SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 novembre 2021
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1215 F-D
Pourvoi n° Z 19-21.005
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021
La société Siradel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-21.005 contre l’arrêt rendu le 12 juin 2019 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant à M. [F] [V], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Siradel, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [V], après débats en l’audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 12 juin 2019), M. [V] a été engagé le 2 avril 2013 par la société Siradel (ci-après la société) en qualité de account manager EMEA, moyennant une rémunération fixe à laquelle s’ajoutait une rémunération variable annuelle (prime de résultat) en fonction de l’atteinte des objectifs de vente. Le salarié était soumis à un forfait annuel en jours fixé à 218 jours, outre 12 jours de RTT.
2. Le 29 avril 2016, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
4. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de prime de résultat et les congés payés afférents, alors « que lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d’accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause ; que si l’objectif de résultats, dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable, n’a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer selon les mêmes critères ; que la cour d’appel a constaté, en l’espèce, que les objectifs conditionnant le paiement de la prime annuelle de résultat devaient être, selon le contrat de travail, fixés annuellement en concertation entre le salarié et l’employeur ; qu’elle a fait droit à la demande du salarié qui réclamait, pour les années 2013 à 2016, le paiement intégral de la prime d’objectifs, au motif que les objectifs annuels n’avaient jamais été fixés ; qu’en statuant de la sorte, cependant qu’il lui incombait de les fixer elle-même en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes et, à défaut, des données de la cause, la cour d’appel a méconnu son office et a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 devenu 1103 du code civil. »
Réponse de la Cour
5. La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait manqué à son obligation contractuelle d’engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a, sans méconnaître son office, décidé à bon droit que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
7. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2013 à 2016, congés payés compris, et à titre d’indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire en repos, alors :
« 1°/ d’une part, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que la cour d’appel a constaté que le salarié se bornait à produire un tableau récapitulatif mentionnant uniquement le total des heures supplémentaires réalisées chaque semaine, ainsi qu’une liste de réunions et de déplacements professionnels ; qu’en déclarant que ces éléments étaient suffisamment précis pour étayer la demande, cependant qu’ils ne reprenaient pas avec précision les horaires de travail effectivement réalisés par le salarié et ne mettaient donc pas l’employeur en mesure de s’expliquer, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses constatations et a violé l’article L. 3171-4 du code du travail ;
2°/ d’autre part, que le salarié ne peut prétendre au paiement que des heures supplémentaires accomplies avec l’accord au moins implicite de l’employeur ou s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; que la société avait rappelé, sans être contredite, que le salarié organisait librement son emploi du temps ; qu’elle avait également contesté avoir donné son accord en vue de l’accomplissement d’heures supplémentaires par le salarié ou que sa charge de travail eût rendu nécessaire la réalisation de telles heures ; en faisant valoir, justificatifs à l’appui que durant ses périodes de présence au sein de l’entreprise celui-ci consacrait une partie importante de son temps à des activités sans lien avec ses fonctions contractuelles, notamment en vue de créer sa propre entreprise ; qu’en faisant droit à la demande du salarié, sans rechercher si les heures supplémentaires avaient été réalisées selon les instructions de l’employeur ou du moins avec l’accord, au moins implicite, de celui-ci, ni si elles étaient nécessaires à la réalisation des tâches confiées au salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. D’abord, la cour d’appel, qui a constaté que le salarié produisait un tableau couvrant la période concernée, soit de la semaine 8 de 2013 à la semaine 16 de 2016, mentionnant le nombre d’heures effectuées chaque semaine et mentionnant les jours fériés, les jours de congés, les jours RTT et les jours de récupération, et qui a relevé que cet élément, auquel s’ajoutaient une liste récapitulative par année des réunions auxquelles il a participé et qui se sont terminées bien au-delà de 18 heures, ainsi que la liste de ses déplacements en métropole et à l’étranger, est suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, a, sans encourir le grief de la première branche, fait une exacte application de l’article L. 3171-4 du code du travail.
9. Ensuite, appréciant la valeur et la portée des éléments produits devant elle, la cour d’appel, a fait ressortir que les heures litigieuses avaient été rendues nécessaires par les tâches confiées à l’intéressé.
10. Le moyen n’est donc pas fondé.
Réponse de la Cour
5. La cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait manqué à son obligation contractuelle d’engager chaque année une concertation avec le salarié en vue de fixer les objectifs dont dépendait la partie variable de la rémunération, a, sans méconnaître son office, décidé à bon droit que la rémunération variable contractuellement prévue devait être versée intégralement pour chaque exercice.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.