Mise à pied disciplinaire : 15 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02066

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Mise à pied disciplinaire : 15 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02066
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/02066 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UTJQ

AFFAIRE :

SAS COURIR FRANCE

C/

[M] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 12 Mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/00800

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS

Me Tiphaine SELTENE

la SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS COURIR FRANCE

N° SIRET : 428 559 967

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 – Représentée par : Me Corentine TOURRES de l’AARPI BOCHAMP AARPI avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0916 substitué par Me GUY-VIENOT Sandra avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [M] [V]

né le 20 Février 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par : Me Tiphaine SELTENE de la SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, avocat constitué au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 112

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Avril 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Mme Florence SCHARRE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [V] a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 11 août 2008, en qualité d’hôte de caisse accueil et vente, statut employé, par la société par actions simplifiée Go Sport France. Son contrat de travail a été transféré à la société par actions simplifiée Courir France, à compter du 1e juin 2009, laquelle a pour activité le commerce de détail de chaussures, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale du commerce des articles de sport et d’équipements de loisirs.

En dernier lieu, M. [V] a occupé les fonctions d’adjoint au directeur de magasin, statut agent de maîtrise, à compter du 11 juin 2018.

Convoqué le 28 février 2019 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 12  mars suivant, M. [V] s’est vu notifier, par courrier daté du 6 avril 2019, une mise à pied à titre disciplinaire, qu’il a effectuée le 22 avril 2019.

Convoqué le 23 août 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 3 septembre suivant, M. [V] a été licencié par lettre datée du 18 septembre 2019 énonçant une cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, M. [V] a saisi, le 22 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Montmorency aux fins d’entendre juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de demander que lui soit accordé le statut de cadre et que soit annulée la mise à pied exécutée le 22 avril 2019, et de solliciter la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société a sollicité la condamnation du requérant au paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 12 mai 2021, notifié le 14 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Reconnaît à M. [V] le statut de cadre à partir de sa prise de fonction en qualité d’adjoint au directeur de magasin le 11 juin 2018 ;

Ordonne à la société Courir France la régularisation afférente des cotisations employeur depuis le 11 juin 2018 ;

Dit que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Courir France à verser à M. [V] les sommes suivantes :

25.494,18 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et série

1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société Courir France devra rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] dans la limite de six mois d’indemnités, à charge pour cet organisme de justifier des versements ;

Dit que l’exécution provisoire s’appliquera dans les termes de l’article R. 1454-28 du code du travail ;

Déboute M. [V] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Courir France de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la société Courir France aux dépens éventuels.

Le 29 juin 2021, la société Courir France a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 16 mars 2022, la société Courir France demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il :

A reconnu à M. [V] le statut de cadre à partir de sa prise de fonction en qualité d’adjoint au directeur de magasin le 11 juin 2018 ;

Lui a ordonné la régularisation afférente des cotisations employeur depuis le 11 juin 2018 ;

A dit que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

L’a condamnée à verser à M. [V] les sommes suivantes :

– 25.494,18 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Lui a ordonné de remettre à M. [V] des documents de fin de contrat conformes au jugement,

A dit qu’elle devra rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] dans la limite de 6 mois d’indemnité, à charge pour cet organisme de justifier des versements ;

Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté M. [V] des demandes suivantes:

o Annulation de la mise à pied à titre disciplinaire en date du 22 avril 2019,

o Rappel de salaires pour la journée du 22 avril 2019,

o Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Et statuant à nouveau sur les chefs critiqués

Juger que la mise à pied à titre disciplinaire est valablement fondée,

Juger que le licenciement notifié le 18 septembre 2019 à M. [V] est valablement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Débouter M. [V] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes formulées à titre incident en cause d’appel, en disant ces demandes non fondées.

Condamner M. [V] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [V] aux entiers dépens.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 16 décembre 2021, M. [V] demande à la cour de:

À titre principal,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

Reconnu son statut de cadre à compter du 11 juin 2018,

Ordonné la régularisation des cotisations employeur afférentes,

Dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamné la société Courir France à lui verser la somme de 25.494,18 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonné à la société Courir France de lui remettre des documents de fin de contrat conformes au jugement,

Dit que la société Courir France devait rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage, dans la limite de six mois d’indemnité,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes

En conséquence :

Annuler purement et simplement la mise à pied prononcée le 6 avril 2019

Condamner en conséquence la société Courir France à lui verser la somme de 127,78 euros au titre du salaire pour la journée du 22 avril 2019

Condamner également la société Courir France à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

À titre subsidiaire :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

En tout état de cause :

Condamner la société Courir France à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’exécution de la décision à intervenir.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 15 mars 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 avril 2023.

MOTIFS

Sur le statut cadre

La société Courir France soutient que M. [V] ne pouvait occuper les fonctions de responsable de magasin au côté du directeur de magasin, dont les missions au reste se distinguent, et que les deux fonctions ne pouvant pas coexister dans une même entité, l’article 3 de l’annexe 1 de la convention collective ne trouvait pas à s’appliquer.

M. [V] souligne que la convention collective ne prévoit pas le poste d’adjoint au directeur de magasin, et relevant son encadrement de 24 collaborateurs, se prévaut du statut cadre de responsable de magasin, coefficient 320, au regard de l’article 3 de la convention collective, dont les fonctions coïncident par ailleurs à sa fiche de poste, sans que l’existence d’un directeur en poste ne l’empêcha. Par ailleurs, il observe avoir remplacé durant des mois le directeur, absent du 13 juillet 2018 au 5 février 2019.

L’annexe 1 de l’avenant du 21 mars 2003 portant classification décrit ainsi le métier de responsable de magasin : « dans une structure fortement centralisée, le responsable de magasin contrôle une équipe de vendeurs et éventuellement d’animateurs de rayon pour les magasins les plus importants en termes d’effectifs, dynamise les ventes, applique et fait appliquer les consignes et décisions de la direction » Il lui attribue dans un magasin de plus de 20 salariés, le coefficient 320 et le statut de cadre, et dans les autres cas, le statut d’agent de maîtrise au coefficient de 220 (moins de 10 salariés) à 250 (entre 10 et 20 salariés).

L’avenant du 11 juin 2018 promeut M. [V] au poste d’« adjoint au directeur de magasin », statut agent de maîtrise coefficient 220. Ses missions sont « d’assurer tous les travaux inhérents à sa qualification selon les directives données » ainsi décrits :

« – développer le chiffre d’affaires et le compte d’exploitation du magasin,

– contribuer au développement commercial de son magasin,

– remplacer partiellement le directeur (‘) du magasin en son absence,

– co-animer son équipe afin de garantir une expérience clients inoubliables (‘),

– s’assurer du respect des normes de merchandising,

– s’assurer du respect des procédures flux financiers et monétaires,

– responsable du respect de la politique RH,

– responsable de la sécurité du magasin,

– représentation de l’enseigne tant en interne qu’en externe. »

La fiche de poste établie par le magasin « C Courir – Go sport groupe » pour la fonction d’adjoint au directeur parle d’une part de développement commercial, décliné notamment comme la participation active à l’atteinte du résultat opérationnel du magasin, l’analyse des indicateurs commerciaux, la participation du développement client, d’autre part, de management, dont la participation au recrutement, à l’intégration, à l’évaluation des collaborateurs, en collaboration avec le directeur, la fixation des objectifs individuels, le contrôle hebdomadaire des équipes, l’établissement des plannings, l’animation des équipes (motivation, recadrage’), enfin, de gestion des flux financiers et de marchandises, et de représentation de l’enseigne.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification d’en justifier, au travers des fonctions réellement exercées, et le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert au regard des dispositions de la grille de classification fixée par la convention collective, prise dans l’ensemble de ses critères.

Cela étant, il est constant que la classification reconnue à M. [V] n’est pas issue de la convention collective applicable.

Il n’est pas non plus prétendu qu’il aurait exercé d’autres fonctions que celles que lui attribue son contrat de travail ou la fiche de son poste.

Il est donc bien fondé à se considérer responsable de magasin, les fonctions, ainsi prévues par la convention collective se rapprochant de celles qui lui sont attribuées et dont l’exercice effectif n’est pas querellé, en ce qu’il contrôle une équipe de vendeurs (co-anime son équipe, responsable du respect de la politique RH, assure le contrôle hebdomadaire, participe au recrutement et l’évaluation) dynamise les ventes (développe le chiffre d’affaires, contribue au développement commercial du magasin, analyse les indicateurs et fait des propositions d’opérations), applique et fait appliquer les consignes et décisions de la direction (assurer tous les travaux inhérents à sa qualification selon les directives données).

Par ailleurs, l’annexe I de la convention collective ne prévoit de coefficient et de statut qu’adossé au nombre de collaborateurs exerçant dans le magasin. Dès lors qu’il n’est pas disputé qu’ici il y en a 24, le statut correspondant doit recevoir application, le moyen de l’usage pratiqué par l’employeur de ne pas doubler la fonction de directeur de celle de responsable n’étant pas opérante, étant précisé que contrairement à ce qu’il soutient, M. [V] ne revendique pas la classification de directeur dont le caractère distinct est constant.

De même, la manière de servir, que critique la société Courir France, n’est pas la mesure de la fonction occupée selon la convention collective, et ce moyen est sans portée.

Le jugement sera confirmé dans son expression conforme.

Sur la mise à pied du 6 avril 2019

La lettre du 6 avril 2019 sanctionne M. [V] d’une mise à pied d’un jour faute de respect des règles internes, en ce que :

Une pochette de 1.507,70 euros contenant de l’argent, n’était pas remise en banque encore un mois après son enregistrement fait le 9 décembre 2018,

Il aurait pratiqué le 23 janvier 2019 à l’une de ses connaissances une remise de 40% au lieu de 30% sur trois paires de chaussures, sans prévenir sa hiérarchie, emportant une perte de 49 euros pour le magasin,

Il aurait dissimulé des gencods de chaussures volées en demandant de les passer en démarque, retrouvés le 9 février 2019,

Il n’aurait pas réalisé les rétrocessions, 50 articles étant en attente de traitement le 23 février 2019.

La société Courir France soutient les griefs de la lettre.

L’article L. 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L.1333-2 du même code ajoute que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Ainsi, saisi de la contestation d’une sanction disciplinaire, le juge a l’obligation d’apprécier si les faits reprochés au salarié étaient de nature à la justifier en s’assurant de la réalité des faits, en recherchant s’ils présentent bien un caractère fautif et en vérifiant s’ils justifiaient les sanctions prononcées.

M. [V] soutient avoir procédé à la régularisation de la situation de trésorerie quasiment dès qu’avisé, en précisant n’avoir pas, ordinairement, accès au coffre.

Il ressort des mails échangés les 4 à 8 janvier 2019, que le service du rapprochement bancaire retrouva une anomalie correspondant à une écriture au crédit de la caisse du 9 décembre 2018 non déposée sur le compte, de 1.507,70 euros, dont elle avisa M. [V] le 4 janvier, somme qu’il retrouva dans le coffre dans une pochette. Le salarié ne conteste pas, quand son supérieur lui en fit reproche, le 8 janvier 2019, avoir été prévenu dès le 11 décembre précédent, de cette erreur. Il ne conteste pas non plus la nécessité du contrôle quotidien avant l’ouverture de la caisse.

Comme l’observe l’employeur, M. [V] est tenu conventionnellement de s’assurer du respect des procédures flux financiers et monétaires. Il est ainsi acquis qu’il a manqué au contrôle des flux lui ayant permis de se convaincre de l’anomalie de la situation réelle de la caisse au regard des écritures passées dans la comptabilité. Au reste, il ne peut sérieusement alléguer n’avoir pas accès à ce coffre alors qu’il remplaçait durant cette période le directeur, au motif que les convoyeurs de fonds ne seraient pas passés trois jours en décembre, ni n’avoir eu le temps de s’en occuper, alors que rien n’indique qu’il ait connu l’anomalie, compte tenu de la teneur de l’entretien, non critiquée, et des termes de son mail du 8 janvier 2019 : « la pochette n’apparaissait pas dans la consultation coffre ». Il a donc manqué d’appliquer les procédures internes et de garantir et appliquer les procédures de remise en banque, que lui impartit sa fiche de poste.

Ensuite, M. [V] concède avoir accordé une remise supplémentaire de 10% à un client mu d’intentions douteuses, car connu pour filmer le désordre qu’il mettait dans les magasins.

Etant précisé que les faits sont par ailleurs attestés par les vendeurs concernés et établis, pour ce qui concerne le prix, par la liste des remises autorisées et le ticket de caisse, le salarié ne conteste pas n’avoir pas appliqué les procédures internes en cas de remise supplémentaire. Il a ainsi commis une faute que n’excuse pas sa crainte d’un désordre, et ce, d’autant plus que, selon les témoignages, il connaissait personnellement le bénéficiaire de sa faveur.

Encore, M. [V] dément avoir voulu cacher la perte de marchandises à l’occasion retrouvées, que contredit sa délégation à un collaborateur de leur traitement.

Il est acquis aux débats qu’une feuille cartonnée fut retrouvée le 9 janvier 2019 contenant des gencods de chaussures découpés lors d’un tri fait dans les bureaux, ainsi qu’en témoigne le mail de M. [Y] du 11 février suivant. Si la dissimulation frauduleuse n’est pas établie, toujours est-il que M. [V] ne conteste pas que les boites vides devaient être repassées chaque jour et non chaque mois, en sorte qu’il n’a pas appliqué la consigne, sans s’en ouvrir à quiconque. Sa faute est donc avérée au regard de son obligation de contrôler et mettre en place les actions nécessaires à la fiabilité des stocks, dont parle la fiche de poste.

Enfin, M. [V] conteste avoir caché le retard pris dans le traitement des rétrocessions que le directeur devait apurer, après que lui-même a retrouvé fin février la pochette les contenant.

Cela étant, sa supérieure, Mme [U], précise par mail que le salarié aurait mis en place les pochettes afférentes sans traiter les rétrocessions depuis le mois de septembre, entrainant un manque à gagner de 3.486,88 euros, ce qu’il ne nie pas.

Comme l’observe l’employeur, il lui appartenait, selon sa fiche de poste, de s’assurer de la fiabilité des stocks, en sorte qu’il aurait dû, n’aurait-il pas été avisé de la procédure interne ainsi qu’il le prétend, traiter cette difficulté lors de son remplacement du directeur, qui dura des mois, en s’en enquérant des moyens le cas échéant. Il a manqué à ses obligations.

Les griefs énoncés, ainsi avérés et fautifs, par leur multiplicité, sont de nature à entraîner la sanction prononcée d’un jour de mise à pied disciplinaire, étant observé que M. [V] avait déjà été sanctionné le 26 août 2016, d’une mise en garde pour n’avoir pas avisé sa hiérarchie ni les secours d’une altercation ayant conduit à un dommage corporel, non déclaré comme accident du travail.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la sanction prononcée le 6 avril 2019 et les prétentions financières subséquentes.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Nous faisons suite à notre entretien en date du 3 septembre 2019 [‘]. Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui amenaient à envisager à votre encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, et que nous vous rappelons ci-après :

Vous ne respectez pas les procédures internes

Le jeudi 4 juillet 2019, vous avez signé la consultation du coffre quotidienne avec M. [K] [D], vendeur expert. Interpellée par le fait que les bons d’achats étaient indiqués comme ayant été contrôlés mais n’étaient pas triés et rassemblés comme habituellement, Madame [Z] [H], votre responsable hiérarchique, vous a demandé, avec M. [K] [D], si la consultation du coffre avait bien été réalisée le 4 juillet 2019. C’est alors que vous avez admis avoir signé la consultation du coffre sans avoir contrôlé les bons d’achat qui s’y trouvaient. Vous avez également précisé que vous aviez, par ailleurs, demandé à M. [K] [D] de signer la consultation du coffre sans contrôler les bons d’achat.

Or, nos procédures internes prévoient, afin de garantir la sécurité des fonds, un contrôle quotidien de l’exhaustivité du contenu du coffre (pochettes espèces, espèces en vrac, pochettes chèques et bons d’achat). Afin d’éviter tout risque de litige, le contrôle doit absolument être réalisé par deux collaborateurs puis signé par eux. La signature du document permet en effet d’attester que le contrôle a bien été réalisé et de savoir par qui il a été réalisé. En ne pointant pas l’ensemble du contenu du coffre, vous n’avez pas respecté nos procédures internes.

En tant qu’adjoint au directeur de magasin, la gestion des flux financiers et l’application des procédures internes font partie intégrante de vos responsabilités. De plus, en demandant à l’un de vos collaborateurs de signer la consultation du coffre sans lui permettre de réaliser lui-même le contrôle, vous le mettez dans une situation inconfortable en lui demandant délibérément de ne pas respecter nos procédures internes et vous lui faites supporter des risques qui ne lui incombent pas, ce qui est intolérable.

Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits en précisant que vous étiez débordé ce jour-là.

Par ailleurs, avant de s’absenter pour une semaine de congés payés du 10 au 18 août 2019, Madame [Z] [H], avait formalisé une liste d’objectifs que vous deviez réaliser en priorité sur la semaine. Parmi ceux-ci, il vous avait été demandé de vous rendre à la poste pour envoyer au service caisse du siège les pochettes contenant les justificatifs de caisse et les bons d’achat correspondant à la semaine précédente. Sur la liste d’objectifs formalisés par votre supérieure hiérarchique, que vous aviez imprimée, vous avez surligné cette tâche, afin de signifier que vous l’aviez bien réalisée.

Le mardi 20 août 2019, alors que vous étiez dans son bureau, vous avez vu Madame [Z] [H] lever la tête vers l’armoire et lui avez alors dit, à ce moment-là, que vous n’aviez pas envoyé les pochettes au service caisse. Au-delà du fait que vous n’avez pas respecté nos procédures internes qui requièrent un envoi hebdomadaire au siège, ce n’est que lorsque vous vous êtes rendu compte que votre supérieure hiérarchique allait découvrir les pochettes que vous aviez déplacées du bureau à l’armoire que vous avez finalement reconnu que vous ne les aviez pas envoyées au siège, alors que vous aviez indiqué cette tâche comme étant réalisée.

Lors de l’entretien, vous avez indiqué que vous l’aviez surlignée car vous aviez prévu de le faire mais n’en aviez finalement pas eu le temps. Vous avez également indiqué que vous aviez déplacé les pochettes de leur emplacement habituel pour les mettre dans l’armoire car il n’y avait plus de place sur le bureau, les pochettes commençant à s’entasser.

En tant que « bras-droit » du directeur de magasin, vous ne pouvez pas vous permettre de dissimuler de telles informations; vous ne pouvez pas, non plus, attendre que votre supérieure hiérarchique soit sur le point de découvrir une information pour la lui donner. Ces deux faits différents révèlent un manque d’honnêteté et de transparence dans vos agissements qui n’est pas compatible avec votre poste d’adjoint au directeur de magasin. Ce poste exige, en effet, de très nombreux échanges et une totale transparence afin de connaitre tous les dossiers en cours pour permettre au directeur de magasin et à son adjoint de prendre le relai l’un de l’autre en cas de besoin. Aussi, vous conviendrez que votre comportement ne nous permet pas d’être en confiance quant à votre aptitude à suppléer et assister votre Directeur de Magasin au quotidien, ce qui est pourtant fondamental au poste que vous occupez.

Vous manquez de rigueur dans l’application des règles de sécurité

Le dimanche 18 août 2019, alors que vous étiez chargé de l’ouverture du magasin, vous n’avez pas enclenché l’alarme de la réserve (porte et rideau), qui doit impérativement être en service pendant les heures d’ouverture du magasin pour éviter tout risque de vol de marchandise. Ce n’est qu’à 10h50, soit après l’ouverture du magasin, que Madame [Z] [H] qui arrivait sur le magasin, s’en est rendu compte et l’a mise en service.

Lors de notre entretien, votre première réaction a été d’objecter que de toute façon la télésurveillance n’était pas raccordée, sous-entendant que l’alarme n’était pas utile en l’état. L’alarme est pourtant bien opérationnelle depuis le 30 juillet 2019 et connectée à un centre de télésurveillance. Vous nous avez ensuite indiqué que vous n’aviez aucun souvenir de ne pas avoir mis en service l’alarme et que c’était certainement un oubli. Vous avez enfin ajouté que si vous ne l’aviez oublié qu’une fois depuis que c’était en place, vous pensiez que « ça allait ».

Vous n’êtes pas sans connaître, pourtant, l’importance de l’alarme de la réserve qui a été mise en place à la suite des vols de marchandise ayant eu lieu au début de l’année 2019. Vous ne semblez pas saisir la portée que peut avoir un tel oubli alors même que la lutte contre la démarque inconnue ainsi que la mise en place et le contrôle des actions nécessaires à la fiabilité des stocks sont de votre responsabilité.

Par ailleurs, le vendredi 23 août 2019, Madame [Z] [H] constate qu’une prise de courant, sur la surface de vente près du rayon enfant, n’est plus fixée au mur et est rafistolée avec un lacet. Alors que celle-ci venait nous chercher pour vous montrer ce qu’elle venait de constater, vous lui avez dit, sur le chemin, que vous aviez vous aussi remarqué quelque chose, qu’il s’agissait d’ailleurs certainement de la même chose et que vous alliez lui en parler.

Lors de notre entretien, vous vous êtes dit surpris qu’elle ne soit pas informée dans la mesure où vous aviez géré le passage de la commission de sécurité le 4 juillet 2019 alors que Madame [Z] [H] était absente ce jour-là et que vous n’aviez pas manqué de l’en informer par mail. Vous n’avez néanmoins pas été en capacité de retrouver ce mail au cours de l’entretien et vous vous êtes finalement ravisé, affirmant que vous l’en aviez informée à l’oral. Vous nous avez, enfin, indiqué que vous aviez ce point en tête et que vous souhaitiez l’aborder à nouveau avec elle, d’où votre réponse, « j’allais t’en parler ». Lorsque vous avez ajouté que vous n’aviez pas de souhait de négligence particulière sur ce point.

Une fois de plus, ce n’est que lorsque Madame [Z] [H] est venue vous chercher pour vous parler de ce sujet que celui-ci vous est subitement revenu en tête. Vous n’avez, par ailleurs, pas réalisé les demandes d’intervention nécessaires à la levée des anomalies relevées par la commission de sécurité, comme vous l’y invitait pourtant un mail envoyé par le service technique dès le 4 juillet 2019.

Nous regrettons, à nouveau, votre manque d’implication dans vos missions professionnelles ainsi que la légèreté avec laquelle vous considérez les problématiques existantes dans votre magasin d’affectation.

Vous manquez de réactivité et de prise d’initiative

Votre supérieure hiérarchique est fréquemment contrainte de vous relancer, parfois plusieurs fois, pour que vous réalisiez les tâches qu’elle vous demande d’effectuer.

C’est notamment le cas:

Pour la mise à jour des casiers avec les noms de chacun des collaborateurs de l’équipe : tâche demandée par mail le jeudi 25 juillet 2019 puis relancée trois jours plus tard le dimanche 28 juillet 2019;

Pour la réalisation d’une feuille de route demandée par mail le 15 juillet 2019 et qui devait être partagée lors de votre rencontre du 23 juillet 2019 avec votre supérieure hiérarchique, relance réalisée par mail du 2 août 2019;

Pour le retrait de deux palettes qui traînaient en réserve le 20 août 2019 et qui étaient toujours présentes 3 heures après sa demande, alors même que Madame [Z] [H] vous avait précisé qu’il ne vous appartenait pas forcément de les déplacer personnellement et que vous pouviez déléguer cette tâche.

En outre, le lundi 29 juillet 2019, constatant que vous n’aviez pas fait la demande d’enlèvement des deux balles de carton déposées sur le parking, votre responsable hiérarchique a dû vous demander de le faire par un mail du même jour. Vous avez pourtant parfaitement connaissance de la règle interne selon laquelle le dépôt d’une deuxième balle sur le parking doit déclencher immédiatement une demande d’enlèvement et vous auriez dû prendre l’initiative de faire la demande d’enlèvement de vous-même.

Vous manquez d’initiative dans la réalisation de vos tâches quotidiennes et, même lorsque la liste de vos tâches à réaliser est formalisée, vous ne les réalisez que très partiellement. À titre d’exemple, le 1er juillet dernier, votre responsable vous a listé, dans un mail, les tâches à réaliser dans la journée. Or, cette dernière s’est aperçue le lendemain que la grande majorité des tâches demandées n’avait pas été réalisée.

Sur ce point, vous avez indiqué lors de l’entretien que vous estimiez que certaines tâches, notamment la gestion des stocks, que vous réalisez pourtant au quotidien, n’étaient pas de votre responsabilité. Selon vous, c’est la réalisation de ces tâches qui vous empêche de réaliser les tâches qui vous incombent.

Les observations que vous avez formulées lors de l’entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation des faits reprochés.

En effet, l’ensemble des éléments évoqués ci-dessus ne nous permettent pas de nous assurer du fonctionnement optimal de notre magasin lorsque votre supérieure hiérarchique n’est pas présente en magasin. D’ailleurs, les faits que nous vous reprochons se produisent quasi exclusivement lorsque votre supérieure hiérarchique n’est pas présente sur le magasin, soit parce qu’elle est en congé, soit parce qu’il s’agit de l’un de ses jours de repos.

Votre comportement est d’autant plus dommageable que vous avez déjà été sanctionné par une mise à pied à titre disciplinaire d’une journée pour des faits similaires en date du 8 avril 2019.

Ainsi, malgré nos nombreux échanges, nous ne pouvons que constater que vous n’avez pas démontré de réelle envie de remédier aux problématiques et difficultés rencontrées.

Vous comprendrez qu’il nous est impossible, dans ces conditions, de poursuivre nos relations contractuelles, vos agissements étant totalement contraires à la collaboration attendue et à l’attitude exemplaire recherchée.

En conséquence, compte-tenu de l’ensemble de ce qui précède, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La première présentation de ce courrier à votre domicile marquera le début de votre préavis de deux mois que nous vous dispensons d’effectuer. L’indemnité correspondante vous sera versée à l’échéance habituelle de paie.

[‘] »

En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l’article L.1235-1 du même code impartit au juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l’employeur, de former sa conviction en regard des éléments produits par l’une et l’autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La société Courir France soutient les griefs exposés dans la lettre de licenciement. Elle reproche au salarié de violer les procédure interne et d’y inciter ses subordonnés sur la gestion du coffre, alors qu’il avait déjà été sanctionné de ce motif. Elle souligne sa dissimulation des tâches non effectuées en dépit des ordres. Elle se prévaut de ses carences en matière de sécurité des biens et des personnes, pour les tâches lui incombant. Sur la gravité, elle fait égard à ses précédents rappels à l’ordre et sanctions.

En réplique, M. [V] se prévaut de sa surcharge de travail l’empêchant de réaliser l’ensemble des tâches imparties et plaide la bonne foi. Il nie l’urgence de celles dont la non réalisation lui est, in fine, reprochée et que ne régissaient pas toujours de directives internes. Il conclut au manque de sérieux de son congédiement.

Sur le contrôle du coffre

Il est constant que les bons d’achat ne furent pas comptés le 4 juillet 2019 en dépit des mentions contraires contresignées par M. [V] et l’un des vendeurs experts, M. [D] qui atteste au reste ne pas avoir contrôlé le coffre, sans détail, et l’échange de SMS entre des personnes sans possible contrôle de leur identité ne saurait pas l’infirmer. N’étant pas contesté que cela fut omis en violation des procédures internes et de l’obligation conventionnelle de l’intéressé d’avoir à s’assurer du respect des procédures flux financiers et monétaires, il commit indubitablement une faute, que ne peut pas excuser la circonstance d’avoir trop de travail, s’agissant d’un faux.

Sur le non-envoi hebdomadaire des justificatifs de caisse et des bons d’achat en l’absence du directeur

La directrice qui partait en congé du 10 au 20 août 2019 avait laissé à l’intéressé une feuille contenant les modus operandi de tâches précises dont la nécessité d’envoyer par la poste au siège les justificatifs de la caisse et des bons d’achat. Il est constant que M. [V] n’y procéda pas, alors que la procédure interne prévoit un envoi hebdomadaire, sans en aviser précisément quiconque, la seule circonstance qu’il ait listé et adressé les tâches faites chaque jour, qu’il met en avant, ne suggérant pas que l’on doive comprendre, en creux, le défaut de réalisation de toutes autres. Cela étant, il n’est pas établi qu’il ait souhaité dissimuler cet état, qui fut réglé par mail de la directrice du 21 août au service de caisse.

Sur l’alarme

Il est constant que M. [V] omit de mettre en marche l’alarme de la réserve, le 18 août 2019, alors qu’elle devait l’être à son arrivée dans le magasin dont il assurait l’ouverture ce jour. Cependant, il nie son bon fonctionnement, la rendant inopérante, que révèlent les échanges entre les parties intéressées durant tout l’été en dépit du mail de la directrice le 30 juillet précédent la disant fonctionnelle après l’intervention de l’opérateur. Cela étant, il ne peut lui être imputé à faute de n’avoir pas fait fonctionner ce qui ne marche pas.

Sur la prise électrique

Il est constant qu’une prise était démise du mur dans le magasin, près du rayon enfant, au su de l’intéressé. M. [V] étant responsable de la sécurité du magasin selon son contrat, la situation de déshérence ainsi décrite lui est nécessairement imputable. S’il observe que sa supérieure était informée des correspondances de la commission de sécurité, il n’établit pas, par la production des mails des 4 à 9 juillet 2019, le contenu de ces correspondances, et qu’elles auraient porté sur ce point. Cette même responsabilité contenait, contrairement à ce qu’il prétend, sa préoccupation de la levée des éventuelles réserves de cette commission, en demandant les interventions pour remédier aux anomalies constatées. Sa passivité est ainsi fautive.

Sur la mise à jour des noms sur les casiers

M. [V] ne dément pas n’avoir pas procédé à cette mise à jour, qui lui était demandée le 25 juillet 2019, sans qu’au reste, aucune pièce ne soit versée sous cet aspect, qui permette d’en comprendre l’intérêt. Ce grief n’est pas sérieux.

Sur l’établissement d’une feuille de route

L’employeur justifie de la demande de la directrice d’une feuille de route le 15 juillet pour le 23 juillet, apparemment dans la prévision de son absence, suivie d’une relance le 2 août suivant, sans qu’en en connaisse l’aboutissement. Ce grief n’est pas sérieux.

Sur le retrait de deux palettes

Aucune pièce n’est versée à ce sujet, étant précisé que M. [V] n’admet pas avoir été avisé d’une quelconque urgence pour le débarras de ces palettes, et ajouté que les pièces, en général, laissent voir qu’il n’y en avait de nombreuses dans le magasin, des employés étant spécialement occupés à les gérer. Ce grief n’est pas sérieux, puisque le salarié doit, à son niveau de fonction, établir, comme il le relève, la priorité de chaque chose ordonnée.

Sur le retrait de deux balles de carton

S’il est avéré que la directrice demandait l’enlèvement de balles de carton le 29 juillet au matin, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que cette demande dût émaner de M. [V] ou qu’il était urgent d’y procéder. Ce grief n’est pas sérieux, vu la multiplicité des tâches à accomplir chaque jour, dont témoignent, comme le salarié l’observe, les bilans et directives journaliers.

Il ne saurait donc pas être imputé à l’intéressé, dans l’ensemble, son manque de spontanéité ou de réactivité, dans le contexte de nombreuses directives d’usage, encadrant son activité quotidienne.

Cela étant, il reste que les manquements reprochés à l’intéressé, avérés, sont sérieux sur le contrôle du coffre et sur la sécurité, alors qu’il avait déjà été sanctionné pour ses négligences dans la tenue de la caisse et plus généralement pour ne pas suivre les procédures internes qu’il lui appartient, à son niveau, de respecter et faire respecter. Dès lors, il convient de considérer que le licenciement a été prononcé d’un motif réel et sérieux, et est suffisamment fondé. Le jugement sera réformé dans son expression contraire, au motif erroné que la société n’aurait pas subi de préjudice en relation, tant dans le principe que s’agissant des conséquences financières subséquentes.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail, M. [V] reproche à l’employeur de ne lui avoir pas attribué le statut de son emploi, de lui faire grief sans l’avoir avisé, et, lui faisant subir une pression constante, de faire doléances de tâches ne lui incombant qu’en l’absence du directeur.

La société Courir France souligne que la demande n’est pas étayée, a fortiori sur le dommage.

L’article L.1222-1 du code du travail dit que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

Cela étant, c’est à tort que M. [V] considère avoir reçu reproches de tâches qui ne lui incombaient pas du moment qu’il lui était imparti de prendre le relais de toutes les tâches du directeur, sans égard pour son absence, ainsi qu’en témoigne le mail du 2 mars 2019 de la coordonnatrice.

S’il fait valoir des évaluations contraires aux constats portés par la lettre de licenciement, celles versées aux débats de 2017 et 2018 ne concernent pas ses nouvelles fonctions auxquelles il était nommé le 11 juin 2018, mais celles, précédentes, d’animateur des ventes, et la réserve était faite chaque fois sur sa gestion administrative, notamment pour le suivi de caisse, et le respect des procédures, pour lesquelles une amélioration était attendue. De même, le mail le félicitant de sa « nette progression » sur le traitement des dysfonctionnements du magasin le 16 octobre 2018, de la coordinatrice chargée du contrôle, ne dit rien de plus que son objet, et le renvoie nécessairement à de précédentes insuffisances.

Par ailleurs, il ne peut être reproché à l’employeur comme déloyaux ni le souhait le 27 janvier 2019 de la coordinatrice de voir licencier l’intéressé après la remise exceptionnelle faite à l’un de ses amis, contre la consigne donnée de lutter contre la démarque inconnue qui s’entend des abus, et qui donna lieu, parmi d’autres reproches, à sa mise à pied, ni le supposé complot ourdi par son concurrent sur le poste, resté animateur des ventes, puisque les griefs ayant donné lieu à sanction sont dans l’essentiel reconnus, ni la circonstance que ses supérieures, devant un tiers, le 21 août 2019, ait exprimé le mal qu’elles pensaient de son travail, du moment que leur relation était de longue date émaillée d’incidents, et qu’il n’était pas acquis, de toute manière, qu’elle ne puisse pas le devenir au gré des événements.

Par ailleurs, il ne lui est pas reproché ses compétences commerciales ou humaines, dont il se prévaut, et dont plusieurs attestent.

En revanche, dans la mesure où c’est à faute que sa qualité de cadre ne lui fut pas reconnue, et qu’il resta ainsi, dans ses relations avec la directrice ou ses subordonnés, dans un entre-deux flou le desservant, il a nécessairement subi un dommage, qui sera indemnisé par l’allocation de 3.000 euros de dommages-intérêts.

Le jugement sera réformé dans son expression contraire.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu le statut cadre à M. [M] [V] dès le 11 juin 2018, a ordonné à la société par actions simplifiée Courir France de régulariser des cotisations employeur afférentes, et a rejeté la demande d’annulation de la mise à pied ordonnée le 6 avril 2019 ainsi que les prétentions subséquentes ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés ;

Dit le licenciement bien fondé ;

Rejette les demandes indemnitaires et salariales de M. [M] [V] afférentes au mal-fondé de son licenciement ;

Condamne la société par actions simplifiée Courir France à payer à M. [M] [V] 3.000 euros de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que les frais d’exécution sont régis par des textes ad hoc ;

Condamne la société par actions simplifiée Courir France aux dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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