Your cart is currently empty!
VC/LD
ARRET N° 295
N° RG 21/02856
N° Portalis DBV5-V-B7F-GL7Q
S.A.S. BONTEMPS BONNARME
C/
[W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
S.A.S. BONTEMPS BONNARME
N° SIRET : 348 133 257
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me François-Xavier GALLET de la SELARL GALLET & GOJOSSO AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Yves GUEVENOUX, substitué par Me Fatine LAAZIBI, tous deux avocats au barreaux de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur [T] [W]
né le 15 Mai 1973 à [Localité 4] (17)
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Alexandra DUPUY de la SELARL Alexandra DUPUY, avocat au barreau de LA ROCHELLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Avril 2023, en audience publique, devant :
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Bontemps Bonnarme est spécialisée dans le domaine de la vente en gros de peintures, papiers-peints, moquettes et revêtements de sols.
Elle a embauché M. [T] [W], dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 15 avril 2002, en qualité de magasinier principal.
Le 15 octobre 2005, la société Bontemps Bonnarme a notifié à M. [T] [W] un rappel à l’ordre.
Le 21 avril 2010, la société Bontemps Bonnarme a infligé à M. [T] [W] une mise à pied disciplinaire.
Le 13 novembre 2019, la société Bontemps Bonnarme a infligé à M. [T] [W] un avertissement.
Le 25 juin 2020, la société Bontemps Bonnarme a convoqué M. [T] [W] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 10 juillet suivant.
Le 17 juillet 2020, la société Bontemps Bonnarme a notifié à M. [T] [W] son licenciement.
Le 8 octobre 2020, M. [T] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle aux fins, sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement à intervenir et en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Bontemps Bonnarme à lui payer, majorées des intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes suivantes :
– 56 196,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 13 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de La Rochelle a :
– jugé que le licenciement de M. [T] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Bontemps Bonnarme à payer à M. [T]
[W] les sommes suivantes :
– 13 920 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– débouté la société Bontemps Bonnarme de toutes ses demandes ;
– condamné la société Bontemps Bonnarme aux entiers dépens.
Le 1er octobre 2021, la société Bontemps Bonnarme a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– avait jugé que le licenciement de M. [T] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– l’avait condamnée à payer à M. [T] [W] les sommes suivantes :
– 13 920 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’avait déboutée de toutes ses demandes ;
– l’avait condamnée aux entiers dépens.
Par conclusions reçues au greffe le 16 décembre 2021, la société Bontemps Bonnarme demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a jugé que le licenciement de M. [T] [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– l’a condamnée à payer à M. [T] [W] les sommes suivantes :
– 13 920 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’a déboutée de toutes ses demandes ;
– l’a condamnée aux entiers dépens ;
– et, statuant à nouveau :
– de juger que le licenciement de M. [T] [W] repose sur un motif disciplinaire constituant une cause réelle et sérieuse ;
– de débouter M. [T] [W] de l’intégralité de ses demandes ;
– de condamner M. [T] [W] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions reçues au greffe le 16 mars 2022, M. [T] [W] demande à la cour :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
– de confirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la société Bontemps Bonnarme à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– d’infirmer ce jugement concernant le quantum des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle er sérieuse ;
– de confirmer ce jugement en ce qu’il a condamné la société Bontemps Bonnarme aux entiers dépens et à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– et, statuant à nouveau :
– de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– de condamner la société Bontemps Bonnarme à lui payer, majorées des intérêts de droit à compter du jour de la demande, les sommes suivantes :
– 56 187,36 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 3 000 euros en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens ;
– de débouter la société Bontemps Bonnarme de l’ensemble de ses demandes.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 6 mars 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 3 avril 2023 à 14 heures pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de son appel, la société Bontemps Bonnarme expose en substance :
– que M. [T] [W] a été licencié pour les motifs suivants :
– non-respect des procédures de réception de commandes ;
– non-respect des consignes émises par le responsable hiérarchique ;
– communication des prix d’achat à un client ;
– que par mégarde elle a intitulé la lettre de licenciement comme suit : ‘notification de licenciement pour insuffisance professionnelle’ ;
– que cet intitulé ne reflète pas les griefs invoqués ;
– que le contenu de la lettre de licenciement ne laisse aucun doute ‘quant au caractère fautif du licenciement notifié’ ;
– que plus encore, la convocation à l’entretien préalable visait une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ;
– que chacun des griefs énoncés dans la lettre de licenciement est constitutif d’une faute justifiant à elle seule le licenciement de M. [T] [W] ;
– qu’en premier lieu, alors qu’il avait été formé à la procédure de réception de marchandise, M. [T] [W] n’a pas respecté cette procédure à la réception d’une commande de produits Renaulac pour une valeur d’environ 17 000 euros ;
– qu’ensuite, la supérieure hiérarchique de M. [T] [W], Mme [B], qui avait identifié des problèmes de stocks et découvert que ces problèmes étaient imputables à M. [T] [W], l’a convoqué pour en discuter et lui a demandé de vérifier les stocks mais il n’a pas exécuté cette consigne ;
– qu’enfin, le 19 juin 2020, M. [T] [W] a fourni à un client de l’entreprise, la société Décor et Maison, le tarif du matériel acheté auprès de l’un de ses fournisseurs, la société Montecolino et que lorsque Mme [B] en a fait le reproche à M. [T] [W] celui-ci a répondu ‘c’est ballot’ manifestant ainsi son désintérêt pour son travail ;
– que, contrairement à ce qu’il soutient, M. [T] [W] n’a pas toujours donné satisfaction puisqu’il a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires et il n’avait pas eu à faire face à une surcharge de travail ainsi qu’elle le démontre ;
– subsidiairement que le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail est applicable en l’espèce.
En réponse, M. [T] [W] objecte pour l’essentiel :
– qu’il a été licencié pour insuffisance professionnelle ;
– que la société Bontemps Bonnarme énonce une série de 3 griefs dont il lui appartient de faire la démonstration ;
– que cette démonstration sera difficile dans la mesure où d’une part il cumulait 19 années d’ancienneté au jour de son licenciement, d’autre
part il a été promu du niveau 1 au niveau 2 de sa catégorie d’emploi, où encore il verse aux débats deux séries d’entretiens individuels qui font apparaître qu’il donnait entièrement satisfaction à l’employeur et enfin où il s’est vu attribuer une prime exceptionnelle au cours du mois de son licenciement ;
– qu’en réalité il a dû faire face à une surcharge de travail à la suite de la problématique du COVID ;
– que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que le barème de l’article L 1235-3 ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.
Il apparaît que les parties sont contraires pour ce qui touche à la qualification du licenciement de M. [T] [W], celui-ci soutenant que son licenciement a été prononcé pour insuffisance professionnelle quand l’employeur fait valoir que ce licenciement est de nature disciplinaire.
Cependant il est de principe que dès lors qu’il résulte des termes de la lettre de licenciement que l’employeur reproche une faute au salarié, ce licenciement est de nature disciplinaire.
Or en l’espèce, si la lettre de licenciement notifiée à M. [T] [W] mentionne pour objet : ‘notification de licenciement pour insuffisance professionnelle’, la simple lecture du corps de cette lettre fait clairement apparaître que le licenciement a été prononcé aux motifs de fautes imputées au salarié à savoir :
– le non-respect des procédures de réception de commandes,
– le non-respect des consignes émises par le responsable hiérarchique,
– la communication des prix d’achat à un client, étant ajouté que le troisième paragraphe de la page 2 de la lettre est rédigé en ces termes : ‘Ces derniers événements…….démontrent également un manque d’implication et de conscience professionnelle qui induisent de nombreuses fautes dans l’exercice de vos fonctions, fautes qui ont des conséquences sur le bon fonctionnement de notre entreprise mais aussi dans nos relations commerciales avec nos clients ou nos fournisseurs’.
Aussi la cour retient que le licenciement de M. [T] [W] est de nature disciplinaire.
Selon l’article L 1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et si un doute subsiste il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve, en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
En l’espèce, dans le but de justifier du bien fondé du licenciement de M. [T] [W], la société Bontemps Bonnarme verse aux débats les pièces suivantes :
– ses pièces n° 2, 3 et 6 : il s’agit des courriers de notification des précédentes sanctions disciplinaires infligées à M. [T] [W] respectivement les 14 octobre 2015, 21 avril 2010 et 13 novembre 2019 ;
– sa pièce n° 13 : il s’agit d’une attestation établie par Mme [S] [B], responsable des ventes au sein de l’entreprise, qui y déclare notamment : ‘Au mois de mai, M. [T] [W] n’a pas respecté la procédure de réception. Il n’a pas vérifié la marchandise reçue ni utilisé les outils mis à sa disposition. Après discussion avec lui, il m’indique qu’il n’a pas respecté la procédure pour aller plus vite. Je lui ai demandé de reprendre la commande et de vérifier les stocks réels, chose qu’il n’a jamais faite’, puis plus avant : ‘En juin, la commerciale [V] [K] lui demande d’envoyer par mail l’accusé de réception de commande à son client. Le client a reçu une commande fournisseur. J’ai fait part de son erreur à M. [T] [W], il m’a répondu : ‘C’est ballot’ et qu’il avait mélangé la commande au fournisseur et celle du client’;
– sa pièce n° 15 : il s’agit d’un courriel en date du 18 juin 2020, rédigé par Mme [S] [B] en ces termes : ‘Nous avons remarqué pour le dépôt de [Localité 4] quelques problèmes de stock Renaulac. J’ai fait des recherches. J’ai constaté qu’une réception n’avait pas été faite correctement. Il a été passé une commande Renaulac le 12/05 pour une valeur d’environ 17 000 euros (43 lignes), commande réceptionnée le 18/05. Depuis nous recevons de la marchandise liée à cette même commande, le problème est que quand nous voulons réceptionner, SAP nous indique que la marchandise est déjà réceptionnée……Après quelques recherches, la commande a été passée et réceptionnée par [T]. J’ai discuté avec lui et lui ai demandé le pourquoi du comment. Sa réponse est de me dire qu’il n’avait pas le temps et qu’il a réceptionné au plus vite. Aujourd’hui, nous ne savons pas ce qui a été réellement reçu et cela a des impacts au quotidien (dif de stock, valeur de stock….). je pense que [T] n’a aucune conscience du préjudice et ne cherche pas à réparer cette erreur…..’ ;
– sa pièce n° 14 : il s’agit d’un ensemble de bons de livraison qui illustrent les erreurs de réception dont Mme [S] [B] fait état dans l’attestation précitée ;
– ses pièces n° 17 à 19 : il s’agit respectivement d’un courriel adressé par M. [T] [W] le 19 juin 2020 à la société Décors et Maisons, d’un bon de commande n° 4500588176 adressé le 18 juin 2020 par la société Bontemps Bonnarme à la société Montecolino et d’une attestation établie par Mme [V] [K] qui y déclare que M. [T] [W] a envoyé le 19 juin 2020 le bon de commande n° 450058176 au client ‘Décors et Maisons’.
La cour retient que ces pièces établissent la réalité des trois griefs aux motifs desquels le licenciement de M. [T] [W] a été prononcé, étant observé d’une part que ce dernier ne justifie aucunement de la surcharge de travail dont il fait état quand la société Bontemps Bonnarme, produisant notamment ses pièces n° 24 et 25, fait la démonstration que son niveau d’activité a baissé entre 2019 et 2020, et d’autre part que les entretiens professionnels dont M. [T] [W] se prévaut ont été menés fin 2017 et fin 2018 soit bien avant les faits en raison desquels il a été licencié et enfin que rien n’indique à quel motif la société Bontemps Bonnarme a versé à M. [T] [W] une prime exceptionnelle au mois de juillet 2020 quand l’employeur verse aux débats les bulletins de salaire de plusieurs autres salariés de l’entreprise qui mentionnent tous également le versement d’une prime exceptionnelle au mois de juillet 2020, ce qui tend à démontrer que cette prime ne visait pas à récompenser spécifiquement M. [T] [W] pour son travail, étant en outre observé que les bulletins de salaire de M. [T] [W] (sa pièce n° 2) font apparaître que la société Bontemps Bonnarme lui avait versé cette prime exceptionnelle déjà en décembre et août 2019.
Aussi la cour considère que la société Bontemps Bonnarme justifie de la réalité et du sérieux des motifs en raison desquels elle a licencié M. [T] [W].
En conséquence, la cour déboute M. [T] [W] de l’ensemble de ses demandes.
Succombant en toutes ses demandes, M. [T] [W] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En revanche il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Bontemps Bonnarme l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société Bontemps Bonnarme sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, la cour infirmant cependant le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Bontemps Bonnarme à verser à M. [T] [W] la somme de 1 200 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance et déboutant ce dernier de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
– Déboute M. [T] [W] de l’ensemble de ses demandes ;
Et, y ajoutant :
– Déboute la société Bontemps Bonnarme de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamne M. [T] [W] aux entiers dépens tant de première instance que de l’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,