Mise à pied disciplinaire : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02825

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Mise à pied disciplinaire : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/02825
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TP/EL

Numéro 23/2497

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 13/07/2023

Dossier : N° RG 21/02825 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H635

Nature affaire :

Demande d’annulation d’une sanction disciplinaire

Affaire :

[V] [A]

C/

S.A. DASSAULT AVIATION

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 03 Avril 2023, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame NICOLAS,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [V] [A]

né le 13 Juillet 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me MENDIBOURE de la SCP MENDIBOURE-CAZALET-GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A. DASSAULT AVIATION

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me LE DIMEET de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 08 JUILLET 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : F 19/00107

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [A] a été embauché, à compter du 23 décembre 2005, par la SA Dassault aviation, au sein de l’établissement de [Localité 5], en qualité de professionnel de fabrication, niveau II, échelon 2, coefficient 180, suivant contrat à durée indéterminée régi par les dispositions de l’accord national de la métallurgie du 21 juillet 1975 et des accords d’entreprise.

Par courrier recommandé du 6 mars 2019, M. [V] [A] a été convoqué à un entretien fixé le 15 mars 2019, préalable à une éventuelle mesure disciplinaire. A la demande de M. [A] en arrêt de travail du 8 mars 2019 au 24 mars 2019, cet entretien a été reporté au 25 mars 2019.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 avril 2019, M. [V] [A] s’est vu notifier une mise à pied de 10 jours ouvrés.

Le 17 mai 2019, M. [V] [A] a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de cette sanction.

Par jugement du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Bayonne, statuant en formation de départage, a’:

– rejeté toutes les demandes de M. [V] [A],

– condamné M. [V] [A] à payer à la SA Dassault aviation la somme de 1.200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [V] [A] aux dépens de l’instance.

Le 30 août 2021, M. [V] [A] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 novembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [V] [A], demande à la cour de :

– Réformer en sa totalité le jugement déféré,

En conséquence,

Dire et juger que la sanction disciplinaire du 2 avril 2019 est injustifiée et infondée,

En conséquence,

– Annuler cette sanction disciplinaire,

– Condamner la SA Dassault aviation à payer à M. [V] [A] le montant du salaire faisant l’objet de la retenue sur salaires,

– Condamner la SA Dassault aviation à payer à M. [V] [A] une somme de 6000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, du fait d’une sanction disciplinaire injustifiée et disproportionnée,

– Condamner la SA Dassault aviation à payer à M. [V] [A] une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 11 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la SA Dassault Aviation, demande à la cour de’:

– Dire et juger recevable mais non fondé l’appel interjeté par M. [V] [A] du jugement déféré,

En conséquence,

– Confirmer que la sanction disciplinaire notifiée à M. [V] [A] le 2 avril 2019 est régulière et bien fondée,

– Débouter M. [V] [A] de l’intégralité de ses demandes,

– Le condamner à payer à la SA Dassault aviation une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[V] [A] a fait l’objet d’une sanction disciplinaire consistant en une mise à pied de 10 jours ouvrés, notifiée par courrier en date du 2 avril 2019, pour les motifs suivants’:

«’Le 6 février 2019, vous avez tenu des propos injurieux vis à vis d’un intérimaire en lui disant «’d’aller se faire enculer’» sous prétexte qu’il refusait de vous serrer la main. Vous lui avez ensuite donné des coups de parapluie pour qu’il se retourne pour vous faire face. Tout en le provoquant physiquement, vous l’avez alors acculé contre un mur, le faisant trébucher et, en le menaçant, vous lui avez donné un dernier coup de parapluie au visage qui a endommagé ses lunettes. Votre attitude est en violation avec l’article 22 du règlement intérieur de l’établissement de [Localité 5] qui prévoit que «’chaque membre du personnel doit veiller au respect de tous, en s’interdisant toute attitude incorrecte, rixe, voie de fait et en ne proférant ni injure ni menace’».

[V] [A] conteste la matérialité des faits et estime que les premiers juges ont retenu, à l’exclusion de toutes autres, les attestations et explications données par l’employeur.

La société Dassault Aviation lui oppose la matérialité des faits fautifs et la proportionnalité de la sanction prononcée.

Selon l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L.1333-1 poursuit que, en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L.1333-2 ajoute que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, M. [A] discute au préalable le premier paragraphe de la lettre de notification de la mise à pied disciplinaire dont il a fait l’objet, relatif aux conditions de sa convocation à un entretien préalable.

L’article L.1332-2 du code du travail dispose que lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.

En application de ce texte, la société Dassault Aviation a rédigé une lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire à l’attention de M. [A] le 20 février 2019 pour une rencontre le 5 mars 2019. Puis, elle produit un autre courrier daté du 6 mars 2019 pour un entretien fixé au 15 mars suivant. A la suite d’un courriel de demande de report de ce rendez-vous pour cause d’arrêt de travail, une nouvelle lettre de convocation à un entretien préalable a été envoyée le 12 mars 2019 pour une rencontre fixée au 25 mars 2019 à laquelle M. [A] ne s’est pas présenté.

Il ne saurait être tiré une quelconque conséquence de ces différentes convocations, d’autant que chaque salarié a le droit d’assister ou non à l’entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Si les premiers paragraphes de la lettre de notification de la sanction disciplinaire reprennent cette chronologie, il importe de préciser que, contrairement à ce qu’affirme M. [A] dans ses écritures, la société Dassault Aviation n’a pas érigé en grief le fait pour ce dernier de ne pas s’être présenté à l’entretien préalable.

En tout état de cause, la procédure ayant conduit au prononcé de la sanction disciplinaire a été respectée.

Sur le fond, il importe donc de rechercher si les griefs reprochés à M. [A] par la société Dassault Aviation sont établis et, dans l’affirmative, si la mise à pied prononcée était proportionnée.

Au sujet des faits reprochés, la société Dassault Aviation verse aux débats les éléments suivants’:

– l’attestation de [Y] [T] qui témoigne que, «’le 6 février 2019, vers 8h, [V] ([A]) a tendu la main à [D] ([I]), assis à son bureau, pour lui dire bonjour. [D] refusa de lui serrer la main en expliquant qu’il ne comprenait pas pourquoi il lui disait bonjour ce jour-là, alors qu’il ne lui avait pas serré la main depuis une semaine. [V], en s’éloignant, rétorqua «’vas te faire enculer’» et [D] répondit alors «’toi aussi vas te faire enculer’». [V] retourna sur ses pas et commença à pousser [D] avec son parapluie et en l’insultant. [D] se leva et [V] continua à le pousser vers le mur toujours en l’insultant et sans que [D] ne réponde, verbalement ou physiquement. Au moment où [D] était bloqué contre le mur par [V], je n’ai pas pu voir exactement ce qu’il se passait car je m’étais alors levé pour tenter de les séparer. Lorsque [V] s’éloigna, j’ai pu constater que les lunettes de [D] étaient tordues’».

– L’attestation d'[G] [K], responsable de l’ensemble des magasins et de la logistique au sein de l’établissement de [Localité 5], qui indique «’avoir reçu individuellement [D] [I] et [V] [A] le 6 février 2019 suite à leur altercation. M. [I] est venu [le] voir spontanément après son altercation avec M. [A], il était très affecté de ce qui venait de se passer.Il [lui] a relaté les faits suivants’: M. [I] a refusé de serrer la main à M. [A] car il avait refusé de le saluer toute la semaine. Du coup, insulte de M. [A], M. [I] lui a répondu et s’est éloigné de M. [A] en lui tournant le dos. Ce dernier lui a alors donné des coups de parapluie dans le dos jusqu’à ce que M. [I] se retourne. Il a ensuite continué à le pousser contre le mur faisant tomber ses lunettes à terre. M. [I] n’a pas répondu à cette attaque (…)’». M. [K] poursuit avoir ensuite convoqué M. [A] qui lui «’a précisé qu’il avait été insulté par un intérimaire, qu’il ferait mieux de rester à sa place en tant qu’intérimaire, minimisant son geste’». M. [K] a «’également reçu M. [Z] [R] en tant que témoin neutre’» qui lui «’a relaté des faits à l’identique de ceux décrits par M. [I]’» mais qui n’a pas souhaité, pour des raisons personnelles attester par écrit.

– L’attestation de [D] [I] qui décrit la scène racontée à M. [K] et précise que [U] [J] est intervenu après que les lunettes furent tombées.

Un document émanant d’Optical Center, en date du 9 février 2019, par lequel l’opticien «’certifie avoir redressé la branche gauche qui avait été écartée sur les lunettes de M. [D] [I]’».

Ainsi que l’a justement relevé le conseil de prud’hommes, ces éléments ne sont pas contredits par les pièces produites par le salarié concernant le fait lui-même.

[E] [M] indique en particulier’:«’suite à l’altercation entre [V] [A] et [D] [I], [D] s’est présenté à mon bureau pour me signaler sa version des faits. A ce moment les lunettes de [D] n’étaient pas cassées’».

[S] [W] témoigne également qu’il n’a pas remarqué de lunettes cassées.

[O] [J] atteste également. Il indique «’être intervenu lors d’une bousculade entre M. [I] et M. [A]’». Le premier a refusé de serrer la main du second, ce qui a été suivi «’d’un chahut’». Le témoin précise’: «’alors je sors du rang et j’interviens alors qu’ils se bousculent en disant «’laisse tomber [P], ça vaut pas le coup’». Il certifie n’avoir vu ni coup de parapluie, ni de lunettes cassées.

[H] [L], autre témoin direct, confirme dans son attestation les propos écrits à la suite de l’événement du 6 février 2019. Il explique ainsi’: «'[D] était debout devant son poste de travail, [P] a dit bonjour aux personnes présentes. Au moment du dire bonjour à [D], j’ai vu qu’il se passait quelque chose mais j’ai vite compris qu’ils commençaient à s’accrocher. Je pensais qu’ils plaisantaient mais ce n’était pas le cas. J’étais trop loin pour entendre ce qu’ils se disaient. J’ai vu qu’ils se tenaient l’un à l’autre. [D] faisant 70 kg et [P], je pense 100 kg, c’est normal que [D] ait reculé mais en aucun cas il n’y a eu de coup de part et d’autre. Le temps qu’on vienne les séparer, l’affaire était close’».

Ainsi que l’ont relevé les premiers juges, tous ces éléments mettent en évidence l’existence d’une altercation entre M. [A] et M. [I] d’abord verbale par un échange d’injures, puis physique, l’intervention de l’appelant contraignant à faire reculer son collègue ainsi qu’en témoigne [H] [L] témoin direct, et entraînant la chute des lunettes, ce qu’a exposé [V] [A] dans le courrier de contestation à sa sanction adressé à son employeur.

D’ailleurs, ce qui est conforme aux attestations versées par l’appelant à ce sujet, [D] [I] ne s’est jamais plaint de lunettes cassées mais de lunettes tordues, redressées ensuite par l’opticien.

C’est par une juste analyse des faits que la cour fait sienne que le conseil de prud’hommes a ainsi conclu que la matérialité des faits est établie et que la sanction prononcée est conforme au règlement intérieur.

Par ailleurs, même si [V] [A] produit de multiples attestations de collègues vantant ses qualités personnelles et ne faisant état d’aucune difficulté avec lui, la société Dassault Aviation verse aux débats des éléments montrant qu’il présentait des problèmes de comportement vis-à-vis de certains collègues, y compris des supérieurs hiérarchiques, et du règlement intérieur qui ont donné lieu à des recadrages.

En conséquence de tous ces éléments, la mise à pied disciplinaire de 10 jours prononcée par courrier du 2 avril 2019 doit être considérée comme justifiée et proportionnée, de sorte que M. [A] sera débouté de ses demandes. Le jugement querellé doit être confirmé en toutes ses dispositions.

[V] [A], qui succombe en son appel, devra en supporter les dépens.

Il sera en outre condamné à payer à la société Dassault Aviation une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Bayonne en date du 8 juillet 2021′;

Y ajoutant’:

CONDAMNE M. [V] [A] aux dépens d’appel’;

CONDAMNE M. [V] [A] à payer à la société Dassault Aviation la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame PACTEAU, Conseiller, par suite de l’empêchement de Mme CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, Pour LA PRÉSIDENTE

 


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