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ARRÊT N° 23/
CE/SMG
COUR D’APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 16 MAI 2023
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 26 avril 2022
N° de rôle : N° RG 21/01193 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EMTS
Sur saisine aprés décision
de la Cour de Cassation
en date du 31 mars 2021
Code affaire : 80L Demande de prise d’acte de la rupture du contrat de travail
Demande de prise d’acte de la rupture du contrat de travail
AUTEUR DE LA DECLARATION DE SAISINE
SARL CORONIS sise [Adresse 2]
représentée par Me Ludovic PAUTHIER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON, et par Me David HERPIN, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE
AUTRE PARTIE
Madame [D] [F], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Nicolas LEGER, Postulant, avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Julie MANGENEY, Postulant, avocat au barreau de BESANCON et par la SCP GAVIGNET et ASSOCIES, avocats au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 26 Avril 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 28 juin 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l’arrêt a été successivement prorogé jusqu’au 16 mai 2023.
**************
Statuant sur la déclaration de saisine, sur renvoi après cassation, formée le 18 juin 2021 par la SARL Coronis à l’encontre de Mme [D] [F],
Vu le jugement rendu le 6 juillet 2016 par le conseil de prud’hommes de Dijon, qui a :
– rejeté la demande de sursis à statuer,
– jugé que le règlement intérieur de la SARL Coronis n’est pas applicable pour ne pas avoir respecté les règles légales,
– dit en conséquence que les sanctions appliquées à Mme [D] [F] sont illicites et doivent être annulées,
– condamné la SARL Coronis à payer à Mme [D] [F] :
– 1128 euros outre 112,80 euros de congés payés, au titre du salaire dû pendant la mise à pied,
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction illégitime,
– condamné la SARL Coronis à payer à Mme [D] [F] :
– 9 867,73 euros outre 986,77 euros de congés payés, à titre de rappel de prime d’ancienneté,
– 7 121,90 euros au titre de la revalorisation du point,
– dit justifiée la prise d’acte de rupture du fait de l’employeur et l’a requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la SARL Coronis à payer à Mme [D] [F] :
– 10 477,94 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 4 320,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 432,08 euros de congés payés,
– 1 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif et comportement vexatoire,
– dit que la SARL Coronis devra remettre à Mme [D] [F] les documents légaux rectifiés et actualisés (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi) sous astreinte de 30 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement,
– condamné la SARL Coronis à payer à Mme [D] [F] :
– 500 euros pour retard dans la remise de l’attestation Pôle emploi,
– 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [D] [F] de ses plus amples demandes,
– débouté la SARL Coronis de l’ensemble de ses prétentions,
– condamné la SARL Coronis aux dépens de l’instance,
Vu l’arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d’appel de Dijon, qui a :
– infirmé le jugement entrepris,
– annulé la sanction disciplinaire de changement d’équipe et d’horaire prononcée le 6 août 2013,
– dit que la prise d’acte de Mme [D] [CM] (épouse [F]) produit les effets d’une démission à la date du 27 décembre 2013,
– condamné la SARL Coronis à payer à Mme [D] [F] :
· en réparation du préjudice causé par le prononcé de la sanction disciplinaire annulée, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,
· en réparation du préjudice causé par la conduite insuffisamment impartiale de l’enquête, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
· par application de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 800 euros,
– condamné la SARL Coronis à remettre à Mme [D] [F], dans le délai de deux mois qui suivra la notification ou la signification de l’arrêt, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés au sujet de la date d’embauche,
– débouté Mme [D] [F] de ses autres demandes,
– débouté la SARL Coronis de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d’appel qu’elle a exposés,
Vu l’arrêt rendu le 31 mars 2021 par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a :
– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il déboute Mme [F] de sa demande tendant à l’annulation de la mise à pied prononcée le 6 août 2013 et au paiement à ce titre d’un rappel de salaires pour la période du 13 au 16 août 2013 et des congés payés, dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission et déboute Mme [F] de ses demandes en paiement de sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de bulletins de paie rectificatifs, l’arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d’appel de Dijon,
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Besançon,
Vu les dernières conclusions transmises le 27 janvier 2022 par la SARL Coronis, appelante, qui demande à la cour de :
– infirmer intégralement le jugement entrepris,
– juger comme justifiée la seule sanction prononcée à l’encontre de Mme [F], à savoir une mise à pied disciplinaire du 12 au 16 août 2013,
– débouter Mme [F] de l’intégralité de ses demandes au titre de l’annulation de cette sanction,
– juger que la prise d’acte de Mme [F] produit les effets d’une démission,
– débouter Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un comportement vexatoire de l’employeur,
– débouter Mme [F] de ses demandes formées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter Mme [F] de sa demande d’indemnisation au titre d’un manquement en matière de santé et de sécurité,
– condamner Mme [F] à verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
– ramener à de plus justes proportions la demande de Mme [F] au titre des dommages et intérêts puisqu’elle ne justifie d’aucun préjudice,
Vu les dernières conclusions transmises le 3 janvier 2022 par Mme [D] [F], intimée, qui demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon du 6 juillet 2013 en ce qu’il a :
– dit et jugé nulles les sanctions prononcées par la société Coronis à son encontre suite à la procédure disciplinaire initiée le 17 juillet 2013,
– dit et jugé que la prise d’acte de rupture du contrat de travail est justifiée et doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Coronis à lui verser les sommes de 10 477,94 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, 4 320,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 432 euros au titre des congés payés afférents à l’indemnité de préavis,
– réformer le jugement quant aux sommes allouées et condamner la société Coronis à lui verser les sommes de :
– 120 euros, outre 12 euros de congés payés afférents, au titre du rappel de salaire afférent et à sa mise à pied du 13 au 16 août 2013,
– 1000 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison des sanctions illégitimes dont elle a été l’objet,
– 52 000 euros nets au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– subsidiairement, si la cour n’entendait pas confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Dijon en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de la rupture devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la société Coronis à lui verser la somme de 52 000 euros nets de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations en matière de santé et de sécurité,
– condamner la société Coronis à lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail rectifiés et des bulletins de paie rectifiés au titre de la période de préavis, de l’ancienneté et de la régularisation de la rémunération et ce sous astreinte de 30 euros par jour de retard dans le délai de 8 jours à compter de la notification ou de la signification de la décision à intervenir,
– condamner la société Coronis à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, aux conclusions susvisées qu’elles ont soutenues à l’audience,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
Mme [D] [F] a été embauchée par la société Coronis le 19 avril 1999 sous contrat de travail à durée déterminée en qualité d’aide nursing faisant fonction d’aide soignante.
A compter du 10 mars 2000, la relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel (101,38 heures par mois), la salariée faisant fonction de garde de nuit – lingère.
Selon avenant du 1er juin 2000, le temps de travail a été fixé à 101,11 heures par mois, la salariée faisant fonction d’aide soignante.
Un autre avenant en date du 1er mars 2001 a transformé le contrat à temps partiel en contrat de travail à temps complet.
Mme [D] [F] a évolué au poste d’aide soignante à la suite de l’obtention de son diplôme en mars 2009.
Par lettre du 16 juillet 2013, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, fixé le 30 juillet 2013, et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire, en l’informant qu’il devait procéder à une enquête au regard des faits relatés par certains membres du personnel, pouvant pour certains s’apparenter à un harcèlement moral et de la maltraitance.
Par courrier circulaire du 17 juillet 2013, l’employeur a informé le personnel de son établissement de [Localité 3] qu’il ouvrait une enquête à la suite d’une plainte « pour harcèlement moral et maltraitance de la part de certains membres du personnel concernant Madame [F] » et a demandé aux salariés de lui faire parvenir un compte rendu des faits qu’ils ont pu constater vis-à-vis des autres salariés de l’entreprise et de la maltraitance envers des patients et qui pourraient leur paraître anormaux, humiliants, relevant d’un excès d’autorité, irrespectueux.
Par lettre du 6 août 2013, l’employeur a informé Mme [F] des résultats de l’enquête et lui a notifié la sanction suivante :
– mise à pied disciplinaire pour faute grave du 12 au 16 août inclus
– changement d’équipe et d’horaire,
en lui précisant qu’elle reprendrait son travail à compter du samedi 17 août sur le poste 7H-13H 16H-20H.
Le 13 novembre 2013, Mme [F] a été victime d’un accident du travail en réalisant seule les soins d’une résidente et placée en arrêt de travail.
Par lettre du 26 décembre 2013, Mme [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Par courrier du 2 janvier 2014, l’employeur en a contesté les raisons.
Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon le 24 mars 2014.
C’est dans ces conditions qu’ont été rendus le 6 juillet 2016 le jugement entrepris, puis le 13 septembre 2018 l’arrêt infirmatif de la cour d’appel de Dijon, lequel a été partiellement cassé, ainsi qu’il a été dit, par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 31 mars 2021 (n° 19-25.538), pour les motifs suivants :
– « Vu l’article L. 1331-1 du code du travail :
Il résulte de ce texte qu’un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
Pour débouter la salariée de sa demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire et de ses demandes de rappel de salaire afférent, la cour d’appel, après avoir constaté que l’intéressée avait fait l’objet d’une double sanction par lettre du 6 août 2013, soit simultanément une mise à pied de cinq jours et un changement d’équipe et d’horaire, a retenu que l’annulation de cette seconde sanction qui n’était pas prévue par le règlement intérieur, ne pouvait s’étendre à la première laquelle avait été prononcée sans excéder l’échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur.
En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait que les deux sanctions notifiées simultanément par lettre du 6 août 2013 devaient être annulées, a violé le texte susvisé »
– En outre, au visa de l’article 624 du code de procédure civile, la chambre sociale a retenu que la cassation des dispositions de l’arrêt déboutant la salariée de ses demandes tendant à l’annulation de la mise à pied et au paiement d’un rappel de salaires et des congés payés entraînait la cassation des chefs de dispositif disant que la prise d’acte produit les effets d’une démission à la date du 27 décembre 2013 et déboutant la salariée de l’ensemble de ses demandes subséquentes, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, c’est-à-dire, selon le dispositif de l’arrêt de cassation, ses demandes en paiement de sommes à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande de remise de bulletins de paie rectificatifs.
MOTIFS
1- Sur l’annulation de la mise à pied notifiée par lettre du 6 août 2013 :
Par courrier du 6 août 2013, l’employeur a sanctionné la salariée dans les termes suivants :
« (‘)
En date du 16 juillet 2013, vous avez été mise à pied à titre conservatoire pour les motifs suivants : plainte pour harcèlement moral et maltraitance sur certains membres du personnel.
Nous avons donc engagé une enquête afin de vérifier la réalité des faits reprochés.
Vous avez été reçue par Madame [Y] et Madame [W] le 30 juillet 2013 à 11 heures sur votre lieu de travail.
(…)
Nous vous avons exposé les faits reprochés et entendu vos explications, à savoir :
– Vous contestez le fait de demander à votre collègue de mentir sur le coucher des résidents,
– Vous reconnaissez utiliser votre téléphone pendant vos heures de service,
– Vous reconnaissez changer vos heures de pause sans l’autorisation de la direction,
– Vous niez le fait de ne pas coucher les résidents pour la sieste et de les laisser en fauteuil dans leur chambre,
– Vous ne comprenez pas que l’on puisse vous reprocher de mal parler aux résidents ainsi qu’à certains de vos collègues,
– Vous reconnaissez que vous n’appliquez pas toujours les consignes des projets de vie définies en équipe pluridisciplinaire,
– Vous niez le fait de prendre parfois vos repas en unité de vie,
– Vous affirmez que tous ces propos ne sont que mensonges et représailles à votre égard, surtout ceux provenant d’une aide soignante en CDD pour les mois d’été, sur laquelle vous auriez eu connaissance d’un comportement maltraitant chez un
Nous avons vérifié votre témoignage auprès des personnels et employeurs mentionnés dont voici les résultats :
– Le comportement maltraitant concernant l’employée en CDD est infondé,
– 10 témoignages relatent cependant des faits vous concernant (propos non respectueux vis à vis de certains salariés), nous ne pouvons donc pas retenir « le fait de représailles à votre égard » ;
– Il s’est avéré qu’au cours d’un contrôle effectué par le médecin coordonnateur, le coucher d’un résident n’était pas fait malgré les consignes à appliquer. Les explications que vous nous avez fournies démontrent que vous prenez des initiatives sans en référer à vos collègues.
– Vous nous affirmez n’avoir jamais demandé à quiconque de mentir sur le travail à exécuter et vous niez le fait d’être irrespectueuse envers certaines de vos collègues. Vous ne comprenez pas ces accusations à votre égard, car vous n’avez jamais eu de problèmes avec qui que ce soit. C’est pourquoi nous sommes très étonnées et surprises que vous ayez pris des renseignements sur la salariée en CDD puisque aucune animosité n’a jamais existé avec les membres du personnel donc avec elle.
A l’analyse de la situation vos explications ne nous ont pas pleinement convaincues compte tenu des témoignages reçus. Nous prenons note que vous reconnaissez ne pas respecter le règlement intérieur et les consignes à appliquer. Par ailleurs nous notons le fait que vous vous engagez à respecter les règles de fonctionnement de notre établissement. C’est pourquoi nous prononçons la sanction suivante :
– Mise à pied disciplinaire pour faute grave du 12 au 16 août inclus.
– Changement d’équipe et d’horaire.
Vous reprendrez votre travail à compter du samedi 17 août sur le poste 7H-13H 16H-20H.
Nous vous demandons de reprendre votre poste dans le respect et sans aucune animosité envers tous vos collègues. Nous serons très vigilantes aux engagements pris par vous-même lors de votre entretien du 30 juillet 2013 et nous comptons sur votre professionnalisme. »
Ainsi que la chambre sociale l’a rappelé par arrêt de cassation du 31 mars 2021 rendu au visa de l’article L. 1331-1 du code du travail, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction, de sorte que les deux sanctions notifiées simultanément le 6 août 2013, soit une mise à pied de cinq jours et un changement d’équipe et d’horaire, devaient être annulées.
Dès lors, il y a lieu d’annuler également la sanction de la mise à pied disciplinaire du 12 au 16 août inclus notifiée le 6 août 2013, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point par substitution de motifs.
2- Sur le rappel de salaire afférent à la mise à pied annulée :
Les premiers juges ont condamné la société Coronis à payer à Mme [F] la somme de 1.128 euros au titre du salaire dû pendant la mise à pied, outre 112,80 euros au titre des congés payés afférents.
Mme [F] demande à la cour de réformer le jugement sur ce point et de condamner la société Coronis à lui verser la somme de 120 euros au titre de la mise à pied du 13 au 16 août 2013, outre celle de 12 euros au titre des congés payés afférents.
La mise à pied disciplinaire du 12 au 16 août 2013 notifiée le 6 août 2013 étant annulée, l’employeur est redevable à la salariée de la somme de 120 euros à titre de rappel de salaire sur cette période, outre 12 euros au titre des congés payés afférents, ces montants n’étant plus discutés par les parties devant la cour de renvoi.
Le jugement entrepris sera donc infirmé dans cette limite.
3- Sur la demande en dommages-intérêts pour sanctions illégitimes :
Mme [F] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué 500 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction illégitime et de porter son indemnisation en raison des sanctions illégitimes dont elle a été l’objet à la somme nette de 1 000 euros, prétention à laquelle s’oppose la société Coronis.
Mme [F] présente cette demande exactement dans les mêmes termes que devant les premiers juges puis devant la première cour d’appel saisie.
L’article 638 du code de procédure civile dispose : « l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation. »
Selon l’article 624 du même code, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
Or, aux termes de son arrêt du 13 septembre 2018, la cour d’appel de Dijon a alloué à Mme [F] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le prononcé de la sanction disciplinaire annulée et cette disposition de l’arrêt n’est pas atteinte par la cassation.
Cette disposition du premier arrêt d’appel étant dès lors définitive, elle ne peut être remise en cause devant la cour de renvoi par le biais de la même demande de dommages-intérêts fondée indistinctement sur les deux sanctions annulées.
Il s’ensuit que la demande de Mme [F] ne peut qu’être déclarée irrecevable.
4- Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
Le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail si son employeur commet des manquements à ses obligations. La prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié entraîne la cessation immédiate de son contrat et la rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits le justifiaient, soit d’une démission dans le cas contraire.
La rupture n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.
Le salarié doit rapporter la preuve des manquements de l’employeur dont il se prévaut, mais le juge doit examiner l’ensemble des griefs invoqués par le salarié sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de prise d’acte, laquelle ne fixe pas les limites du litige.
Au cas présent, dans sa lettre de prise d’acte de la rupture de son contrat, Mme [D] [F] a reproché à son employeur :
– le non-respect de ses obligations relatives à la santé et à la sécurité du personnel, rappelant à cet égard son accident du travail,
– la mise en ‘uvre d’une procédure disciplinaire reposant sur des faits infondés qui a abouti à une double sanction, mesure injustifiée, totalement vexatoire et de nature à nuire à sa santé,
en précisant que ces griefs n’étaient pas exhaustifs.
Aux termes de ses conclusions, elle reproche à son employeur :
– une atteinte à sa dignité, qui s’est traduite par un comportement particulièrement vexatoire dans la mise en ‘uvre de la procédure disciplinaire et dans les suites de la relation contractuelle (diffusion d’un courrier à l’ensemble du personnel de nature à la stigmatiser gravement, organisation d’une réunion en urgence au cours de laquelle l’employeur a fait part publiquement des accusations portées à son encontre et a menacé les salariés qui voudraient prendre contact avec elle, le fait que le jour de sa mise à pied elle a dû partir devant d’autres salariés en emportant ses affaires que l’employeur avait mises dans un sac poubelle, la circonstance qu’à son retour elle ait été placée sous la surveillance d’autres salariés, la notification d’une double sanction au cours de la même procédure, les répercussions sur sa santé morale de sa mise à l’écart et du comportement de certains employés à son retour) ;
– son accident du travail survenu le 13 novembre 2013 en raison selon elle d’un manque de personnel.
Il doit préalablement être relevé que les faits de harcèlement moral et de maltraitance dénoncés par Mme [X], à l’origine de l’enquête, ont été considérés comme infondés par l’employeur, qui a exclusivement retenu à l’encontre de Mme [F] les faits suivants :
– fait de ne pas coucher les résidents pour la sieste et de les laisser en fauteuil dans leur chambre, et corrélativement de leur mettre une protection de nuit le matin pour éviter d’avoir à les changer à l’heure de la sieste ;
– fait d’utiliser son téléphone portable pendant le service ;
– fait de changer ses horaires de pause sans l’autorisation de la direction ;
– fait de tenir des propos non respectueux vis-à-vis de certains salariés ;
– fait de demander à ses collègues de mentir sur le travail à exécuter.
La matérialité de certains manquements est établie par les témoignages versés aux débats par l’employeur.
C’est ainsi que le 25 mai 2013 à 14h10 le médecin coordonnateur de l’EHPAD, le docteur [M] [U] [K], a constaté qu’un résident (M. [FG]) qui aurait dû être couché par Mme [F] pour la sieste avait été laissé dans son fauteuil, porte de la chambre fermée, télévision éteinte, ce que la salariée avait tenté de justifier par la circonstance que le résident s’était souillé la veille après avoir enlevé sa poche de colostomie et que son coucher aurait entraîné trop de travail, étant seule pour faire les couchers à la sieste, avant de prétendre cinq jours plus tard lors d’un entretien avec la direction que le résident ne voulait pas être couché et qu’elle l’avait mis dans sa chambre au calme pour qu’il se repose, porte ouverte et télé allumée, puis qu’il avait été levé tard et qu’elle estimait qu’il n’avait pas besoin d’être recouché.
Le médecin coordonnateur précise dans son témoignage que ce résident n’est pas en mesure de dire s’il veut être couché ou non, que les changements de position, même de courte durée, étaient nécessaires pour M. [FG], que les effectifs étaient au complet ce jour-là avec même la présence d’élèves infirmières et que la salariée ne pouvait de son propre chef changer une prise en charge.
Mme [OV], étudiante infirmière en stage au sein de l’établissement du 11 mars au 31 mai 2013, atteste avoir remarqué à plusieurs reprises que des résidents n’étaient pas couchés pour la sieste par Mme [F] et qu’ils étaient simplement laissé dans leur fauteuil, porte de leur chambre fermée. Elle relate qu’après le passage du docteur [U] [K] qui a constaté que M. [FG] n’était pas couché, Mme [F] lui avait demandé, ainsi qu’à Mme [X], de mentir auprès du docteur afin de la couvrir mais qu’ayant remarqué plusieurs fois que Mme [F] ne couchait pas certains résidents, elle ne souhaitait pas la défendre.
Contrairement au témoignage de Mme [X], aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause la valeur probante de celui de Mme [OV].
Mme [O], aide soignante au sein de l’établissement, atteste qu’au cours d’une journée de travail, lors de la relève de 16 heures, elle a constaté qu’une résidente n’avait manifestement pas été changée par Mme [F] depuis le matin au vu de l’état de sa protection. Elle précise aussi avoir été surprise par les propos tenus par une remplaçante habituée à travailler avec l’autre équipe : « Ah, vous couchez les gens pour la sieste ! Avec l’autre équipe on les rentre dans leur chambre en les laissant sur les fauteuils roulants et on tire la porte ».
Mme [R], neuropsychologue, écrit le 18 juillet 2013 à la directrice de l’établissement : « Suite à mon contrôle des protections du 17 juillet 2013 à 11h, réalisé avec les aide-soignantes, Mme [T] [S] en unité 2 et Mme [J] [I] en unité 1, je vous informe que M. [V], résident en U2 et accompagné à la toilette ce matin par Mme [F] [D], avait une protection de nuit et non une protection de jour. Contrairement aux consignes du Dr [U] [K], Mme [F] a donc mis une protection de nuit à ce monsieur dès la toilette du matin, ce qui questionne sur son intention de changer sa protection par la suite lors de la sieste. Les 5 autres contrôles effectués de résidents accompagnés à la toilette par les autres aide-soignantes ne montrent pas d’anormalités. ».
Mme [OV], déjà citée, et Mme [E], infirmière de l’établissement, font également état de l’utilisation par Mme [F] de son téléphone portable pour des communications personnelles, cette dernière s’isolant parfois pendant son service pour téléphoner, ou continuant une conversation téléphonique tout en alimentant une résidente.
Il est ainsi établi qu’à plusieurs reprises Mme [F] s’est affranchie des consignes qu’elle devait respecter, sans que ce comportement soit induit par l’organisation du service, et qu’elle a cherché à le dissimuler par des explications variant au gré du moment ou de son interlocuteur, ou encore à la faveur d’un mensonge sollicité auprès de la stagiaire.
La salariée avait déjà fait l’objet d’une observation écrite le 28 mai 2013 pour un manquement dans les soins prodigués à une résidente à l’occasion de sa sortie ‘ Mme [F] ne lui avait pas mis les chaussettes de contention, pourtant disponibles, et n’avait pas signalé les plaies que celle-ci avait aux pieds ‘ écrit aux termes duquel l’employeur avait en outre rappelé à la salariée la nécessité de prendre connaissance régulièrement des projets de soins et de vie des résidents, de respecter les consignes concernant la prise en charge des résidents, les soins de toilettes, les types et les horaires de changes, les mises à la sieste au lit et d’utiliser le lève-malade lorsque cela est préconisé.
Si plusieurs salariés attestent des qualités professionnelles de Mme [F] (M. [K], Mme [B], Mme [P], Mme [DK]) ou lui apportent leur soutien (M. [L], Mme [A]) tandis que d’autres n’ont pas voulu témoigner à charge à son encontre et s’il pouvait exister ponctuellement au sein de l’établissement des difficultés liées au manque de personnel sur lequel la cour reviendra ci-après, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause les témoignages précis et concordants réunis par l’employeur, visés ci-avant par la cour, de sorte que Mme [F] n’est pas fondée à soutenir que l’employeur ne disposait d’aucun élément sérieux justifiant de la sanctionner.
Pour autant, les faits répréhensibles reprochés à la salariée, sans lien avec ceux dénoncés par Mme [X] ayant conduit l’employeur à diligenter une enquête, ne sauraient légitimer les conditions dans lesquelles Mme [F] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire, a été sanctionnée et a travaillé après le changement d’équipe qui lui a été imposé, conditions révélatrices de l’opprobre jeté sur la salariée et des atteintes à la dignité qu’elle a subies.
Il ressort en effet des productions :
1) Qu’après avoir notifié à la salariée sa mise à pied conservatoire, l’employeur a remis à tous les membres du personnel une lettre annonçant l’ouverture d’une enquête à la suite d’une plainte pour harcèlement moral et maltraitance concernant Mme [F], aux termes de laquelle il les invitait à fournir des témoignages à charge contre celle-ci et leur en suggérait la teneur en précisant notamment que celle-ci « aurait demandé, à plusieurs reprises, de mentir sur des tâches qu’elle était censée accomplir vis-à-vis de certains résidents, et ce en les menaçant si le personnel venait à en parler ».
Cette manière de procéder, dans un écrit communiqué à l’ensemble du personnel, constitue une atteinte à la dignité de la salariée, qui n’est pas suffisamment préservée par l’utilisation du mode conditionnel.
A cet égard, la première cour d’appel saisie a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la conduite insuffisamment impartiale de l’enquête, disposition de l’arrêt qui n’est pas atteinte par la cassation.
2) Le jour même de la mise à pied conservatoire, après le départ de Mme [F], l’employeur avait déjà réuni le personnel pour lui interdire de prendre contact avec celle-ci, sous menace de sanction (témoignages de Mme [B] et de M. [L]).
3) Le même jour, la direction a remis à Mme [F] ses affaires dans un sac poubelle devant le personnel (témoignages de Mme [B] et de Mme [DK]).
4) Mme [F] a ensuite été sanctionnée de façon illicite, l’employeur lui ayant notifié le 6 août 2013 une double sanction : une mise à pied disciplinaire pour faute grave du 12 au 16 août inclus et un changement d’équipe et d’horaire.
Outre le caractère illicite de cette sanction double, la cour relève que la sanction de changement d’équipe et d’horaire, non prévue par le règlement intérieur de l’établissement et donc également illicite à ce titre, était en raison de ses conséquences particulièrement douloureuse pour Mme [F], qui avait déjà eu l’occasion d’expliquer à son employeur son souhait de conserver ses horaires 5h30/16h00 correspondant au poste AS1/AS2 pour des raisons liées à l’organisation de sa vie familiale, plutôt que d’être affectée au poste AS3/AS4 sur les horaires 7h-13h/16h-20h (pièce n° 7-3 de la société Coronis). Ses explications avaient ainsi conduit l’employeur, le 7 août 2012, à la maintenir sur le poste AS1/AS2 en dépit des recommandations du médecin du travail et du fait que ce poste requérait davantage de manutentions (lever le matin, coucher pour la sieste et lever après la sieste).
5) A son retour le 17 août 2013, Mme [F] contrainte à changer de poste a été placée sous la surveillance d’autres salariés.
En effet, M. [L], aide soignant, atteste que la salariée était très déprimée, en pleurs constamment et qu’il savait que les collègues la surveillaient sous l’ordre de la direction (pièce n° 15 de l’intimée), le licenciement pour faute notifié à ce témoin ne suffisant pas à ôter toute valeur probante à son témoignage.
Si ce témoignage n’est pas circonstancié et s’il doit être considéré avec prudence compte tenu du licenciement pour faute notifié à M. [L] quelques mois avant sa rédaction, il est cependant corroboré par celui de Mme [A], qui atteste avoir vu Mme [F] en dépression et en pleurs après sa reprise suite à sa mise à pied, à cause des comportements des collègues qui lui mettaient la pression pour se conformer à la demande de la direction de la surveiller. Mme [A] déclare aussi avoir vu Mme [F] en dépression suite au changement de ses horaires, qui ne lui convenait pas compte tenu de sa situation familiale de mère seule avec ses enfants (pièce n° 22 de l’intimée).
Mme [B] confirme ce dernier témoignage (pièce n° 16 de l’intimée).
Il ressort encore de la fiche de remontée des informations aux autorités de tutelle signée le 5 août 2013 par la directrice de l’établissement que parmi les « dispositions prises vis-à-vis de l’auteur des faits » figure la précision suivante : « est sous surveillance », juste après la mention : « Suite à l’entretien du 30/7 la sanction prononcée est la suivante : Mise à pied disciplinaire de 5 j Changement d’horaire et d’équipe (ne travaillera jamais seule dans un service) »(pièce n° 17-2 de l’appelante).
En outre, pour justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat, Mme [F] invoque aussi l’accident du travail dont elle a été victime le 13 novembre 2013 et reproche à la société Coronis d’avoir manqué une fois de plus à ses obligations en matière de santé et sécurité. Elle soutient que l’établissement souffrait d’un manque de personnel, contraignant les salariés à agir seul, et que l’accident s’est produit alors qu’elle avait dû soutenir seule une patiente qui était en train de glisser de son lit.
Plusieurs salariés témoignent d’un manque de personnel pouvant remettre en cause la prise de leur pause entre 10h30 et 11h00 (attestations de Mmes [B] et [A] et de M. [K] constituant les pièces n° 24, 25 et 27 de la salariée).
Dans une autre attestation (pièce n° 16), Mme [B] indique qu’on laissait Mme [F] faire son service seule avec les résidents de 5h30 à 11h30.
Selon encore les pièces n° 7 à 7-3 de l’employeur, à la suite d’une rechute d’un précédent accident du travail du 23 décembre 2011, le médecin du travail avait déclaré Mme [F] apte lors de la visite de reprise organisée le 8 juin 2012, « avec utilisation de lève malade et avec l’aide d’une autre personne pour la manutention des patients à mobilité difficile et réduite », et avait noté dans un courrier explicatif adressé le 10 juillet 2012 à l’employeur quatre jours après un entretien ayant eu lieu en présence de Mme [F] que :
« – d’une part, tout le personnel soignant doit utiliser systématiquement les lèves malades pour la manutention des patients à mobilité difficile et réduite voire aussi si d’autres situations le nécessitent. Dans chaque unité, la liste de ces patients à mobilité difficile et réduite est déterminée par le médecin coordonnateur avec les infirmières.
– d’autre part, il doit aussi être fait appel au(x) collègue(s) pour être aidé pour la manutention de ces patients à mobilité difficile et réduite si besoin et aussi, par exemple, pour relever les patients qui ont chuté.
Ainsi, pour le personnel qui travaille en horaire de nuit ou tôt le matin, pour que ces principes soient applicables, les toilettes ne sont effectuées que pour des patients valides qui déambulent et le personnel détient un téléphone pour appeler le ou la collègue de l’autre unité en cas de nécessité pour manutentionner un patient.
Quant à Madame [F], aide soignante qui travaille sur la plage horaire de 5h30 à 16h, elle doit appliquer ces consignes et ainsi utiliser les lèves malades ou appeler en cas de besoin un ou une collègue pour être aidée pour la manutention des patients à mobilité difficile et réduite. Elle nous a confirmé suivre ces consignes. Il est bien entendu que si des difficultés surgissaient Madame [F] en ferait part rapidement. »
L’accident du travail dont a été victime Mme [F] le 13 novembre 2013 s’est produit alors qu’un changement d’horaires lui avait été imposé depuis le 17 août 2013.
Si l’employeur soutient que l’accident est dû au non-respect des consignes par la salariée qui a effectué seule et de sa propre initiative les soins d’une patiente, sa matérialité n’est pas contestée.
Il ressort ainsi de ces éléments que la salariée a été confrontée au risque à plusieurs reprises et la dernière fois le 13 novembre 2013.
Pour étayer son argumentaire imputant la responsabilité de l’accident à la salariée, l’employeur produit :
– une attestation du médecin coordonnateur, le docteur [U] [K], qui expose que selon le plan de soin de la résidente Mme [V], en raison de l’évolution de son état de santé, les soins sont à faire à deux soignants, que cette consigne figure aussi dans la fiche de synthèse de soins aide soignant et que « en aucun cas Mme [F] devait faire seule les soins de Mme [V] le 13 novembre 2013, d’autant que ce jour, les effectifs soignants étaient au complet et elle pouvait demander à son collègue de la seconder. L’infirmier de l’unité était présent et disponible également pour l’aider » (pièce n° 6 de l’appelante).
– une attestation de l’infirmier, [N] [H], qui témoigne en ces termes :
« Le matin des faits, Mme [F] a été faire la toilette d’une résidente pour avancer dans l’organisation des toilettes du matin. Cette collègue a voulu prendre de l’avance pendant qu’une autre collègue AS terminait la toilette d’une autre résidente. Mme [F] est revenue vers l’infirmerie en se tenant le dos en me disant qu’elle s’était fait mal pendant un transfert entre le lit médicalisé et une chaise percée. La résidente s’est retrouvée par terre sur les fesses sans mal apparent. Cette résidente, en effet, est une toilette programmée à faire à 2 soignants. Donc cette soignante n’a pas respecté le protocole prévu. » (pièce n° 5 de l’appelante).
– un planning du mois de novembre 2013 (pièce n° 53).
– les conventions tripartites conclues avec les autorités de tutelle (pièces n° 54 et 55).
L’employeur ajoute qu’en cas d’absence, il faisait appel à du personnel intérimaire afin d’assurer la continuité du service.
Il se prévaut enfin du fait que Mme [F] était parfaitement informée de la façon dont elle devait procéder pour la manutention de chaque résident et en veut pour preuve ses pièces n° 7 à 7-3, déjà citées.
Cependant, le planning du mois de novembre 2013 communiqué par l’employeur, imprimé le 6 juin 2018, n’est manifestement pas le planning initial fourni au personnel puisque l’accident du travail de Mme [F] y est mentionné.
Le plan de soins et la fiche de synthèse de soins aide soignant dont fait état le médecin coordonnateur ne sont pas communiqués par l’employeur.
L’attestation de M. [H], qui ne date pas les faits qu’il relate, n’emporte pas la conviction de la cour.
La cour relève que le docteur [U] [K], qui indique que les effectifs soignants étaient au complet le 13 novembre 2013, est noté en repos ce jour-là sur le planning communiqué par l’employeur.
Par delà l’effectif théorique de l’établissement pouvant accueillir une cinquantaine de résidents répartis dans deux unités, l’examen dudit planning mentionne :
– un effectif de cinq AS le 13 novembre 2013 en journée : Mme [F] (AS3), Mme [Z] (AS1), Mme [O] (AS2), Mme [C] (AS5) et Mme [G] (AS3) ;
– l’existence de plusieurs congés maladie et d’un autre accident du travail.
L’heure de survenance de l’accident du travail de Mme [F] n’est pas précisée, ni la répartition des aides soignantes en poste ce jour-là dans les deux unités.
L’employeur ne justifie pas davantage avoir eu recours à des intérimaires pour pallier les absences.
Considérant les développements qui précèdent, la cour retient que l’employeur manque à établir qu’il a respecté son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [F] et pris à cet égard toutes les mesures nécessaires.
Il ressort ainsi de ces éléments pris dans leur ensemble que les faits reprochés par la salariée à l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de sorte que la prise d’acte de la rupture de son contrat par la salariée doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l’ont retenu avec pertinence les premiers juges dont la décision est confirmée de ce chef.
5- Sur l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis :
Dès lors qu’il a été retenu que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient, conformément à la demande de Mme [F], de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Coronis à lui payer les sommes de 10.477,94 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et 4.320,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (deux mois), outre celle de 432,08 euros correspondant aux congés payés afférents, ces sommes n’étant pas autrement discutées dans leur quantum par les parties.
6- Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Selon l’attestation Pôle emploi délivrée le 8 janvier 2014 par l’employeur, la société Coronis employait 51 salariés en 2013.
A la date de la prise d’acte de la rupture, la salariée avait une ancienneté de 14 ans et 8 mois.
Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de l’employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.
Âgée de 47 ans à la date de la rupture du contrat, Mme [F] ne fournit strictement aucun renseignement sur sa situation postérieure. L’intéressée ne justifie pas du jour où son arrêt de travail a pris fin. Ses revenus ne sont pas connus.
Il convient dans ces conditions de lui allouer la somme de 12.962,40 euros (6 mois de salaire brut) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
7- Sur les dommages-intérêts alloués en raison du comportement vexatoire de l’employeur :
La société Coronis demande à la cour de débouter Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts au titre des mesures vexatoires prises à son encontre.
Cependant, Mme [F] ne formule aucune demande à ce titre, dans la mesure où la première cour d’appel saisie a d’ores et déjà condamné la société Coronis à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par la conduite insuffisamment impartiale de l’enquête, disposition qui n’est pas atteinte par la cassation.
Cette disposition du premier arrêt d’appel étant dès lors définitive, elle ne peut être remise en cause devant la cour de renvoi par le biais d’une demande de l’employeur tendant au rejet des prétentions à ce titre de la salariée.
Il s’ensuit que la demande de la société Coronis ne peut qu’être déclarée irrecevable.
8- Sur la remise de documents sociaux et de bulletins de paie rectifiés :
Les sommes allouées au titre du rappel de salaire n’étant pas les mêmes, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société Coronis devra remettre à Mme [D] [F] les documents légaux rectifiés et actualisés (bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle emploi) sous astreinte de 30 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement et, statuant à nouveau, de condamner la société Coronis à remettre à Mme [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie rectifiés en ce qui concerne l’indemnité compensatrice de préavis, l’ancienneté et la régularisation de la rémunération, dans les trente jours de la signification du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
9- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
En application de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
La décision attaquée sera confirmée en ce qu’elle a statué sur les frais irrépétibles de première instance.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable d’allouer à Mme [D] [F] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer à hauteur de cour.
La société Coronis, qui succombe, n’obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les entiers dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant sur renvoi après cassation, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare irrecevable la demande de Mme [D] [F] tendant à la condamnation de la société Coronis à lui verser la somme nette de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison des sanctions illégitimes dont elle a été l’objet ;
Déclare irrecevable la demande de la société Coronis tendant à voir débouter Mme [D] [F] de sa demande de dommages-intérêts au titre des mesures vexatoires prises à son encontre ;
Confirme, en ses dispositions soumises à la cour de renvoi, le jugement entrepris en ce qu’il a :
– annulé la sanction de la mise à pied disciplinaire du 12 au 16 août inclus notifiée le 6 août 2013 à Mme [D] [F],
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Coronis à payer à Mme [D] [F] les sommes de 10.477,94 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et 4.320,80 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 432,08 euros correspondant aux congés payés afférents,
– statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Coronis à payer à Mme [D] [F] la somme de 120 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied du 12 au 16 août 2013, outre celle de 12 euros au titre des congés payés afférents ;
Condamne la société Coronis à payer à Mme [D] [F] la somme de 12.962,40 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse ;
Condamne la société Coronis à remettre à Mme [D] [F] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie rectifiés, dans les trente jours de la signification du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;
Condamne la société Coronis à payer à Mme [D] [F] la somme de
2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer à hauteur de cour ;
Condamne la société Coronis aux entiers dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le seize mai deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,