Mise à pied disciplinaire : 16 juin 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00046

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Mise à pied disciplinaire : 16 juin 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00046
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ARRET N° 23/113

R.G N° 22/00046 –

N°Portalis

DBWA-V-B7G-CJRD

Du 16/06/2023

[D]

C/

S.A.S. SADECO

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 16 JUIN 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 25 Janvier 2022, enregistrée sous le n° 19/00341

APPELANT :

Monsieur [F] [D]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

S.A.S. SADECO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean MACCHI, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente,

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre,

Mme Vanessa LEPEU, Conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 28 Avril 2023,

A l’issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 16 juin 2023 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.

ARRET : contradictoire et en dernier ressort

************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [F] [D] a été embauché par la SAS Sadeco ‘ qui exploite l’hypermarché Carrefour de [2] à [Localité 3] – à compter du 7 janvier 2010, avec reprise d’ancienneté au 22 juin 2009, en qualité d’employé commercial.

Après un échange et par courrier du 4 décembre 2018, la SAS Sadeco a informé le salarié de nouveaux horaires de travail, applicables au 14 janvier 2019.

Suite à un entretien, l’employeur a notifié à M. [D] une mise à pied disciplinaire d’une journée, par courrier du 24 janvier 2019, pour défaut d’acceptation d’un planning modifiant ses horaires.

Par lettre remise en main propre du 29 janvier 2019, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 5 février 2019.

Puis par lettre recommandée avec avis de réception du 8 février 2019, la SAS Sadeco a notifié à M. [D] son licenciement en ces termes :

(‘) «Pour rappel, le 24 octobre dernier, après un entretien avec votre chef de département, nous vous avons envoyé par courrier la confirmation de vos nouveaux horaires applicables à compter du 19 novembre 2018.

Le 15 novembre 2018, vous nous avez remis un courrier aux termes duquel vous nous faisiez part de votre opposition quant à ses nouveaux horaires.

Le 16 novembre 2018 nous vous avons répondu par lettre recommandée que ses horaires étaient en parfaite conformité avec la législation et la convention collective nationale dont nous dépendons, d’une part, et avec votre contrat de travail, d’autre part.

Convaincus que vous disposiez ainsi de toutes les informations permettant de parfaitement appréhender la situation, nous repoussons la mise en application de ses horaires au 2 janvier 2019.

Le 3 décembre 2018 vous avez sollicité un entretien.

Nous vous avons reçu, vous étiez accompagnés de Madame [K] [U], membre du personnel de Sadéco.

À cette occasion, vous nous avez fait part d’un certain nombre de remarques concernant ces nouveaux horaires.

Le 4 décembre 2018 nous vous avons envoyé par lettre recommandée les réponses qu’appelaient vos propres observations.

Aux termes de cette correspondance, nous vous indiquions prendre en compte vos objections quant à la durée des coupures et avons modifié celles-ci pour qu’elles soient plus courtes et y joignions les horaires modifiés suite à vos remarques et repousser l’application de ses horaires 14 janvier 2019.

Par suite compte tenu du non-respect de ses horaires dès le 14 janvier 2019, le 21 janvier 2019, vous étiez convoqué et reçu en entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire.

Vous étiez accompagné de Mademoiselle [M] [Y], membre élu de notre personnel.

Les faits qui vous étaient reprochés consistaient une nouvelle fois en votre refus d’appliquer les nouveaux horaires applicables depuis le 14 janvier et, pour suite, vous avez été sanctionné d’un jour de mise à pied.

Malgré la notification de cette sanction, et particulièrement sa teneur, vous avez persisté dans votre refus d’appliquer les nouveaux horaires qui vous avaient été régulièrement transmis, le 4 décembre 2018.

À l’occasion de l’entretien préalable en date du 5 février courant, vous avez persisté dans votre refus, au-delà d’une absence de motivation impérieuse ou des dispositions contractuelles, vous liant à l’entreprise.

Aussi sommes-nous contraints de constater aujourd’hui votre persistance à refuser volontairement d’appliquer les nouveaux horaires qui vous ont été régulièrement remis, malgré les reports d’application, les modifications apportées pour prendre en compte vos remarques et les dispositions tant contractuelles que légales qui fondent la licéité de ces nouveaux horaires.

Vous ignorez totalement et sciemment l’horaire remis par votre hiérarchie, situation qui caractérise l’insubordination volontaire répétée et continue.

En procédant comme vous le faites, malgré nos échanges et nos alertes, vous vous mettez en infraction volontaire par rapport au règlement intérieur de l’entreprise.

Les éléments que vous nous avez apportés ne nous permettent pas de modifier notre appréciation sur la gravité des faits reprochés et ne nous permettent pas de pouvoir envisager la poursuite de nos relations contractuelles.

En conséquence, la présente notification de licenciement pour insuffisance professionnelle prendra effet dès réception, date à laquelle débutera votre préavis d’une durée de deux mois dont nous vous dispensons de toute exécution à réception de la présente, tout en maintenant la rémunération attachée à l’issue duquel seront à votre disposition certificat de travail, attestation pôle emploi et solde de tout compte. (‘)».

Le 9 août 2019, M. [F] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour contester son licenciement et obtenir l’annulation de la mise à pied disciplinaire.

Par jugement contradictoire du 25 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a :

– dit que M. [F] [D] bénéficiait du statut de salarié protégé à la date de mise en ‘uvre de la procédure de licenciement du 29 janvier 2019,

– annulé la sanction de mise à pied disciplinaire du 28 janvier 2019,

– dit nul le licenciement notifié le 8 février 2019 et de nul effet,

– dit que l’accord ARTT doit être appliqué,

– débouté M. [F] [D] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [F] [D] de sa demande de rappel de salaire pour non-respect du minimum légal et conventionnel,

– débouté M. [F] [D] de sa demande de remboursement des arrêts de travail des dimanches 7 janvier 2018 et 18 novembre 2018, du temps d’habillage et des frais d’entretien de la tenue de travail,

condamné la société Sadeco à payer à M. [F] [D] les sommes suivantes :

– 11 157,54 euros, au titre de la nullité du licenciement en violation du statut protecteur,

– 60,68 euros, au titre du salaire de la mise à pied du 28 janvier 2019,

– 1 000,00 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 5 578,77 euros,

– rejeté les demandes plus amples ou contraire,

– condamné la société Sadeco aux entiers dépens.

Par déclaration électronique du 14 mars 2022, M. [F] [D] a relevé appel du jugement.

Une première ordonnance de clôture a été prononcée le 24 octobre 2022.

Le 1er février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture, fixée la clôture au 17 mars 2023 afin de permettre au conseil de l’appelant de prendre de nouvelles écritures et renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 28 avril 2023 à 9 heures.

En réponse aux conclusions du 17 avril 2023, par lesquelles l’intimée a soulevé l’irrecevabilité des conclusions de l’appelant remises au greffe le 9 février 2023 et demandé le rabat de l’ordonnance de clôture, le magistrat chargé de la mise en état a rappelé qu’il n’a pas compétence pour statuer sur l’irrecevabilité des conclusions au motif pris de leur caractère postérieur à l’ordonnance de clôture et a rejeté la demande de rabat de l’ordonnance de clôture.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de certaines de ses demandes, et statuant à nouveau sur ces chefs de condamner la SAS Sadeco à lui verser les sommes suivantes :

11 950,02 euros, au titre de la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur,

17 938,53 euros, à titre de dommages-intérêts pour la perte d’emploi,

2 986 euros, au titre des temps de pause qui auraient dû être rémunérés en plus du salaire de base,

298,60 euros, au titre des congés payés sur le rappel de salaire,

273,72 euros, au titre du 13ème mois sur rappel de salaire,

100,33 euros, à titre de remboursement durant l’arrêt de travail du 6 au 9 janvier 2018 et du 16 au 20 novembre 2018,

1 121,16 euros, au titre du temps d’habillage,

112,16 euros, au titre des congés payés sur le rappel de prime d’habillage,

102,77 euros, au titre du 13ème mois sur le rappel de prime d’habillage,

1 080 euros au titre des frais d’entretien de la tenue de travail en plus du baril de lessive semestriel.

A titre subsidiaire, au cas où la cour ne considèrerait le licenciement pas nul, il sollicite de la juridiction :

qu’elle juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

qu’elle condamne la SAS Sadeco à lui verser la somme de 17 938,53 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il réclame enfin la somme de 3 000,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir que par courrier du 15 novembre 2018, il a informé l’employeur de sa volonté de se porter candidat aux élections professionnelles mais que la société a refusé la remise en main propre de ce courrier contre décharge. Il rappelle que l’employeur connaissait l’imminence de sa candidature.

Il critique le salaire de référence tel que retenu par les premiers juges.

Il fait valoir qu’il a droit tant à l’indemnité due au titre de la méconnaissance de son statut protecteur qu’à la réparation du préjudice subi du fait de sa perte d’emploi et que le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur ce second chef de préjudice.

Il expose ensuite qu’il est passé d’un horaire de travail continu à un horaire de travail discontinu en violation du droit applicable et que l’employeur joue volontairement sur les notions de pause et de coupure alors qu’il y a eu changement d’horaire avec coupure. Il souligne de plus que le temps de repos obligatoire n’a pas été respecté.

Il explique encore ses différentes demandes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022, l’intimée demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a dit que M. [D] bénéficiait du statut protecteur, annulé la sanction disciplinaire et le licenciement et l’a condamné au paiement d’une indemnité au titre de la nullité du licenciement, d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 5 578,77 euros, et l’a condamnée aux dépens, et statuant à nouveau de ces chefs et de :

jugé le licenciement de M. [D] fondé,

le débouter de ses demandes,

condamner M. [D] à lui verser la somme de 3 000,00 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée réplique que M. [D] ne bénéficiait d’aucun statut protecteur puisqu’il ne s’est pas porté candidat. Elle nie connaître l’intention de M. [D] de se présenter aux élections du personnel.

Elle fait valoir que les indemnités pour licenciement nul et licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas.

Elle estime justifiée la mise à pied disciplinaire.

Elle défend le bienfondé du licenciement puisque M. [D] n’a pas respecté les horaires dont le changement ne constitue pas une modification du contrat de travail.

Elle rappelle encore que le salarié a déjà été indemnisé des temps de pause.

Elle explique que la demande de M. [D] au titre de la retenue sur salaire le dimanche pendant un arrêt maladie ne peut prospérer puisque s’agissant d’un salarié mensualisé la méthode du tantième a été appliquée.

Elle mentionne également que le salarié bénéficie de 72 doses de lessive par semestre permettant 3 machines par semaine ce qui permet l’entretien des tee-shirts de M. [D], lesquels sont au surplus fréquemment renouvelés.

Enfin, elle indique que la demande du salarié relative au temps d’habillage et de déshabillage n’est pas justifiée.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des conclusions de l’intimée remises au greffe le 26 avril 2023:

Par conclusions remises au greffe le 26 avril 2023, la SAS Sadeco demande à la cour de déclarer les conclusions de l’appelante, notifiées le 9 février 2023, irrecevables et d’infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a dit que M. [D] bénéficiait du statut de salarié protégé à la date de mise en ‘uvre de la procédure de licenciement, annulé la sanction de mise à pied disciplinaire, annulé le licenciement, l’a condamnée à payer à M. [D] la somme de 11 187,54 euros, au titre de la nullité du licenciement, celle de 60,68 euros, à titre du salaire pendant la mise à pied, celle de 1 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné l’exécution provisoire de la somme de 5 578,77 euros et l’a condamnée aux dépens.

Cependant, par ordonnance du 1er février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture du 24 octobre 2022, fixé la clôture au 17 mars 2023 afin de permettre au conseil de l’appelant de prendre de nouvelles écritures et renvoyé l’affaire à l’audience collégiale du 28 avril 2023 à 9 heures.

L’appelant a régulièrement remis ses conclusions au greffe, le 9 février 2023.

Par ordonnance du 21 avril 2023, le magistrat chargé de la mise en état a rappelé qu’il n’a pas compétence pour statuer sur l’irrecevabilité des conclusions de l’appelant du 9 février 2023 au motif pris de leur caractère postérieur à l’ordonnance de clôture et a rejeté la demande de rabat de l’ordonnance de clôture formée par la SAS Sadeco.

Au regard de ces éléments de procédure, les écritures de M. [D], remises au greffe le 9 février 2023, sont recevables.

Par contre, les conclusions de la SAS Sadeco du 26 avril 2023, postérieures à l’ordonnance de clôture du 17 mars 2023, sont irrecevables.

La présente décision s’en tiendra donc aux conclusions de l’intimée du 20 juillet 2022, dont le contenu a été précédemment développé.

Sur l’application du statut du salarié protégé :

Selon les dispositions de l’article L 2411-3 du code du travail, le licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. (‘) Elle est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la désignation du délégué syndical a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant que le salarié ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

M. [D] produit aux débats une lettre du 15 novembre 2018, destinée à être remise en main propre, qu’il a adressée à son employeur pour l’avertir de «sa candidature au premier tour des prochaines élections des représentants du personnel qui auront lieu au début de l’année 2019» (pièce 26) et des attestations émanant de Mme [M] [Y], collègue et représentante du personnel dans l’entreprise (pièce 11), de M. [C] [B], ancien salarié de la SAS Sadeco (pièce 22) et de Mme [P] [E], secrétaire générale de la CDMT (pièce 30) pour preuve de sa candidature ou de l’imminence de celle-ci.

Les premiers juges ont considéré que ces éléments démontraient que la candidature de M. [D] était connue de l’employeur bien avant le 29 janvier 2019, jour de la convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Cependant, le salarié ne peut prouver que la SAS Sadeco, qui le conteste, a reçu le courrier du 15 novembre 2018, faute de sa remise effective en main propre contre signature ou de son envoi par lettre recommandée avec avis de réception. Certes, les attestations produites font part du militantisme de M. [D] et de ce que leurs signataires connaissaient la volonté de ce dernier de se porter candidat aux prochaines élections des représentants du personnel de la société. Mme [Y] témoigne, en particulier, que le jour de l’entretien préalable à licenciement, M. [F] [D] a rappelé au directeur que, le 15 novembre 2018, il l’a informé de sa candidature aux prochaines élections professionnelles mais que le représentant de l’employeur a refusé la remise en main propre contre signature du courrier. Or, la connaissance de la prochaine candidature de M. [D] par les trois témoins n’implique pas nécessairement celle de la SAS Sadéco. De plus, les propos de Mme [Y] sur l’échange que le salarié a eu avec le directeur lors de l’entretien préalable ne permettent pas non plus à la cour d’apporter plus de crédit à la parole de la société ou à celle du salarié quant au fait que la SAS Sadeco aurait refusé de recevoir le courrier du 15 novembre 2018.

M. [D] échoue ainsi à rapporter la preuve de ce que la SAS Sadeco connaissait l’existence de la candidature de M. [D], voire l’imminence de celle-ci, alors que, par ailleurs, l’employeur produit le protocole d’accord pré-électoral du 12 mars 2019 (pièce 8) en vue de l’élection des représentants du personnel d’avril 2019 dont il ressort que les salariés ont été informés de la tenue de ce scrutin courant mars 2019. Il en ressort que contrairement au contenu du courrier de M. [D], du 15 novembre 2018, mentionnant l’organisation de l’élection au début de l’année 2019, celle-ci n’a eu lieu qu’en avril, soit à une date bien éloignée du 18 novembre 2018. Ainsi, ce n’est qu’au 19 février 2019 que la CDMT a été conviée à la négociation du protocole précédemment mentionné (pièce 9).

De plus, la cour s’étonne que le salarié n’ait pas fait état de sa candidature aux élections des représentants du personnel dans le deuxième courrier du 15 novembre 2018, remis en main propre à l’employeur, dans lequel il l’avertissait de son refus du changement de ses horaires de travail. (pièce 10 de l’intimée).

La cour infirme, en conséquence, le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que M. [D] bénéficiait du statut du salarié protégé.

Il s’en déduit l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement de M. [D] et a octroyé à celui-ci une indemnité pour nullité du licenciement.

Sur la modification des horaires de travail du salarié :

L’examen du caractère bienfondé de la modification unilatérale des horaires de M. [D] par la SAS Sadeco permettra à la cour de statuer tant sur la cause réelle et sérieuse du licenciement que sur la demande d’annulation de la sanction de mise à pied.

Le jugement entrepris, considérant que le statut du salarié protégé s’appliquait à M. [D], s’est donc fondé sur ce statut pour annuler la sanction disciplinaire de mise à pied et juger que l’indemnité sans cause réelle et sérieuse sollicitée par le salarié ne pouvait se cumuler avec celle pour nullité du licenciement. Les premiers juges ne se sont donc pas prononcés sur le fond de la modification des horaires de travail.

Sur la modification des horaires de travail :

Aux termes de l’article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.

Il est de jurisprudence constante qu’une modification du contrat de travail suppose le commun accord des parties. Pour autant, l’exécution du contrat est placée sous le signe de la subordination du salarié à l’employeur et, à ce titre, celui-ci peut modifier les conditions de travail.

Le contrat de travail à durée indéterminée de M. [D] (pièce 1 de l’intimée), signé par les deux parties le 6 janvier 2010, contient la clause suivante : «M. [F] [D] sera soumis à la durée légale du travail applicable dans l’entreprise à la catégorie à laquelle il est rattaché. Les horaires de travail de M. [F] [D] et leur aménagement pourront être modifiés en fonction des impératifs de la société et dans le respect des conditions légales. Il est expressément convenu que M. [F] [D] sera amené à travailler le dimanche et jours fériés conformément aux dispositions légales».

Dans ses écritures, le salarié expose que, depuis de nombreuses années, ses horaires de travail étaient les suivants :

7h30 ‘ 13h30 du lundi au vendredi

7h30 ‘ 12h30 le samedi.

La modification des horaires décidée par la SAS Sadeco a pour conséquence d’imposer à M. [D] une variabilité dans l’horaire d’embauche (à 6 h ou à 8 h) et une coupure de la journée de travail, deux fois par semaine, de sorte que son travail s’organise ces jours-là comme suit : 6h à 11h puis 12h à 15h ou 8h à 13h puis 14h à 17h. (pièce 24 de l’appelant).

Le salarié expose donc qu’il est passé d’un horaire continu à un horaire discontinu avec une coupure.

La Cour de cassation a encore rappelé récemment que le passage d’un horaire discontinu à un horaire continu (ou inversement) ou d’un horaire fixe à un horaire variant chaque semaine selon un cycle entraîne une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser (Cour de cassation chambre sociale, 16 mars 2022, n° 21-10.147).

Dès lors, le changement des horaires de travail de M. [D] ne saurait constituer une simple modification des conditions de travail. La SAS Sadeco ne pouvait donc imposer ces nouveaux horaires à son salarié sans obtenir son accord préalable exprès.

Or, ce dernier a, par courrier du 15 novembre 2018, refusé la modification de ses horaires.

Dès lors, la modification unilatérale des horaires de travail de M. [D] n’est pas fondée.

Sur l’annulation de la sanction disciplinaire de mise à pied :

Par courrier recommandé avec avis de réception du 24 janvier 2019, la SAS Sadeco a notifié à M. [D] sa mise à pied disciplinaire, d’une durée d’un jour, pour le motif de son refus d’appliquer les nouveaux horaires depuis le 14 janvier 2019 (pièce 27 de l’ appelant).

Il ressort du développement précédent que le motif de la sanction disciplinaire est infondé. Dès lors, le salarié a droit au paiement de la journée de mise à pied.

La confirmation du jugement s’impose sur l’annulation de la sanction, par substitution de motifs, et sur l’octroi de la somme de 60,72 euros.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 8 février 2019, la SAS Sadéco a notifié à M. [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle sur le motif de sa persistance à refuser ses nouveaux horaires de travail.

Or, comme dit plus haut, la modification des horaires de M. [D] nécessitait son accord préalable exprès.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Vu les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail,

M. [D] a été employé par la SAS Sadeco du 22 juin 2009 au 12 avril 2019. Le salaire mensuel brut à retenir est de 1 993,17 (montant non-contesté par l’intimée).

Avec une ancienneté de 9 ans dans la société, M. [D] peut prétendre à une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 mois et 9 mois de salaire brut. Au regard de l’âge du salarié et des difficultés à retrouver un emploi dans une région aux perspectives d’embauches limitées, il convient d’octroyer à M. [D] une indemnité égale à 8 mois de salaire, soit la somme de 15 945,36 euros.

4- Sur le respect du salaire conventionnel minimal :

La rémunération résulte en principe du contrat de travail sous réserve, d’une part, du SMIC, et d’autre part, des avantages résultant des accords collectifs, des usages de l’entreprise ou des engagements unilatéraux de l’employeur.

Ensuite, et en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti.

Le contrat de travail de M. [D] est soumis aux dispositions de la Convention collective Nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Selon les dispositions de cette convention, les salariés bénéficient d’un salaire minimum mensuel garanti fixé pour une durée de 35 h par semaine correspondant forfaitairement à 151,67 heures par mois (article 3.5) ; les salariés à temps complet seront payés sur une base mensuelle, soit pour un horaire de 35 heures : salaire horaire x 151,67 (article 3.6.1) ; la durée de travail s’entend du travail effectif (‘). Elle ne comprend donc pas l’ensemble des pauses, qu’elles soient ou non rémunérées (article 5.5)

Par ailleurs, la SAS Sadeco a signé avec le Syndicat CDMT un Protocole d’accord sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, le 30 juin 2000, entré en vigueur le 1er juillet 2000. Au titre de la durée du travail, la clause suivante y figure : (‘) «la durée moyenne de travail effectif pour le personnel à temps complet sera donc de 33h20 par semaine. A cette durée, il est ajouté un temps de pause d’1h40, par semaine, soit un temps de présence de 35 h». Cet accord prévoit en outre que «la réduction du temps de travail n’impliquera aucune baisse de niveau de rémunération. Celle-ci est maintenue par l’attribution d’une prime différentielle (‘)».

Comme précisé par cet accord, les bulletins de paye de M. [D] comportent, le nombre mensuel d’heures rémunérées, le temps de pause et la prime différentielle permettant de maintenir un salaire brut équivalent au salaire avant la réduction du temps de travail pour un temps plein.

Contrairement aux affirmations du salarié, cet accord d’entreprise s’applique nonobstant les dispositions de la convention collective, et ce d’autant qu’il est antérieur à la convention collective du 12 juillet 2001. M. [D] ne peut, au surplus, prétendre que cet accord n’a pas été porté à sa connaissance alors qu’il est antérieur à la signature de son contrat de travail, consultable par les salariés et, en l’espèce, produit aux débats par la SAS Sadeco (pièce 2 de l’intimée).

La cour, après comparaison des taux horaires du salaire conventionnel minimal suivant la pièce 34 de l’appelant et de ceux appliqués à M. [D] selon les indications contenues dans ses fiches de paie (pièces 2, 3, 4 et 5 de l’appelant), au titre des années 2016 à 2019, constate que le taux horaire servant de base de calcul au salaire du salarié est toujours supérieur au taux horaire du salaire conventionnel minimum.

Les premiers juges après s’être livrés à l’examen des mêmes textes et pièces ont débouté M. [D] de sa demande. Le jugement est confirmé de ce chef.

5- Sur la demande au titre des retenues sur salaire :

La suspension du travail du fait de l’arrêt de travail pour maladie se traduit par une retenue sur le montant du salaire brut proportionnelle à la durée de l’arrêt maladie sur le bulletin de paye.

Pour déterminer la retenue à opérer sur la rémunération du salarié en arrêt maladie, il ne suffit pas de déduire du salaire, une rémunération correspondant à la durée de la carence. En effet, la période de carence peut inclure des samedi, dimanche et jour férié, journées au cours desquelles n’a eu à déplorer aucune absence du salarié. La retenue sur le salaire n’est autorisée que si elle correspond exactement au temps du travail non effectué.

M. [D] a bénéficié d’un arrêt maladie du 6 au 9 janvier 2018 puis du 16 au 20 novembre 2018. Or, les 7 janvier 2018 et 18 novembre 2018, étaient des dimanches pendant lesquels le salarié ne devait pas travailler. La SAS Sadeco a donc, à tort, compter, pour le premier arrêt de travail, 4 jours calendaires non-travaillés et, pour le second, 5 jours.

Dès lors, le salarié a droit au remboursement du salaire retenu pour le dimanche 7 janvier 2018, soit la somme de 49,17 euros, et pour le dimanche 18 novembre 2018, la somme de 51,164 euros, soit la somme totale de 100,33 euros.

Les premiers juges ont, à tort, appliqué les règles applicables au délai de carence de la sécurité sociale pour le calcul des indemnités journalières et débouté M. [D] de sa demande.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6- Sur la demande au titre du temps d’habillage et de déshabillage :

Aux termes de l’article L 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par les dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

L’article 18 du règlement intérieur de la SAS Sadeco (pièce 37 de l’appelant) dispose que les vêtements de travail fournis par l’établissement ne doivent pas être portés en dehors de heures de service.

Ni le contrat de travail de M. [D], ni la convention collective applicable ne prévoient de dispositions particulières à cette obligation en particulier en terme de contrepartie.

Il appartient donc à la SAS Sadeco, qui se prétend libérée de son obligation de prévoir des contreparties, de rapporter la preuve que les temps d’habillage et de déshabillage ont été rémunérés comme du travail effectif.

Or, l’intimée inverse la charge de la preuve en affirmant que M. [D] doit justifier sa demande.

M. [D] a chiffré la contrepartie financière à la somme journalière de 1,33 euros. Il a produit aux débats un accord d’entreprise relatif à la même prime conclu par une autre société (pièce 38). La cour constate que le montant de la prime ainsi négociée s’explique par la nécessité de revêtir une tenue de travail complète. S’agissant des employés de la SAS Sadeco, l’opération d’habillage et de déshabillage consiste à mettre puis retirer un tee-shirt portant le logo de l’entreprise.

Au regard de ces éléments, la cour fixe la prime d’habillage et de déshabillage due à M. [D] à la somme de 1,10 euros brut par jour travaillé. Cette prime qui a la nature d’une créance salariale est donc due au salarié depuis le 12 avril 2016, soit sur trois ans. Elle ne saurait être perçue dans le cadre du 13ème mois. Par contre, elle est prise en compte dans l’assiette de calcul de congés payés. Elle sera donc versée par la SAS Sadeco à M. [D] sur ces bases.

Sur la demande au titre de l’entretien de la tenue de travail :

Selon les dispositions de l’article L 4122-2 du code du travail, les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.

Il résulte de ce texte que les frais exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier.

La charge de l’entretien de la tenue de travail relève donc de la SAS Sadeco. Celle-ci justifie fournir à chaque salarié un baril de lessive par trimestre.

Or, cette seule fourniture est insuffisante à compenser l’obligation pour le salarié de tenir propre sa tenue de travail. Il est effectivement nécessaire de compenser le temps passé au nettoyage, l’amortissement de la machine à laver et le coût de l’eau et de l’électricité nécessaires.

Les premiers juges ont rejeté la demande au motif de ce que M. [D] ne justifiait pas des dépenses occasionnées par l’entretien de la tenue de travail. Se faisant, les conseillers prud’homaux ont encore inversé la charge de la preuve, puisqu’il revient à l’employeur de démontrer qu’il assume les frais d’entretien de la tenue de travail.

Dans ces conditions, et en tenant compte de la fourniture de la lessive par l’employeur, il convient de condamner ce dernier à verser à M. [D] une prime au titre de l’entretien de sa tenue de travail de 30 euros par mois. Comme précédemment, cette prime est due à compter du 19 avril 2016, soit pour 3 ans.

Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La SAS Sadeco, succombant partiellement, est condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [D] la somme de 2 500 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

CES MOTIFS

La cour,

Déclare les conclusions de M. [F] [D], remises au greffe le 9 février 2023, recevables,

Déclare les conclusions de la SAS Sadeco, remises au greffe le 26 avril 2023, irrecevables,

Confirme le jugement en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire par substitution de motifs et condamné la SAS Sadeco au paiement à M. [F] [D] d’un rappel de salaire de ce chef et en ce qu’il a débouté la demande de M. [F] [D] au titre du salaire conventionnel minimum,

Infirme le jugement en ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute M. [F] [D] de sa demande à bénéficier du statut de salarié protégé,

Déboute, en conséquence, M. [F] [D] de sa demande d’indemnité pour licenciement nul,

Déclare le licenciement de M. [F] [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Sadeco à verser à M. [F] [D] la somme de 15 945,36 euros, à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Sadeco à verser à M. [F] [D] la somme de 100,33 euros, à titre de remboursement de la retenue injustifiée de salaire,

Condamne la SAS Sadeco à verser à M. [F] [D] une prime d’habillage et de déshabillage, à calculer sur la base de 1,10 euros brut par jour travaillé, à compter du 19 avril 2016 et jusqu’au 19 avril 2019,

Condamne la SAS Sadeco à verser à M. [F] [D] une prime d’entretien de la tenue de travail, à calculer sur la base de 30 euros par mois du 19 avril 2016 au 19 avril 2019,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Sadeco aux dépens,

Condamne la SAS Sadeco à payer à M. [F] [D] la somme de 2 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

La Greffière La Présidente

 


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