Mise à pied disciplinaire : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04152

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Mise à pied disciplinaire : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04152
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 11 MAI 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04152 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCANC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/07678

APPELANT

Monsieur [C] [Z] [H] [R]

[Adresse 1],

[Localité 3]

Représenté par Me Chanel DESSEIGNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les employés de la RATP peuvent être recrutés selon deux statuts juridiquement différents : celui de contractuel et celui d’agent statutaire également appelé agent du cadre permanent.

M. [C] [Z] [H] [R], né le 24 janvier 1978, a été engagé par l’établissement public Régie Autonome des Transports Parisiens (ci-après désignée la RATP) dans le cadre d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée à temps plein prenant effet le 30 septembre 2013 et s’achevant le 29 juillet 2014 en qualité de machiniste receveur. Il était alors âgé de 35 ans et 8 mois.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 29 juillet 2014 prenant effet le 30 juillet 2014, M. [Z] [H] [R] a été engagé par la RATP en qualité de machiniste receveur catégorie opérateur, niveau BC1, échelon 2. Il était alors âgé de 36 ans et 6 mois.

Par courrier du 9 novembre 2015, M. [Z] [H] [R] a sollicité de la RATP la requalification de son contrat de travail en contrat d’agent statutaire.

Par courrier du 9 décembre 2015, la RATP a rejeté cette demande au motif que l’article 9 du statut du personnel de la RATP ne permettait le recrutement en tant qu’agent statutaire que des personnes agées de 35 ans au plus, c’est-à-dire de moins de 35 ans et 1 jour.

Contestant cette décision, M. [Z] [H] [R] a saisi le 15 avril 2016 le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de requalification de son contrat de travail en contrat d’agent statutaire.

Par jugement définitif du 12 avril 2017, le conseil de prud’hommes a débouté M. [Z] [H] [R] de l’ensemble de ses demandes.

Par courrier du 20 mars 2018, le Défenseur des droits a répondu à la réclamation formulée devant lui par M. [Z] [H] [R] quant à la régularité des dispositions du statut du personnel de la RATP fixant une limite d’âge de 35 ans au-delà de laquelle un salarié ne peut plus être recruté en tant qu’agent du cadre permanent. Il lui a conseillé de s’adresser au directeur juridique de la RATP eu égard à la position formulée par la HALDE en la matière ainsi rappelée : ‘La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), dont le défenseur des droits a repris les missions depuis le 1er mai 2011 en vertu de l’article 44 de la loi n°2011-33 du 29 mars 2011, a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question qui a donné lieu à plusieurs délibérations, dont les délibérations n°2006-60 et 2006-61 du 3 avril 2006 dont vous trouverez copies en pièces jointes au présent courrier. Dans ces délibérations, la HALDE a affirmé, au vu de l’absence de justifications suffisantes, que les conditions d’âge pour le recrutement d’agents du cadre permanent définies à l’article 9 du chapitre 2 du statut du personnel de la RATP ne sont pas conformes aux dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et qu’elles constituent une discrimination fondée sur l’âge’.

Malgré ses courriers de relance d’avril 2018, la RATP n’a pas accordé au salarié le statut d’agent du cadre permanent.

Considérant notamment que ces refus étaient constitutifs d’une discrimination fondée sur l’âge, M. [Z] [H] [R] a saisi le 2 juillet 2018 le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’obtenir la condamnation de la RATP à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté M. [Z] [H] [R] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Le 8 juillet 2020, M. [Z] [H] [R] a interjeté appel du jugement.

Le 16 octobre 2020, M. [Z] [H] [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et un contentieux lié à la requalification de cette prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse est actuellement pendant devant les juridictions prud’homales.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 25 novembre 2022, M. [Z] [H] [R] demande à la cour de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé recevables ses demandes,

Infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes,

En conséquence,

Fixer la moyenne de ses salaires à 2.896,56 euros,

Juger qu’il a été victime d’un traitement discriminatoire,

En conséquence,

Condamner la RATP : ‘la reconstitution de sa carrière et les rappels de salaires, congés payés, primes et autres avantages basés sur une comparaison avec, Monsieur [V] [X] et Monsieur [M] [U], salariés titulaires de la RATP dont la situation est comparable avec (lui) et dont la communication du contrat de professionnalisation, du contrat de travail, de l’ensemble des fiches de paie et du dossier administratif pour chacun d’entre eux à compter du 30 janvier 2014 jusqu’à la date de la présente audience est sollicitée ;

Il est demandé à la Cour de prendre à titre de comparaison les feuilles de paie de Monsieur [M] [U] et de condamner la RATP à verser, au titre du rappel de salaire sur 3 ans:

– 43.000 euros bruts à titre de rappel de salaires, primes et autres avantages correspondant

à la différence entre les salaires moyens perçus par lui sur 36 mois (120.960 euros bruts) et ceux reçu par Monsieur [U] sur la même période (163.504 euros bruts),

– 4300 euros au titre des congés payés afférents’,

Condamner la RATP à verser la somme de 34 758,72 euros au titre de dommages-intérêts en raison de la discrimination dont il a été victime (12 mois de salaire),

Condamner la RATP au versement de la somme de ‘7.8764 euros’ bruts au titre du rappel de paiement des temps de parcours entre le centre bus « Croix Nivert », et « Point du jour» par lequel il doit transiter avant et après chaque prise de poste,

Juger qu’il a été victime de harcèlement moral,

En conséquence,

Condamner la RATP à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Juger nulle la sanction de mise à pied disciplinaire,

En conséquence,

Ordonner le versement d’un rappel de salaires du fait de l’annulation de la mise à pied injustifiée notifiée le 6 septembre 2019 : 168,02 euros sans préjudice de la somme de 16,80 euros au titre des congés payés afférents,

Condamner la RATP au versement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 pour les frais de première instance et sur le même fondement en appel, la somme de 2500 euros,

Juger que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 5 décembre 2022, la RATP demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris,

Dire et juger que M. [Z] [H] [R] n’a fait l’objet d’aucun retard dans son déroulement de carrière,

Dire et juger qu’il n’a été victime d’aucune discrimination de sa part,

Dire et juger que la sanction notifiée le 6 septembre 2019 est parfaitement régulière et justifiée,

En conséquence, débouter M. [Z] [H] [R] de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 7 décembre 2022.

MOTIFS :

Sur la discrimination fondée sur l’âge :

Au préalable, l’article 9 du statut du personnel de la RATP stipule : ‘Tout candidat à un emploi du cadre permanent doit satisfaire aux conditions suivantes :

A- Être âgé de dix-huit au moins et de trente-cinq ans au plus.

Toutefois :

– les candidats aux emplois de machiniste-receveur et d’agent de conduite des trains doivent être âgés de 21 ans au moins,

– la limite d’âge de trente-cinq ans n’est pas opposable aux veuves et aux femmes divorcées, non remariées, aux femmes séparées judiciairement, aux mères de trois enfants et plus et aux femmes célibataires ayant au moins un enfant à charge, qui se trouvent dans l’obligation de travailler.

La limite d’âge de trente-cinq ans peut être prorogée :

a) d’un an par enfant à charge au sens fiscal,

b) dans la limite du temps passé au service national soit obligatoirement au titre du service actif légal (tel que visé par le code du service national), des périodes de rappel ou de mobilisation, soit au titre d’un engagement pour la durée de la guerre (…)’.

* Sur le principe de la discrimination :

M. [Z] [H] [R] soutient avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge en ayant été écarté par la RATP d’un emploi du cadre permanent au seul motif qu’il avait dépassé la limite d’âge de 35 ans au plus au moment de son recrutement et alors que l’article 9 du statut du personnel qui fixe cette limite d’âge méconnaît la directive n°2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Il sollicite ainsi la somme de 34.758,72 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

En défense, la RATP conteste toute discrimination en soutenant qu’en application de l’article 9 du statut du personnel, il ne pouvait attribuer au salarié un emploi du cadre permanent puisqu’au moment de son recrutement il était âgé de 35 ans et 8 mois. Elle conclut au débouté de la demande indemnitaire du salarié.

***

L’article L. 1132-1 du code du travail précise qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Il incombe au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments, la partie défenderesse doit démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

***

En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que M. [Z] [H] [R] n’a pas bénéficié d’un emploi du cadre permanent au seul motif qu’il était âgé de plus de 35 ans et 1 jour lors de son embauche par la RATP.

Il s’en déduit que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte fondée sur l’âge. Il appartient ainsi à l’employeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’employeur soutient que sa décision de non-recrutement du salarié à un emploi du cadre permanent est justifiée par l’application de l’article 9 du statut du personnel qui a valeur réglementaire et qui s’applique à tous les employés de la RATP, établissement public sous tutelle de l’Etat et en charge d’une mission de service public.

Le salarié soutient que l’article 9 du statut ne peut justifier la décision critiquée puisqu’elle est contraire à la directive précitée du 27 novembre 2000 qui est d’application directe.

***

En application de l’article 6, paragraphe 1, de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 des différences de traitement fondées sur l’âge ne sont admises qu’à la condition d’être objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et si les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Selon l’article 4 du décret du 7 janvier 1959 relatif à l’organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, dans sa rédaction applicable en l’espèce, le statut du personnel de la Régie ne peut être modifié que par délibération du conseil d’administration de la Régie approuvée par le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme et le ministre des finances et des affaires économiques. Par suite, les dispositions relatives au statut du personnel de la RATP revêtent un caractère réglementaire.

Il se déduit de ces dispositions que lorsqu’un salarié, auquel est opposé son âge (supérieur à 35 ans) pour refuser, en application de l’article 9 du statut du personnel, son entrée dans le cadre permanent prévu audit statut, conteste la conventionnalité de ce texte au regard de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 précitée, le juge judiciaire doit vérifier si cette disposition statutaire, bien que de nature réglementaire, est conforme au texte de la directive, c’est-à-dire si la restriction liée à l’âge est justifiée par des raisons légitimes, nécessaires et proportionnées au sens de cette directive.

En l’espèce, l’employeur se borne à mentionner dans la partie discussion de ses écritures (p.6) que : ‘Historiquement, l’existence (de l’article 9 du statut) se justifie par des raisons liées au règlement des retraites de la RATP qui exigeait de justifier de 15 ans de service à la RATP pour pouvoir liquider une pension proportionnelle. De fait, une embauche trop tardive aurait privé les salariés de la possibilité de bénéficier d’une pension du régime spécial’.

Toutefois, la cour constate que la RATP se borne à procéder ici par voie d’affirmation et sans établir que ce motif justifiant ‘historiquement’ selon la RATP la disposition statutaire litigieuse le justifiait toujours au moment du recrutement de M. [Z] [H] [R].

En tout état de cause, la RATP ne développe dans ses écritures aucun argumentaire tendant à établir que la limite d’âge fixée par l’article 9 du statut du personnel est justifiée par des raisons légitimes, nécessaires et proportionnées au sens de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et, dès lors, l’article 9 du statut méconnaît cette directive. Il s’en déduit que la RATP ne peut utilement justifier la décision écartant l’appelant du cadre permanent par les dispositions de l’article 9 du statut du personnel. Par suite, la discrimination alléguée est établie et il sera alloué de ce chef au salarié la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi. Le jugement sera infirmé en conséquence.

* Sur les conséquences de la discrimination :

Les parties s’accordent sur le fait que MM. [X], [U] et M. [Z] [H] [R] ont été engagés à la même date et pour les mêmes fonctions mais que les deux premiers étant âgés de moins de 35 ans au moment de leur embauche ont bénéficié, contrairement à l’appelant, d’un emploi relevant du cadre permanent.

M. [Z] [H] [R] estime qu’il a bénéficié d’une carrière moins favorable que celle de MM. [X] et [U] du fait de la discrimination invoquée et sollicite ainsi dans le dispositif de ses écritures une reconstitution de carrière et plus précisément un rappel de salaire de 43.000 euros bruts correspondant à la différence entre ce qu’a perçu M. [U] au cours des trois dernières années et ce qu’il a perçu pendant la même période, outre 4.300 euros bruts de congés payés.

En défense, l’employeur ne produit aucun argumentaire dans ses écritures contestant, d’une part, le montant des différences salariales constatées par le salarié entre lui et M. [U] et, d’autre part, le fait que ces différences avaient pour origine, comme l’affirme l’appelant, la différence de statut entre ces deux employés, la RATP se bornant dans ses écritures d’appel à indiquer que l’évolution de carrière de M. [Z] [H] [R] était normale au regard des textes applicables à sa situation de contractuel.

Il ressort des développements précédents que M. [Z] [H] [R] devait bénéficier, comme M. [U], d’un emploi relevant du cadre permanent. Faute de réelle contestation par l’employeur des sommes sollicitées par le salarié, il sera intégralement fait droit à ses demandes salariales et le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le rappel de paiement des temps de parcours :

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer, à l’appui de leurs prétentions, les faits propres à les fonder et il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [Z] [H] [R] demande à la cour de condamner la RATP à lui verser la somme de ‘7.8764 euros’ bruts au titre du ‘rappel de paiement des temps de parcours entre le centre bus ‘Croix Nivert’ et ‘Point du jour’ par lequel il doit transiter avant et après chaque prise de poste’.

Dans la partie discussion de ses écritures (p.31) et comme l’expose l’employeur, le salarié ne présente aucun argumentaire à l’appui de cette prétention, se bornant à indiquer que ‘le temps de parcours doit être pris en compte et être payé’ sans autre précision et à formuler à ce titre une demande pécuniaire de 7.000 euros, différente donc de celle peu compréhensible mentionnée dans le dispositif de ses conclusions d’appel.

Compte tenu de ces imprécisions et de l’absence d’argumentaire à l’appui de sa demande pécuniaire, M. [Z] [H] [R] sera débouté de celle-ci et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral :

M. [Z] [H] [R] soutient dans ses écritures d’appel (p.26 à 30) qu’il a été victime d’agissements de harcèlement moral de la part de son employeur suite à sa saisine du juge prud’homal. Il sollicite ainsi la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

En défense, la RATP conclut au débouté en faisant valoir que l’appelant n’a subi aucun harcèlement moral.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En premier lieu, M. [Z] [H] [R] expose dans ses écritures (p.27) qu’il a fait l’objet d’une agression dans son bus de la part d’un voyageur le 2 juillet 2018 et que la RATP ‘lui a mis la pression pour qu’il soit absolument déclaré apte sans aménagement de poste’ par le médecin du travail.

A l’appui de ses allégations, il se réfère dans ses conclusions d’appel à :

– deux certificats médicaux du médecin du travail le déclarant ‘apte avec aménagement de poste (T2 uniquement)’ le 10 juillet 2018 et apte sans autre précision le 11 juillet 2018 (pièces 13 et 56),

– une offre de conducteur de métro.

Toutefois, ces seuls éléments n’établissent pas la matérialité des pressions alléguées par le salarié.

Dès lors, ce premier fait n’est pas établi.

En deuxième lieu, M. [Z] [H] [R] reproche à l’employeur d’avoir suspendu temporairement son habilitation Tramway T2 à une date non précisée dans les conclusions d’appel (p. 28-29) suite au certificat médical du 10 juillet 2018 précité. A l’appui de ses allégations, il produit une copie d’écran d’un message non daté et ne précisant pas l’identité de l’émetteur autrement que par son prénom ‘[E]’. Compte tenu de l’imprécision des écritures et du document produit, ce fait n’est pas établi.

En troisième lieu, M. [Z] [H] [R] soutient avoir subi un nouvel accident du travail à une date non précisée dans ses conclusions d’appel (p.28) et qui serait selon lui la ‘preuve du caractère continu et diffus’ du harcèlement invoqué.

Néanmoins, le salarié ne se réfère dans ses écritures à aucun élément de nature à établir le lien entre un accident du travail et une attitude harcelante de l’employeur.

Dès lors, ce troisième fait n’est pas établi.

En quatrième lieu, M. [Z] [H] [R] reproche à l’employeur de lui avoir confié un véhicule sans vitre agression alors qu’il avait été précédemment victime d’une agression.

Toutefois, à l’appui de ses allégations, le salarié se réfère uniquement dans ses conclusions d’appel (p.38) à un document intitulé ‘restranscription d’écoute’ du 13 juin 2019 entre un ‘régulateur’ non identifié et un ‘machiniste-receveur’ également non identifié (pièce 36).

Par suite, ce document n’est pas suffisant pour établir la matérialité de ce quatrième fait allégué qui n’est dès lors pas établi.

En cinquième lieu, M. [Z] [H] [R] reproche à la RATP de l’avoir sanctionné par courrier du 16 avril 2020 pour une absence injustifiée du 21 février 2020. Le courrier litigieux étant produit (pièce 53), ce cinquième fait est dès lors établi.

En sixième et dernier lieu, M. [Z] [H] [R] reproche à l’employeur (conclusions p.30-31) de ne pas lui avoir versé une somme de 7.000 euros au titre des temps de parcours entre le centre bus ‘Croix Nivert’ et le centre de ‘Point du jour’. Or, il ressort des développements précédents que le salarié a formulé à ce titre une demande pécuniaire qui a été rejetée par la cour en raison de son imprécision et de l’absence d’argumentaire permettant d’en établir le bien-fondé. Il s’en déduit que ce fait n’est pas établi.

***

Il résulte de ce qui précède que seule la sanction du 16 avril 2020 est matériellement établie.

Toutefois, ce fait isolé ne peut à lui seul laisser présumer une situation de harcèlement moral qui suppose des agissements répétés.

Par suite, le harcèlement moral dénoncé par le salarié n’est pas établi.

M. [Z] [H] [R] sera donc débouté de sa demande indemnitaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la demande d’annulation de la sanction du 6 septembre 2019 :

Par courrier du 6 septembre 2019, la RATP a prononcé à l’encontre du salarié une mise en disponibilité sans solde d’une journée pour les faits suivants :

‘Le 13 juin 2019, alors que vous effectuiez le service 41 sur la ligne 701, vous n’avez respecté aucune des heures de départs commandés.

Le régulateur en poste ce jour-là a établi un rapport relatant ces faits. Il a par ailleurs fait état d’un comportement ainsi que de propos inacceptables de votre part. Vous avez en effet exigé qu’il vous limite puis refusé de vous conformer à ses consignes.

Cette attitude n’est pas acceptable. Nous vous rappelons que la ponctualité ainsi que le respect des consignes de régulation sont indispensables au bon fonctionnement de notre activité de transport de voyageurs.

Qui plus est, ces règles sont très clairement inscrites dans l’instruction professionnelle du machiniste receveur dont l’engagement n°1 indique le machiniste receveur doit ‘être ponctuel et respecter les consignes de régulation’.

En agissant de la sorte, vous avez dégradé l’exploitation de la ligne et l’offre de service pour nos clients. En effet, nous déplorons une perte de 13 KCC.

Vous avez été convoqué à un entretien contradictoire le 22 août 2019 auquel vous vous êtes présenté.

Malgré les explications recueillies au cours de cet entretien, nous continuons de considérer ces faits comme fautifs. En conséquence, nous vous notifions par la présente la mesure disciplinaire du 1er degré B suivantes : 1 journée de mise en disponibilité sans solde”.

M. [Z] [H] [R] sollicite l’annulation de cette sanction disciplinaire aux motifs qu’elle a été prise selon une procédure irrégulière et qu’elle n’est pas fondée. Il sollicite également la somme de 168,02 euros à titre de rappel de salaire du fait de l’annulation de cette sanction, outre 16,80 euros de congés payés afférents.

En défense, l’employeur soutient que la sanction a été prise selon une procédure régulière et qu’elle est bien-fondée. Il conclut en conséquence au débouté de ces demandes pécuniaires.

***

Le salarié soulève plusieurs irrégularités viciant selon lui la procédure disciplinaire et notamment le fait que la sanction litigieuse a été prise par l’employeur sans que lui soit indiquées les voies de recours à l’encontre de celle-ci, ce qui est attentatoire à ses droits de la défense.

L’employeur soutient qu’aucune obligation d’information ne pèse sur lui concernant les voies de recours contre une sanction disciplinaire.

En l’espèce et en premier lieu, l’article 149 du statut du personnel de la RATP prévoit que peuvent être prononcées à l’encontre des agents commissionnés des mesures disciplinaires du premier degré et du second degré.

S’agissant du premier degré, l’article 149 distingue deux séries de mesures :

– d’une part, celles d’un sous ensemble ‘a’ comprenant l’observation, le rappel à l’ordre, l’avertissement et la mise en disponibilité d’office avec sursis jusqu’à 1 jour,

– d’autre part, celles d’un sous ensemble ‘b’ comprenant la mise en disponibilité d’office jusqu’à 5 jours et le déplacement d’office.

Il résulte de ce qui précède que, comme l’indiquent les parties, la sanction litigieuse de mise en disponibilité sans solde de 1 jour est une mesure du premier degré, sous-ensemble ‘b’.

En deuxième lieu, l’article 151 du statut du personnel de la RATP stipule :

‘L’agent faisant l’objet d’une mesure du 1er degré doit en être informé :

– Tout d’abord verbalement par un responsable hiérarchique qui lui indique alors le motif de la mesure envisagée et recueille ses observations.

Dans le cas d’une mesure du 1er degré b), l’agent doit préalablement recevoir une convocation écrite mentionnant l’objet de celle-ci et il peut se faire assister au cours de l’entretien par un agent de son choix. A la fin de l’entretien, un compte rendu résumant les points de vue exprimés est établi contradictoirement et signé par les intéressés. Copie de ce compte rendu est remis à l’agent.

– Puis par la présentation d’un procès-verbal de mesure disciplinaire que l’agent doit émarger. S’il se croit fondé à réclamer, il peut faire précéder sa signature de l’exposé de sa réclamation. Copie de ce procès-verbal est remis à l’agent.

Dans le cas d’une mesure du 1er degré b), il peut, en outre, faire appel devant le directeur général. Celui-ci statue après avoir notamment pris connaissance du compte rendu établi à l’issue de l’entretien ci-dessus mentionné.

La réclamation ou l’appel doivent être adressés par la hiérarchie au directeur dont dépend l’agent dans un délai de 5 jours francs qui suit la notification de la mesure. L’appel est suspensif.

La mesure disciplinaire ne peut intervenir moins d’un jour franc ni plus d’un mois après le jour de la notification de la décision définitive’.

Ainsi, aux termes de ce texte, l’agent faisant l’objet d’une mesure disciplinaire du premier degré, sous ensemble ‘b’ peut faire appel devant le directeur général, cet appel qui a un caractère suspensif devant être adressé par la hiérarchie au directeur dont dépend l’agent dans un délai de cinq jours qui suit la notification de la mesure.

L’article 2.7. de l’instruction générale n°408, dont il n’est pas établi qu’elle a été remise au salarié, prévoit en particulier que pour faire appel d’une mesure du 1er degré b) dans les conditions prévues par l’article 151 du statut du personnel, l’agent doit utiliser le formulaire imprimé dite ‘demande personnelle’ et l’adresser au directeur dont il dépend dans les 48 heures qui suivent la notification de la mesure.

Cette voie de recours suspensive en interne, tant dans son principe que dans ses conditions et formes d’exercice, s’analyse en une garantie statutaire des droits de la défense du salarié qui doit en être informé dès la notification de la sanction.

Or, cette information de l’appelant sur l’exercice de ses voies de recours contre la sanction litigieuse ne ressort d’aucun élément produit et notamment pas :

– du courrier du 2 août 2019 par lequel l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé au 22 août 2019 en vue d’une éventuelle mesure disciplinaire (pièce 39),

– du compte-rendu d’entretien du 22 août 2019 signé de l’employeur, du salarié et de l’accompagnateur (pièce 40),

– du courrier du 6 septembre 2019 par lequel l’employeur a notifié au salarié la sanction litigieuse (pièce 52).

Cette absence d’information qui est attentatoire aux droits de la défense de M. [Z] [H] [R] constitue un manquement à une garantie de fond affectant la validité de la sanction litigieuse.

Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres irrégularités et le bien-fondé de la sanction, celle-ci sera annulée et le jugement sera infirmé en conséquence.

Le montant du rappel de salaire et des congés payés afférents sollicités par l’appelant en raison de l’annulation de la sanction prononcée par la cour n’est pas contesté dans les écritures de la RATP. Il sera donc intégralement fait droit à ces demandes pécuniaires et le jugement sera infirmé en conséquence, précision faite que les sommes sont allouées en brut.

Sur les demandes accessoires :

La RATP, qui succombe partiellement doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Elle sera condamnée à verser au salarié la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel.

Elle sera déboutée de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [C] [Z] [H] [R] de ses demandes pécuniaires au titre de la discrimination, de la reconstitution de carrière et de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [C] [Z] [H] [R] de sa demande d’annulation de la sanction du 6 septembre 2019 et de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés afférents liées à cette annulation,

– condamné M. [C] [Z] [H] [R] aux dépens,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

PRONONCE la nullité de la mise à pied disciplinaire d’un jour prononcée le 6 septembre 2019 par l’établissement public Régie Autonome des Transports Parisiens à l’encontre de M. [C] [Z] [H] [R],

CONDAMNE l’établissement public Régie Autonome des Transports Parisiens à payer à M. [C] [Z] [H] [R] les sommes suivantes :

– 5.000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination,

– 43.000 euros bruts à titre de rappel de salaires au titre de la reconstitution de carrière,

– 4.300 euros bruts de congés payés afférents,

– 168,02 euros bruts de rappel de salaire du fait de l’annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 6 septembre 2019,

– 16,80 euros bruts de congés payés afférents,

– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d’appel,

DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les créances à caractère indemnitaire à compter de la décision qui les ordonne,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE l’établissement public Régie Autonome des Transports Parisiens aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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