Your cart is currently empty!
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00500 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M2A7
Société GFM PRODUCTION
C/
[Z]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 06 Janvier 2020
RG : 18/00270
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 12 MAI 2023
APPELANTE :
Société GFM PRODUCTION
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON
et représentée par Me Olivier LACROIX de la SELAS CEFIDES ORATIO AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON substituée par Me Jérôme PETIOT, avocat au barreau de LYON,
INTIMÉE :
[G] [Z]
née le 25 Septembre 1982 à [Localité 4] (ALGERIE)
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, Me Lionel THOMASSON, avocat plaidant inscrit au barreau de VIENNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Mars 2023
Présidée par Régis DEVAUX, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, président
– Catherine CHANEZ, conseiller
– Régis DEVAUX, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 12 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société GFM Production exerce son activité dans le secteur du commerce de gros et plus spécifiquement dans le conditionnement et l’emballage de poissons, crustacés et mollusques. Elle applique la convention collective nationale de la poissonnerie (IDCC 1504).
Mme [G] [Z] a été embauché par la société GFM Production à compter du 3 mars 2008 en qualité d’agent de conditionnement, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. En 2013, elle était promue au poste de responsable poste emballage puis ‘ en 2017, à celui d’adjointe au responsable emballage.
Par courrier du 14 août 2017, la société GFM Production notifiait à Mme [Z] une sanction disciplinaire, à savoir une mise à pied d’une durée de deux jours, exécutée les 22 et 23 août 2017.
Le 30 janvier 2018, Mme [G] [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon, afin de contester la mise à pied et d’obtenir diverses sommes à caractère indemnitaire ou salarial.
Par jugement du 6 janvier 2020, le conseil des prud’hommes de Lyon a :
– annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 août 2017 à Mme [G] [Z] ;
– condamné la société GFM Production à verser à Mme [G] [Z] les sommes suivantes: 170,46 euros bruts au titre du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre 17,04 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
– rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne brute des salaires est fixée à la somme de 2 015 euros ;
– condamné la société GFM Production à payer à Mme [G] [Z] la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Mme [G] [Z] de ses autres chefs de demandes ;
– débouté la société GFM Production de ses demandes reconventionnelles ;
– condamné la société GFM Production aux entiers dépens d’instance.
Le 20 janvier 2020, la société GFM Production a interjeté appel de ce jugement, critiquant expressément tous les chefs du dispositif, sauf celui déboutant Mme [G] [Z] de ses autres chefs de demandes.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses uniques conclusions notifiées le 19 juillet 2021, la société GFM Production demande à la Cour de :
Sur la mise à pied disciplinaire :
– réformer le jugement déféré en ce qu’il :
– a annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 août 2017 à Mme [G] [Z],
– l’a condamnée à verser à Mme [G] [Z] les sommes suivantes : 170,46 euros bruts, au titre du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, et 17,04 euros bruts au titre des congés payés afférents,
Statuant à nouveau,
– dire et juger fondée et proportionnée la mise à pied disciplinaire de Mme [G] [Z] du 14 août 2017,
– débouter Mme [G] [Z] de ses demandes de dommages et intérêts et de rappels de salaires (outre congés payés afférents),
Sur sa demande reconventionnelle :
– réformer le jugement déféré, en ce qu’il a dit et jugé que ‘ la société qui succombe en partie ne saurait demander des dommages et intérêts pour procédure abusive’ et en conséquence l’a débouté de ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
– dire et juger qu’était abusive la procédure menée par Mme [G] [Z] devant le conseil de prud’hommes à son encontre,
– condamner Mme [G] [Z] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Sur le harcèlement moral :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé qu’est injustifiée la demande de Mme [G] [Z] de voir le harcèlement moral reconnu à son encontre,
En conséquence,
– à titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts,
– à titre subsidiaire, débouter purement et simplement de sa demande et intérêts ou, pour le moins de réduire dans de substantielles proportions les dommages et intérêts qui lui seraient alloués dans ce cadre,
Sur le manquement de la société à son obligation de prévention et sur l’exécution fautive du contrat de travail :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé qu’elle n’a pas manqué à son obligation de prévention,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé qu’elle n’a pas davantage exécuté fautivement le contrat de travail la liant à Mme [G] [Z],
En conséquence,
– à titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts y afférente,
– à titre subsidiaire, débouter Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts ou, pour le moins de réduire dans de substantielles proportions les dommages et intérêts qui lui seront allouées dans ce cadre,
Sur la demande de dommages et intérêts sur la mise à pied disciplinaire :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts ou, pour le moins, de réduire de substantielles proportions les dommages et intérêts qui lui seraient allouées dans ce cadre,
Sur les autres demandes :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme [G] [Z] de ses demandes plus ou contraires,
En tout état de cause,
– condamner Mme [G] [Z] à lui verser la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens de l’instance.
La société GFM Production fait valoir que la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de Mme [Z] était justifiée et proportionnée, au regard de son comportement, maintenant notamment que celle-ci était présente et, en tout cas, avait eu connaissance des gestes commis par deux salariées qu’elle encadrait. La société GFM Production conteste que les faits que Mme [Z] lui impute soient constitutifs de harcèlement moral ou, pour l’un d’entre eux, de manquement à son obligation de prévention ou d’exécution loyale du contrat de travail.
Dans ses uniques conclusions notifiées le 19 juin 2020, Mme [G] [Z] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 20 janvier 2020, en ce qu’il a annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 août 2017 et en ce qu’il lui a condamné la société GFM Production à lui verser la somme de 170,46 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre celle de 17,04 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que celle de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
– condamner en outre, la société GFM Production à lui verser à la somme nette de 2 015 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée et/ou disproportionnée,
– condamner la société GFM Production à lui verser, outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, les sommes suivantes :
– 4 030 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 4 030 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et exécution fautive du contrat de travail,
– condamner la société GFM Production outre aux entiers dépens, à lui verser la somme nette de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [G] [Z] fait valoir que son employeur ne pouvait pas lui reprocher de ne pas lui avoir rapporté ce qui s’apparentait à un jeu entre collègues dans les vestiaires de l’entreprise, ou encore de ne pas avoir signalé un comportement d’exhibition imputé à une autre salariée qui n’est pas établi. Elle soutient par ailleurs qu’elle a subi des représailles de la part de son employeur, car elle a refusé de corroborer les accusations de ce dernier à l’encontre d’une autre salariée. Elle ajoute que l’employeur n’a pas donné suite aux préconisations du médecin du travail, manquant ainsi à son obligation de prévention.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien-fondé de la mise à pied disciplinaire
En application des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. L’employeur fournit à la juridiction les éléments retenus pour prendre la sanction. Le conseil de prud’hommes forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, par courrier du 14 août 2017, la société GFM Production a notifié à Mme [G] [Z] une mise à pied disciplinaire d’une durée de deux jours, dans les termes suivants :
‘(…) Vous êtes embauchée au sein de notre société en qualité d’adjointe responsable emballage. A ce titre, vous devez adopter en permanence une attitude compatible avec vos fonctions et respectueuse de vos collègues de travail. Or, bien au contraire, nous avons dû déplorer vos agissements fautifs inadmissibles.
En effet, au cours des quinze derniers jours du mois de juin 2017, des collègues de travail, Mesdames [T] et [J], régulièrement placées sous votre responsabilité directe, n’ont pas hésité à prendre à partie, en votre présence, Madame [H] [N], tant verbalement en l’insultant de « pute » ou encore « connasse », que physiquement, en lui arrachant son soutien-gorge et en lui touchant la poitrine sans son consentement.
Or, malgré la gravité des comportements inacceptables auxquels vous assistiez, vous n’êtes en aucun cas intervenue pour y mettre un terme.
Surtout, vous n’en avez jamais informé votre hiérarchie directe ou la direction afin que les mesures nécessaires puissent être prises sans délai face à de tels agissements. Vous savez pourtant parfaitement que nous ne tolérons en aucun cas de tels agissements.
Informés de cette situation, nous avons immédiatement mené des investigations approfondies qui nous ont permis d’établir que vous aviez déjà adopté des comportements similaires à plusieurs reprises.
Ainsi, le 23 juin dernier, alors que Madame [T], qui se trouvait dans les vestiaires en votre présence, avait délibérément choisi de s’exhiber en sous-vêtement à la vue de ses collègues de travail, vous n’êtes pas intervenue pour faire cesser cette pratique inacceptable et là encore, vous n’avez pas jugé nécessaire d’en informer votre hiérarchie ou la Direction.
De même, nous avons également découvert qu’à la fin de l’année 2016, Mesdames [J] et [T] n’avaient pas hésité, en votre présence et devant d’autres collègues de travail, à visionner et commenter des vidéos à caractère pornographique, sans que vous n’interveniez ni n’en référiez à votre hiérarchie ou la direction.
Vous avez agi de manière similaire au cours du premier semestre de l’année 2017, en laissant délibérément Mesdames [T] et [J] simuler des actes sexuels et des orgasmes dans les vestiaires du personnel, en présence d’autres collègues de travail. Vous n’avez là encore jamais informé votre hiérarchie ou la direction de cette pratique inadmissible.
De tels comportements sont absolument inadmissibles. Au regard de vos fonctions d’adjointe responsable emballage et des responsabilités, notamment d’encadrement, qui vous sont confiées, vous deviez nécessairement, à défaut d’intervenir vous-même pour mettre un terme aux pratiques exposées ci-dessus, en informer à minima votre hiérarchie et/ou la direction, pour que les mesures adéquates puissent être prises immédiatement.
En vous abstenant de le faire, vous avez laissé perdurer, voire encouragé implicitement, des pratiques inadmissibles qui ont profondément heurté certains de vos collègues de travail, générant ainsi une ambiance de travail malsaine et détestable. Nous vous rappelons pourtant qu’en tant qu’employeur nous sommes garants de la santé et de la sécurité de nos collaborateurs. A ce titre, nous devons nécessairement pouvoir compter sur notre personnel d’encadrement pour nous assister dans cette démarche.
Vous devez également vous-même, dans la mesure de vos possibilités, veiller à la santé physique et mentale de vos collègues de travail.
Pour terminer, nous avons également appris que vous aviez déjà tenu des propos totalement déplacés, au cours des mois de juin et juillet derniers, en présence de vos collègues de travail, puisque vous n’avez pas hésité à déclarer « je vais sucer [L] / la direction ». De tels propos graveleux n’ont en aucun cas leur place au sein de notre entreprise.
Une telle attitude est inacceptable. Nous vous rappelons que vous devez adopter en toute circonstance une attitude compatible avec vos obligations professionnelles. Vous devez nécessairement vous interdire tout écart de langage ou de geste.
Les explications recueillies lors de votre entretien préalable ne nous ont en aucun cas permis de modifier notre appréciation de la situation.
Il devient urgent de vous ressaisir. Au regard de vos fonctions d’adjointe responsable emballage, vous devez nécessairement faire preuve d’une exemplarité sans faille.
Par conséquent, compte tenu de votre comportement, nous vous notifions une mise à pied disciplinaire de deux jours qui s’exécutera les 22 et 23 août 2017, et vous dispensant de vous présenter au travail. Cette mise à pied disciplinaire fera l’objet d’une retenue sur votre bulletin de salaire afférent à la période.
Nous attirons votre attention sur le fait que si nous devions à nouveau être informés d’agissements fautifs de votre part, de quelque nature qu’ils soient, nous serions alors contraints d’engager à votre encontre une procédure disciplinaire beaucoup plus grave. (‘) ».
En conséquence, la société GFM Production justifie la décision de sanctionner disciplinairement Mme [Z] par six faits distincts, qui lui sont ainsi imputés , soit :
– à la fin de l’année 2016, de ne pas être intervenue lorsque Mmes [J] et [T] ont visionné et commenté des vidéos à caractère pornographique,
– au cours du premier semestre de l’année 2017, de ne pas avoir empêché Mmes [T] et [J] lorsqu’elle ont simulé des actes sexuels dans les vestiaires du personnel, en présence d’autres collègues de travail,
– au cours de la seconde quinzaine du mois de juin 2017, de ne pas être intervenue alors que des collègues de travail, Mmes [T] et [J], ont pris à partie, verbalement et physiquement, Mme [H] [N],
– le 23 juin 2017, de ne pas être intervenue alors que Mme [T], qui se trouvait dans les vestiaires en sa présence, s’est exhibée en sous-vêtements à la vue de ses collègues de travail,
– de ne jamais avoir informé sa hiérarchie du comportement de Mmes [T] et [J], qui étaient des salariées placées sous sa responsabilité,
– au cours des mois de juin et juillet 2017, en présence de collègues de travail, d’avoir déclaré : « je vais sucer [L] / la direction ».
Relativement au troisième fait, Mme [N] atteste qu’elle a subi, au cours de la seconde quinzaine, du mois de juin 2017, des insultes et attouchements de la part de Mmes [T] et [J], qui ont arraché également son soutien-gorge. Elle précise que ce dernier fait a eu lieu en présence de Mme [G] [Z], qui n’est pas intervenue alors qu’elle l’a appelée à l’aide (pièces n° 12 et 34 de l’appelante).
Relativement au quatrième fait, Mme [E] [M] atteste que Mme [T] s’est montrée en sous-vêtements devant les ouvriers de l’entreprise, en présence de Mme [G] [Z] (pièce n° 15 de l’appelante).
Il est ainsi établi que Mmes [T] et [J] ont insulté et agressé physiquement une collègue de travail, Mme [N], en présence de Mme [Z], sans que celle-ci n’intervienne, et également que Mme [T] s’est exhibée devant des ouvriers, de nouveau en présence de Mme [Z].
Il appartenait à cette dernière, qui exerçait des fonctions d’encadrement de Mmes [T] et [J], d’intervenir pour leur demander de cesser leur comportement ou, au moins, de le signaler à l’employeur, qui est soumis à une obligation de sécurité à l’égard de l’ensemble du personnel.
Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les premier, deuxième et sixième faits mentionnés dans le courrier du 14 août 2017, il est démontré que Mme [Z] a eu un comportement fautif et que la sanction alors prononcée, la mise à pied disciplinaire de deux jours, était proportionnée à celui-ci.
Les demandes de Mme [Z] aux fins d’annulation de la mise en pied, de versement subséquent du salaire et de l’indemnité de congés payés afférents, de versement de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée ou disproportionnée doivent être rejetées. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, Mme [Z] fait valoir que, à son retour en entreprise après la mise à pied prononcée à son encontre (qui selon elle, était injustifiée), elle a été affectée à un poste de production, alors qu’elle avait occupé un emploi d’agent de maîtrise. Elle a été placée en arrêt de travail et, le 11 septembre 2017, de nouveau, elle s’est retrouvée à un poste de production (selon un extrait de planning en pièce n° 18 de l’intimée).
Mme [Z] ajoute que son employeur lui a refusé, à la fin de l’année 2017, le bénéfice d’une prime ou de bons d’achats (pièce n° 19 de l’intimée).
Le 18 septembre 2017, le médecin du travail mentionne que Mme [Z] présente une anxiété importante et qu’à ce stade, le retour au travail est impossible (pièce n° 22 de l’intimée).
Le docteur [S], psychiatre hospitalier, mentionne, dans un certificat daté du 15 décembre 2017, que Mme [Z] est suivie depuis le 21 novembre 2017 pour un état anxio-dépressif déclenché par des conflits sur le lieu de travail. La patiente a décrit des pressions de sa hiérarchie, qui ont pris dernièrement la forme d’un chantage afin de la contraindre à faire un faux témoignage contre une collègue, ce qu’elle a refusé. A titre de mesure de rétorsion, sa hiérarchie l’aurait changée de poste, en la rétrogradant. Le médecin atteste que l’état de Mme [Z] a nécessité l’instauration d’un traitement pharmacologique, avec un suivi psychiatrique régulier (pièce n° 21 de l’intimée).
Ainsi, les éléments de fait présentés par Mme [Z], pris en leur ensemble, en ce inclus les éléments de nature médicale, à l’exception du prononcé de la mise à pied disciplinaire, qui était justifiée et proportionnée, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
La société GFM Production réplique qu’il entre dans les attributions de Mme [Z], bien qu’elle ait le statut d’agent de maîtrise, d’occuper ponctuellement un poste de production et que tel a été le cas les 24 août et 11 septembre 2017, car la salariée ne l’avait pas prévenue de la reprise de son activité professionnelle (pièces n° 7, 8 et 27 de l’appelante).
L’argument de la direction de la société GFM Production concernant le fait que Mme [Z] ne l’a pas informée de sa reprise de travail le 24 août 2017 n’est pas pertinent, dans la mesure où il était prévisible que la salariée reprendrait le travail après avoir exécuté la mesure de mise à pied, les 22 et 23 août 2017.
Pour autant, le fait que l’employeur a affecté Mme [Z], ponctuellement et uniquement au cours de deux journées, sur un poste de production, ce qui au demeurant entrait dans les attributions de celle-ci, ne peut pas s’analyser en une rétrogradation. La décision de l’employeur est justifiée par les contraintes d’organisation de la production et n’est pas constitutive d’un agissement de harcèlement moral.
Concernant le refus d’accorder à Mme [Z], à la fin de l’année 2017, une prime ou des bons d’achats, la société GFM Production fait valoir que le bénéfice de ces avantages est accordé sous condition de l’investissement, de l’implication et du sérieux de chaque salarié au cours de l’année écoulée. Il ne s’agit pas d’un droit acquis et, au regard de la sanction disciplinaire prise à l’encontre de Mme [Z] le 14 août 2017, la direction de la société GFM Production a considéré qu’elle ne remplissait alors pas ces conditions.
Dès lors, la mise à pied étant jugée justifiée et proportionnée, la décision de l’employeur de refuser une prime ou l’octroi de bons d’achat est justifiée de manière objective et n’est pas constitutive d’un agissement de harcèlement moral.
En définitive, il convient de confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et exécution fautive du contrat de travail
A titre accessoire, Mme [Z] souligne que, par courrier du 27 octobre 2017, le médecin du travail a conseillé à la direction de la société GFM Production de la recevoir, « afin d’évaluer et d’éclaircir sa situation de travail » (pièce n° 20 de l’intimée), ce qui n’a pas été fait.
La société GFM Production a répondu au médecin du travail, par courrier du 3 novembre 2017, pour affirmer que Mme [Z] n’avait pas fait l’objet d’une rétrogradation ou d’une quelconque mesure discriminatoire et que, à son retour dans l’entreprise, un entretien aurait lieu avec elle, afin que cette reprise se déroule dans les meilleures conditions (pièce n° 32 de l’appelante). M. [L] [F], directeur général opérationnel de la société GFM Production, atteste qu’il a « pris personnellement du temps pour expliquer la situation à Mme [Z] » (pièce n° 30 de l’appelante), sans toutefois qu’il ne précise la date à laquelle cet entretien , dont il indique qu’il a duré plus de 20 minutes, a eu lieu.
La Cour relève que le médecin du travail a conseillé à l’employeur de recevoir en entretien Mme [Z], ce qui ne constitue pas une préconisation médicale au sens strict. En outre, si Mme [Z] conteste implicitement que M. [F] ait eu un tel entretien, elle ne démontre pas que l’absence de cet entretien lui ait causé un quelconque préjudice.
Il s’en déduit que doit être confirmé le rejet de la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et exécution fautive du contrat de travail, que celle-ci soit analysée sous l’angle de l’un ou l’autre de ces fondements juridiques.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
La société GFM Production fait valoir que l’action de Mme [Z] en contestation de la mise à pied était injustifiée et qu’en outre, cette dernière s’est montrée malveillante à son égard en portant des accusations de harcèlement moral, de manquement à l’obligation de prévention ou encore d’exécution fautive du contrat de travail.
Toutefois, Mme [Z] n’a pas commis de faute dans la formulation de ses demandes en justice, les parties ont loyalement débattu dans le cadre des instances prud’homale puis d’appel. La société GFM n’est pas fondée à lui reprocher d’avoir engagé abusivement cette procédure, le rejet de sa demande de dommages et intérêts de ce chef mérite d’être confirmé.
Sur les dépens
Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par Mme [Z], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
La demande de Mme [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, qu’elle ait pour objet les frais irrépétibles exposés en première instance ou en cause d’appel.
Pour un motif tiré de l’équité, la demande de la société GFM Production en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme le jugement rendu le 6 janvier 2020 par le conseil des prud’hommes de Lyon, sauf en ce qu’il a débouté :
– Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention et exécution fautive du contrat de travail ;
– la société GMF Production de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,
Rejette la demande de Mme [G] [Z] aux fins d’annulation de la mise à pied disciplinaire qui lui a été notifiée le 14 août 2017 ;
Rejette la demande de Mme [G] [Z] au titre du rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre les congés payés afférents ;
Condamne Mme [G] [Z] aux dépens de première instance et de l’instance d’appel ;
Rejette les demandes de la société GFM Production et de Mme [G] [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente