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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2018
Rejet
Mme Riffault-Silk, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 301 F-D
Pourvoi n° U 16-15.813
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société Succession Consuelo L… , société civile, dont le siège est […] ,
2°/ Mme Martine X…, veuve Y… Z…, domiciliée […] ,
3°/ M. Xavier Y…, domicilié […] ,
4°/ Mme Anne-Sophie Y…, domiciliée […] ,
tous trois agissant en qualité d’héritiers de José Y… Z…,
contre l’arrêt rendu le 19 janvier 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. M… , domicilié […] ,
2°/ à M. A… N… G… , domicilié […] ,
3°/ à Mme Marie-Madeleine N… G… , veuve B… O… , domiciliée […] ,
4°/ à Mme Mireille N… G… , veuve C…, domiciliée […] ,
5°/ à M. Olivier N… G… , domicilié […] ,
6°/ à la société Services de gestion commerciale supplétifs (SGCSUP), dont le siège est […] ,
7°/ à la société Sogex, dont le siège est […] ,
8°/ à la société LPP612, dont le siège est […] ,
9°/ à la société LPPTV, dont le siège est […] ,
10°/ à la société lepetitprince@multimedia, dont le siège est […] ,
11°/ à la société Pomase, dont le siège est […] ,
12°/ à la société M 21, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 13 février 2018, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sémériva, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Sémériva, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Succession Consuelo L… , de Mme X…, de M. Y… et de Mme Y…, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de M. M… , de M. A… N… G… , de Mme Marie-Madeleine N… G… , veuve B… O… , de Mme Mireille N… G… , veuve C…, de M. Olivier N… G… , de la société Services de gestion commerciale supplétifs, de la société Sogex, de la société LPP612, de la société LPPTV, de la société lepetitprince@multimedia et de la société Pomase, l’avis de M. E…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2016), que l’écrivain Antoine L…, disparu le 31 juillet 1944 lors d’une mission aérienne, a laissé pour lui succéder sa veuve, Consuelo F…, épousée sans contrat de mariage, sa mère, Andrée L… , et ses deux soeurs, Simone L… et Gabrielle L… , épouse N… G… ; que, par une convention conclue le 29 mai 1947, pour « régler les droits respectifs des parties (relatifs) à la propriété littéraire des ouvrages de L… », L… , d’une part, Simone L… et Gabrielle N… G… , d’autre part, ont décidé que « les héritiers du sang (auraient ) seuls la propriété morale de l’oeuvre d’Antoine L… ,… le droit de décider quelles (seraient) les oeuvres à publier ou à rééditer… ainsi que… tous les droits qu’avait sur l’oeuvre l’auteur de son vivant » ; que les parties ont convenu, en outre, que « les produits de l’oeuvre d’Antoine L… , tant publiée de son vivant que posthume », seraient partagés par moitié ; qu’Andrée L… est décédée […] , Simone L… en 1978, ayant pour héritière sa soeur Gabrielle, laquelle, décédée […] , a laissé pour lui succéder son époux et ses quatre enfants, François, A…, Marie-Madeleine et Mireille N… G… (les consorts G…) ; que Consuelo L… , décédée le […] sans héritier réservataire, a désigné José Y… Z…, son assistant et secrétaire, comme légataire universel ; que, le 24 février 1989, les consorts G… ont apporté, notamment, la nue-propriété indivise des droits d’auteur sur l’oeuvre d’Antoine L… à la société « Pour l’oeuvre et la mémoire d’Antoine L… – sucession Consuelo -L… » (Pomase), ayant pour objet d’assurer la gestion de l’oeuvre de l’auteur et de ses fruits, qui a déposé de nombreuses marques reprenant des titres, des phrases et des illustrations extraites des oeuvres d’Antoine L… ; que, le 6 janvier 1994, les consorts G… et la société Pomase ont constitué la société pour la gestion et l’exploitation des droits dérivés de l’oeuvre d’Antoine L… (Sogex), laquelle a, par actes des 15 avril, 24 juin et 10 août 2005, rétrocédé à la société Pomase la gestion du portefeuille des marques déposées au nom de cette dernière dans les territoires où les droits d’auteur de l’oeuvre d’Antoine L… étaient expirés en 2005 ; que, le 25 juillet 2002, la Sogex a créé la société Lepetitprince@multimédia (LPPM), chargée de la réalisation de produits audiovisuels et numériques ; que les consorts G… ont, avec la société Pomase, constitué la société LPP 612, immatriculée le 2 décembre 2005, dont l’activité porte principalement sur la gestion et l’exploitation de marques appartenant à la société Pomase sous forme de licences, de produits ou de services dans les territoires où les droits d’auteur et les droits dérivés attachés aux oeuvres sont épuisés ; que, le 14 octobre 2005, ils ont créé la société M 21 pour assurer des prestations de conseil en gestion et management, notamment au profit de la société Sogex, puis, le 22 novembre 2005, la société Services de gestion commerciale supplétifs (SGCSUP), dont l’objet est de proposer des prestations de personnels commerciaux et marketing, notamment au profit des sociétés Pomase, Sogex, LPP612 et LPPM ; que la société Pomase a créé, avec la société ON, la société LPPTV, immatriculée le 13 février 2009, afin de produire et d’exploiter une oeuvre audiovisuelle adaptée de l’oeuvre Le Petit Prince ; que, le 4 juillet 2009, les deux enfants de José Y… Z… ont constitué la société sucession Consuelo L… ; qu’estimant que la création des sociétés subséquentes à celle de la société Sogex était frauduleuse et avait pour but de le priver de l’exercice de ses droits ainsi que, en augmentant les charges de la société Sogex, de réduire le montant des redevances devant lui revenir, José Y… Z… et la société sucession Consuelo L… ont, par acte du 12 juillet 2010, assigné les consorts G…, la société Pomase, la société Sogex, la société LPP 612, la société SGCSUP, la société LPPM, la société LPPTV et la société M 21, ainsi que M. Olivier N… G… , gérant des sociétés Pomase, Sogex, LLP 612, co-gérant de la société LPPM et président de la société LLPTV, afin, notamment, de se voir reconnaître co-titulaires du droit moral et des droits patrimoniaux d’auteur sur l’oeuvre d’Antoine L… , et copropriétaires des marques déposées par les consorts G… et la société Pomase, ainsi que des noms de domaine enregistrés par cette dernière ; que, décédé au cours de la présente procédure, José Y… Z… a laissé pour lui succéder son épouse, Mme X…, et ses enfants, Xavier et Anne-Sophie Y… (les consorts Y…) qui ont repris l’instance ;
Sur le premier moyen :
Délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation après débats à l’audience publique du 23 mai 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;
Attendu que les consorts Y… et la société sucession Consuelo L… font grief à l’arrêt de dire qu’en vertu de l’autorité de la chose jugée de la transaction du 29 mai 1947, M. Y… Z… était irrecevable en sa demande portant sur la qualité de co-titulaire du droit moral d’Antoine L… , de rejeter ses demandes formées au titre du droit moral de l’auteur, de rejeter les demandes portant sur la communication de l’ensemble des contrats, jugements et transactions portant sur l’oeuvre d’Antoine L… et transactions et tendant à l’inscription de la mention « sucession Consuelo L… » alors, selon le moyen :
1°/ qu’il n’est pas permis de transiger sur les matières qui intéressent l’ordre public ; que le principe d’inaliénabilité du droit moral sur une oeuvre de l’esprit est d’ordre public ; qu’en se bornant à énoncer, pour déclarer irrecevables les demandes de M. Y… Z… au titre du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… , qu’elles se heurtaient à l’autorité de la chose jugée dont était revêtue la convention du 29 mai 1947, dont l’article 1er stipulait que “les héritiers du sang ont seuls la propriété morale de l’oeuvre d’Antoine L… “, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé le principe d’inaliénabilité du droit moral de l’auteur, ensemble l’article 6 du code civil ;
2°/ que la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté ne s’applique qu’à compter de l’expiration du délai de prescription de l’action ; qu’il découle de l’imprescriptibilité du droit moral sur une oeuvre de l’esprit que l’action qui tend à sa revendication n’est limitée par aucune prescription ; qu’en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. Y… Z… au titre du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… , que la nullité de l’article 1er de la convention du 29 mai 1947 ne pouvait être opposée par voie d’exception dès lors que la transaction avait été volontairement exécutée depuis 1947, bien que la demande de M. Y… Z… fût imprescriptible, la cour d’appel a violé le principe d’imprescriptibilité du droit moral, ensemble l’article 6 du code civil ;
3°/ que, dès avant la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, le conjoint survivant avait vocation à recueillir le droit moral au décès de l’auteur ; qu’en outre, chacun des ayants droit a qualité pour agir seul pour la défense du droit moral ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. Y… Z… au titre du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… , que, dans un courrier adressé à la société Pomase le 25 octobre 2009, M. Y… Z… avait indiqué que le droit moral n’était pas entré en communauté et que la société pouvait agir seule pour défendre les droits moraux, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et violé le principe d’inaliénabilité du droit moral de l’auteur, ensemble l’article 6 du code civil ;
4°/ que seules les prétentions doivent être récapitulées sous forme de dispositif, à l’exclusion des moyens ; que M. Y… Z… revendiquait, dans le dispositif de ses conclusions, la co-titularité du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… ; qu’au soutien de sa prétention, il faisait valoir, dans le corps de ses conclusions, que l’article 1er de la convention du 29 mai 1947 n’avait pu, “selon le droit applicable à l’époque, [
] avoir pour effet de transférer le droit moral de Consuelo L… , ni même de constituer une renonciation au droit moral que celle-ci détenait sur l’oeuvre de son époux déclaré mort en 1945 ” et que le “principe d’inaliénabilité a pour effet de rendre toute convention ou toute clause consistant en une cession ou une renonciation à ce droit ou des attributs qui le composent totalement inefficace” ; qu’en énonçant, pour déclarer irrecevables les demandes de M. Y… Z… au titre du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… , qu’il n’avait pas invoqué l’inopposabilité de la clause litigieuse dans le dispositif de ses conclusions, la cour d’appel, qui a confondu moyen et demande, a violé l’article 954 du code de procédure civile par fausse application ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que la convention du 29 mai 1947, conférant aux consorts G… l’exclusivité du droit moral sur l’oeuvre d’Antoine L… , avait été conclue pour mettre un terme aux différends qui opposaient les parties, et que José Y… Z… n’en avait pas sollicité l’annulation, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, qu’en vertu de l’autorité de la chose jugée attachée à cette transaction, celui-ci était irrecevable à revendiquer la qualité de co-titulaire du droit moral ;
Et attendu qu’appréciant l’intention des parties à la convention, elle a souverainement estimé que la reconnaissance aux consorts G… du droit moral de l’auteur revêtait pour elles une importance primordiale, ce qui excluait la possibilité de déclarer inopposables les dispositions litigieuses ;
D’où il suit que le moyen, qui s’attaque à des motifs surabondants en sa troisième branche et inopérants en sa quatrième, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Délibéré par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans les mêmes conditions ;