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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 03 Février 2016
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/05664
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 novembre 2013 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section commerce – RG n° 13/06124
APPELANTE
Madame [X] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]
comparante en personne, assistée de Me Sonia FUSCO OSSIPOFF, avocat au barreau de PARIS, B0793
INTIMES
Monsieur [J] [L] [H] [P] [E]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 2] – BENIN
N° SIRET : 433 37 9 0 622
Me [X] [E] (SELAFA M.J.A) – Mandataire liquidateur de Monsieur [E] [J] [L] [H] [P]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Me [B] [F] – Commissaire à l’exécution du plan de Monsieur [E] [J] [L] [H] [P]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentés par Me Isaline POUX, avocat au barreau de PARIS, D1668
AGS CGEA [Localité 3]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représenté par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, C1953
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 novembre 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Christine LETHIEC, conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Afin de financer l’acquisition d’une officine de pharmacie, située à [Adresse 2] et [Adresse 6], M. [J] [E], titulaire du diplôme de pharmacien, a emprunté, auprès de ses belles-soeurs, Mme [V] [Y] et Mme [X] [S], les sommes respectives de 100 000 € et 20 000 €, outre les intérêts au taux de 9% l’an, selon les termes de deux actes sous seing privé signés des parties les 23 décembre 2008 et 26 juin 2009. Le prêt consenti par Mme [Y] devait être remboursé, au plus tard, le 22 décembre 2009 et celui consenti par Mme [X] [S], le 25 juin 2011.
M.[J] [E] exploite, en nom propre, ce fonds de commerce de pharmacie depuis le 18 décembre 2009. Il a engagé Mme [X] [S], dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet le 1er juin 2011, pour y exercer les fonctions de responsable para-pharmacie en contrepartie d’une rémunération mensuelle brute de 1 365.03 € pour 151.67 heures.
L’entreprise qui emploie plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective de la pharmacie d’officine.
La salariée s’est trouvée en arrêt maladie à l’occasion de sa grossesse à compter du 1er janvier 2012 et elle a repris son poste à compter du 17 avril 2013.
Suite à la dégradation des relations entre les parties, Mme [X] [S] a saisi en référé, le 13 août 2012, le conseil de prud’hommes de Paris de demandes concernant la remise sous astreinte d’attestations de salaires, de remises de bulletins de paye et de régularisation du coefficient hiérarchique outre des prestations du régime complémentaire couvrant les périodes d’arrêt maladie et de maternité. Par ordonnance rendue le 12 octobre 2012, le conseil de prud’hommes de Paris a dit n’y avoir à statuer en référé sur ces chefs de demandes.
Par jugement rendu le 21 novembre 2012, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l’ouverture du redressement judiciaire de M. [J] [E], a désigné Me [F] [B] en qualité d’administrateur judiciaire de M. [J] [E] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [R] [X], en qualité de mandataire judiciaire.
Les 17 avril et 6 mai 2013, la salariée s’est vue notifier deux avertissements par son employeur.
Le 2 mai 2013, Mme [X] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et en paiement d’indemnités de rupture abusive, de rappel de salaires et de congés payés, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement rendu le 20 novembre 2013, le conseil de prud’hommes de Paris a constaté l’existence d’un contrat de travail du 19 avril 2010 au 31 juillet 2011 et fixé la créance de Mme [X] [S] aux montants suivants :
‘ 18 291,40 € à titre de rappel de salaire sur la période du 19 avril 2010 au 31 juillet 2011 outre 1 829,14 euros à titre de congés payés afférents
‘ 8 190 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé
‘ 528,39 € à titre de solde de congés payés acquis et non pris au 31 août 2013
‘ 1 774,53 € à titre d’indemnité de licenciement
La salariée a été déboutée de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, en l’absence de manquements graves de la part de son employeur à son égard et il n’a pas été statué sur les demandes en annulation des avertissements notifiés les 17 avril et 6 mai 2013 et paiement d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Le 22 mai 2014, Mme [X] [S] a interjeté appel de cette décision.
Par jugement rendu le 20 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de M. [J] [E], exerçant en nom propre sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», Me [F] [B] a été désignée en qualité de commissaire chargée de l’exécution de ce plan et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [R] [X], a été prolongée dans ses fonctions de mandataire judiciaire jusqu’à la fin de la procédure de vérification des créances.
Postérieurement au jugement prudhommal, Mme [X] [S] ,en arrêt de travail à compter du mois de juillet 2013 jusqu’au mois d’août 2014 pour état dépressif réactionnel, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 5 août 2014.
Par conclusions visées par le greffe le 2 novembre 2015 et soutenues oralement, Mme [X] [S] demande à la cour de :
– constater l’existence d’un contrat de travail à compter du 19 avril 2010
à titre principal :
– annuler les deux avertissements notifiés les 17 avril et 6 mai 2013
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de son licenciement, soit le 6 août 2014
– condamner M. [J] [E] au paiement des sommes suivantes :
‘ 1 431,36 € au titre du solde des congés payés acquis et non pris au 31 mai 2013
‘ 7 753,35 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis
‘ 775,33 € à titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis
‘ 25 438 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
‘ 2 239,99 € à titre d’indemnité légale de licenciement
‘ 15 262,80 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
‘ 10 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
‘ 43 963,88 € à titre de rappel de salaire sur la période du 19 avril 2010 au 31 juillet 2013
‘ 4 396,38 € au titre des congés payés incidents
à titre subsidiaire :
– constater que son inaptitude médicale a été provoquée par les actes de harcèlement moral dont elle fait l’objet
– déclarer nul son licenciement, en condamnant M.[J] [E] au paiement des sommes précitées
en tout état de cause :
– condamner M. [J] [E] à lui payer la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonner la remise d’une attestation pôle emploi, d’un certificat de travail faisant mention des droits au DIF et de bulletins de paye conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard, la cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte
– condamner M.[J] [E] aux dépens dont remboursement des frais d’introduction de l’instance de 35€ engagés en première instance.
Par conclusions visées par le greffe le 2 novembre 2015 et soutenues oralement, M. [J] [E], Me [F] [B], prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan et Me [R] [X], pris en sa qualité de représentant des créanciers, sollicitent l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence d’un contrat de travail à compter du 19 avril 2010.
Ils demandent à la cour de rejeter l’intégralité des prétentions indemnitaires de la salariée et d’ordonner à celle-ci de restituer la somme de 12 285.27 €, indûment perçue des AGS CGEA.
A titre subsidiaire, ils demandent la fixation des sommes éventuellement dues au titre d’un rappel de salaires sur la base d’une rémunération mensuelle de 1 365.03 € bruts.
M. [J] [E] et les organes de la procédure sollicitent, chacun, l’allocation d’une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 2 novembre 2015 et soutenues oralement, l’UNEDIC, Délégation AGS CGEA [Localité 3] demande à la cour de débouter Mme [X] [S] de toutes ses demandes, de dire le’«jugement» opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3252-19 du code du travail, à défaut de fonds disponibles et, à titre subsidiaire, l’entreprise étant in bonis, d’exclure de l’opposabilité à l’AGS, les créances éventuellement fixées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de rejeter la demande d’intérêts légaux et de dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge des AGS.
Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l’audience des débats.
SUR QUOI LA COUR
Sur l’existence d’un contrat de travail dès le 19 avril 2010
Mme [X] [S] affirme avoir travaillé, pour le compte de M. [J] [E], en qualité de responsable para-pharmacie à compter du 19 avril 2010, ce qui est contesté par ce dernier.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement de travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il est constant que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.
En l’absence d’écrit, il appartient à Mme [X] [S] qui se prévaut d’un tel contrat d’en rapporter la preuve.
En l’occurrence, l’intéressée verse aux débats de nombreuses attestations mentionnant sa présence à la pharmacie.
L’attestation établie par M. [C] doit être écartée dès lors qu’un litige commercial oppose cette personne à M. [J] [E], au sujet des malfaçons affectant les travaux réalisés dans la pharmacie et l’attestation de M. [G], plombier intervenu à la demande de M.[C], doit être écartée pour les mêmes motifs. L’attestation rédigée par M.[A] [U] doit, également, être écartée compte tenu d’un litige prud’homal conflictuel opposant les parties, étant observé en outre que ce salarié licencié courant juin 2013, n’avait été engagé qu’à compter du mois de novembre 2011 et qu’il ne pouvait constater le travail réalisé par Mme [X] [S] au cours de la période litigieuse. L’attestation établie par Mme [I] [W] doit, également, être écartée dans la mesure où il est établi que l’intéressée a présenté sa démission, suite à des vols commis en caisse et reconnus pour un montant de 4 900€.
Les attestations de salariés, M.[N], Mme [Z] [L], Mme [C] [Q], Mme [Q] [F], M.[T] [A] indiquant, en des termes strictement identiques, avoir constaté la présence de Mme [X] [S] dans la pharmacie de 10 h à 18 h, exerçant des fonctions de responsable parapharmacie, ne précisent pas les conditions dans lesquelles cette activité était exercée. Ces attestations font, d’ailleurs, état de la présence dans la pharmacie de l’autre belle-soeur de M.[J] [E], Mme [V] [Y], présentée comme responsable du personnel et du service administratif.
Ces attestations ne sont pas suffisamment probantes pour établir, avec l’évidence nécessaire, des relations de travail salariées dans la mesure où il n’est pas fait mention de directives, de consignes, d’instructions ou de recommandations émanant de M. [J] [E] et caractérisant un lien de subordination.
Mme [X] [S] ne rapporte pas la preuve qu’elle était en pourparlers commerciaux avec les représentants de marques de para-pharmacie, ni qu’elle gérait le stock ou passait les commandes selon les instructions de M. [J] [E];
A cet égard, il convient de relever que les courriels de représentants pharmaceutiques versés aux débats ne traduisent pas une véritable activité salariée de l’intéressée pour la période antérieure au mois de juin 2011. Ces courriels sont souvent adressés en copie à Mme [X] [S] alors même que le destinataire est M. [J] [E], principal interlocuteur avec les laboratoires et décidant seul du choix des produits et de la validation des commandes, en fonction des besoins de l’officine et de l’état de sa trésorerie.
L’analyse des copies d’écran révèle une activité de Mme [X] [S] postérieurement au mois de mai 2011, les chiffres produits concernant la période allant du 18 décembre 2009, date de l’ouverture de la pharmacie au 15 mars 2012.
A l’appui de ses prétentions, Mme [X] [S] verse une Déclaration Unique d’Embauche indiquant une date prévisible d’embauche au 17 septembre 2010 mais l’étude des pièces du dossier révèle que ce document, qui ne mentionne pas le montant du salaire, n’a pas été transmis à l’organisme compétent et qu’il a été, simplement, établi pour permettre à Mme [X] [S] d’assister à des formations Formadiete, Nuxe et Uriage fixées les 24 septembre, 21 octobre et 16 décembre 2010.
En l’état des explications et des pièces fournies, notamment le certificat de travail du 30 septembre 2010, il ressort que Mme [X] [S] était salariée de la société Adenclassifieds, en qualité de chargée d’affaires, jusqu’au 30 septembre 2010, date de sa démission, et qu’ayant prêté une somme de 20 000€ pour l’acquisition de l’officine de pharmacie, elle est intervenue, ponctuellement, pour aider, bénévolement, son beau-frère alors même qu’elle n’avait aucune formation ni expérience professionnelle dans ce domaine spécifique.
Les attestations versées aux débats indiquent, d’ailleurs, que M.[J] [E] a souligné le caractère familial de la pharmacie, en présentant ses deux belles-soeurs tant au personnel qu’aux représentants pharmaceutiques.
A cet égard, il y a lieu de constater que Mme [X] [S] ne justifie pas avoir réclamé la moindre rémunération pour le travail allégué, avant la dégradation des relations entre les parties, suite au non remboursement des sommes prêtées et à la saisine du conseil de prud’hommes le 13 août 2012. L’intéressée ne justifie pas davantage de sa situation fiscale et des revenus salariés perçus de la société Adenclassifieds au cours de l’année 2010.
Ces divers éléments traduisent l’absence de tout lien contractuel de travail salarié entre M. [J] [E] et Mme [X] [S] avant la signature du contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 2011.
Le jugement qui a retenu l’existence d’ un contrat de travail du 19 avril 2010 au 31 mai 2011 et alloué une somme de 18 291.40 € à titre de rappel de salaires sur la période précitée, outre les congés payés à hauteur de 1 829.14 € et une indemnité de 8 190.18 € pour travail dissimulé, sera par conséquent infirmé.
Sur l’exécution du contrat de travail
Mme [X] [S] sollicite l’annulation des deux avertissements qui lui ont été notifiés par son employeur les 17 avril et 6 mai 2013.
Le 17 avril 2013, M.[J] [E] a notifié à sa salariée un avertissement pour :
– ne pas s’être présentée au travail avant la tenue de la visite médicale de reprise -s’être présentée avec un retard de vingt minutes dans la prise de son poste, à l’issue de la visite médicale.
Aux termes de son courrier du 16 avril 2013, Mme [X] [S] a informé son employeur du rendez vous pris auprès de la médecine du travail le 17 avril à 11h45 dans la perspective de la reprise de son travail et se présenter à son poste, à l’issue de cette visite. Il ne saurait être reproché à la salariée de ne pas s’être présentée au travail avant la tenue de la visite médicale de reprise dès lors que son contrat était suspendu et qu’elle en avait, régulièrement informé son employeur.
Sur la fiche médicale de la visite de reprise, le médecin du travail mentionne que la salariée est partie à 13h55 et l’employeur lui reproche de n’être arrivée à la pharmacie qu’à 14h32 ainsi que l’atteste la video de surveillance de l’officine.
Dans la mesure où les bureaux de la médecine du travail se trouvent [Adresse 7], soit un trajet de 15 minutes pour aller à la pharmacie située dans le même arrondissement, [Adresse 6], le retard de 22 minutes de la salariée, n’est pas suffisamment important pour justifier un avertissement, dès le 1er jour de reprise de la salariée absente de l’entreprise depuis le 16 février 2012.
En notifiant cet avertissement, M. [J] [E] a exercé de manière abusive son pouvoir disciplinaire et il convient d’annuler l’avertissement incriminé.
Le 6 mai 2013, M. [J] [E] a notifié à sa salariée un avertissement en ces termes:
«En date du 3 mai 2013, nous avons malheureusement été contraints de constater, vos graves manquements aux rappels qui vous ont été déjà faits à plusieurs reprises concernant l’obligation de laisser votre téléphone mobile personnel dans votre casier et de ne pas le porter sur vous durant les heures de services et en surface de vente. Or, le 3 mai 2013 vous avez gardé votre téléphone mobile sur vous. Ce téléphone a sonné à plusieurs reprises obligeant votre collègue [G] [O] à vous interpeler. Ceci est un manquement grave aux dispositions de l’article 14 de notre règlement intérieur. En conséquence, nous sommes contraints à vous adresser un avertissement».
La salariée conteste disposer d’un téléphone mobile tout en reprochant à son employeur de lui avoir téléphoné. Les copies d’écran versées aux débats ne permettent pas, avec l’évidence nécessaire, d’imputer à M. [J] [E] les appels reçus par Mme [X] [S].
Dès lors qu’il n’est pas contesté des parties que l’usage du téléphone portable, pour des motifs personnels, était interdit pendant les horaires de travail et qu’une salariée de l’entreprise est intervenue pour rappeler ces consignes à Mme [X] [S] dont le téléphone sonnait, l’employeur a exercé, normalement, son pouvoir de direction en lui notifiant l’avertissement incriminé.
Il convient de débouter Mme [X] [S] de sa demande en annulation de l’avertissement litigieux notifié le 6 mai 2013.
Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur
Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée; c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
1. Sur l’absence de rémunération et de délivrance de bulletins de paye à compter du 19 avril 2010 au 31 mai 2011
En, l’espèce, Mme [X] [S] reproche à M. [J] [E] de ne pas l’avoir rémunérée pour son travail de responsable para-pharmacie à compter du 19 avril 2010 et de ne pas lui avoir remis de bulletins de paye avant le mois de juin 2011.
Dès lors que la cour n’a pas retenu l’existence d’un contrat de travail entre les parties, pour la période du 19 avril 2010 au 31 mai 2011, l’intéressée qui n’avait pas la qualité de salariée, ne peut se prévaloir de manquements imputables à M. [J] [E] pour la période considérée.
2. Sur l’application des coefficients conventionnels
Mme [X] [S] reproche en outre à M.[J] [E] de l’avoir rémunérée au coefficient 100 de la convention collective applicable, correspondant au statut employé, personnel de nettoyage et d’avoir procédé à une réévaluation de ce coefficient, en le portant à 135, correspondant à la catégorie «’employé pharmacie débutant’» à compter du mois de mai 2013, alors même qu’au vu des fonctions exercées, elle était fondée à bénéficier du statut cadre, coefficient 400.
La définition des attributions correspondant au coefficient 135 de la convention collective de la pharmacie d’officine est la suivante :
«Employé en pharmacie débutant : personnel occupé normalement à la vente au public de marchandises dont les pharmacies peuvent faire le commerce à l’exclusion des produits dont la vente est réservée aux pharmaciens et pouvant effectuer d’autres travaux de rayonniste, notamment. »
L’application du coefficient 400 qui relève de la classification des cadres non pharmaciens, est définie à l’article 1er de l’annexe II de la convention collective précitée dans les termes suivants :
«'(.. .) sont considérés comme cadres les collaborateurs qui :
1. du point de vue de la hiérarchie relèvent directement du chef d’entreprise (…),
2. du point de vue de la fonction, sont responsables au moins d’un secteur d’activité de l’entreprise. Le secteurs d’activité se définit comme suit :
a) soit comme un ensemble de services ou un service important dont le chef dirige et coordonne les activités,
b) soit comme un service technique confié en principe à un diplômé dans les termes de la loi du 10 juillet 1934 (…),
3. sont également considérés comme cadres les collaborateurs qui, sans exercer de fonctions de commandement ou de surveillance, ont une formation technique ou professionnelle constatée généralement par un diplôme ou une formation reconnue équivalente, qui occupent dans l”entreprise un poste où ils mettent en ‘uvre les connaissances qu’ils ont acquises ».
La salariée entend bénéficier du statut cadre au coefficient 400.
Aux termes de son contrat de travail, Mme [X] [S] a été engagée en qualité de «’responsable para-pharmacie’». Pour déterminer la classification applicable il convient toutefois de rechercher quelles étaient les fonctions effectives de la salariée au sein de la pharmacie.
L’examen des attestations versées aux débats ainsi que des courriels révèle que l’intéressée était chargée de l’accueil et de la vente de produits de para-pharmacie, du «merchandising»( remplissage des rayons et affichage des prix) et de l’accueil des représentants et commerciaux, mais qu’elle ne disposait pas d’un pouvoir de décision quant au choix et à la quantité des produits à commander, qu’elle n’avait pas la charge du stock et qu’elle n’intervenait pas pour résoudre des problèmes liés aux délais de livraison ou à la facturation des commandes. Dans ces conditions, l’intéressée ne justifie pas avoir exercé des fonctions de responsable para-pharmacie.
Mme [X] [S] fait valoir qu’une responsable para-pharmacie, Mme [P], engagée de septembre à décembre 2010, percevait une rémunération de 2 000 €.
Cependant, Mme [X] [S] qui n’a aucune expérience professionnelle ni formation validante dans le domaine pharmaceutique, ne se trouve pas dans une situation comparable à celle de Mme [P] laquelle, possédant le diplôme de déléguée pharmaceutique et bénéficiant d’une expérience professionnelle en laboratoire et pharmacie de plus de dix années, était compétente pour donner une expertise ou un diagnostic en la matière.
Les attestations d’une salariée ayant démissionné suite à des vols en caisse (Mme [W]), d’une stagiaire ayant côtoyé la salarié moins d’un mois (Mme [H]) et d’une salariée dont la période d’essai a été rompue au bout de huit jours (Mme [R]), ne permettent pas avec l’évidence nécessaire de démontrer que Mme [X] [S] encadrait des salariés de la pharmacie, alors même que l’attestation de M. [K] [M] [V], pharmacien assistant et travaillant dans la pharmacie dès son ouverture fait état du’rôle «’virtuel’» de la «’responsable du rayon para-pharmacie’» qui, arrivée en juin 2011 et inexpérimentée, «’n’arrêtait pas de solliciter tout le monde, y compris les apprenties, pour se faire répéter ce qu’elle doit répondre aux clients».
Par ailleurs, la salariée ne peut se prévaloir de l’avenant à effet au 1er janvier 2012 qu’elle communique, lui faisant bénéficier de ce statut cadre, dans la mesure où ce document n’est pas signé par l’employeur et que sa validité est sujette à caution.
La cour constate que Mme [X] [S] qui n’a aucune expérience professionnelle ni formation validante et qui ne justifie pas avoir exercé des fonctions de responsable para-pharmacie, ne présente pas les compétences requises pour bénéficier de ce statut cadre, coefficient 400 défini à l’article 1er de l’annexe II de la convention collective précitée.
En application des dispositions conventionnelles, Mme [X] [S] qui justifie n’avoir exercé que neuf mois et quinze jours dans l’officine, n’est pas éligible au statut d’employée de pharmacie 1er échelon, nécessitant deux années de pratique professionnelle.
M.[J] [E] a, manifestement, commis une erreur en indiquant sur les bulletins de salaires jusqu’au mois de mai 2013, un coefficient 100 au lieu de 135 mais cette erreur n’est pas de nature à porter un préjudice financier à la salariée dans la mesure où celle-ci percevait un salaire brut mensuel de 1 365.03 €, soit un montant supérieur au minimum du coefficient 135 ainsi qu’il résulte des données chiffrées versées aux débats.
Les manquements invoqués au titre de l’application de dispositions conventionnelles relatives à la classification ne sont donc pas établis.
3. Sur la non-délivrance de l’attestation de salaire sur la période de février 2012 à juillet 2012.
Mme [X] [S] reproche à M.[J] [E] de ne pas lui avoir délivré, dans les délais impartis, l’attestation de salaire sur la période allant de février à juillet 2012. Cependant, la salariée ne démontre pas que le retard dans le paiement des indemnités journalières de sécurité sociale soit imputable à un manquement de l’employeur dans la délivrance de l’attestation de salaire dans la mesure où M. [J] [E] justifie avoir rempli les obligations lui incombant.
Le grief n’est donc pas établi.
4. Sur le harcèlement moral
Mme [X] [S] affirme avoir été victime, de la part de M. [J] [E] d’actes de harcèlement moral.
Elle reproche à son employeur une entrave à ses droits depuis sa reprise d’activité le 17 avril 2013 caractérisée par les éléments suivants :
– l’avertissement notifié le 17 avril 2013, le jour de la reprise
– le retrait de ses responsabilités et moyens matériels jusqu’alors mis à sa disposition
– la prise en main à distance du poste informatique par M.[E] pour lui en interdire l’accès
– l’absence de mention de Mme [X] [S] sur les plannings
– l’avertissement du 6 mai 2013
– le paiement du salaire sur une base inférieure à un mi-temps thérapeutique
– des courriers anonymes
Aux termes de l’article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans la mesure où la salariée a été déboutée de ses demandes relatives à l’existence d’un contrat de travail antérieur au 1er juin 2011, à l’application du statut cadre au coefficient 400 et à sa demande en annulation de l’avertissement notifié le 6 mai 2013, ces éléments ne peuvent être invoqués au titre du harcèlement moral allégué.
Mme [X] [S] fait valoir que ses conditions de travail auraient généré un état dépressif et il convient d’analyser les différentes périodes d’absence de la salariée qui sont les suivantes :
– trois semaines environ en août 2011 (congés payés);
– deux arrêts maladie pour la période du 3 octobre 2011 au 2 novembre 2011 par le docteur [D] [T], prescrits pour un état pathologique résultant de la grossesse (la salariée ayant accouché de son premier enfant le 26 janvier 2010) ;
– une semaine et demi d’absence en décembre 2011 (congés payés);
– arrêt prescrit le 16 février 2012,par l’IMM pour un état pathologique résultant de la grossesse, renouvelé le 29 février 2012 ;
– arrêt de travail prescrit le 15 mars 2012 jusqu’au 26 mars 2012, sans rapport avec un état pathologique lié à la grossesse et sans raison médicale mentionnée ;
– arrêt de travail prescrit le 27 mars 2012 jusqu’au 9 avril 2012, sans rapport avec un état pathologique lié à la grossesse et sans raison médicale ;
– du 10 avril 2012 au 30 juillet 2012, congé maternité ;
– arrêt de travail prescrit le 27 juillet 2012 pour le mois d’août par le Dr [T] pour un «’contexte de harcèlement professionnel, insomnie et état anxio-dépressif » ;
– Absence injustifiée de la salariée entre le 5 septembre et le 29 septembre 2012 ;
– arrêt de travail d’un mois prescrit le 29 septembre 2012, par le Dr [T], pour un «’état anxio-dépressif réactionnel à une situation de stress professionnel» ;
– arrêt de travail d’un mois prescrit le 29 octobre 2012 par le Dr [T], pour un «’contexte de harcèlement au travail et un état dépressif réactionnel» ;
– arrêt de travail prescrit par le Dr [T] le 29 novembre 2012 jusqu’au huit janvier 2013, pour un «’état dépressif réactionnel avec trouble du sommeil» ;
– arrêt de travail prescrit par le Dr [T] le 3 janvier 2013 pour une durée de deux mois, pour un «’état dépressif réactionnel» ;
– arrêt de travail prescrit par le Dr [T] le 20 mars 2013 pour un «’anxio-dépressif réactionnel», préconisant une reprise à temps partiel pour raison médicale à partir du 9 avril 2013 avec un-mi-temps thérapeutique ;
– arrêt de travail prescrit par le Dr [T] le 9 avril 2013 jusqu’au 17 avril 2013, pour un «’contexte de harcèlement – état anxio~dépressif», suggérant, à nouveau, une reprise à temps partiel pour raison médicale à partir du 17 avril 2013 avec un-mi-temps thérapeutique ;
– arrêt de travail d’un mois prescrit par le Dr [T] le 25 juillet 2013 pour «repos à la campagne ou à la mer »
L’analyse des différents certificats médicaux et arrêts de travail révèle que, depuis le 1er juin 2011, la salariée n’a travaillé dans l’entreprise que neuf mois et quinze jours et que, le 27 juillet 2012, son médecin traitant fait état, pour la première fois, d’un contexte de harcèlement professionnel, générant insomnie et état anxio-dépressif de sa patiente, laquelle se trouve en congé maternité et doit reprendre son poste au mois d’août 2012.
Dans la mesure où Mme [X] [S] n’était pas présente dans l’entreprise depuis le 15 mars 2012, le lien entre le comportement allégué de son employeur et l’état anxio-dépressif de la salariée, préexistant à sa reprise du travail, n’est pas établi, étant relevé qu’elle n’avait formulé aucun reproche pour la période antérieure à la fin de son congé maternité.
L’avertissement notifié à la salariée le 17 avril 2013 a été annulé en raison de son caractère disproportionné mais cette sanction disciplinaire injustifiée ne peut, à elle seule, être retenue à titre d’élément de fait précis et concordant laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La salariée reproche à M. [J] [E] d’avoir tenté de modifier ses horaires en lui demandant de travailler un samedi sur deux et d’avoir rejeté sa demande de mi-temps thérapeutique, mais l’intéressé démontre avoir proposé à Mme [X] [S] de travailler du lundi au vendredi de 13h30 à 17 h, dès qu’il a pris connaissance des préconisations du médecin du travail, le docteur [S] [J], suite à la réponse positive de la CPAM [Localité 4] à la demande de la salariée dont il n’avait pas été tenu informé.
En outre, il n’est pas rapporté la preuve que M.[J] [E] se soit acquitté d’un salaire inférieur au mi-temps thérapeutique de la salariée, étant observé que, suite à une erreur concernant les mois de mai et juin 2013, l’employeur a régularisé la situation au mois de juillet 2013, en payant 7 heures non prises en compte, s’agissant d’une simple erreur de calcul.
Mme [X] [S] fait valoir qu’elle s’est heurté au refus de son employeur de faire droit à sa demande du 18 avril 2013, concernant la fourniture d’une blouse blanche et de codes d’accès informatique.
Toutefois, il a été, précédemment, démontré que la salariée n’exerçait aucune fonction d’encadrement et ne justifiait pas de l’obtention d’un diplôme de pharmacien.
Dans ces conditions, elle ne pouvait prétendre au port d’une blouse blanche, réservé au personnel accomplissant des soins ou des actes pharmaceutiques (pharmaciens, préparateurs diplômés ou en formation) afin de permettre à la clientèle de les différencier parmi les autres employés, étant au surplus observé que, dans son attestation du 9 septembre 2013, M. [M] [D], pharmacien assistant, indique n’avoir jamais vu Mme [X] [S] porter une blouse , alors même qu’il est salarié de l’officine depuis son ouverture en décembre 2009.
L’intéressée ne démontre pas, en outre, la nécessité pour elle de posséder les codes informatiques de l’entreprise pour exercer ses fonctions d’employé de pharmacie 1er échelon dès lors qu’elle n’avait aucune responsabilité dans la gestion des stocks et des commandes, qu’elle n’avait pas le pouvoir de valider les commandes ainsi qu’il résulte des courriels qui lui sont adressés en copie et que M. [J] [E], victime de malversations au sein de l’officine et se trouvant en procédure de redressement judiciaire, souhaitait garantir la sécurité des données comptables de son entreprise placée en période d’observation.
A cet égard, il convient de relever que, dans son courriel du 24 janvier 2012, M. [B] [I] du cabinet d’expertise comptable Euro Expertise Comptable, en charge de la comptabilité de l’entreprise, rappelle expressément qu’il n’est pas habilité à donner le moindre élément d’information comptable sur l’entreprise, en l’absence d’autorisation expresse de son gérant, M. [J] [E].
Par ailleurs, la volumineuse correspondance échangée entre les membres de la famille ainsi que les lettres anonymes ne peuvent constituer des éléments de fait matériellement établis au soutien de l’allégation de harcèlement moral imputables à M. [J] [E] envers la salariée, étant observé qu’il n’appartient pas aux parties d’instrumentaliser un litige d’ordre privé devant la juridiction prud’homale, le tribunal de grande instance ayant déjà été saisi de demandes en remboursements des prêts litigieux.
En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de faits précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée et les demandes de la salariée à ce titre seront rejetées.
Le jugement qui a débouté la salariée de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur sera confirmé.
Sur le licenciement pour inaptitude
Dans le cadre de la seconde visite de reprise et après avoir recueilli l’avis du médecin traitant de Mme [X] [S], le médecin du travail a conclu, après une étude du poste, dans les termes suivants :
‘Après un premier examen le 20 juin 2014 et une visite de l’entreprise le 3 juillet 2014 pour réaliser une étude du psote de travail et des conditions de travail, le deuxième examen dans le cadre de l’article R 4624-31 du code du travail, conclut à l’inaptitiude au poste de travail’.
Par courrier recommandé du 5 août 2014, un licenciement pour inaptitude était notifié à Mme [X] [S] compte tenu de l’impossibilité de son reclassement au sein de l’entreprise.
Mme [X] [S], qui ne conteste pas le motif de ce licenciement et l’impossibilité pour M. [J] [E] de la reclasser au sein de l’entreprise, demande, à titre subsidiaire, la nullité de ce licenciement pour inaptitude définitive à son poste de travail dès lors que cette inaptitude a pour origine son état dépressif réactionnel aux agissements de harcèlement moral dont elle a été l’objet de la part de son employeur.
Dans la mesure où la cour a estimé que la matérialité d’éléments de fait précis et concordants laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral n’était pas démontrée, la demande en nullité du licenciement ne peut qu’être rejetée;
Sur les conséquences de la rupture
1. Les congés payés
L’examen des bulletins de salaires révèle que la salariée bénéficiait, au 31 mai 2013, d’un solde de congés payés de 12 jours qui ne lui a pas été réglé et elle est fondé à en réclamer le paiement sur la base de sa rémunération contractuelle, statut employée, coefficient 1, soit la somme de 528.39 €.
2. Le préavis
Mme [X] [S] sollicite le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de 7 753.35 €, correspondant à trois mois de salaires, outre les congés payés afférents.
Toutefois, la salariée qui se trouve dans l’impossibilité physique d’exécuter le préavis en raison de l’inaptitude non professionnelle à son emploi, ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, assortie des congés payés afférents, stipulée aux articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail.
Mme [X] [S] sera déboutée de ce chef de demande sur lequel la juridiction prud’homale n’a pas statué.
3. L’indemnité légale de licenciement
Mme [X] [S] qui percevait une rémunération mensuelle brute de 1 365.03 € et justifiait d’une ancienneté allant du 1er juin 2011 au 6 août 2014 est fondée en sa demande en paiement d’une indemnité de licenciement à hauteur de 1 774.43 €
Il sera fait droit à la demande de Mme [X] [S] de remise des documents sociaux conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail , «’ le contrat de travail est exécuté de bonne foi’». Mme [X] [S] sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 10 000 € pour exécution déloyale du contrat de travail.
Toutefois, dans la mesure où il a été précédemment retenu l’absence d’un contrat de travail sur la période du 19 avril 2010 au 1er juin 2011 et qu’en l’absence de manquements caractérisés de M.[J] [E] à ses obligations contractuelles, la salariée a été déboutée de sa demande en résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, de celle au titre du harcèlement moral ainsi que de sa demande en nullité du licenciement pour inaptitude, il n’est pas rapporté la preuve que le contrat de travail ait été exécuté déloyalement.
Le jugement déféré qui a rejeté ce chef de demande sera confirmé.
Sur la demande reconventionnelle en restitution
M. [J] [E] sollicite la restitution par Mme [X] [S] de la somme de 12 285.27 € indûment perçue des AGS CGEA.
Toutefois, l’intéressé est irrecevable en ce chef de demande dès lors qu’il ne s’est pas acquitté du paiement de cette somme.
Sur la procédure collective
Les créances de la salariée au titre du solde de congés payés au 31 mai 2013 et de l’indemnité légale du licenciement notifié le 6 août 2014 sont postérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective rendu le 21 novembre 2012 par le tribunal de commerce de Paris, de sorte que M. [J] [E] [L], exerçant en nom propre sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», assisté de Me [F] [B], en sa qualité de commissaire chargée de l’exécution du plan de redressement, doit être condamné au paiement de ces sommes et qu’il n’y a pas lieu à garantie de de l’AGS dans les conditions visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.
Le jugement déféré sera infirmé à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L’équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais non répétibles, M [J] [E] dont l’argumentation est partiellement écartée, supportant la charge des dépens de l’instance en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
ANNULE l’avertissement notifié le 17 avril 2013;
CONDAMNE M. [J] [E] [L] exerçant en nom propre, sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», assisté de Me [F] [B], en sa qualité de commissaire chargée de l’exécution du plan de redressement, à verser à Mme [X] [S] la somme de 528.39 € au titre d’un solde de congés payés et celle de 1 774.53 € au titre de l’indemnité légale de licenciement;
ORDONNE à M. [J] [E] [L] exerçant en nom propre, sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», assisté de Me [F] [B], en sa qualité de commissaire chargée de l’exécution du plan de redressement, de délivrer à Mme [X] [S] les documents sociaux conformes au présent arrêt;
DIT que l’UNEDIC, délégation AGS CGEA [Localité 3], n’est pas tenue à garantie dans les conditions visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail;
DEBOUTE Mme [X] [S] de ses demandes d’annulation de l’avertissement du 6 mai 2013, de résiliation judiciaire du contrat de travail, d’annulation du licenciement, de ses demandes en paiement à titre de rappel de salaire, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et pour exécution déloyale du contrat de travail;
DECLARE irrecevable M. [J] [E] [L], exerçant en nom propre, sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», en sa demande en restitution de la somme de 12 285.27 € perçue des AGS CGEA par Mme [X] [S];
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;
REJETTE le surplus des demandes;
CONDAMNE M. [E] [J] [L], exerçant en nom propre, sous l’enseigne «’Grande Pharmacie d’Ornano’», assisté de Me [F] [B], en sa qualité de commissaire chargée de l’exécution du plan de redressement par voie de continuation, aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT