° 20/00048

COUR D’APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRÊT DU 22 JUIN 2023

APPELANT :

Monsieur [V] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sophie CONDAMINE, substitué par Me LEHOUX, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S.U. GIRARD-AGEDISS Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me François HUBERT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 06 avril 2023

GREFFIER : Mme ANCEL

ARRÊT prononcé publiquement le 22 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 8 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, président, et Mme GOULARD, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er octobre 1999, M. [V] [G] a été engagé par la société AVM Dépannage en qualité de livreur ;

Par lettre du 31 mars 2008, la société AVM Dépannage a informé M. [G] du transfert de son contrat de travail à la société Girard-Agediss ;

Par lettre du 15 février 2019, la société Girard-Agediss a notifié à M. [G] une mise à pied disciplinaire d’un jour ;

M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 décembre 2019 par lettre du 4 décembre précédent, mis à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 décembre 2019 ;

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, M [G] a saisi le 13 mai 2020 le conseil de prud’hommes de Coutances, qui, statuant par jugement du 3 février 2022 , a dit sa demande recevable, a rejeté la demande d’annulation de la mise à pied, a confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse, a condamné la société Girard-Agediss à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et celle de 1500 € fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 4 mars 2022, M. [G] a formé appel de cette décision ;

Par conclusions n°3 remises au greffe le 23 mars 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, M. [G] demande à la cour de :

– infirmer le jugement ;

– prononcer l’annulation de la mise à pied ;

– condamner la société Girard-Agediss à lui payer 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat, 10.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail, 81,84 € bruts au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied disciplinaire du 5 mars 2019, outre 8,18 € bruts au titre des congés payés afférents, 500,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive, 994,56 € bruts au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire injustifiée du 4 au 20 décembre 2019, outre 99,45 € bruts au titre des congés payés afférents, 4.118,79 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 411,88 € bruts au titre des congés payés afférents, 12.473,08 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement et 49.500,00 € nets à titre de dommages et intérêts indemnisant les préjudices résultant de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

– confirmer le jugement pour le surplus ;

– condamner la société Girard-Agediss à lui remettre les documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes sous astreinte, à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 10 mars 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Girard-Agediss demande à la cour de :

– dire irrecevable les conclusions n°2 de l’appelant et rejeter sa pièce n°47 ;

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a dit la demande recevable et en ce qu’il l’a condamnée à des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

– statuant à nouveau débouter M. [G] de ses demandes

– condamner M. [G] à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

MOTIFS

I- Sur l’irrecevabilité des conclusions

Au visa de l’article 910 du code de procédure civile, l’employeur considère les conclusions n°2 de l’appelant irrecevables ainsi que sa pièce n°47 régularisées au-delà du délai de trois mois prévu par ce texte ;

Le salarié fait valoir que ses conclusions avaient pour unique but de développer des moyens soutenant son appel principal, ses premières écritures comportant déjà la répondre à l’appel incident de l’intimée ;

L’article 910 du code de procédure civile dispose que l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose à peine d’irrecevabilité soulevée d’office d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe ;

Par conclusions remises au greffe le 17 août 2022, l’employeur a formé appel incident en ce qu’il a été condamné à régler la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Le salarié a effectivement remis ses conclusions au greffe le 7 mars 2023 au-delà du délai de trois mois. Toutefois, dans ces conclusions, il ne répond pas à l’appel incident de l’intimée puisqu’il reprend les mêmes arguments et moyens que ceux figurant dans ses premières conclusions d’appelant, étant précisé que celles-ci contenaient déjà une critique du jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués pour exécution déloyale du contrat. Par ailleurs, il est recevable dans la limite de l’article 910-4 à invoquer de nouveaux moyens et pièces et conclure jusqu’à la clôture de l’instruction ;

La demande d’irrecevabilité des conclusions et de la pièce n°47 sera en conséquence rejetée ;

II- Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

Le salarié fait valoir qu’il réalise ses tournées dans des conditions mettant en jeu sa sécurité (véhicule surchargé, une sous-évaluation du poids des colis à livrer, des équipements insuffisants) conduisant à une charge excessive du camion ayant produit plusieurs accidents, et une surcharge de travail ;

Entre le 10 octobre 2016 et le 9 décembre 2019, M. [G] a fait l’objet de plusieurs déclarations d’accident du travail, pour entorse, fêlure de cote, lumbago, douleur épaule gauche, douleur genou et hanche. Il a néanmoins été déclaré apte à son poste de chauffeur livreur VL et installateur par le médecin du travail selon avis du 12 décembre 2019, également le 15 janvier 2016 et le 6 février 2019 ;

En l’occurrence, M. [G] était chargé avec son binôme M. [I], de charger le camion, livrer et installer les produits ;

Il résulte de l’attestation du directeur du site, M. [L] que les livraisons sont faites à partir du bon de livraison donné par le client sans connaissance du poids volume et temps de montage que nous estimons. Il précise également que sur certaines tournées il y a des rechargements chez le client donc il n’y a pas de surcharge. Ce point est d’ailleurs confirmé par le salarié au vu des mentions apposées par lui sur la photographie d’un bon de livraison ( pièce n°34) ;

Le salarié produit aux débats quelques photographies de bon de livraison avec le poids total des biens transportés, sans qu’il soit possible d’en déduire le poids de chaque carton porté par les salariés (un même bien pouvant être conditionné en plusieurs cartons). Le salarié n’indique pas par ailleurs quels sont les équipements manquants, les photographies de l’arrière du camion chargé des biens à livrer démontrant que les biens étaient sanglés et l’employeur n’est pas contesté lorsqu’il indique que les salariés disposent d’un chariot ou diable pour la manutention ;

Sur la surcharge du camion, les quelques photographies de l’arrière du camion chargé sont insuffisantes faute de préciser notamment la charge maximale que pouvait supporter que le camion, et de comparer ce poids avec les bons de livraison ;

Enfin il n’est produit aucun élément sur les accidents survenus pour cause de camion surchargé ;

Il n’est pas davantage établi que le salarié ait alerté son employeur sur ce point, rien ne figure à ce titre dans l’entretien du 31 mars 2015, sauf par le courrier du 7 décembre 2019 mais qui est postérieur à sa convocation à l’entretien préalable de licenciement ;

Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité n’est donc pas établi ;

III – Sur le manquement de l’employeur à l’exécution déloyale du contrat

Le salarié invoque le non-respect des durées maximales journalières et hebdomadaires de travail et de son obligation de formation ;

L’employeur indique que les tournées étaient faites à deux et que le salarié n’était pas diligent dans l’organisation de la tournée, et que toutes ses heures étaient payées ;

M. [G] au vu de son contrat de travail est payé sur la base d’une durée de travail de 39 heures.

Selon le relevé de badgage entre le 25 décembre 2018 et le 4 novembre 2019 qui mentionne pour chaque jour, l’heure d’entrée et de sortie, la journée a dépassé 10h à 36 reprises et à 5 reprises au-delà de 11h.

Mais la durée maximale de 10 heures concerne du temps effectif de travail, si bien qu’il faut déduire notamment la pause pour le déjeuner que M. [G] dans le courrier du 7 décembre 2019 adressé à son employeur fixe à 30 minutes ;

Dès lors, la durée maximale de 10 heures a été dépassée à 5 reprises ;

L’employeur a une obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leurs capacités professionnelles ;

Au vu des pièces produites, le salarié n’a bénéficié qu’une d’une seule formation le 15 mars 2018 intitulée « préparation à l’habilitation électrique », si bien que l’employeur a manqué à cette obligation ;

Il se déduit de ces éléments un manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail qui sera réparé par une somme de 2000€ à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé sur le quantum ;

IV- Sur l’annulation de la mise à pied disciplinaire

La lettre du 15 février 2019 reproche au salarié le non-respect des consignes, à savoir le refus de livrer deux clients sur la tournée du 16 janvier 2019 et des propos et une attitude incorrectes envers le directeur. Elle précise que le salarié a indiqué la veille au directeur d’agence M. [L] en découvrant sa tournée du lendemain qu’il « ne ferait pas les deux derniers clients », qu’il a au cours de la tournée (vers 15h30) appelé le bureau pour demander à M. [Z] d’annuler les deux derniers rendez vous, ce qui lui a été refusé. La lettre mentionne enfin que lorsque le directeur vous a demandé des explications sur ce refus, le salarié s’est emporté et lui a dit « de ne pas savoir travailler, de ne pas savoir programmer correctement une tournée » et l’a traité « d’alcoolique » ;

Le salarié ne conteste pas comme le mentionne la lettre avoir indiqué la veille à son responsable, le 15 janvier 2019, en découvrant la livraison prévue pour le lendemain qu’il ne pourrait assurer les deux dernières livraisons prévues, et que son responsable s’y est opposé ;

Le bon de livraison n’est pas produit en totalité aux débats, mais les mentions du salarié sur ce bon qui fait état de 16 clients et un montage d’une heure et vingt-cinq minutes n’est pas contredit par l’employeur. En outre le relevé de badgage pour le 16 janvier 2019 mentionne que le salarié a commencé à 6h45 et a terminé à 17h01 soit une amplitude de travail de 9h75, de laquelle doit être déduit la pause de 30 minutes ;

Ainsi, si le refus de respecter les consignes est établi, il ne peut être considéré comme fautif puisque si deux livraisons avaient été ajoutées, la durée maximale de 10 heures aurait été dépassée ;

Concernant les propos et l’attitude envers le directeur M. [L], le salarié ne les conteste pas, précisant concernant le terme « alcoolique » qu’il estime n’avoir fait qu’alerter sur les consommations d’alcool récurrentes sur le lieu de travail. Il produit une unique pièce composée de trois photographies montrant deux packs de bières posées sur le sol, un réfrigérateur comportant trois packs de bière et une poubelle comportant des canettes vides. Il n’est toutefois pas possible d’identifier le lieu où elles ont été prises, leur date, et en tout état de cause, l’implication de M. [L] quant à la présence d’alcool sur le lieu de travail, étant en outre relevé que le salarié ne justifie pas avoir alerté son employeur sur ce point pas davantage qu’il justifie des plaintes des intérimaires ou salariés chargés de l’entretien invoquées dans ses écritures ;

Les propos sont établis ;

De ce qui vient d’être exposé, même si le refus de respecter ce jour là les consignes pouvait être légitime, force est toutefois de relever que les propos du salarié envers son supérieur hiérarchique étaient en tout état de cause irrespectueux et insultants, justifiant la sanction appliquée par l’employeur ;

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [G] de sa demande d’annulation de la mise à pied ;

V- Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement du 20 décembre 2019 reproche au salarié « un comportement agressif et irrespectueux envers votre responsable et un de vos collègues de travail, et ce malgré une mise à pied en date du 15 février dernier » ;

Les faits sont les suivants : « le 29 novembre dernier, au retour de tournée, vous vous êtres une nouvelle fois emporté à l’encontre de votre responsable, M. [F] [L] et vous avez tenu des propos irrespectueux et insultants envers un de vos collègues de travail, M. [J] [E], en le traitant de « connard d’agent de quai », « d’incompétent », propos que vous M. [E] a par ailleurs entendus tellement vous les avez proférés avec virulence » ;

L’employeur produit aux débats une attestation de M. [E] qui indique avoir entendu le 29/09/2019 une altercation très virulente entre M. [G], M. [I] envers M. [L], et des insultes de la part de M. [G] telles que « connard, abruti et incompétent sur ma personne » ;

A supposer même que l’erreur de date contenue sur l’attestation soit purement matérielle, ce qui n’est pas établi, il sera constaté que ni la lettre envoyée par le salarié à son employeur le 7 décembre 2019 où il indique s’être adressé « avec virulence à son responsable » au retour de la tournée du 29 novembre 2019, ni le compte tendu de l’entretien préalable établi par M. [B] (assistant le salarié), où le salarié a indiqué qu’il était au retour de sa tournée « en colère » et a parlé « d’un ras le bol du comportement d’irresponsabilité du responsable de l’agence » ne peuvent établir les propos et insultes proférés par le salarié à l’encontre de M. [E]. Il sera relevé au demeurant que ces propos et insultes n’ont pas été tenus directement devant l’intéressé ;

Concernant le reproche de s’être emporté contre M. [L], la lettre ne donne aucune précision sur le comportement reproché, et le fait que le salarié ait reconnu être en colère ou s’être adressé avec virulence à son responsable ne saurait y pallier ;

La lettre de licenciement mentionne d’autres reproches, soit :

– des pratiques déloyales dans l’exécution du contrat de travail, la lettre vise trois faits ;

Le non respect des consignes de livraison le 4/12/2019 : l’employeur ne produit aucun élément et ne contredit donc pas utilement le salarié lorsqu’il explique que ce jour là il n’a pas pu livrer un réfrigérateur américain (ni par les escaliers ni par l’ascenseur) et l’a laissé sur place avec l’accord de la cliente ;

Le refus de chargement le 28 novembre 2019 pour un motif fallacieux. L’employeur indique que le salarié a refusé de charger la veille deux colis d’électroménager dans son camion, a laissé les deux colis sur le quai et que le camion a dû être rechargé par un autre salarié. Le salarié indique qu’il a laissé ces deux colis qui ne pouvaient être chargés faute de place, que le rechargement a été fait en intégrant ces deux colis sans sécuriser le chargement conduisant à la chute de colis lorsqu’il a ouvert les portes du camion pour livrer. Dans son attestation, M. [I] qui indique être assis à l’avant du camion lorsque M. [G] a ouvert les portes et a entendu le cri de la cliente, n’a donc pas pu être témoin des faits qu’il décrit à savoir la chute des objets lors de l’ouverture des portes. Toutefois, un témoignage écrit du 5 décembre 2019 de la cliente, Mme [C], confirme ce point, précisant la date, l’heure, le fait que le camion était bondé et que deux cartons et un sommier sont tombés sur M. [G]. Le fait que ce témoignage ne soit pas conforme aux dispositions de l’article 202 est insuffisant lui dénier tout caractère probant, faute d’autre élément. L’attestation de M. [U], salarié de la société qui indique que lorsque, avant son départ le 29 novembre 2019, M. [G] avait ouvert les portes arrières du camion et que rien n’était tombé, n’est pas de nature à remettre en cause la réalité de la chute de ces objets ;

Compte tenu de ces éléments, le refus de chargement du 29 novembre 2019 ne peut être retenu contre le salarié ;

Le refus d’exécuter une prestation le 21 novembre 2019 : le salarié ne conteste pas ce refus, justifié selon lui par le fait qu’il ne dispose pas du permis feu nécessaire pour fixer le meuble. Outre que le salarié ne donne aucune explication technique sur ce point, il résulte tant du procès-verbal de l’entretien préalable comme de l’attestation de M. [E], que le salarié a alors donné deux autres motifs à ce refus, le manque de temps lors du premier et le fait qu’il n’était pas payé pour faire de la fixation selon le témoin.

Ce refus sera donc retenu ;

-un comportement à l’origine d’un climat délétère dans l’entreprise. L’employeur produit aux débats trois attestations, M. [U] (salarié) qui constate une meilleure ambiance depuis le départ de M. [G], M. [E] (salarié) qui précise que M. [G] réagit de manière agressive lorsqu’il n’est pas content, et M. [K] (salarié) qui se plaint du comportement de M. [G] et de M. [I], en ce qu’ils font ce que bon leur semble, ne respectent pas le matériel et partent le matin à fond avec le camion, et que depuis leur départ, l’ambiance est plus agréable. Ces témoignages utilisent des termes généralistes, sont peu circonstanciés, ce qui ne permet pas de retenir un caractère fautif dans le comportement décrit ;

De ce qui vient d’être exposé, seul un refus de respecter les consignes le 21 novembre 2019 est établi et est fautif. Au vu de l’ancienneté du salarié et en dépit d’une précédente sanction quelques mois auparavant mais sur des faits différents, le licenciement apparaît comme une sanction disproportionnée et est donc, par infirmation du jugement, sans cause réelle et sérieuse ;

Le salarié peut en conséquence prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement) et remboursement de la mise à pied conservatoire, mais également à des dommages et intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Les droits du salarié au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, non contestés dans leur quantum, seront précisés au dispositif de l’arrêt ;

Le montant de l’indemnité de licenciement est contesté par l’employeur qui propose une indemnité de 12 301.59 € correspondant à un calcul arrêté à la date de la rupture. Or, pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement, le calcul s’effectue à la date d’expiration du préavis, conformément au calcul du salarié (page 31 de ses conclusions), si bien qu’il sera fait droit à sa demande sur ce point ;

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre, au vu de son ancienneté de 20 années complètes et de la taille de l’entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 15.5 mois de salaire brut (soit au maximum de 31 920.70 €) ;

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, le salarié justifiant avoir été embauché en contrats uniquement précaires, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par confirmation du jugement, la réparation qui lui est due à la somme de 25 000 € ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d’appel, la société Girard-Agediss qui perd le procès sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1500 € à M. [G] ;

La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte en l’absence d’allégation de circonstances le justifiant ;

Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Rejette l’exception d’irrecevabilité des conclusions n°2 et de la pièce n°47 ;

Confirme le jugement rendu le 3 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Coutances sauf en ce qu’il a dit le licenciement justifié et rejeté les demandes en découlant et sauf sur le montant des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Dit le licenciement pour faute grave injustifié ;

Condamne la société Girard-Aguessis à payer à M. [G] les sommes suivantes :

– 2000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– 994,56 € bruts au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, outre 99,45 € bruts au titre des congés payés afférents ;

– 4.118,79 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 411,88 € bruts au titre des congés payés afférents ;

– 12.473,08 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à la société Girard-Agediss de remettre à M. [G] les documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi) et des bulletins de salaire complémentaires (à raison d’un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d’un mois à compter de sa signification, sans qu’il soit besoin d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Condamne la société Girard-Agediss à payer à M. [G] la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l’avis de réception de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Girard-Agediss à rembourser à l’antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;

Condamne la société Girard-Agediss aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD L. DELAHAYE

 


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