Mise à pied disciplinaire : 19 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02056

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Mise à pied disciplinaire : 19 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02056
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/02056 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5RP

[T]

C/

Association ARALIS

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lyon

du 17 Février 2020

RG : 16/02825

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 19 Mai 2023

APPELANT :

[D] [T]

né le 10 Août 1963 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET RUIZ, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

ASSOCIATION RHONE ALPES POUR LE LOGEMENT ET L’INSERTION SOCIALE (ARALIS)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représentée par Me Maud PERILLI de la SCP FROMONT BRIENS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Vanessa DELATTRE, avocat au barreau de LYON,

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Février 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 19 Mai 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L’association Aralis, devenue en 2017 la fondation Aralis, développe une offre de logements temporaires accompagnés, visant à l’insertion sociale des résidents. Elle gère des logements situés dans l’agglomération lyonnaise et dans le département de la Loire.

M. [D] [T] a été embauché par l’association de la maison du travailleur étranger, ancienne dénomination de l’association Aralis, en qualité d’agent de service, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs, à compter du 6 janvier 1987.

La relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, à compter du 1er avril 1991. M. [T] occupait alors un emploi d’animateur de cercle-bar, puis, à partir du 26 février 1996, de gardien-réceptionniste, sur le site de [Localité 5] (Rhône). A compter du 5 octobre 1996, il était muté sur le site de [Localité 4], à [Localité 6] (Loire), toujours pour exercer les fonctions de gardien-réceptionniste, avec le bénéfice d’un logement de fonction.

La fondation Aralis, dont l’activité n’entre dans le champ d’aucune convention collective, applique à son personnel les dispositions d’accords collectifs du 3 avril 2000 et 17 mai 2016. Elle emploie plus de dix salariés.

A partir de 1999 et sans discontinuité, M. [T] exerçait plusieurs mandats électifs ou désignatifs, de délégué ou de représentant du personnel. En dernier lieu, il était membre titulaire de la délégation unique du personnel et délégué syndical.

Le logement de fonction attribué à M. [T] était doté d’une loge, laquelle était équipée de deux armoires et d’un caisson de bureau. Le 23 octobre 2015, en l’absence de M. [T], la responsable de secteur de l’association Aralis procédait à une fouille des espaces de rangement.

Le 26 novembre 2015, M. [T] était convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 8 décembre 2015. Le 21 décembre 2015, la direction de l’association Aralis lui notifiait une mise à pied disciplinaire, d’une durée de quatre jours, sanction exécutée les 2, 5, 6 et 7 janvier 2016.

M. [T] a contesté cette décision, par un courrier du 8 janvier 2016 adressé à son employeur, et a saisi l’inspection du travail des conditions dans lesquelles la fouille de la loge avait été effectuée. L’inspection du travail diligentait alors une enquête.

Le 29 juillet 2016, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, pour solliciter l’annulation de cette sanction disciplinaire, ainsi que le versement de diverses sommes d’argent, à caractère indemnitaire ou salarial, faisant valoir qu’il avait été victime de discrimination syndicale et qu’il devait bénéficier d’un repositionnement dans la classification des accords collectifs relative aux emplois.

Par jugement du 17 Février 2020, le conseil de prud’hommes de Lyon a :

– dit et jugé que la mise à pied disciplinaire de M. [D] [T] était justifiée e proportionnée ;

– en conséquence, débouté M. [T] de ses demandes d’annulation de ladite sanction et en rappel de salaires et congés payés afférents ;

– débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts pour mise en ‘uvre abusive par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ;

– dit et jugé que M. [T] n’a fait l’objet d’aucune discrimination syndicale de la part de la fondation Aralis ;

– dit et jugé qu’il n’est pas démontré que M. [T] ait pu prétendre à une classification professionnelle différente de celle dont il a bénéficié tout au long de la relation contractuelle ;

– débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la discrimination syndicale ;

– débouté M. [T] de sa demande de repositionnement dans le groupe 5, coefficient 510, de la classification  ;

– débouté M. [T] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents ;

– débouté M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la fondation Aralis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [T] aux entiers dépens.

Le 13 mars 2020, M. [D] [T] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration formée par voie électronique. L’acte d’appel précise qu’est demandée l’infirmation du jugement, en toutes ses dispositions, sauf celle qui déboute la fondation Aralis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses conclusions portant le n° 2, notifiées le 19 décembre 2022, M. [D] [T] demande à la Cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en toutes ses dispositions, et de :

– dire et juger qu’il est victime d’une discrimination syndicale ;

– dire et juger qu’il doit être positionné groupe 5, coefficient 510 ;

– condamner l’association Aralis à lui payer :

‘ 30 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination syndicale

‘ 27 891,52 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juillet 2013 à mai 2016, outre 2 789,15 euros au titre des congés payés afférents

‘ 76 568 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant de juin 2016 à janvier 2023

‘ 4 134,67 euros à titre de rappel de la prime d’ancienneté

‘ 8 070,62 euros au titre des congés payés afférents

– prononcer l’ annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 21 décembre 2015 ;

– condamner l’association Aralis à lui payer : 363,57 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mise à pied, 36,35 euros au titre des congés payés afférents, 6 000 euros de dommages et intérêts pour mise en ‘uvre abusive du pouvoir disciplinaire ;

– condamner l’association Aralis à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’association Aralis aux entiers dépens.

M. [D] [T] soutient qu’il a été victime d’une discrimination syndicale, en faisant valoir qu son évolution professionnelle a connu et connaît une stagnation injustifiée, qu’il s’est heurté à une impossibilité d’accéder à des formations qualifiantes, que son employeur a mis en ‘uvre de manière abusive son pouvoir disciplinaire ou encore a entravé l’exercice de ses mandats. Il prétend qu’à raison de cette discrimination, il a été indûment privé d’un emploi classifié comme agent de maîtrise, à compter de juillet 2013, puis à un emploi de responsable de résidence sociale à compter du 1er juin 2016.

S’agissant de la mise à pied disciplinaire notifiée le 21 décembre 2015, M. [T] affirme que la fouille pratiquée dans la loge mise à sa disposition, en son absence, constitue une atteinte à l’une des ses libertés fondamentales. Il soutient, en outre, que les faits retenus par l’employeur pour justifier la sanction ne sont revêtus d’aucun caractère fautif.

Dans ses dernières conclusions, notifiées le 5 janvier 2023, la fondation Aralis, intimée, demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon en toutes ses dispositions et de débouter M. [T] de toutes ses demandes et, à titre reconventionnel, de :

– débouter M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner M. [T] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner M. [T] aux dépens.

La fondation Aralis soutient que la fouille pratiquée dans le local attribué à titre professionnel à M. [T] s’est déroulée dans des conditions régulières et qu’elle a conduit à la découverte de courriers qui n’étaient pas destinés à ce dernier. La rétention de ces courriers constituait un comportement fautif de la part du salarié, qui a ainsi été sanctionné à juste titre par le prononcé d’une mise à pied. La fondation Aralis affirme qu’aucun des faits mis en avant par l’appelant ne constitue un agissement discriminatoire.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est intervenue le 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la mise à pied disciplinaire notifiée le 21 décembre 2015

Il résulte de l’article L. 1333-1 du code du travail que le juge prud’homal apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur soumet à son appréciation les éléments retenus pour prendre la sanction. Le juge prud’homal forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L. 1333-2 du code du travail précise que le juge prud’homal peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, M. [D] [T] s’est vu notifier, par lettre recommandée du 21 décembre 2015, une mise à pied disciplinaire, d’une durée de quatre jours, sanctionnant trois faits distincts, ainsi rapportés dans ce courrier :

« (‘) 1/ Le 23 octobre 2015, nous avons constaté la présence de 80 courriers, tous appartenant à des résidents du site de [Localité 4], dont 6 étaient par ailleurs ouverts, dans l’armoire située dans la loge qui vous sert de local professionnel.

A cet égard, nous vous rappelons que cette armoire ne constitue en aucun cas un vestiaire personnel.

Certains de ces courriers sont adressés par l’administration fiscale (direction générale des finances publiques) mais également sont en lien avec la MSA, les banques’ et pour certains d’entre eux, comportent un cachet de la poste daté des 16/06/2009, 04/03//2015, 18/08/2015, 17/08/2014.

Ces courriers n’ont manifestement pas été distribués à leurs destinataires. Or, en qualité de gardien réceptionniste, vous avez précisément en charge la gestion du courrier et devez donc, dans ce cadre, vous assurer de sa distribution effective.

Vous avez indiqué avoir agi sur demande de votre hiérarchie et ce, afin de « rendre service » aux résidents concernés.

(‘) Nous disposons d’éléments qui établissent que vous avez proposé ce service contre rétribution et nous doutons que votre responsable hiérarchique vous ait demandé d’agir ainsi.

Par ailleurs, à cette même occasion, nous avons découvert huit carnets de chèques vacances appartenant au comité d’entreprise alors même que ce comité dispose d’un local propre fermant à clé pour y entreposer ses effets. (‘)

2/ Fréquemment, les poubelles du site sont gérées (entrées et sorties) par M. [S], résident de l’établissement, alors que cette tâche vous est dévolue. Votre argumentation sur la « vertu pédagogique » de cet acte ne nous a pas convaincus.

De la même manière, le fait que M. [S] vous assiste systématiquement par quinzaine pour les opérations de changement de draps ne peut être toléré au regard de l’exécution de votre contrat de travail et de notre relation contractuelle avec ce résident. Votre argument « il s’ennuie » n’est pas recevable. (‘)

3/ Enfin, le 4 novembre 2015, vous vous êtes imposé dans le bureau du directeur général, en présence de la directrice des ressources humaines que vous avez sommée de sortir du bureau en ces termes : « toi, tu sors ! » en hurlant et en la pointant du doigt.

Alors que vous n’y étiez pas invité, vous vous êtes ensuite installé à la table de réunion du directeur général en faisant pression sur lui pour avoir des explications sur votre situation. Celui-ci a d’ailleurs demandé au bout de quelques minutes la présence de la directrice des ressources humaines, votre comportement et vos propos ayant atteint un niveau de violence inacceptable (ton, niveau sonore, tournure de phrase impérative’).

Votre intervention a par ailleurs inquiété plusieurs personnes dans les bureaux adjacents. Vous avez reconnu vous êtes mis en colère.

Votre comportement impulsif et irrespectueux n’est pas acceptable » (pièce n° 19 de l’intimée).

S’agissant du premier fait invoqué pour justifier la mise à pied, Mme [V] [L] [A], responsable de secteur, atteste que, le 23 octobre 2015, dans le caisson du bureau de la loge attribuée à M. [T], elle a découvert quatre-vingt courriers non distribués, dont six avaient été ouverts, ainsi que plusieurs chèques vacances, pour une valeur supérieure à 1 000 euros (pièce n° 30 de l’intimée). La fondation Aralis produit copie des enveloppes correspondant à ces courriers, qui font apparaître qu’ils étaient destinés à dix personnes différentes lesquelles, à la date du 23 octobre 2015, avaient toutes quitté leur logement de la résidence de [Localité 4] (pièces n° 31 à 42 de l’intimée).

M. [T] réplique que la fouille effectuée le 23 octobre 2015, dans la loge, en son absence, était irrégulière, car il entreposait des effets personnels dans l’armoire et le caisson de bureau équipant la loge. Mme [O], ancienne responsable du secteur Loire, atteste que ces équipements faisaient office de vestiaire pour M. [T] (pièce n° 14-1 de l’appelant).

L’inspecteur du travail a noté, dans un courrier daté du 18 février 2016 adressé au directeur de l’association Aralis, que « même si ces équipements situés dans un local de travail sont la propriété de l’entreprise, leur utilisation privative récurrente et le respect des libertés individuelles, ne rendait possible cette ouverture qu’après information du salarié » (pièce n° 24 de l’appelant).

En droit, l’article L. 1121-1 du code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché.

La Cour relève que l’article 11.3 du règlement intérieur de l’association Aralis, applicable à la date des faits, prévoit que la direction de l’association se réserve, dans des circonstances particulières, le droit de procéder à l’inspection de sacs, colis ou objets personnels du personnel, en présence de l’intéressé et d’un représentant du personnel, membre de la délégation unique du personnel, délégué syndical ou d’un témoin de son choix, ainsi qu’à des vérifications similaires dans les vestiaires, après information préalable du salarié et en sa présence ou, à défaut, en la présence d’un représentant du personnel.

Dans les faits, M. [T] disposait d’un logement de fonction et la loge dont le mobilier a été fouillé le 23 octobre 2015 était matériellement distincte de ce logement ; en conséquence, la loge n’est pas protégée par les dispositions légales relatives au domicile privé du salarié.

La loge mise à disposition de M. [T] était un local à usage exclusivement professionnel et n’a pas été aménagé pour être utilisé comme vestiaire. Les armoires et le caisson de bureau de la loge étaient eux-mêmes destinés à un usage professionnel pour y entreposer des fournitures. Si M. [T] a utilisé, ainsi qu’il l’allègue, l’un ou l’autre pour y déposer des effets personnels, il lui appartenait d’en informer son employeur ou, à tout le moins, de le signaler directement sur le mobilier en question.

En conséquence, l’association Aralis n’avait pas l’obligation de respecter les dispositions de l’article 11.3 du règlement intérieur et M. [T] ne saurait tirer argument du non-respect de celles-ci.

En définitive, la Cour considère que le fait pour la direction de l’association Aralis d’avoir ouvert les armoires et le caisson de bureau de la loge, destinés à un usage exclusivement proportionnel, même en ayant forcé les serrures de ces meubles qui étaient alors fermés à clé, sans informer au préalable M. [T] et hors la présence de ce dernier, n’a pas porté atteinte aux droits ou libertés individuelles de ce dernier.

M. [T] admet qu’il a conservé dans le mobilier équipant la loge les quatre-vingt courriers découverts lors de la fouille effectuée le 23 octobre 2015, dans un but d’entraide pour les résidents s’absentant pendant de longues périodes et sans être rétribué pour cela. A cet égard, il verse aux débats trois attestations (pièces n° 18-1, 18-2 et 18-3 de l’appelant), dont seulement deux ont été rédigées par des personnes qui étaient destinataires des courriers découverts dans la loge, M. [J] et M. [Y]. Il ajoute que sa hiérarchie était informée de cette pratique, sans toutefois le démontrer.

Ainsi, M. [T] ne fournit aucune explication sur le fait qu’il détenait des courriers destinés à des résidents qui avaient été ouverts, ou encore que des courriers avaient été expédiés plusieurs mois auparavant.

Le fait de ne pas avoir distribué, de manière normale, les courriers aux résidents est matériellement établi et présente, dans ces circonstances, un caractère fautif, indépendamment du fait de déterminer si M. [T] s’est fait rémunéré par tel ou tel résident pour conserver son courrier.

Par ailleurs, M. [T] justifie la découverte des chèques vacances dans la loge par le fait qu’il en assurait ainsi la garde, en sa qualité de secrétaire du comité d’entreprise et en l’absence du trésorier de ce dernier. Il n’explique pas pour quelle raison les chèques vacances n’ont pas été conservés dans le local, sécurisé, du comité d’entreprise.

Pour autant, la Cour retient, comme le conseil de prud’hommes l’a fait, que ce comportement n’est pas constitutif d’une faute dans l’exécution par M. [T] de ses obligations découlant du contrat de travail.

S’agissant du deuxième fait invoqué pour justifier la mise à pied, M. [T] reconnaît qu’il est arrivé que certains résidents (dont M. [S], selon l’attestation sous pièce n° 18-9 de l’appelant) sortent, le lundi matin les containers pour la collecte des déchets, alors que lui-même est en repos. Il admet par ailleurs que M. [Z] l’a aidé dans l’exécution de la tâche consistant à changer les draps de la résidence, tous les quinze jours, en précisant que cette aide était spontanée et ponctuelle (selon l’attestation sous pièce n° 18-10 de l’appelant).

Toutefois, un salarié n’est en aucun cas autorisé à laisser des personnes extérieures à l’entreprise l’aider dans l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées par l’employeur. La matérialité du comportement imputé à M. [T] est établie et celui-ci revêt un caractère fautif.

S’agissant du troisième fait invoqué pour justifier la mise à pied, Mme [E] [K], directrice des ressources humaines, atteste que, le 4 novembre 2015, M. [T] est entré dans le bureau de M. [U], directeur général de l’association, et lui a intimé de sortir (pièce n° 49 de l’intimée).

M. [T] réplique que cette discussion avec M. [U] a eu lieu en marge d’une réunion paritaire et M. [C], trésorier du comité d’entreprise, atteste qu’il était présent dans le bureau de M. [U] et que le ton « est rapidement monté des deux côtés » (pièce n° 18-11 de l’appelant).

La Cour retient que la discussion entre M. [T] et M. [U] a eu lieu dans le bureau de ce dernier, avant la tenue de la réunion paritaire. M. [T] ne peut donc pas se prévaloir, pour ce moment-là, de son mandat de secrétaire du comité d’entreprise. Le fait d’avoir imposé à Mme [K] de quitter le bureau de M. [U], quand bien même ce dernier ne l’a pas contredit, est fautif.

En conséquence, tous les faits imputés à M. [T] sont matériellement établis et, à l’exception de la détention des chèques-vacances, revêtent un caractère fautif. La décision de prononcer une mise à pied disciplinaire de quatre jours est justifiée et proportionnée. Le rejet des demandes de M. [T] aux fins d’annulation de la mise à pied, et de versement d’un rappel de salaires pour la période de mise à pied, outre les congés payés afférents, ainsi qu’en dommages et intérêts pour mise en ‘uvre abusive du pouvoir disciplinaire, mérite d’être confirmé.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, de formation, de classification, de promotion professionnelle, en raison notamment de ses activités syndicales.

En vertu de l’article L. 1134-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu’au 20 novembre 2016, lorsqu’un litige survient en raison d’une discrimination syndicale, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. [T] met en exergue quatre comportements de son employeur, qui laissent supposer, selon lui, l’existence d’une discrimination directe ou indirecte : la mise en ‘uvre dans des conditions abusives du pouvoir disciplinaire, un fait d’entrave à l’exercice de ses mandats, le fait de l’empêcher d’accéder à des formations qualifiantes, le fait d’avoir stoppé son évolution professionnelle. Il convient d’analyser successivement ces éléments de fait.

‘ Pour ce qui est de la mise en ‘uvre par l’employeur du pouvoir disciplinaire, la Cour n’a pas prononcé l’annulation de la mise à pied notifiée le 21 décembre 2015. Par ailleurs, M. [T] s’est vu notifier, le 29 août 2018, un avertissement, que la direction de la fondation Aralis a levé le 6 février 2019, après que celui-ci a apporté des explications complémentaires (pièces n° 23 à 28 de l’appelant).

Dans ces circonstances, le caractère abusif des deux sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre de M. [T] n’est pas établi ; celles-ci ne sont donc pas constitutives d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

‘ Pour ce qui est de l’entrave à exercice des mandats, M. [T] reproche à son employeur de ne plus prendre en charge depuis le 26 mai 2016, le remboursement de ses frais de déplacement, engendrés par l’exercice de ses fonctions à la délégation unique du personnel et de secrétaire du comité d’entreprise.

Toutefois, M. [T] n’allègue pas que son employeur, qui invoque la mise en ‘uvre de notes de service des 29 janvier 2013 et 29 janvier 2015, ait fait une application de celles-ci à ses notes de frais qui serait différente que le traitement des notes de frais des autres salariés.

Dès lors, alors que l’entrave et la discrimination sont deux comportements juridiquement distincts (en ce sens : Cass. Soc., 8 octobre 2014 ‘ pourvoi n° 13-16.720), M. [T], qui admet ne pas avoir respecté les termes des notes de service qui préconisaient par principe l’utilisation du train plutôt que de sa voiture personnelle, ne présente pas ainsi un fait qui laisse supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

‘ Pour ce qui est de l’impossibilité d’accéder à des formations qualifiantes, M. [T] allègue que son employeur ne lui a jamais permis de suivre une formation en interne, concernant l’emploi de gestionnaire de structures d’hébergement (GSH), alors qu’il avait réussi les tests préalables (pièce n° 5-2 de l’appelant).

Toutefois, M . [T] ne démontre pas qu’il a demandé à suivre une telle formation, ce que son employeur lui aurait finalement refusé. En outre, c’est à juste titre que la fondation Aralis souligne que, pour utilement postuler sur un tel emploi, le salarié devait justifier d’une formation dans le domaine social ou éducatif, de niveau 2 de l’Education nationale (selon les statuts du personnel de la maison du travailleur étranger du 1er avril 1991 ‘ pièce n° 9 de l’intimée), ou, plus récemment, d’une qualification correspondant au baccalauréat + 5 ans ou expérience professionnelle équivalente (selon les statuts du personnel de l’association Aralis du 3 avril 2000 ‘ pièce n° 10 de l’intimée), alors que M. [T] est titulaire d’un baccalauréat en électrotechnique.

Par ailleurs, en 2009, la candidature de M. [T] a été retenue pour suivre un cycle de formation « responsable de résidence sociale », en externe (pièces n° 10-1 et 10-2 de l’appelant). Par courrier du 26 octobre 2009, alors qu’il avait déjà entamé la formation et donc engagé des frais à cette fin, M. [T] sollicitait de son employeur le remboursement de ses frais d’hébergement et de 50 % de ses frais ce transport (pièce n° 10-4 de l’appelant), ce que la directrice des ressources humaines de l’association Aralis a refusé, arguant du fait que l’intégralité du budget alloué au titre du plan de formation et de la formation individuelle avait été consommée (pièce n° 10-5 de l’appelant). M. [T] a alors interrompu sa formation.

Toutefois, d’une part, M. [T] n’allègue pas que son employeur avait l’obligation de prendre en charge les frais d’hébergement et de transport engendrés par le suivi de cette formation ou, à tout le moins, s’était engagé en ce sens avant le début de sa formation. D’autre part, il n’allègue pas plus qu’un autre salarié, qui aurait suivi la même formation que lui, aurait vu ces mêmes frais pris en charge par l’employeur.

Dès lors, s’agissant de l’allégation d’avoir été dans l’impossibilité de suivre une formation qualifiante, M. [T] ne présente pas un fait qui laisse supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

‘ Pour ce qui est de l’absence d’évolution professionnelle, M. [T] expose qu’entre 1996 et 2009, il occupait un emploi qui est resté classifié conventionnellement ainsi : niveau 1 échelon 1 coefficient 258.

Toutefois, sur cette période, la fondation Aralis démontre, sans être contredite par M. [T], que sa rémunération a été revalorisée à quatorze reprises, le montant de celle-ci, exprimé en brut, passant de 1 140 euros à 1 675 euros (pièces n° 64 et 62 de l’intimée).

A compter du 3 novembre 2009, en application de l’avenant n° 2 à l’accord collectif du 3 avril 2000, signé le 12 octobre 2009, son emploi a été classifié au palier 2, échelon 3 du groupe n° 2 (statut d’agent d’exploitation) (pièce n° 6 de l’appelant) puis, à compter du 1er janvier 2015, il a été positionné au coefficient 235 (agent d’exploitation) (pièce n° 6-1 de l’appelant), soit au palier 2, échelon 1 (le plus élevé du palier) du groupe n° 2.

M. [T] allègue que, ce faisant, l’employeur n’a pas appliqué les termes de l’avenant n° 2 de manière conforme, à sa situation personnelle.

Il résulte de l’accord collectif du 3 avril 2000 que M. [T], occupant un emploi de gardien réceptionniste, avait le statut d’agent d’exploitation. L’annexe 2 de l’avenant n° 2 à cet accord collectif précise que l’emploi de gardien réceptionniste est classé dans le groupe n° 2 d’emplois. C’est donc de manière conforme que l’employeur a classé l’emploi de M. [T] dans le groupe n° 2.

L’article 10 de l’avenant prévoit que, pour le personnel inscrit à l’effectif à la date d’application de ce texte, l’évaluation des modules d’expérience maîtrisés conduit au positionnement sur l’un des trois paliers du groupe d’emplois, tandis que l’évaluation du degré de maîtrise de l’emploi conduit à l’attribution de l’échelon de maîtrise de l’emploi.

La Cour relève que M. [T] n’articule aucune critique sur l’application par son employeur de ces dispositions.

L’article 5 de l’avenant, concernant la notion de parcours professionnel garanti, indique que toute personne affectée à un groupe d’emplois est assuré après 18 ans d’ancienneté dans l’entreprise d’être positionnée à l’échelon 1 (le plus élevé) du 3ème palier de son groupe d’emplois (positionnement : palier 3, échelon 1), sous réserve qu’elle remplisse les exigences de l’emploi tenu (conformément au contrat de travail), celles des paliers (tels que définis dans l’annexe III) et celles des échelons confirmant la maîtrise des expériences acquises.

Il s’en déduit que, si cet article 5 prévoit certes le positionnement d’un salarié qui a au moins 18 ans d’ancienneté à l’échelon 1 du 3ème palier de son groupe d’emplois, il précise que celui-ci doit répondre aux exigences attachées à l’emploi tenu, aux paliers et échelons correspondants. La rédaction de cette disposition implique donc que le positionnement à l’échelon 1 du 3ème palier du groupe d’emplois n’est pas de plein droit.

M. [T] ne peut donc pas se prévaloir du seul article 5 pour conclure que l’employeur n’a pas appliqué correctement l’avenant n° 2 à l’accord collectif.

En suite de l’application de l’accord collectif relatif au statut du personnel de l’association Aralis, conclu le 17 mai 2016, l’emploi de M. [T] a été positionné à l’échelon 10 du groupe 2 de la catégorie des agents d’exploitation, selon la classification de l’annexe V de cet accord collectif, puis à compter du 1er mai 2017, à l’échelon 14 de ce groupe 2 (qui compte 15 échelons).

M. [T] conclut sur ce point que l’employeur ne pouvait pas faire moins, car ces positionnements d’échelon correspondaient aux montants de rémunération qu’il percevait alors. En tout état de cause, ces décisions de l’employeur ne laissent pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

M. [T] critique l’affirmation de la fondation Aralis, selon laquelle il fait partie des agents d’exploitation percevant les salaires mensuels les plus élevés, au sein de l’entreprise, dans la mesure où les autres salariés avec qui il est comparé ont une ancienneté bien moindre que la sienne.

Il n’en demeure pas moins que le fait que M. [T] perçoive un des salaires les plus élevés, dans la catégorie d’emplois qui est la sienne, ce qu’il ne conteste pas, ne laisse pas supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à son préjudice.

M. [T] fait valoir que, alors qu’il a toujours fait l’objet d’appréciations élogieuses de la part de sa hiérarchie (pièces n° 5-1 à 5-5 de l’appelant) et qu’il a avec constance manifesté sa motivation à accéder à un poste de gestionnaire de structure d’hébergement (pièces n° 7 et 8 de l’appelant), son employeur n’a jamais donné suite à cette demande.

Toutefois, ainsi que cela a déjà été relevé par la Cour, M. [T] n’établit pas qu’il a demandé à suivre la formation nécessaire pour occuper un tel emploi ; par ailleurs, s’il n’a pas pu suivre l’intégralité du cycle de formation « responsable de résidence sociale » auquel il était inscrit en 2009, ce fait n’est pas constitutif d’une faute de la part de l’employeur.

Dans ces circonstances, la comparaison faite par M. [T] entre sa situation personnelle et celle d’autres salariés, qui occupaient un emploi de gardien réceptionniste et ont été promus gestionnaire de structure d’hébergement, ne saurait laisser supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à son préjudice.

En définitive, M. [T] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes, en ce qu’il a:

– dit et jugé que M. [T] n’a fait l’objet d’aucune discrimination syndicale de la part de la fondation Aralis ;

– débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de la discrimination syndicale ;

– débouté M. [T] de sa demande de repositionnement dans le groupe 5, coefficient 510, de la classification  ;

– débouté M. [T] de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents.

Sur les dépens

M. [T], partie perdante, sera condamné aux dépens de l’instance d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La demande de M. [T] en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Pour un motif tiré de l’équité, M. [T] sera condamné à payer à la fondation Aralis la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, uniquement pour les frais irrépétibles exposés en instance d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 17 Février 2020, en toutes ses dispositions déférées ;

Ajoutant,

Condamne M. [D] [T] aux dépens de l’instance d’appel ;

Rejette la demande de M. [D] [T] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [T] à payer à l’association Aralis la somme de 1 500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en instance d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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