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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 15 JUIN 2023
(n° 2023/ , 10 pages )
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04864 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYYI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F18/06061
APPELANTE
S.A. LA POSTE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre BARBOTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083
INTIME
Monsieur [T] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le 15 Mai 1963 à [Localité 3] (Côte d’Ivoire)
Représenté par Me Evelyn BLEDNIAK, avocat au barreau de PARIS, toque : K0093
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le jeudi 9 mars 2023 à 9h00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée à effet au 22 avril 1997, M. [T] [I] a été embauché par la société La Poste en qualité d’hôte d’accueil. Il a ensuite occupé un emploi d’agent de cabine puis de guichetier et enfin, depuis le 1er mars 2016, de chargé de clientèle. En dernier lieu, il percevait une rémunération conduisant à une moyenne mensuelle brute de 1 811,60 euros sur laquelle les parties s’accordent.
M. [I] a fait l’objet de plusieurs sanctions : un blâme par courrier notifié le 28 juillet 2015 pour non-respect du délai de prévenance applicable en matière de retard et d’absence, une mise à pied disciplinaire notifiée le 11 février 2016 d’une durée d’un mois pour absence injustifiée et retards répétés’; le 6 septembre 2016 un blâme pour plusieurs retards, le 27 mars 2017 une mise à pied d’une durée de trois mois pour absence injustifiée et production tardive des justificatifs d’absence.
Une visite de reprise a eu lieu le 19 septembre 2017 suite à un accident du travail donnant lieu à un avis d’aptitude, le médecin du travail indiquant «’tout problème de comportement est un problème disciplinaire. M. [I] est responsable de ses actes et de sa santé.’».
Par courrier recommandé du 16 octobre 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 octobre 2017.
Il a présenté des arrêts maladie à compter du 20 octobre 2017 pour maladie ne relevant pas du régime des risques professionnels, prolongés jusqu’au 1er mars 2018.
La société La Poste lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier recommandé du 4 janvier 2018.
La société La Poste emploie au moins 11 salariés et applique la convention collective La Poste France Telecom.
Contestant la validité et le bien-fondé de son licenciement M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 3 août 2018 afin d’obtenir, à titre principal, la nullité du licenciement pour discrimination en raison de son état de santé, sa réintégration au sein de la société La Poste et subsidiairement des indemnités de rupture au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Par jugement du 5 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud’hommes de Paris, section commerce statuant en formation de départage, a :
– annulé la mise à pied du 27 mars 2017 ainsi que le licenciement notifié le 4 janvier 2018,
– ordonné la réintégration de M. [I] au sein de La Poste à son poste ou un poste équivalent,
– condamné la société La Poste à lui payer les sommes de :
* 5 434,80 euros à titre de rappel de salaires durant la mise à pied,
* 543,48 euros à titre de solde de congés payés,
* 68’840,80 euros au titre de salaires jusqu’à la réintégration,
– ordonné la remise par l’employeur des documents sociaux conformes à la décision,
– ordonné l’exécution provisoire,
– condamné la société La Poste au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [I] du surplus de ses demandes
– débouté la société La Poste de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
La société La Poste a régulièrement relevé appel du jugement le 31 mai 2021.
M. [I] a été réintégré par la société La Poste le 29 octobre 2021 et licencié pour faute grave le 22 mars 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelant n° 3, notifiées par voie électronique le 14 février 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société La Poste prie la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a annulé la mise à pied et le licenciement, ordonné la réintégration de M. [I] au sein de l’entreprise, des chefs de condamnations prononcées à son encontre et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
Statuant à nouveau,
– débouter M. [I] de toutes ses demandes,
– le condamner à lui rembourser les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire pour un montant total de 76’209,51 euros net,
– condamner M. [I] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux dépens,
A titre subsidiaire dans l’hypothèse d’une confirmation de la réintégration’:
– condamner M. [I] à lui rembourser les sommes de’:
* 5 973,02 euros au titre de l’indemnité de préavis indûment perçue outre 597,30 euros au titre des congés payés afférents,
* 18’068,17 euros au titre de l’indemnité de licenciement indûment perçue,
– juger irrecevable la demande de rappel de congés payés formée tardivement par M. [I] dans ses dernières conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimé notifiées par voie électronique le 25 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M. [I] prie la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire ainsi que le licenciement et ordonné sa réintégration, ainsi que sur le quantum des condamnations prononcées à l’encontre de la société La Poste,
– débouter la société La Poste de toutes ses demandes,
– réformer le jugement des autres chefs,
– condamner la société La Poste à lui payer les sommes de :
* 10’869,60 euros de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire des relations de travail,
* 76’087,20 euros pour la période allant de la fin de la période de préavis jusqu’à sa réintégration effective en date du 29 octobre 2021 outre 7 608,72 euros au titre des congés payés afférents,
A titre subsidiaire, si la cour fait droit à la demande d’infirmation du jugement,
– condamner la société La Poste à lui payer la somme de 43’478,40 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2023.
MOTIVATION’:
M. [I] soutient que les sanctions dont il a été fait l’objet sont discriminatoires en raison de son état de santé et en demande l’annulation.
La société La Poste conclut au débouté.
La cour rappelle que toute mesure discriminatoire en raison de l’état de santé d’un salarié est interdite par l’article L. 1132-1 du code du travail et qu’en cas de litige, conformément à l’article L. 1134-1 du code du travail, il appartient au salarié concerné de présenter les éléments de fait laissant selon lui supposer une discrimination et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire’:
La mise à pied disciplinaire du 27 mars 2017 est motivée dans les termes suivants :
« Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes professionnelles dans le cadre de vos fonctions de chargé de clientèle que vous exercez sur le secteur de [Localité 4] depuis le 1er février 2005. En effet, le lundi 16 janvier 2017 et le mardi 17 janvier 2017, vous ne vous êtes pas présenté à votre travail et n’avez pas prévenu votre hiérarchie de votre absence.
Le mercredi 18 janvier 2017, vous n’avez pas répondu aux appels de vos responsables, de CIS assistance et de l’assistante sociale qui ont tenté de vous joindre par téléphone à de très nombreuses reprises. Par la suite dans la matinée, vos directrice de secteur (DS) et responsable exploitation (RE) se sont déplacés à votre domicile. Vous n’avez pas répondu à leurs demandes ni à celle de la gardienne qu’elles ont sollicitée en renfort. Après leur retour au bureau en fin de matinée, une intervention des pompiers à votre domicile a été demandée en concertation avec la directrice de territoire, votre directrice de secteur et les directions de la sûreté et des ressources humaines. Vous avez autorisé les pompiers, lorsqu’ils se sont manifestés sur place, à pénétrer dans votre appartement, et avez répondu à l’appel de votre responsable espace commercial (REC) qui vous contactait d’un poste fixe en numéro masqué.
Ces faits se sont produits après de précédents rappels de votre hiérarchie concernant la nécessité de prévenir de vos absences retard lors de vos défections en novembre 2016. Ainsi, le jeudi 17 novembre 2016, alors que votre prise de service était prévue à 8h40, vous aviez informé votre responsable exploitation vers 9 heures que vous étiez malade et alliez chez votre médecin. À 18h37 ce même jour, vous lui avez adressé à SMS disant « je sors de l’hôpital à demain bonsoir » le lendemain, vendredi 18 novembre 2016, à 7h37, vous lui aviez de nouveaux envoyé un SMS disant « Désolé je ne vais pas bien à demain » pourtant le samedi 19 novembre 2016, votre responsable exploitation en raison d’un nouveau retard, a dû vous contacter par téléphone vers neuf heures et laisser un message sur répondeur. Vous vous étiez finalement manifesté ce même jour, par SMS, à 17h35 puis 18 heures 07 alors que le bureau fermé ce jour-là à 13 heures ce n’est que le lundi 21 novembre 2016 que vous aviez transmis le justificatif d’absence pour la journée du 17 novembre 2016, dans le même courrier que les deux certificats médicaux des 18 et 19 novembre 2016.
La production tardive de vos arrêts maladie, notamment le certificat médical établi le jeudi 17 novembre, attestent de votre non-respect des règles et délais de prévenance de vos absences en récidive ».
M. [I] soutient que la sanction doit être annulée car les faits qui lui sont reprochés sont en rapport avec son état de santé de sorte que la sanction est discriminatoire. Il fait valoir que l’employeur connaissait de longue date ses problèmes de santé puisqu’il avait organisé son suivi par une assistante sociale ainsi que par une psychologue de CIS assistance, organisme mandaté par l’employeur pour intervenir dans ses locaux en vue d’offrir un soutien psychologique et/ou managérial des personnes en situation de crise et/ou victimes de traumatismes dans un contexte professionnel.
La société La Poste soutient que la sanction est sans lien avec l’état de santé de M. [I] et que les problèmes comportementaux de celui-ci relèvent de sa seule responsabilité et sont régulièrement sanctionnables sur le plan du droit du travail ainsi que l’a constaté le médecin du travail en mars et septembre 2017. L’employeur verse aux débats un rapport soumis à l’examen du conseil local de discipline contenant la proposition de la directrice régionale du réseau La Poste [Localité 6] de mise à pied de trois mois, le rapport du rapporteur concluant également au caractère justifié de la sanction et le compte rendu de la commission consultative paritaire du 13 mars 2017 dont il ressort que les faits sont reconnus par M. [I], qu’il était dans le déni mais ne l’est plus, qu’il ne prend plus d’alcool depuis le mois de janvier 2017 et que les collègues de M. [I] sont «’au bout du rouleau’» d’après les représentants du personnel qui proposent une mise à pied de deux mois et non 3, ainsi que le rapport de défense de M. [I] qui reconnaît les faits et admet qu’ils sont la conséquence d’une addiction à l’alcool dans un contexte familial de séparation et d’isolement.
M. [I] présente les éléments de faits suivants’:
– il a souffert d’une pathologie psychiatrique à l’origine de ses troubles de comportement constatés pendant la relation de travail, versant aux débats le courrier de son psychiatre adressé au médecin du travail le 25 janvier 2018 faisant état de ce qu’il «’souffre de troubles délirants persécutifs hallucinatoires, ayant longtemps évolué sans soins adéquats’»,
– La Poste connaissait de longue date son état de santé, ayant organisé son suivi par une assistante sociale, ainsi que par une psychologue de CIS Assistance, un organisme mandaté par elle pour intervenir dans ses locaux pour offrir aux organismes juridiques «’un soutien psychologique et/ou managérial des personnes en situation de crise et/ou victimes de traumatismes dans un contexte professionnel.’» ainsi que cela résulte du site internet de cet organisme dont il communique un extrait. M. [I] verse aux débats un SMS reçu par lui le 10 octobre 2017 lui envoyant des adresses de psychiatres, le courrier du Dr [Z], son médecin psychiatre au médecin du travail en date du 25 janvier 2018 prouvant les échanges pour organiser sa reprise et le courrier du médecin du travail au Dr [Z] en date du 30 janvier 2018 aux termes duquel il indique avoir informé la direction de ce que M. [I] bénéficiait à nouveau d’une prise en charge médicale dont il était à espérer une amélioration des troubles comportementaux’».
Ces éléments ne laissent pas supposer une discrimination en raison de l’état de santé de M. [I] dès lors qu’ils sont tous postérieurs aux faits et à la sanction dont le caractère discriminatoire est allégué et qu’aucun élément n’est produit de nature à démontrer l’existence d’une pathologie à l’origine des retards et absences injustifiés du salarié.
La demande d’annulation de la sanction pour motif discriminatoire est donc rejetée. Le jugement est infirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de la sanction disciplinaire et condamné la société La Poste à verser la somme de 5 434,80 euros à titre de rappel sur mises à pied outre 543,48 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d’annulation du licenciement’:
La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :
« […] Le 19 août 2017, vous êtes arrivé sur votre lieu de travail à 9h30 alors que votre prise de service était à 8h10. Vous n’avez pas informé votre service de ce retard.
Le 22 septembre 2017, vous êtes arrivé avec un retard de deux heures à votre prise de service. Par conséquent le guichet financier a dû être fermé à la clientèle.
Or, je déplore qu’il ne s’agisse pas là de cas isolés car vous avez déjà été sanctionnés pour des faits similaires à plusieurs reprises.
En effet, je constate que vous persistez dans vos agissements malgré les sanctions successives prise à votre encontre. Ainsi un blâme vous a été notifié le 28 juillet 2015, une mise à pied pour une durée d’un mois le 15 février 2016,1 blâme le 7 septembre 2016 et une mise à pied pour une durée de trois mois le 18 avril 2017.
De plus, le 19 août 2017, alors que vous vous trouviez au guichet financier, vous aviez un comportement inadapté aux services : vous aviez du mal à compter les billets lorsque vous procédiez au rendu de monnaie avec les clients. Or ce n’est pas la première fois que cela se produit. Vous avez eu également un comportement inadapté le 25 juillet 2017 : alors que vous étiez au guichet, vous aviez du mal à faire votre travail et vous donniez des propos incohérents avec nos clients.
De même, plusieurs membres du bureau de Poste ont témoigné du comportement inadapté que vous avez eu à plusieurs reprises en service. Par ailleurs, vos managers doivent sans cesse adapter et ajuster au quotidien le planning de service par crainte d’un nouveau retard ou d’une absence injustifiée de votre part.
D’autre part, le 3 octobre 2017 alors que vous étiez en congés depuis plusieurs jours, un collègue a attesté que vous l’aviez sollicité par téléphone à plusieurs reprises vers 7h30 alors qu’il était sur son trajet pour se rendre au travail. Une heure plus tard, vous avez rappelé ce collègue en tenant des propos invraisemblables. Vous lui avez alors déclaré que votre collègue refusait de vous ouvrir la porte du bureau de poste, ce qui est totalement faux puisque ce collègue à qui vous teniez ces propos était présent au bureau avec la comptable. Puis à nouveau vers 12 heures, toujours par téléphone vous avez tenu des propos incohérents à ce même collègue en expliquant à ce dernier qu’il se trouvait derrière vous et voulait vous poignarder, ce qui était impossible car ce collègue était en réunion avec ses supérieurs hiérarchiques. Dans la même journée, vous avez multiplié les appels téléphoniques auprès de votre responsable de l’espace commercial, votre directrice de secteur et d’autres collègues en tenant des propos incohérents. Enfin le 19 octobre 2017, vous avez adressé à votre directrice de secteur, depuis le bureau de [Localité 5], un courrier recommandé avec accusé de réception avec un affranchissement à zéro, ce qui est strictement interdit par le règlement intérieur que vous avez pourtant émargé le 5 décembre 2016.
En conséquence, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute. [‘] »
M. [I] est donc licencié en raison de la persistance de ses retards, d’un comportement inadapté avec les clients en juillet et août 2017, du fait que ses collègues doivent sans cesse s’adapter à ses absences et retards, en raison des multiples appels téléphoniques et propos incohérents qu’il a tenus à un collègue le 3 octobre 2017 et parce qu’il a adressé à la directrice de secteur un courrier avec un affranchissement à zéro, ce qui est interdit par le règlement intérieur.
M. [I] soutient comme précédemment que’:
– il a souffert d’une pathologie psychiatrique à l’origine directe des troubles de son comportement constatés pendant la relation de travail et notamment des actes sanctionnés par des blâmes, mises à pied et son licenciement que son médecin psychiatre a écrit au médecin du travail le 25 janvier 2018 pour lui préciser qu’il souffre de troubles délirants persécutifs hallucinatoires ayant longtemps évolué sans soins adéquats et qui s’avéraient très sensibles au traitement neuroleptique,
– La Poste connaissait de longue date son état de santé et avait organisé son suivi par une assistante sociale et la psychologue de CIS assistance, que le médecin psychiatre avait échangé avec le médecin du travail pour organiser sa reprise de travail dans l’entreprise de sorte que l’employeur qui était ainsi informé de l’existence de cette pathologie et des conséquences qu’elle pouvait avoir sur son comportement ne pouvait le licencier sans avoir fait préalablement constater son inaptitude par le médecin du travail.
– si le médecin du travail l’a reconnu apte le 19 septembre 2017, la situation a évolué par la suite de sorte que l’exécution de bonne foi de ses obligations par La Poste aurait nécessité qu’elle attende un nouvel avis du médecin du travail avant de se prononcer sur le sort du contrat de travail alors que son aptitude n’était pas définitive. Il soutient enfin que la précipitation de l’employeur démontre la discrimination alléguée.
Il appartient au salarié qui se prétend victime d’une discrimination d’établir la matérialité de faits laissant supposer une discrimination et à l’employeur de prouver que les faits sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.
La cour relève comme précédemment avec l’employeur que les échanges entre le médecin du travail et le psychiatre de M. [I] ont eu lieu les 25 et 30 janvier 2018, postérieurement au licenciement de sorte que M. [I] ne peut valablement s’en prévaloir pour soutenir que l’employeur savait que sa pathologie psychiatrique était la cause de ses troubles du comportement. Cependant, lors d’un échange de mails qui s’est tenu le 2 novembre 2017 et le 15 novembre 2017 entre le médecin du travail et l’employeur, celui-ci en la personne de Mme [P], DRH direction régionale [Localité 6], a rapporté au médecin du travail les nouveaux faits du 3 octobre 2017 et le retour qui lui a été fait par la psychologue de CIS Assistance faisant état de «’idées délirantes à caractère paranoïaque» et de ce qu’elle avait encouragé M. [I] à consulter un psychiatre. Par ailleurs la relation des faits dans la lettre de licenciement, avec l’utilisation des termes ‘incohérents’ ‘invraisemblables’ corroborée par les attestations des interlocuteurs de M. [I] fait ressortir une altération de son état de santé amenant nécessairement à s’interroger sur celui-ci. L’employeur l’a d’ailleurs bien ressenti puiqu’il a interrogé le médecin du travail sur la situation de M. [I] par mail du 2 novembre comme il a été indiqué. Par ailleurs, le procès-verbal de la réunion de la commission administrative qui s’est tenue le 13 décembre 2017, fait ressortir qu’un représentant de la Poste a indiqué qu’il ‘souffre de délires paranoïaques’. Enfin, la cour relève que lorsque le médecin du travail a indiqué qu’il n’avait pas d’éléments nouveaux et qu’il maintenait son avis précédent, aucun élément n’est communiqué sur les démarches entreprises par lui pour aboutir à cette position alors que le salarié était toujours en arrêt de travail depuis le 20 octobre 2017 à la suite de son rendez vous avec le psychiatre ainsi que cela ressort du mail de Mme [P] au médecin du travail le 2 novembre 2017.
La cour considère que l’ensemble de ces éléments est suffisant pour établir que M. [I] présentait au moment des faits, des troubles du comportement pouvant être à l’origine des faits commis dont la matérialité n’est pas contestée, que l’employeur connaissait l’existence d’un suivi du salarié auprès d’un psychiatre lorsqu’il a prononcé le licenciement, de sorte que nonobstant l’avis succinct et ne correspondant pas à une visite périodique au sens de l’article R. 4624-32 du code du travail, émis par le médecin du travail et alors que M. [I] était toujours en arrêt maladie, le licenciement est en rapport avec l’état de santé du salarié et doit donc être annulé. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la nullité du licenciement :
Le jugement est confirmé en ce qu’il a ordonné la réintégration du salarié dans l’entreprise.
Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration dans l’entreprise a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licncieent et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.
Sur la demande de rappel de salaire jusqu’à la réintégration et indemnité de congés payés afférents :
Cette demande s’analyse en fait comme une demande de paiement de l’indemnité d’éviction due au salarié en cas de réintégration après nullité du licenciement.
M. [I] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 76 087,20 euros à titre de rappel de salaire outre une somme de 7 608,72 euros au titre des congés payés afférents.
La société La Poste s’oppose à la demande à titre principal mais la cour a annulé le licenciement de sorte que l’indemnité est due et conclut à l’irrecevabilité de la demande présentée au titre de l’indemnité de congés payés comme ayant été formée tardivement après les premières conclusions d’appel en violation de l’article 909 du code de procédure civile.
M. [I] est resté taisant sur l’irrecevabilité soulevée.
Sur l’irrecevabilité de la demande présentée au titre des congés payés afférents au rappel de salaire :
L’article 910-4 du code de procédure civile dispose que ‘ A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
Il est constant que comme le soutient la société La Poste, M. [I] n’a pas sollicité la condamnation de l’employeur dans ses premières conclusions au fond notifiées le 20 novembre 2020 au titre de l’indemnité de congés payés afférent à sa demande de rappel de salaire pendant la période d’éviction. Sa demande est donc irrecevable an application de l’article 910-4 du code de procédure civile.
Sur le rappel de salaire :
Il est constant que M. [I] a été réintégré dans les effectifs de l’entreprise le 29 octobre 2021, la cour fait donc droit à la demande de rappel de salaire présentée pour la période courant de la fin du préavis au jour de la réintégration dont l’évaluation basée sur un salaire mensuel brut de 1 811,60 euros n’est pas critiquée par l’employeur. La cour condamne en conséquence la société la Poste à verser à M. [I] la somme réclamée de 76 097,20 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de la fin du préavis au 29 octobre 2021.
Sur les dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire :
M. [I] sollicite l’infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande à ce titre et la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 10 689,60 euros en faisant valoir qu’il lui a été demandé de ne plus se présenter au travail malgré l’absence de faute grave, que son contrat de travail a été rompu avant son rétablissement après plus de 20 années d’ancienneté, et l’employeur a mentionné ‘faute sérieuse’ sur l’attestation pour pôle emploi ce dont il aurait pu se dispenser.
La cour considérant que les allégations du salarié ne caractérisent pas un comportement fautif de l’employeur de sorte que le licenciement prononcé plusieurs mois après la tenue de l’entretien préalable n’a pas de caractère brutal et vexatoire. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [I] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur les demandes reonventionnelles de la société la Poste :
Sur la demande de remboursement des sommes versées à titre d’indemnité compensatrice de préavis :
La société La Poste sollicite la condamnation de M. [I] à lui rembourser la somme de 5 973,02 euros outre 597,30 euros au titre des congés payés afférents qu’elle lui a versée au titre de l’indemnité de préavis en faisant valoir que du fait de la nullité du licenciement, le salarié qui demande sa réintégration ne peut prétendre aux indemnités de rupture.
M. [I] est resté taisant sur cette demande tout en sollicitant que la société La Poste soit déboutée de l’ensemble de ces demandes.
Il ressort des bulletins de salaire de janvier à avril 2018 dont les mentions ne sont pas contestées par M. [I] qu’il a perçu une somme totale de 5 973,02 euros à titre d’indemnité de préavis
Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration ne peut prétendre au paiement d’indemnités de rupture ; il en résulte que des indemnités versées à ce titre doivent être déduites du montant d’indemnités de préavis et de licenciement versées à l’occasion du licenciement.
Il est par conséquent fait droit à la demande à hauteur de la somme réclamée de 5 973,02 euros outre 597,30 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l’indemnité de licenciement :
Pour les mêmes motifs, l’employeur qui justifie en produisant le bulletin de salaire du mois d’avril 2018 dont les mentions ne sont pas critiquées par le salarié lui avoir versé la somme de 18 068,17 euros au titre de l’indemnité de licenciement, est fondé en sa demande de remboursement dès lors que le salarié a sollicité sa réintégration dans l’entreprise.
Sur le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire :
Par ailleurs, la demande de condamnation de M. [I] au remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire est sans objet dès lors que le présent arrêt, infirmatif en ce qui concerne le rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire et les congés payés afférents, constitue le titre exécutoire ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement de ce chef.
Sur les autres demandes :
La société la Poste, partie perdante, est condamnée aux dépens. Le jugement est confirmé en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [I] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la propre demande présentée sur ce même fondement par la société La Poste au titre des frais exposés par elle devant la cour est rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a prononcé l’annulation du licenciement, ordonné la réintégration de M. [T] [I], débouté M. [T] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire et du chef de la condamnation de la société La Poste sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable comme tardive la demande présentée par M. [T] [I] au titre des congés payés afférents à sa demande de rappel de salaire pendant la période d’éviction,
CONDAMNE la société La Poste à payer à M. [T] [I] une somme de76 087, 20 euros à titre d’indemnité d’éviction,
CONDAMNE M. [T] [I] à verser à la société La Poste les sommes de :
– 5 973, 02 euros au titre de l’indemnité de préavis indûment perçue et 597,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 18 068,17 euros au titre de l’indemnité de licenciement, indûment perçue,
DÉBOUTE M. [I] de sa demande de paiement d’un rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire outre les congés payés afférents,
DÉCLARE sans objet la demande de condamnation présentée par la société la Poste de remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société La Poste,
CONDAMNE M [T] [I] aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE