Mise à pied disciplinaire : 13 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01209

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Mise à pied disciplinaire : 13 juin 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01209
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01209 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H7VU

EM/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

09 mars 2021

RG :F 19/00499

[R]

C/

Association CROIX ROUGE FRANCAISE IS EHPAD [7]

Grosse délivrée le 13 JUIN 2023 à :

– Me DUBOURD

– Me GAL

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 09 Mars 2021, N°F 19/00499

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Delphine OLLMANN, Greffier, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [M] [R]

née le 04 Décembre 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe DUBOURD, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Association CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Suzanne GAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Février 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme [M] [R] a été engagée par l’EHPAD [6] à compter du 14 mars 2002 suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel mensualisé, en qualité d’infirmière diplômée d’Etat (IDE).

Par courrier du 09 juillet 2019, Mme [M] [R] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 24 juillet 2019.

Par lettre du 29 juillet 2019, Mme [M] [R] a démissionné de ses fonctions.

Le 02 août 2019, l’EHPAD [6] a notifié à Mme [M] [R] une mise à pied disciplinaire d’une journée.

Par requête du 06 septembre 2019, Mme [M] [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins d’obtenir l’annulation de sa mise à pied disciplinaire et le rappel de salaire afférent. Suivant conclusions communiquées le 05 mai 2020, la salariée a formulé des demandes additionnelles tendant à la requalification de sa démission en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Suivant jugement du 09 mars 2021, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– fait droit à l’exception soulevée in limine litis et dit que les demandes additionnelles formées par Mme [M] [R] ne sont pas recevables en application de l’article 70 du code de procédure civile,

– dit que les faits reprochés à Mme [M] [R] ne sont pas fautifs,

– condamné l’association ‘La Croix Rouge Française’ venant aux droits de l’EHPAD ‘[6] à verser à Mme [M] [R] :

* 150 euros à titre de rappel de salaire,

* 150 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté La Croix Rouge Française de sa demande reconventionnelle,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires est de 2 400 euros,

– mis les dépens à la charge du défendeur.

Par acte du 25 mars 2021, Mme [M] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 14 février 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 01 mars 2023 puis déplacée à l’audience du 21 mars 2023 à laquelle elle a été retenue.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 mai 2021, Mme [M] [R] demande à la cour de :

– la recevant en son appel

– le dire juste et bien fondé,

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit et jugé que les demandes additionnelles qu’elle a formulées ne sont pas recevables en application de l’article 70 du code de procédure civile,

* dit et jugé qu’il n’examinerait pas ses demandes additionnelles portant sur la rupture de son contrat de travail,

– confirmer le jugement pour le reste,

Statuant à nouveau,

– dire et juger que sa demande additionnelle est recevable car elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant,

Sur la mise à pied disciplinaire du 02/08/2019 :

– confirmer le jugement en ce qu’il a annulé la sanction disciplinaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’EHPAD « [6] » à lui verser :

* 150 euros à titre de rappel de salaire,

* 150 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Sur la rupture :

– dire et juger que sa démission du 29 juillet 2017 est équivoque et la requalifier en prise d’acte,

– dire et juger que la gravité du différend contemporain à la prise d’acte avec la direction ne permettait pas la poursuite du contrat de son contrat de travail,

– dire et juger que sa prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– condamner l’EHPAD « [6] » à lui verser :

* 13 182 euros d’indemnité de licenciement,

* 4 933 euros à titre de préavis et congés payés y afférents,

* 39 172 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

– condamner l’EHPAD « [6] » aux entiers dépens et à la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– l’employeur l’a sanctionnée par une mise à pied disciplinaire sans avoir pris en compte l’urgence de la situation à l’origine de cette sanction, l’infirmière avec laquelle elle intervenait en binôme ayant dû procéder le 20 juin 2019 à un acte réalisé habituellement par un médecin, en l’absence du médecin coordonnateur ; si elle s’était opposée à ce sondage, cela aurait compromis la santé du patient concerné ; elle a par ailleurs été sanctionnée pour un fait qui ne lui est pas imputable et pour avoir priviligié l’intérêt du patient dans une situation d’extrême urgence ; elle considère que la faute n’est pas caractérisée et ce d’autant plus que sa responsable hiérarchique qui avait été informée de la situation n’y avait pas porté davantage attention ; concernent l’oubli de la distribution de médicaments concernant un autre patient, son attention n’avait pas été attirée sur ce traitement ; compte tenu de son ancienneté , de son dossier disciplinaire vide et de son professionnalisme exemplaire, la sanction paraît disproportionnée et a été à l’origine d’un préjudice moral,

– elle entend limiter son appel en ce que le jugement a déclaré irrecevables ses demandes additionnelles ; la volonté de rompre le contrat de travail suite à une sanction disciplinaire est démontrée et justifie le ‘lien suffisant’ avec ses demandes initiales ; le conseil de prud’hommes n’a pas recherché si ses demandes s’y rattachaient par un lien suffisant ; lors de sa démission, il existait un différend avec la direction au sujet des conditions de travail et de l’ambiance au sein de l’établissement ; seules les infirmières à temps plein étaient écoutées ; face au comportement de la direction et à certaines de ses collègues à temps plein qui visaient à dénigrer constamment son travail, son état de santé s’était dégradé à tel point qu’elle a été placée en arrêt de travail juste avant de démissionner ; sa hiérarchie est restée passive manquant ainsi à son obligation de sécurité ; la poursuite de son contrat de travail n’était plus envisageable en raison du comportement insultant de son employeur et de la pression permanente qu’elle subissait ; poursuivre était donc contraire à son éthique et la mettait en danger pour sa santé et pour sa réputation ; il lui a fallu plusieurs mois pour oser parler de cette situation, ce qui ne remet pas en cause le caractère équivoque de sa démission,

– sa démission doit donc être requalifiée de prise d’acte aux torts de son employeur et elle est en droit de solliciter une indemnité de licenciement prévue par la convention collective applicable, une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts dont le montant doit être supérieur à celui prévu par le barème Macron.

En l’état de ses dernières écritures en date du 03 mars 2023, contenant appel incident, l’association La Croix Rouge Française dont il n’est pas contesté qu’elle vient aux droits de l’EHPAD [6] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 9 mars 2021 en ce qu’il a fait droit à l’exception soulevée in limine litis et dit que les demandes additionnelles formées par Mme [M] [R] ne sont pas recevables en application de l’article 70 du code de procédure civile,

– dire et juger recevable l’appel incident qu’elle a formulé à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 9 mars 2021,

– infirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a :

* dit que les faits reprochés à Mme [M] [R] n’étaient pas fautifs,

* annulé la sanction de mise à pied du 02 août 2019,

* l’a condamnée à verser à Mme [R] :

o 150 euros à titre de rappel de salaire,

o 150 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

o 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,

* mis les dépens à la charge du défendeur,

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

– déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts en raison d’un préjudice moral causé par la sanction notifiée le 2 août 2020 (sic),

En tout état de cause,

– dire et juger que la sanction contestée par Mme [R] est justifiée et proportionnée

– dire et juger que Mme [R] ne peut faire valoir la requalification de sa démission en prise d’acte,

– constater que Mme [R] a effectué son préavis dans le cadre de sa démission,

En conséquence,

– débouter Mme [R] de sa demande :

* de rappel de salaire pour la journée de mise à pied

* indemnitaire au titre du préjudice moral

* d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

* d’indemnité de licenciement

* d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel,

– condamner Mme [R] aux entiers dépens et à lui indemniser à hauteur de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– pour toutes les instances introduites à compter du 1er août 2016, le principe de l’unicité de l’instance ne s’applique plus et il est fait application de l’article 70 du code de procédure civile ; une partie ne peut donc plus présenter lors d’une procédure en cours une nouvelle demande relative au même contrat de travail ; elle est nécessairement tenue d’introduire une nouvelle instance pour toute nouvelle demande; en l’espèce, tel est le cas, Mme [M] [R], dans le cadre de ses conclusions communiquées le 05 mai 2020 a ajouté plusieurs demandes nouvelles par rapport à la requête introductive d’instance déposée le 06 septembre 2019 ; c’est donc à bon droit que le bureau de jugement a jugé que ses demandes additionnelles relatives à sa démission ne se rattachaient pas à ses prétentions originelles et étaient dès lors irrecevables,

– la mise à pied disciplinaire du 02 août 2019 est parfaitement justifiée et proportionnée aux manquements reprochés ; le 20 juin 2019, Mme [B], la collègue de travail de Mme [M] [R] qui intervenait en binôme avec elle ce jour-là, a pris la décision de réaliser un sondage urinaire sur un patient hors la présence d’un médecin qui n’avait jamais subi une telle intervention, tandis que l’appelante cautionnait ces actes et n’a trouvé à aucun moment pertinent de rappeler la règlementation en vigueur ou simplement d’en informer sa hiérarchie pour demander conseil ; les 29 et 30 juin 2019, Mme [M] [R] s’est par ailleurs abstenue de distribuer un médicament couvert par une prescription sécurisée à un autre patient ; elle a donc été contrainte de lui notifier une sanction disciplinaire d’une journée totalement justifiée et proportionnée au regard de la gravité des manquements reprochés.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur la demande d’irrecevabilité des demandes formées :

L’article R1452-6 du code du travail en vigueur entre le 01 mai 2008 et le 01 août 2016 qui disposait que ‘Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance.

Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes.’ a été abrogé suivant décret n°2016-660 du 20 mai 2016, mettant à néant le principe de l’unicité de l’instance et son corollaire.

L’article R1452-2 du même code dispose, dans ses versions applicables au présent litige, que la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.

Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 58 (article 57 pour la version en vigueur à compter du 01 janvier 2020) du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

L’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout.

En l’espèce, Mme [M] [R] a saisi le conseil de prud’hommes Nîmes suivant requête reçue le 06 septembre 2019 aux fins d’obtenir l’annulation de la sanction disciplinaire prononcée à son encontre par l’employeur le 02 août 2019 et le paiement de son salaire pour cette journée puis, par conclusions du 05 mai 2020, a complété ses demandes pour obtenir la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, une demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral à hauteur de 1 000 euros et le paiement de sommes à caractère indemnitaire.

Contrairement à ce que soutient Mme [M] [R] et conformément à ce que prétend l’association La Croix Rouge Française, les demandes additionnelles présentées par conclusions communiquées postérieurement à la requête initiale ne se rattachaient pas directement aux prétentions originelles à défaut de s’y rattacher par un lien suffisant, les premiers juges ayant relevé à juste titre que ‘si les premières demandes portaient uniquement sur la sanction disciplinaire notifiée et exécutée durant la période de préavis de Mme [M] [R] suite à sa démission de juillet 2019, les secondes ne se rattachent pas directement aux premières’ dès lors qu’elles portaient sur la rupture du contrat de travail, et a rappelé que ‘la démission (est) claire, non équivoque sans aucun grief vis-à-vis de son employeur ou référence à une situation particulière, et qui indique uniquement et sans ambiguïté sa décision personnelle de démissionner de ses fonctions au sein de l’entreprise’.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande d’annulation de la mise à pied disciplinaire du 02/08/2019:

L’article L1331-1 du code du travail dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article R4312-3 du code de déontologie des infirmiers dispose que tout infirmier au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient, de sa famille et de ses proches.

L’article R4312-10 du même code énonce que l’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient. Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science. Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la me sure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées.

Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés.Il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience, ses compétences ou les moyens dont il dispose.

L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite.

En l’espèce, l’association La Croix Rouge Française a adressé à Mme [M] [R] une mise à pied disciplinaire suivant courrier daté du 02 août 2019 pour manquements à ses obligations professionnelles qui sont au nombre de deux :

1/ approbation d’un acte prohibé par le décret de compétence des infirmiers diplômés d’Etat : le 20 juin 2019, ‘vous avez fait intervenir le SAMU au sein de l’établissement pour la prise en charge d’un résident très agité pris de tremblements et opposant aux soins ; vous avez agi avec votre collègue IDE Mme [B] ; le médecin du SAMU…a identifié un globe vésical…le médecin urgentiste a indiqué qu’il convenait de procéder à la pose d’une sonde vésicale. Pour mémoire, les actes et soins infirmiers relevant des compétences de l’IDE sont précisément encadrés par le décret de compétences des infirmiers diplômés d’Etat…En résumé, l’IDE n’est jamais autorisé à réaliser une sonde vésicale sur un patient dont il n’a pas la certitude qu’il aurait déjà subi une telle intervention ; le premier sondage vésical chez l’homme en cas de rétention est obligatoirement effectué par un médecin …vous avez ainsi approuvé ce soin et n’avez à aucun moment demandé conseil à votre hiérarchie laissant ainsi votre collègue contrevenir au décret de compétences des IDE,

2/ non dispensation de médicaments antidouleur opiacés :les 29 et 30 juin 2019 vous étiez en poste…de 11h30/20h15 et de ce fait chargée de la distribution des traitements médicaux destinés aux résidents étant la seule IDE présente à ce moment au sein de l’EPHAD…l’un de nos résidents Monsieur A fait l’objet d’une prescription d’Oxycontin journalière… à l’examen du cahier des toxiques il apparaît que…vous avez omis de distribuer l’Oxycontin. Vous n’avez pas tracé la sortie de ces cachets du coffre…

Il résulte de ce qui précède que vous avez commis de graves négligenes dans l’exercice de vos fonctions et ainsi manqué à vos obligations professionnelles…Nous avons pris la décision de limiter notre sanction à une mise à pied disciplinaire d’une journée.V otre sanction s’exécutera le 11 août 2019…’.

1/Sur le sondage urinaire :

Il résulte des articles R4331-7 ET R4311-10 du code de la santé publique que le premier sondage vésical chez l’homme en cas de rétention d’urine est effectué par un médecin.

L’association La Croix Rouge Française produit aux débats une attestation établie par Mme [I], infirmière et collègue de travail de Mme [M] [R] et de Mme [F] [B], qui certifie que le 20 juin 2019, cette dernière lui demande de joindre Mme [F] [B] pour l’aider à sonder [S] à la demande du médecin du Samu appelé quelques minutes avant pour un malaise et décrit les actes ainsi réalisés sur ce patient ‘[F] prépare le matériel pour le sonder, elle essaye une première fois, [S] se met à crier et à nous frapper car il avait très mal, [F] insiste, il y avait du sang dans le gland; [S] a très mal et est très énervé…elle recommence une seconde fois…[S] devient très agressif insultant car il souffrait, il y avait toujours du sang…[F] insiste quand même et bout d’un long moment elle arrête et décide de rappeler le SAMU’ .

Cet événement a fait l’objet d’une mention sur la fiche de déclaration des événements indésirables ‘une IDE a pratiqué un premier sondage vésical chez un homme en rétention d’urine, dont un adénome prostatite était diagnostiqué, hors présence de médecin’.

La documentation médicale produite par la salariée mentionne que la retention aiguë d’urine est une urgence urologique, qu’en général il faut avoir recours à un drainage de la vessie en urgence soit pas sondage urétral, soit par cathéter sus-pubien.

Il n’en demeure pas moins que Mme [M] [R] ne justifie pas que la réalisation de cet acte par Mme [F] [B] s’avérait nécessaire hors la présence d’un médecin en raison d’un état d’urgence sans s’assurer préalablement que le patient n’avait pas déjà fait l’objet d’un premier sondage et sans solliciter préalablement l’avis de la supérieure hiérarchique dont il n’est pas établi qu’elle était absente ce jour là ou qu’elle aurait été sollicitée et/ou l’avis du médecin coordonnateur, y compris par le biais d’un contact téléphonique pour le cas où il était absent, alors que ce dernier certifie, dans une attestation produite par l’association, que : ‘l’ensemble des infirmiers de l’EPHAD de [6] m’interpellent régulièrement par téléphone ou directement en l’absence de médecin traitant. Ces interpellations ont lieu également en dehors de ma présence sur l’établissement y compris pendant mes jours de congé. Les appels concernent des adaptations thérapeutiques en fonction de résultats biologiques, des conseils de prise en charge ou d’actions à mettre en oeuvre’.

Mme [M] [R] soutient que Mme [F] [B] a agi dans le respect de la vie humaine et dans l’intérêt du patient ; néanmoins, la description faite par Mme [I] des actes réalisés par Mme [B] sur [L] démontrent à l’évidence que le patient a beaucoup souffert de ces essais de sondage et que son état a finalement nécessité son transport au service des urgences.

2/ sur la non-dispensation de médicaments anti douleurs opiacés :

Il résulte, d’une part, d’un planning du mois de juin 2019 versé aux débats par l’association La Croix Rouge Française que Mme [M] [R] travaillait les 29 et 30 juin, ce qu’elle ne conteste pas, et qu’elle était chargée de la distribution des traitements des résidents de l’EPHAD, d’autre part, du ‘relevé nominatif d’administration et de gestion du stock de stupéfiants’ que Mme [M] [R] n’a pas distribué au cours de ces deux journées un traitement journalier à base d’Oxycotin dont bénéficiait un patient [L] – il s’agit d’un médicament couvert par une prescription sécurisée – ; la salariée ne conteste pas la matérialité de ces faits ; elle soutient seulement que ‘son attention n’ a pas été attirée sur le traitement opiacé de [L]…’, peu importe qu’elle ne soit pas la seule infirmière diplômée d’Etat a avoir omis de distribuer des médicaments à des résidents de l’EPHAD.

Si les faits reprochés à Mme [M] [R] sont avérés, cependant, compte tenu de l’ancienneté de la salariée au moment ils ont été commis, plus de 16 ans, de l’absence de sanction disciplinaire antérieure et du fait que, pour les premiers faits, la salariée n’a pas réalisé elle-même l’acte incriminé mais a omis d’intervenir pour empêcher que l’acte ne soit réalisé par sa collègue de travail, il apparaît que la mise à pied conservatoire est manifestement disproportionnée.

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé l’annulation de la mise à pied disciplinaire.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud’homale et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes le 09 mars 2021,

Dit n’y avoir lieu à application au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [M] [R] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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