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Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2013
(n° 302 , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 11/22839
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu 13 Décembre 2011 par le Tribunal de Commerce de PARIS – 15ème CHAMBRE – RG n° 10/55400
APPELANTES
SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE agissant poursuites et diligences de son Président et/ou tous eprésentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 2]
Société BRAVADO INTERNATIONAL GROUP MERCHANDISING SERVICES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
245 5th Avenue
NEW YORK
Représentées par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistées de Me Nicolas BOESPFLUG, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque E 329
INTIMÉE
SARL LES POINTS CARDINAUX
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et Assistée par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS,
toque : A0738
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Octobre 2013, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Irène LUC, Conseiller, chargée d’instruire l’affaire et Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise COCCHIELLO, Président
Madame Irène LUC, Conseiller, rédacteur
Madame Claudette NICOLETIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Françoise COCCHIELLO Président, et par Madame Denise FINSAC, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
****
Vu le jugement du 13 décembre 2011, assorti de l’exécution provisoire, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Bravado International Group Merchandising Services et la société Universal Music France de leurs demandes, dit que la société Universal Music France et la société Bravado International Group Merchandising Services se sont rendues coupables de dénigrement envers la société Les Points Cardinaux, condamné la société Universal Music France et la société Bravado International Group Merchandising Services à payer à la société Les Points Cardinaux la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts au titre du dénigrement, débouté les parties de leurs demandes autres ou contraires et condamné la société Universal Music France et la société Bravado International Group Merchandising Services à payer à la société Les Points Cardinaux la somme de 8.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l’appel interjeté le 21 décembre 2011 par les sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services et leurs conclusions du 6 juillet 2002 dans lesquelles elles demandent à la Cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes et les a condamnées au profit de la société Les Points Cardinaux, de confirmer le jugement déféré pour le surplus, dire et juger qu’en commercialisant des bougies représentant [B] [C] sous le prénom [B] sans l’autorisation des sociétés Bravado International Group Merchandising Services et Universal Music France, la société Les Points Cardinaux a commis des actes de concurrence déloyale aux dépens de cette dernière, interdire à la société Les Points Cardinaux d’exploiter l’image et le nom, même limité au prénom [B], de [B] [C] sous forme de produits dérivés sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir, condamner la société Les Points Cardinaux à payer aux sociétés Bravado International Group Merchandising Services et Universal Music France une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois supports au choix des sociétés Bravado International Group Merchandising Services et Universal Music France et aux frais de la société Les Points Cardinaux dans la limite de 15.000 euros HT, dire et juger la société Les Points Cardinaux mal fondée en son appel incident et l’en débouter et enfin condamner la société Les Points Cardinaux à leur payer une indemnité de 10.000 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 15 mai 2012 de la société Les Points Cardinaux, dans lesquelles elle demande à la Cour de déclarer les sociétés Bravado International Group Merchandising Services et Universal Music France mal fondées en leur appel principal, déclarer la société Les Points Cardinaux recevable et bien fondée en son appel incident ; en conséquence, sur la demande principale, rejeter des débats les pièces n°1, 4 et 8 communiquées par les appelantes selon bordereau de communication en date du 15 mars 2012, constater la carence probatoire des appelantes, les déclarer en conséquence irrecevables en leurs demandes et en toutes hypothèses mal fondées, à titre subsidiaire, dire et juger que la cession globale des droits sur l’image du chanteur [B] [C] doit être déclarée nulle, débouter en conséquence les appelantes de leurs demandes, plus subsidiairement encore, débouter les appelantes de l’intégralité de leurs demandes ; sur la demande reconventionnelle de la société Les Points Cardinaux, dire et juger que la société Les Points Cardinaux est recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles, en conséquence, dire et juger que les sociétés Universal Music France et Bravado International ont commis à l’encontre de la société Les Points Cardinaux des actes de concurrence déloyale qui les obligent à réparation, condamner en conséquence, solidairement, les sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services à payer à la société Les Points Cardinaux la somme de 100.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, celle de 100.000 Euros en réparation de son préjudice économique, et celle de 15.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1382 du Code Civil, ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, sous forme de communiqué judiciaire, dans trois organes de presse au choix de la société Les Points Cardinaux et aux frais solidaires des sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services et dans une limite de 15.000 Euros hors taxes l’insertion et enfin condamner solidairement les deux sociétés à payer à la société Les Points Cardinaux la somme de 8.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés en cause d’appel ;
SUR CE,
Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants :
La société Les Points Cardinaux a créé une collection de bougies, intitulée « Love it or burn it » à l’effigie de différentes personnalités. Parmi ces bougies, était commercialisée une bougie dénommée « [B] », reproduisant le buste du chanteur [B] [C].
Le concept avait pour objet de permettre à l’acheteur de vénérer ou de brûler ces bougies, comme on brûle ses idoles.
En mai 2010, la société Universal Music France (ci-après Universal) a constaté que ces bougies étaient commercialisées dans le magasin Printemps Haussmann. Estimant détenir de la société Bravado International Group Merchandising Services (ci-après Bravado) un droit exclusif sur l’image et le nom du chanteur sous forme de produits dérivés incluant les bougies, la société Universal a, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 27 mai 2010, mis en demeure la société Les Points Cardinaux de cesser de commercialiser ses bougies. Le même jour, elle a adressé copie de cette lettre à la direction du Printemps Haussmann qui, dès le 28 mai, a fait retirer les marchandises litigieuses.
Par courrier du 7 juin 2010, le conseil de la société Les Points Cardinaux protestait auprès du Président de la société Universal, en rappelant que le droit sur l’image de [B] [C] s’était éteint au décès de l’artiste, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qu’il joignait en copie, tout en sollicitant la communication des conventions sur lesquelles la société Universal et sa filiale Bravado fondaient leurs droits.
Par acte du 10 août 2010, les sociétés Universal et Bravado ont assigné la société Les Points Cardinaux devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner pour des actes de concurrence déloyale. Le Tribunal a, dans le jugement entrepris, estimé que le droit patrimonial à l’image était cessible et transmissible, à condition de pouvoir établir que la personne concernée avait consenti à donner l’exclusivité de l’utilisation de son image à celui qui s’en prévalait. Jugeant que les requérantes ne rapportaient pas cette preuve, il les a déboutées non seulement de leurs demandes pour exploitation illicite de l’image de [B] [C], mais aussi de celles relatives à la violation du droit au nom et les a condamnées pour dénigrement.
Sur la demande tendant à écarter des débats les pièces 1, 4 et 8 communiquées par les appelantes et la qualité à agir des sociétés appelantes
Considérant que la société Les Points Cardinaux, au visa des articles 9, 15, 16 et 132 du Code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, considère que la partie adverse a fait preuve de déloyauté et n’a pas respecté le principe du contradictoire en refusant de communiquer l’intégralité des contrats qui fondent ses prétentions en première instance comme en appel et en communiquant les pièces 1, 4 et 8 dépourvues de tout caractère probant ; qu’elle demande à la Cour d’infirmer le jugement dont appel sur ce point, de constater que les pièces produites par les sociétés appelantes ne satisfont pas aux exigences de la contradiction et du procès équitable, et de rejeter des débats lesdites pièces, puis en tirer toutes les conséquences sur la qualité à agir des sociétés appelantes ;
Considérant que les sociétés Universal et Bravado soutiennent que leur action est recevable en raison de leur qualité à agir, attestée par les pièces versées aux débats, la preuve étant libre en droit commercial ;
Considérant que les deux appelantes se sont abstenues de communiquer les conventions sur lesquelles elles fondent leurs droits, tant en réponse à la première mise en demeure de la société Les Points Cardinaux, le 7 juin 2010, qu’en réponse à la lettre officielle de la même société valant sommation de communiquer du 29 septembre 2010 ; que le 3 septembre 2010 devant les Premiers Juges, et encore devant la Cour, les appelantes se sont bornées à produire deux attestations, sans communiquer l’intégralité des contrats ;
Considérant que, selon les dispositions de l’article 132 du Code de Procédure Civile, « la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance. La communication des pièces doit être spontanée » ; que la liberté de la preuve en droit commercial ne permet pas de s’affranchir de cette règle ; que les sociétés appelantes n’ont pas déféré à deux injonctions de communiquer de la société Les Points Cardinaux, sans en fournir la moindre explication ; qu’aucun extrait des conventions, relatif aux droits en cause, n’a même été versé aux débats ;
Considérant que la première attestation versée aux débats (pièce 1 des sociétés appelantes), datée du 5 juillet 2010, émane du représentant de la société Triumph InternationaL, [I] [P], et atteste que cette société « détient les droits exclusifs d’exploitation pour le monde entier des produits merchandising utilisant le nom et l’image de [B] [C], et notamment l’image de l’artiste, aujourd’hui décédé, sur les bougies » et que cette société a concédé l’exclusivité de cette exploitation à la société Bravado International Group Merchandising Services ; que dans un courrier du 29 juillet 2010 (pièce 4), [R] [J], se disant agir en qualité de « Senior Vice Président and Business Affairs de la société Bravado », atteste que la société Bravado « a concédé en France une licence exclusive pour l’exploitation de catégories de produits merchandising utilisant le nom et l’image de [B] [C], incluant les bougies, à la société Universal Music France » ; qu’un « extrait certifié conforme du document « Universal Music Group-Intercompany Licence Agreement-applicable to 2010 », « fait à [Localité 3] le 22 juillet 2010 » et signé de « [W] [S], secrétaire général d’Universal Music France » est joint à cette attestation ;
Considérant qu’il convient d’évaluer la valeur suffisamment probante des deux attestations en cause, sur lesquelles les sociétés appelantes fondent leur action ;
Considérant qu’il s’avère impossible de rattacher l’ordonnance rendue par la Cour Supérieure de Californie (pièce Universal n°8) à l’attestation du représentant de la société Triumph, cette ordonnance ne contenant pas le nom de la société Triumph International, ni d’ailleurs d’une quelconque société et ne faisant aucune référence au droit à l’image du chanteur [B] [C] ; que la validation par la justice californienne du contrat de 15 millions de dollars conclu entre Bravado et les « administrateurs des biens du roi de la pop », relatée dans un message électronique BFM Radio, n’apporte pas davantage d’éléments sur la personne morale directement titulaire des droits, la société Triumph n’étant pas davantage mentionnée dans ce message ;
Considérant, en revanche, s’agissant de la seconde attestation, que la capture de la page du site de la société Bravado du groupe Universal, mentionne « Visit the [B] [C]’s this is it official movie merchandise store » et permet l’achat des produits dérivés, laissant présumer que cette société est titulaire des droits y afférents ; que les affirmations émanant du représentant légal de la société Bravado, selon lequel les droits auraient été concédés à Universal Music France sont corroborées par l’ extrait certifié conforme du document « Universal Music Group-Intercompany Licence Agreement-applicable to 2010 », qui gère de manière globale les licences de droits entre les filiales nationales d’Universal, comprenant le « merchandising basé sur le nom d’un artiste, son image ou un logo » ;
Considérant qu’il y a donc lieu de rejeter l’exception de défaut d’intérêt à agir des sociétés Universal et Bravado, soulevée par la société intimée, celles-ci établissant que Universal France détient ses droits de Bravado, celles-ci en disposant elle-même ; qu’au niveau de l’appréciation de l’intérêt à agir, la Cour ne peut se livrer à un contrôle de la chaîne des contrats adoptés aux Etats-Unis et apprécier, au regard du droit national, la validité de l’attribution des droits à Bravado, qui ne pourrait l’être qu’au regard du droit américain ;
Sur le fond
Considérant que les sociétés appelantes font valoir que le décès de [B] [C] n’a pas fait disparaître le droit à l’image et le droit au nom de ce dernier dont les héritiers ont pu autoriser la transmission aux sociétés Bravado et Universal, qui peuvent les opposer à la société Les Points Cardinaux et ainsi lui interdire d’exploiter l’image et le nom, même limité au prénom « [B] », sous forme de produits dérivés ; qu’en réalisant des bougies à l’image de [B] [C] sous le prénom [B], la société Les Points Cardinaux a méconnu le droit à l’image et le droit au nom de [B] [C] et a commis des actes de concurrence déloyale aux dépens des sociétés Bravado et Universal, qui sont les seules investies de ces droits en France ;
Considérant que la société Les Points Cardinaux invoque la nullité de la cession globale des droits sur l’image de [B] [C] aux sociétés appelantes en raison de son objet illicite en ce qu’elle porte sur un droit ou une chose hors du commerce ; qu’elle soutient également que le droit sur l’image du chanteur [B] [C] est un droit personnel qui s’est éteint à son décès ;
Considérant que la cession de droits n’étant pas soumise à la loi française, la société Les Points Cardinaux ne peut demander que ces conventions soient annulées sur le fondement des articles 9 et 1382 du Code civil ; que seule la portée de ces droits en droit français peut être appréciée ;
Sur l’image
Considérant que le droit d’agir pour le respect de la vie privée ou de l’image s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ; que le droit à l’image, qui comporte des attributs d’ordre patrimonial, peut valablement donner lieu à l’établissement de contrats qui sont soumis au régime général des obligations ; que les attributs d’ordre patrimonial du droit à l’image sont donc cessibles par le titulaire, mais non transmissibles après le décès du titulaire, étant intimement liés à la personne de celui-ci ;
Considérant que les Premiers Juges ont donc, au terme d’une motivation que la Cour fait sienne, justement estimé que les deux principes, celui de l’extinction du droit à l’image au décès de la personne concernée, et celui de cessibilité des attributs d’ordre patrimonial du droit à l’image, n’étaient pas incompatibles ; que le titulaire du droit peut en effet en céder l’exploitation commerciale à un tiers ; qu’en revanche, si le titulaire n’a pas exercé son droit de son vivant, en cédant à un tiers son exploitation, ses héritiers ne recueillent pas ce droit dans leur patrimoine et ne peuvent donc, après son décès, autoriser des tiers à faire usage de cette image ;
Considérant que les sociétés appelantes invoquent à l’appui de leur action des décisions intervenues avant l’arrêt du 15 février 2005 de la Cour de cassation (03-18302) ; qu’il en est ainsi d’un arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 21 mai 1991 (SARL Propulsion c/[E]), d’une ordonnance de référé du TGI de Paris du 4 août 1995, d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 septembre 1996 et d’un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 24 juin 2002 ; que les demanderesses s’appuient encore sur des décisions qui ne concernent pas des actes d’exploitation accomplis alors que la personne concernée était décédée ; qu’ainsi, la décision dite « [O] » (Cass. Civ I 9 juillet 2009) concerne une personne vivante et se borne à distinguer, s’agissant d’une personne vivante, les exigences d’autorisation qui existent dans le domaine de l’information de celles qui peuvent exister dans le domaine commercial ; que s’agissant de l’arrêt dit « [K] [G] », rendu le 24 septembre 2009, le fait qu'[K] [G] soit décédé en cours d’instance n’a donné lieu à aucun moyen particulier devant la Cour de cassation qui a rendu un arrêt ne statuant aucunement sur la question précise de la transmissibilité des droits de la personnalité d’une personne décédée ; qu’aucun arrêt récent n’est venu statuer sur une espèce comparable au présent litige ; que l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 mai 2010 a été rendu en matière de droit d’auteur, et donc gouverné par une règle légale spéciale, inscrite dans la loi et spécifique au droit d’auteur, de transmissibilité des droits patrimoniaux et moraux aux héritiers ; qu’ainsi, aucune conclusion ne peut s’inférer de ce que l’arrêt vise les héritiers de [X] [Z] sous la qualification de titulaire du droit à l’image de celui-ci, sans considération de la valeur patrimoniale de l’image du sujet ;
Considérant, en l’espèce, qu’il n’est pas soutenu que [B] [C] aurait personnellement consenti un droit exclusif d’utilisation de son image pour la France ; qu’il en résulte que les sociétés Universal et Bravado ne peuvent revendiquer en France l’exclusivité du droit à image de [B] [C] et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il les a déboutées de leur action en concurrence déloyale ;
Sur le nom
Considérant que la société Les Points Cardinaux soutient à juste titre que le nom de [B] [C] n’est pas utilisé sur les bougies litigieuses, qui font référence au prénom « [B] » de sorte que, en l’absence d’exploitation du nom du chanteur, la base factuelle des prétentions invoquées par les sociétés appelantes fait défaut ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a également rejeté cette prétention ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Les Points Cardinaux
Sur la pratique de dénigrement
Considérant que la société Les Points Cardinaux prétend que les sociétés appelantes ont commis des actes de dénigrement à son encontre qui lui ont causé un préjudice tant moral que financier ;
Considérant que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ;
Considérant qu’il est constant que le 27 mai 2010, le service juridique d’UNIVERSAL MUSIC FRANCE a communiqué au magasin Le Printemps, situé au [Adresse 2], une copie du courrier adressé à la société Les Points Cardinaux, affirmant que la commercialisation des bougies litigieuses avait un caractère illicite et contenant les mentions suivantes : « Monsieur, En qualité de titulaire des droits exclusifs d’exploitation du nom (marque) et de l’image de l’artiste [B] [C], à des fins de merchandising, par le biais de notre filiale Bravado International Group Merchandising Services, nous avons été surpris de constater que vous commercialisez le produit dérivé visé en annexe 1 ci-joint à l’effigie dudit artiste. Nous vous rappelons que toute utilisation, de quelque nature que ce soit, du nom, de l’image de l’artiste [B] [C] et de la marque correspondante sans autorisation est illicite. Le produit ci-joint n’ayant fait l’objet d’aucune autorisation à cet égard, nous vous demandons de cesser immédiatement toute commercialisation de ce produit litigieux et de le retirer de la vente. A défaut de respect de la présente lettre dans un délai maximum de 5 jours ouvrables à compter de sa réception, nous ne manquerons pas de faire valoir nos droits » ;
Considérant que ce courrier n’a pas été diffusé dans le public pour dénigrer les produits de la société intimée ; qu’aucune pratique de dénigrement n’est donc caractérisée ; que cependant, la communication de la lettre de mise en demeure du 29 mai aux établissements Haussmann constitue un abus de droit ; qu’en effet, cette communication a été immédiate, sans que le préavis, déjà très bref, d’une durée de 5 jours consenti à la société Les Points Cardinaux ne soit écoulé et que celle-ci ne puisse s’expliquer ; que compte tenu de l’état de la doctrine et de la jurisprudence sur le droit à l’image en France, les sociétés appelantes ont fait preuve de témérité dans leurs conclusions juridiques ; qu’elles ne pouvaient, en tout état de cause, pas se faire justice elles-même pour mettre un terme à la vente de produits litigieux, mais devaient saisir la justice et attendre son verdict ; que cette communication fautive a influencé la société Le Printemps qui a, non seulement retiré immédiatement les bougies de la vente, mais a également attiré l’attention de la société Les Points Cardinaux sur « l’ampleur de cette affaire », jetant ainsi le discrédit sur son partenaire ; qu’il en est résulté, pour la société Les Points Cardinaux, une mise en cause de sa crédibilité commerciale et un arrêt immédiat de son projet ; que cette pratique abusive a nécessairement causé un trouble commercial à la société Les Points Cardinaux ; que les Premiers Juges ont justement évalué à la somme de 50 000 euros le préjudice matériel subi par l’intimée, au regard tant de la gravité et de la brutalité de l’atteinte, à une date proche de la date anniversaire de la mort du chanteur, que de l’arrêt de la commercialisation des produits litigieux qui devait se lancer dans le magasin Le Printemps et prendre de l’ampleur, le référencement auprès de ce grand magasin devant entraîner des référencements dans d’autres magasins ; qu’aucun préjudice moral distinct n’est établi par l’intimée, celle-ci exerçant par ailleurs une activité d’éditeur et ne démontrant pas avoir subi une atteinte à sa réputation ou à son image de marque, du fait des évènements litigieux ;
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que la société Les Points Cardinaux ne démontre pas l’abus de droit d’ester en justice des appelantes, ni avoir subi un préjudice spécifique de ce chef ; que cette demande sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;
Sur la demande de publication
Considérant que cette demande semble disproportionnée par rapport à la faute concernée, qui est plus adéquatement réparée par l’allocation de dommages-intérêts, compte tenu de l’ancienneté des faits ; que la société Les Points Cardinaux ne justifie pas avoir été victime d’une quelconque publicité du litige avec les sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services, publicité qu’il conviendrait de corriger ; que la demande de publication sera donc rejetée et le jugement déféré confirmé ;
PAR CES MOTIFS :
– DÉCLARE recevable l’action des sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services,
– CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur la qualification des pratiques dont la société Les Points Cardinaux a été victime,
– L’INFIRME sur ce point,
– DIT que cette pratique constitue une faute des sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services,
– CONDAMNE les sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services, in solidum, aux dépens de l’instance d’appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
– CONDAMNE les sociétés Universal Music France et Bravado International Group Merchandising Services, in solidum, à payer à la société Les Points Cardinaux la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT