Mise à pied disciplinaire : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04426

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Mise à pied disciplinaire : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04426
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12/05/2023

ARRÊT N°2023/213

N° RG 21/04426 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OONF

SB/LT

Décision déférée du 27 Septembre 2021 – Pole social du TJ d’AGEN 17/00491

S.TRONCHE

[Y] [R]

C/

S.A.S. [7]

Caisse CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARONNE

CONFIRMATION

ccc,

le 12 mai 2023

à Me TUXAGUES, Me THIZY, Me PEILLET

aux parties

ccc MNC

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne TUXAGUES de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”ES

S.A.S. [7]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-hélène THIZY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau D’AGEN

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOT ET GARONNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, devant S. BLUM”, présidente et M. DARIES, Conseillère chargées d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 23 août 2016, M. [Y] [R] a été victime d’un accident du travail.

Le 30 août 2016, M. [R] a déclaré cet accident à la CPAM du Lot et Garonne qui , le 3 novembre 2016, a notifié au salarié la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Son état de santé a été considéré comme guéri le 20 juin 2017 et le 11 avril 2017, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par la société [7].

Après échec de la procédure de conciliation, le salarié a saisi le pôle social d’Agen le 30 novembre 2017 pour voir reconnaître la faute inexcusable de la société [7] et demander le versement de diverses sommes.

Le pôle social d’Agen par jugement du 27 septembre 2021, a :

-déclaré recevable le recours formé par M. [R] aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur, la sas [7], dans la survenance de son accident du travail du 23 août 2016,

-déclaré le jugement commun à la CPAM du Lot et Garonne,

-dit que l’accident du travail de M. [R] survenu le 23 août 2016 n’est pas dû à la faute inexcusable de son ancien employeur la SAS [7],

-condamné M. [R] à verser à la SAS [7] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [R] aux dépens.

***

Par déclaration du 29 octobre 2021, M. [Y] [R] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 24 janvier 2022, M. [Y] [R] demande à la cour de :

*infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a :

-débouté de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable

-condamné à payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau :

-reconnaître que l’accident du travail dont il a été victime le 23 aout 2016 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [7],

en conséquence de :

-condamner la société [7] à lui payer au titre de l’indemnisation de ses préjudices personnels les sommes suivantes en raison de la faute inexcusable de l’employeur:

*5 000 euros au titre des souffrances endurées,

*15 000 euros au titre du préjudice réparant la perte d’emploi,

*5 764,11 euros au titre du préjudice économique,

-condamner la société [7] à lui régler une indemnité d’un montant de 10 000 euros au titre du manquement de la société à son obligation de sécurité,

-déclarer le jugement à venir commun et opposable à la CPAM du Lot et Garonne,

-condamner la société [7] à verser à M. [R] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 2 mars 2023 , la sas [7] demande à la cour de :

-Confirmer purement et simplement le Jugement rendu par le Pôle social du Tribunal

Judiciaire d’AGEN le 21 septembre 2021 ;

Y ajoutant,

-Condamner Monsieur [R] à verser à la société [7] la somme de

2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe le 7 mars 2023 la CPAM du Lot et Garonne demande à la cour de :

– statuer ce que droit sur les demandes de M.[R]

– constater qu’elle s’en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable

– dans l’hypothèse où elle reconnaîtrait l’existence de la faute inexcusable de l’employeur, condamner la société [7] au remboursement des sommes dont la CPAM du Lot et Garonne effectuera l’avance au titre de l’indemnisation définitive des préjudices de la victime,

– recevoir l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de la société [7].

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur a, en particulier, l’obligation d’éviter les risques et d’évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident du travail pour engager sa responsabilité.

C’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d’établir que son accident du travail présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

M.[R] a été embauché par la société [7] en qualité de vendeur à compter du 16 octobre 2012 par contrat à durée indéterminée .

Il résulte des pièces produites de part et d’autre qu’une déclaration d’accident du travail a été adressée à la CPAM le 30 août 2016 par la société employeur pour des faits d’altercation ayant opposé le 23 août 2016 M.[R] à des clients dans le magasin de sport exploité à [Localité 4].

Par courrier du 29 août 2016 la société a fait part de ses réserves sur l’accident du travail déclaré, faisant valoir que le salarié avait continué à tenir son poste de travail et s’était présenté le 24 août, que ce n’est que le 24 août après notification d’une mise à pied disciplinaire ,qu’il a consulté un médecin lequel lui a prescrit un arrêt de travail. Elle ajoute qu’elle a été saisie par le salarié d’une demande de déclaration d’accident du travail par courrier recommandé du 27 août 2016, après réception de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire.

M.[R] quant à lui a déclaré à la CPAM le 14 septembre 2016 avoir fait l’objet d’une agression verbale d’un client dans le magasin pendant le temps de travail (insultes, menaces) le 23 août 2016 et a mentionné la présence d’un témoin M.[J]. Il a précisé être intervenu afin de mettre fin aux agissements de plusieurs clients qui jouaient avec un ballon dans les rayons, en leur signalant le danger d’une projection de ballon à proximité des éclairages et caméras. Il précisait avoir été agressé par un adulte en ces termes: ‘tu me casses les couilles’.

La reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 23 août 2016 n’a pas été remise , seule étant en discussion l’existence contestée d’une faute inexcusable de l’employeur.

A l’appui de sa demande M.[R] expose que les agressions verbales sont récurrentes dans le magasin et qu’il avait déjà été victime de menaces de mort le 24 mars 2015 ayant donné lieu à une condamnation par jugement du tribunal correctionnel d’Agen du 26 juin 2015.

Il produit également les témoignages suivants:

– de M.[A], animateur de vente, qui déclare que les vendeurs étaient confrontés en permanence à la clientèle et à ses humeurs , que le magasin ne disposait pas d’un vigile, qu’ils étaient ‘ livrés à eux-mêmes’ et ‘en première ligne en ce qui concerne les violences verbales , menaces et autres agressions gratuites.’

– de M.[M], dont la qualité n’est pas précisé, qui évoque un manque de sécurité dans le magasin, en ce que ‘la sécurité ne se déplace pas’, et ‘le directeur du magasin refuse de régler les contentieux.’

– de M.[J], salarié présent le jour de l’altercation, déclare avoir vu M.[R] intervenir auprès de clients pour faire cesser leurs agissements, et avoir constaté des échanges verbaux, M.[R] ayant fait le reproche à une personne de l’avoir insulté et tutoyé, précisant être intervenu pour calmer M.[R] jusqu’à la venue du directeur que Mme [T] avait sollicité après avoir tenté de s’interposer sans effet.

La société ex employeur objecte que les témoignages de 7 salariés (MM.[E], [O] , [U] et Mmes [H], [W]) qu’elle verse aux débats révèlent qu’ils n’ont pas été agressés verbalement par des clients et qu’ils sont informés de la nécessité de prévenir le responsable du magasin en cas d’altercation ou le cas échéant de prévenir le vigile du centre commercial. Elle précise que le magasin est équipé d’une vidéo surveillance et produit un document unique d’évaluation des risques démontrant le respect de son obligation de sécurité.

Sur ce ,

La cour relève qu’aucun élément du jugement du tribunal correctionnel du 26 juin 2015 dont excipe le salarié ne permet d’établir que les menaces de mort à son encontre qui motivent cette condamnation ont été prononcées sur le lieu de travail de M.[R] lorsqu’il exerçait son activité de vendeur ; qu’ainsi les faits ont été commis à [Localité 8] et non à [Localité 4] , commune où se situé le magasin employant l’intéressé. De plus aucun témoignage ou procès-verbal d’enquête ne vient corroborer les circonstances alléguées par M.[R] permettant de retenir une éventuelle réitération des faits de menaces sur le lieu de travail. Il est relevé au surplus que ces faits n’on t pas donné lieu à une déclaration d’accident du travail en 2015.

Le témoignage de M.[A] qui évoque des agressions verbales et menaces régulières dans le magasin ainsi qu’une absence de réponse de l’employeur, est contrebattu par les témoignages précis et concordants de 7 salariés qui ne font pas état d’une insécurité récurrente en lien avec le comportement de clients et qui font état de la possibilité d’alter un vigile en cas d’altercation ainsi que le responsable du magasin.

Les circonstances de l’altercation telles qu’elles sont rapportées tant par le salarié que par l’employeur établissent que le responsable du magasin est bien intervenu afin de mettre un terme à l’altercation, ce qui dément l’absence de réponse apportée par la direction aux situations d’altercation avec des clients.

Au vu de ces considérations la preuve n’est pas rapportée par M.[R] d’incidents répétés avec la clientèle de magasin générant un risque d’insécurité pour les salariés dont l’employeur aurait eu aurait dû avoir connaissance . Il n’est pas davantage établi un manquement à l’obligation de sécurité en l’état , d’une part, d’une information des salariés sur le comportement à adopter en cas d’incident, d’autre part, du document unique d’évaluation des risques produit par l’employeur.

La preuve d’une faute inexcusable de l’employeur n’étant pas rapportée, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M.[R] de ses demandes.

M.[R], partie perdante, supportera les entiers dépens d’appel.

Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne M.[Y] [R] aux entiers dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

.

 


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