Your cart is currently empty!
ARRET
N°
S.A.S. EN TERME D’IMAGE
C/
[M]
copie exécutoire
le 28/6/2023
à
Me BEUTIER
Me KALFON
LDS/IL/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 28 JUIN 2023
*************************************************************
N° RG 22/01688 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IM6A
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BEAUVAIS DU 16 FEVRIER 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. EN TERME D’IMAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
concluant par Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES
Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIME
Monsieur [D] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté, concluant et plaidant par Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
Représenté par Me Audrey BOUDOUX D’HAUTEFEUILLE, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
DEBATS :
A l’audience publique du 17 mai 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus l’avocat en ses conclusions et plaidoirie
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 28 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 28 juin 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
La société En terme d’image (la société ou l’employeur), qui a pour objet la conception et fabrication de publicité sur les lieux de vente et merchandising, a embauché M. [M] le 23 novembre 2017, par contrat à durée indéterminée en qualité de maquettiste mouleur.
La Société comptait moins de onze salariés à la date de la fin du contrat de travail.
Le 20 août 2019, le contrat a été rompu d’un commun accord après l’homologation de la rupture conventionnelle par la Direccte.
Le 17 août 2020, ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais en paiement de diverses indemnités.
Par jugement rendu en formation de départage le 16 février 2022, le conseil a condamné la société En terme d’image à verser à M. [M] les sommes suivantes :
– 2 000 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail ;
– 1 000 euros à titre d’indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire ;
– 4 000 euros à titre d’indemnité pour non-respect de l’obligation de sécurité ;
– 1 000 euros à titre d’indemnité pour absence de visite d’information et de prévention ;
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société En terme d’image, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par conclusions notifiées le 5 juillet 2022, demande à ‘la cour d’appel de Beauvais’ de :
– déclarer l’appel bien fondé,
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée et, statuant à nouveau, à titre principal débouter M. [M] de ses demandes, et, à titre subsidiaire, à tout le moins, ramener le montant des condamnations à l’euro symbolique en raison de l’absence de préjudice,
– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner ce dernier à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 4 octobre 2022, M. [M] demande à la cour d’appel de :
– Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré son recours recevable et bien fondé et en ce qu’il a condamné la société au règlement des sommes suivantes :
– 2 000,00 euros au titre du non-respect des durées maximales de travail,
– 1 000,00 euros à titre d’indemnité pour non-respect du repos hebdomadaire,
– 4 000,00 euros pour non-respect de l’obligation de sécurité,
– 1 000,00 euros à titre d’indemnité pour absence de visite d’information et de prévention, Intérêts au taux légal,
– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Entiers dépens.
Infirmer le jugement sur le quantum des dommages dommages-intérêts alloués,
Statuant à nouveau :
Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– Dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail : 10 000,00 euros,
– Dommages et intérêts pour non-respect du repos dominical : 7 000,00 euros,
– Dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité : 10 000,00 euros,
– Dommages et intérêts pour absence de visite d’information et de prévention : 3 394,38 euros
– Article 700 du CPC : 4 000,00 euros.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
Il convient à titre liminaire de noter que l’appelante ne demande pas l’infirmation du jugement en ce qu’il déclare recevables les demandes de M. [M] nonobstant les termes de la rupture conventionnelle.
1/ Sur la durée du travail :
La société fait valoir que M. [M] a été réglé de l’ensemble des heures de travail accomplies, que la durée du travail réalisée telle que figurant sur ses bulletins de paie ne fait pas apparaître les dépassements allégués ; qu’en réalité, le salarié omet de préciser qu’elle a fait preuve d’une grande souplesse compte tenu de ses difficultés de déplacement à défaut de permis de conduire ; qu’il n’a jamais émis la moindre réclamation avant la saisine du conseil de prud’hommes alors qu’il avait une parfaite connaissance de ses droits ; qu’aux termes de la rupture conventionnelle, il s’est déclaré rempli de ses droits résultant du contrat de travail et a renoncé à toute action à son encontre ce qui constitue un aveu quant à l’absence de préjudice et qu’il ne justifie d’ailleurs d’aucun préjudice.
Le salarié soutient qu’il a travaillé à un rythme effréné sans respect des durées quotidienne et hebdomadaire de travail, les horaires prévus étant régulièrement dépassés ; que la clause de la rupture conventionnelle selon laquelle il se reconnaît rempli de ses droits ne vaut pas aveu judiciaire de l’absence de préjudice et que son préjudice est caractérisé par les conséquences néfastes de ses conditions de travail et sur sa vie personnelle ce qui l’a conduit à solliciter la rupture du contrat de travail.
En application des articles L3131-1, L.3132-1 et 3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimal de 11 heures consécutives, sauf exceptions, qui s’ajoute au repos hebdomadaire lequel a une durée minimale de 24 heures consécutives.
L’article L.3121-18 précise que la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures sauf dérogation accordée par l’inspecteur du travail et urgence dans des conditions précisées par décret.
Aux termes de l’article L. 3121-20 du même code, au cours d’une même semaine la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures sur une même semaine et 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.
La convention collective applicable prévoit que le travail de nuit est exceptionnel et que lorsque l’horaire habituel du collaborateur ne comporte pas de travail de nuit, les horaires effectuées exceptionnellement entre 21 heures et 6 heures donnent lieu à une majoration de 100%.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
En l’espèce, c’est au terme d’une analyse pertinente des pièces produites et par de justes motifs que la cour adopte que le conseil de prud’hommes, après avoir constaté que les relevés d’activité datés et précis quant aux heures réalisées par le salarié démontraient que celui-ci avait dépassé à de nombreuses reprises les 10 heures de travail quotidien et les 48 heures hebdomadaires et que l’employeur, qui se borne à produire quelques échanges de SMS, ne produisait aucun élément permettant de conclure que les seuils et plafonds prévus par les textes susvisés avaient été respectés, a fait droit en leur principe aux demandes de M. [M].
Au vu de l’importance des dépassements et leur nombre, la durée hebdomadaire allant jusqu’à 71,5 heures (semaine 20 de 2018), certaines semaines la durée quotidienne de travail étant dépassée plusieurs fois et du préjudice nécessairement provoqué, il apparaît que le conseil de prud’hommes a sous évalué les indemnités de nature à assurer la réparation intégrale du préjudice né du non-respect des durées maximales de travail et il convient, en conséquence, de porter l’indemnité à la somme de 4 000 euros.
S’agissant du non-respect du repos hebdomadaire, il ressort des feuilles d’heure que M. [M] a travaillé certains dimanches ou samedis mais que, ainsi que l’a constaté le conseil de prud’hommes, il n’a, pas pour autant, été privé de repos hebdomadaire en dehors de la semaine 24 de 2018 et de la semaine 6 de 2019. Le jugement sera donc confirmé quant à l’indemnité allouée pour non-respect du repos hebdomadaire.
2/ Sur la demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité :
L’employeur conteste les conditions de travail décrites par M. [M] affirmant que les photos qu’il produit ont été prises avant l’installation définitive dans les locaux de [Localité 3] en septembre 2018 et avance qu’il a mis gracieusement à la disposition des salariés un service d’écoute et de soutien psychologique.
M. [M] expose qu’il a, à plusieurs reprises, alerté sa hiérarchie sur son profond malaise en lien avec sa surcharge et ses conditions de travail ainsi que sur l’absence totale de considération à son égard mais que l’employeur n’a pris aucune mesure pour faire cesser sa souffrance.
Il ajoute qu’il a été contraint de travailler dans des conditions d’hygiène et de sécurité catastrophiques mettant en jeu son intégrité physique ce qui l’a conduit à alerter l’inspection du travail qui a constaté de nombreuses infractions et que la société n’a jamais déféré à sa demande de production du rapport de l’inspection du travail.
L’employeur, tenu, en application de l’article L. 4121-1 du code du travail, d’une obligation de sécurité, en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise doit en assurer l’effectivité.
M. [M] verse aux débats un échange de SMS du 16 juillet 2018 entre lui-même et M. [H], aux termes duquel il déclare être trop « naz » pour venir travailler, expose sa surcharge de travail, l’obligation de venir travailler le week-end et les jours fériés, son dévouement à la société sans bénéficier d’aucun retour et reçoit une réponse dépourvue de toute empathie. Il apparaît que par la suite la situation est demeurée inchangée ainsi qu’en attestent les messages échangés entre M. [M] et un collègue ultérieurement et le rythme de travail jusqu’à la fin de la relation de travail.
L’employeur, informé du mal être du salarié n’a donc pris aucune mesure pour y remédier.
Toutefois, M. [M] ne démontre pas qu’il soit résulté de ce manquement de l’employeur l’existence d’un préjudice distinct de ceux indemnisés ci-dessus.
En revanche, il est rapporté la preuve de ce que les locaux étaient dans un état déplorable en termes d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par la production de photographies dont la valeur probante n’est pas utilement contredite par l’employeur. En effet, si ce dernier justifie par la production de factures qu’il a fait réaliser des travaux qui ont été terminés le 1er octobre 2020, d’une part il résulte des messages produits par M. [M] qu’il a travaillé dans ces locaux insalubres et dangereux avant la fin des travaux et, d’autre part, ces travaux n’incluent pas tous les désordres apparents sur les photographies.
Un incident est d’ailleurs survenu le 1er mars 2019, le salarié ayant reçu sur le poignet des plaques de plexiglass non rangées dans des racks ce qui lui a fait très mal mais a été pris à la légère par l’employeur lorsqu’il en a été avisé par SMS.
Ce dernier ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la mise à disposition d’équipements de sécurité individuels et collectifs alors que le salarié travaillait sur des machines dangereuses.
La faute de l’employeur est source d’un préjudice qui a justement été indemnisé par le conseil de prud’hommes à hauteur de 4 000 euros.
3/ Sur la demande au titre de la visite médicale d’embauche et de reprise :
La société affirme que M. [M] a passé une visite médicale à l’issue de laquelle le médecin n’a décelé aucune contre-indication à son emploi.
M.[M] fait valoir qu’il n’a bénéficié d’une visite d’information et de prévention initiale que près d’un an après son embauche ce qui lui a été particulièrement préjudiciable au vu de ses conditions de travail et qu’il ne fait aucun doute que si cette visite avait eu lieu, il aurait été alerté sur ses conditions de travail et sa situation tant personnelle que professionnelle ne se serait pas autant dégradée.
Il résulte de l’attestation de suivi que M. [M] n’a bénéficié de la visite initiale prévue à l’article R.4624-10 que le 9 octobre 2018 ce qui est tardif.
Il n’est cependant justifié d’aucun préjudice spécifique étant observé qu’aucun élément ne permet de penser que M. [D] [M] a saisi cette occasion pour s’ouvrir de ses conditions de travail à l’infirmière qui l’a reçu.
C’est donc à tort que le conseil de prud’hommes lui a alloué une somme de ce chef.
4/ Sur les demandes accessoires :
La société, qui perd le procès pour l’essentiel, doit en supporter les entiers dépens.
Elle sera condamnée à payer à M. [M] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf sur le quantum des dommages-intérêts alloués pour non-respect de la durée du travail et en ce qu’il a condamné la société à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre du retard dans l’organisation de la visite d’information et de prévention,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société En terme d’image à payer à M. [D] [M] les sommes de :
– 4 000 euros en réparation du préjudice causé par le non-respect des durées maximales de travail,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société En terme d’image aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.