Merchandising : 3 juin 2009 Cour de cassation Pourvoi n° 08-40.981

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Merchandising : 3 juin 2009 Cour de cassation Pourvoi n° 08-40.981
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SOC.
PRUD’HOMMES
L.G

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2009

Cassation partielle

Mme COLLOMP, président

Arrêt n° 1159 FP-P+B+R+I

Pourvois n°
K 08-40.981
à N 08-40.983
et E 08-41.712
à H 08-41.714
JONCTION

R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

I. Statuant sur les pourvois n° K 08-40.981, M 08-40.982 et N 08-40.983 formés par la société GLEM, devenue TF1 productions, société par actions simplifiée, dont le siège est immeuble Arcs de Seine, 18 quai du Point du Jour, 92100 Boulogne-Billancourt,

II. Statuant sur les pourvois n°s E 08-41.712, F 08-41.713 et H 08-41.714 formés par :

1°/ M. [L] [C], domicilié 40 boulevard Gambetta, 92130 Issy-les-Moulineaux,

2°/ Mme [J] [T], domiciliée 40 boulevard Gambetta, 92130 Issy-les-Moulineaux,

3°/ M. [P] [U], domicilié 7 rue de Lorraine, 92300 Levallois-Perret,

ayant tous trois élus domicile au cabinet de M. Jérémie Assous, avocat au barreau de Paris, 70 avenue de Breteuil, 75007 Paris,

contre trois arrêts rendus le 12 février 2008 par la cour d’appel de Paris (18e chambre D), dans les litiges les opposant ;

La demanderesse aux pourvois n° K 08-40.981, M 08-40.982 et N 08-40.983 invoque, à l’appui de chacun de ses recours, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs aux pourvois n° E 08-41.712, F 08-41.713 et H 08-41.714 invoquent, chacun, à l’appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 29 avril 2009, où étaient présents : Mme Collomp, président, Mme Fossaert, conseiller rapporteur, Mme Mazars, conseiller doyen, MM. Texier, Bailly, Trédez, Chauviré, Mme Morin, M. Blatman, Mme Perony, MM. Marzi, Gosselin, Moignard, conseillers, Mmes Bobin-Bertrand, Bouvier, M. Rovinski, Mme Pécaut-Rivolier, conseillers référendaires, M. Allix, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Fossaert, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Glem, devenue TF1 productions, de Me Spinosi, avocat de M. [C], de Mme [T] et de M. [U], les conclusions de M. Allix, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° 08-40.981, 08-40.982, 08-40.983, 08-41.712, 08-41.713 et 08-40.714 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme [T], M. [C] et M. [U] (les participants) ont consenti, en signant un acte intitulé “règlement participants” à participer du 14 au 28 mars 2003, dans un hôtel thaïlandais du golfe du Siam, au tournage de l’émission “l’Ile de la tentation”, saison 2003, produite pour TF1 par la société Glem, dont le concept est défini comme suit : “quatre couples non mariés et non pacsés, sans enfant, testent leurs sentiments réciproques lors d’un séjour d’une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien, notamment pendant les activités (plongée, équitation, ski nautique, voile, etc..) qu’ils partagent avec des célibataires de sexe opposé. A l’issue de ce séjour, les participants font le point de leurs sentiments envers leur partenaire. Il n’y a ni gagnant, ni prix” ; qu’ils ont saisi la juridiction prud’homale pour voir requalifier le “règlement participants” en contrat de travail à durée indéterminée et obtenir paiement de rappels de salaire et heures supplémentaires ainsi que des indemnités et dommages-intérêts consécutifs à la rupture ;

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis, du pourvoi de la société Glem, devenue TF1 productions :

Attendu que la société TF1 productions fait grief aux arrêts d’avoir accueilli la demande des participants, alors, selon le moyen :

1°/ que le contrat de travail implique l’accomplissement d’une prestation de travail, qu’elle soit manuelle ou intellectuelle, au profit d’un cocontractant ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué relève que l’activité en cause, consistait, pour le participant à une émission dite de télé-réalité, “à exprimer ses propres sentiments et à s’impliquer dans des relations interpersonnelles générées naturellement par une vie communautaire entre couples et célibataires” ; qu’une telle activité, en ce qu’elle réclamait seulement de chacun d’eux qu’il perpétue sous l’oeil de la caméra, en restant naturel et spontané, son mode de vie privée, en livrant son intimité au public, ne réclamait précisément aucun travail de la part de l’intéressé, et ne pouvait par suite s’analyser en une prestation de travail relevant des dispositions des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail ; qu’en décidant le contraire, au motif inopérant que la participation à l’émission litigieuse demandait de la part du candidat qu’il déploie une “activité créatrice”, exigeant un “effort soutenu”, consistant en une mise à l’épreuve de ses sentiments à l’égard de son compagnon ou conjoint, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que, serait-elle accomplie dans le respect d’un certain nombre de directives, une activité exercée à des fins autres que la perception d’une rémunération ne saurait revêtir la qualification de prestation de travail, laquelle doit, pour relever des dispositions du code du travail, présenter un caractère professionnel ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt et du “règlement participants” signé par chacun des candidats à l’émission que l’objet de celle-ci consistait, pour les membres d’un couple, “à tester leurs sentiments mutuels lors d’un séjour de douze jours sur une île exotique”, chacun garantissant “qu’il participe au programme à des fins personnelles et non à des fins professionnelles” ; que telle était ainsi la cause de leur participation, exclusive de tout contrat de travail ; en sorte qu’en se prononçant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé, derechef, les articles L. 1221-1 du code du travail, 1131 et 1134 du code civil ;

3°/ que pas davantage, “l’immixtion de caméras dans la vie privée” ne saurait caractériser un “travail”, dès lors que l’exposition de la personne des candidats ou de l’intimité de leur vie privée constituait l’objet même du contrat de “télé-réalité”, et que les intéressés, à qui, comme le relève l’arrêt attaqué, il était simplement demandé d’être eux-mêmes, n’ont jamais participé en qualité d’acteur à la réalisation d’un programme ; de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé, de ce chef encore, l’article L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que le temps pendant lequel le candidat a librement consenti à être filmé dans le cadre de la participation à un programme de divertissement ne constitue pas un temps de travail dès lors qu’il est totalement dispensé d’accomplir la moindre prestation de travail pour la production ; que viole les articles L. 1221-1 et, par fausse application, L. 1221-4 du code du travail, la cour d’appel qui considère toute la durée pendant laquelle les participants ont consenti à se laisser filmer comme un “temps de travail effectif”, tout en constatant que leur participation consistait simplement “à exprimer ses propres sentiments et à s’impliquer dans des relations interpersonnelles générées par une vie communautaire entre couples et célibataires” ;

5°/ que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié ; qu’en l’espèce, les obligations fixées par les articles 3.3.2. et 3.8.1. auxquelles se réfère l’arrêt attaqué constituaient autant de règles destinées soit à l’organisation de l’émission, et notamment à l’évocation des émotions et sentiments des participants à l’occasion d’interviews régulières, soit à imposer le respect d’une discipline collective de vie ; que ces obligations, à caractère purement contractuel, constituaient autant de sujétions inhérentes à toute participation à une émission de télé-réalité, en sorte qu’en y voyant l’existence d’un lien de subordination juridique dans lequel les participants se seraient trouvés à l’égard de la société Glem, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ que l’existence d’une relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle du travailleur ; que la société Glem exposait que les activités proposées aux candidats n’avaient aucun caractère contraignant et que ceux-ci étaient libres de refuser d’y participer sans que cela ait d’incidence sur la poursuite de leur participation à l’émission ; qu’elle fournissait plusieurs exemples de situations dans lesquelles des participants avaient choisi de ne pas participer aux activités proposées, voire même de quitter l’émission sans qu’aucune sanction ne leur soit infligée ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si dans l’exercice même de leurs activités quotidiennes, consistant en des temps de jeu, de loisirs, et d’évocation de leurs sentiments, les intéressés étaient soumis à des instructions et directives émanant de la société de production exposante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;

7°/ qu’en dehors des exceptions légales, tout contrat à exécution successive peut comporter une clause permettant à l’une des parties de rompre le contrat en cas d’inexécution par son cocontractant de ses obligations ; que la cour d’appel qui, pour conclure à l’existence d’un contrat de travail, retient que le contrat de télé-réalité signé par les participants comportait une clause résolutoire en cas d’inexécution par celle-ci de l’une des obligations essentielles de ce contrat, se détermine par un motif inopérant et prive sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1184 du code civil ;

8°/ qu’aucune disposition du “règlement participants” conclu entre les participants et la société Glem ne fait référence à un “pouvoir de mise en garde” ; de sorte qu’en énonçant que le producteur se reconnaîtrait contractuellement un pouvoir de mise en garde, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat en violation de l’article 1134 du code civil ;

9°/ que l’article 3.7.5 du “règlement participants” conclu est relatif aux manquements par le candidat à son obligation de confidentialité stipulée à l’article 3.7 et prévoit que “le participant devra payer la somme de 15 000 euros au producteur pour chaque infraction constatée relative à la confidentialité” ; que la clause pénale ainsi stipulée par cette disposition n’a aucunement pour objet d’instaurer un pouvoir disciplinaire en permettant à la production de sanctionner, lors du séjour, des comportements du participant qu’elle estimerait fautifs mais a vocation à sanctionner l’inexécution de l’obligation de confidentialité dont il est tenu postérieurement au tournage ; de sorte, qu’en considérant, pour caractériser l’existence d’un pouvoir disciplinaire, que l’article 3.7.5 du règlement prévoirait “une sanction pécuniaire en cas de violation de l’obligation de sécurité”, à savoir […] une amende de 15 000 euros pour chaque “infraction constatée”, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de la disposition contractuelle susvisée en violation des articles 1134 et 1152 du code civil ;

10°/ que la cassation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a qualifié de “prestation de travail” subordonnée l’activité déployée par les participants au tournage de l’Ile de la tentation emportera, par voie de conséquence et en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a considéré que la rémunération contractuellement prévue avait nécessairement pour cause un “travail subordonné” ;

11°/ que l’existence d’un contrat de travail suppose une rémunération versée en contrepartie de la prestation de travail accomplie ; que la prise en charge des frais de déplacements et d’hébergement d’un candidat à un jeu télévisé se déroulant sur une île ne saurait, en l’absence de tout travail accompli par l’intéressé, s’analyser en une rémunération ; de sorte qu’en qualifiant d’”avantages en nature” la prise en charge par la société Glem des frais nécessaires à la mise en place et au déroulement du programme relatifs au transport, à l’hébergement, aux repas et aux activités des candidats, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 3211-1 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

12°/ qu’en présence d’une clause d’un contrat de télé-réalité (article 6) prévoyant, en des termes clairs et précis, le versement d’une somme de 1 525 euros à valoir sur l’exploitation, postérieurement au tournage, de l’image, du nom ou pseudonyme des participants, dénature cette clause et méconnaît la loi des parties, en violation des articles 1131 et 1134 du code civil, la cour d’appel qui, au prétexte que la société productrice de l’émission a renoncé à l’exploitation des droits en cause, modifie la cause de ce versement en le qualifiant de contrepartie d’une “prestation de travail” qu’auraient accomplie les intéressés au cours de la phase du tournage de l’émission ;

Mais attendu que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;

Qu’ayant constaté que les participants avaient l’obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu’ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu’ils étaient orientés dans l’analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser des moments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l’extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi, la cour d’appel, qui, répondant aux conclusions, a caractérisé l’existence d’une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société Glem, et ayant pour objet la production d’une “série télévisée”, prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire, sans dénaturation et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les huitième et neuvième branches, que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production ; que le moyen n’est pas fondé ;

 


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