Merchandising : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00269

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Merchandising : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00269
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/00269 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNEY

S.A.S. SERVICE MERCHANDISING ASSISTANCE (SMA) en liquidation judiciaire

S.E.L.A.R.L. [X] es-qualité liquidateur judiciaire de la SAS SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE

c/

Monsieur [I] [O]

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00112) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 17 janvier 2020,

APPELANTE :

SAS Sercice Merchandising Assistance (SMA), en liquidation judiciaire

N° SIRET : 451 654 115 00026

S.E.L.A.R.L. [X] es-qualité liquidateur judiciaire de la SAS SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 444 809 792

représentée par Me Benjamin BLANC de l’AARPI ROUSSEAU-BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [I] [O]

né le 09 Novembre 1992 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me VAGNAT de la SELARL EV AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 3] prise en la personne de son directeur national domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]

non constituée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Rouaud-Folliard Catherine, présidente, chargée d’instruire l’affaireet Madame Bénédicte Lamarque,

conseillère Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [O], né en 1992, a été engagé en qualité de merchandiseur par la SAS Service Merchandising Assistance,(SMA), par contrat de travail à durée déterminée à compter du 9 septembre 2013 jusqu’au 11 avril 2014.

Un contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé à effet du 2 juin 2014.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par courrier du 17 novembre 2015, M.[O] a sollicité la société SMA pour rompre son contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle a été ratifiée par les parties et le contrat de travail a été rompu le 26 janvier 2016.

Réclamant des dommages et intérêts pour travail dissimulé, pour non respect des repos compensateurs et exécution déloyale du contrat de travail outre un bulletin rectificatif, M.[O] a saisi le 26 janvier 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 13 décembre 2019, a :

– condamné la société Service Merchandising Assistance à verser à M.[O]:

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet,

– ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,

* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M.[O] du surplus de ses demandes,

– condamné la société Service Merchandising Assistance aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution du présent jugement.

Par déclaration du 17 janvier 2020, la société Service Merchandising Assistance a relevé appel de cette décision, notifiée le 18 décembre 2019.

Par un jugement du 13 juillet 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Service Merchandising Assistance. La SELARL [X] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2023, la SELARL [X] demande à la cour de :

– déclarer l’appel recevable et bien fondé à l’encontre du jugement du 13 décembre 2019 rendu par le conseil de Prud’hommes de Bordeaux,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* condamné la société Service Merchandising Assistance à verser à

M.[O] les sommes suivantes :

.3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet,

.1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, .mis les dépens à la charge de la société Service Merchandising Assistance,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M.[O] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– juger que l’action de M.[O] devant le conseil de prud’hommes est frappée de prescription,

– constater l’irrecevabilité initiale de l’action de M.[O],

En conséquence,

– débouter purement et simplement M. [O] de l’ensemble de ses demandes de quelque nature que ce soit,

A titre subsidiaire,

– juger que la société SMA a bien respecté les dispositions légales et conventionnelles en matière de comptabilisation des heures supplémentaires, de temps de trajet et du repos compensateur afférent,

– juger que l’ensemble des heures supplémentaires effectuées par M.[O] durant l’exécution du contrat de travail ont fait l’objet d’une compensation en repos majoré,

– juger que l’ensemble des temps de trajet domicile-trajet effectués par M.[O] ne sauraient être qualifiés de temps de travail effectif,

– juger que l’ensemble des temps de trajet domicile-travail effectués par M.[O] durant l’exécution du contrat de travail ont fait l’objet d’une compensation en repos,

– juger que la société SMA n’a commis aucun acte constitutif du délit de travail dissimulé,

En conséquence,

– débouter M.[O] de sa demande tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet,

– débouter M.[O] de sa demande tendant à fixer au passif de la

liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 14.177,76 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

En tout état de cause,

– débouter M.[O] de sa demande tendant à voir condamner la société SMA à la délivrance des bulletins de salaire rectifiés et/ou un bulletin de salaire rectifié,

– débouter M.[O] de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– condamner M.[O] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2023, M. [O] demande à la cour de’:

– constater que la société SMA ne respectait aucunement les dispositions légales relatives à la comptabilisation et à la prise du repos compensateur,

– dire que ces sommes seront garanties par le CGEA,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il condamnait la société SMA au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet, – y ajouter la somme de 2.000 euros,

– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il condamnait la société SMA au paiement de la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– y ajouter la somme de 1.000 euros,

– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 2.000 euros nets à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il le déboutait de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– dire que la société SMA s’est rendue coupable de travail dissimulé,

– condamner la société SMA au paiement de la somme de 14.177,76 euros nets (à parfaire) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 14.177,76 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux, le 13 décembre 2019, en ce qu’il déboutait le salarié de demande de bulletin rectifié,

– condamner la société SMA à la délivrance des bulletins de salaire rectifiés et/ou un bulletin de salaire rectifié,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux, le 13 décembre 2019, en ce qu’il condamnait la société SMA aux entiers dépens, en ceux compris les frais d’exécution,

– dire que ces sommes seront garanties par le CGEA de [Localité 3].

Le CGEA appelé en intervention forcée n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 5 septembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [O] demande en premier lieu le paiement de dommages et intérêts au titre de la comptabilisation des heures supplémentaires donnant droit à repos compensateur (a) et pour n’avoir pas choisi les dates de prise du repos compensateur (b).

En second lieu, il demande paiement de dommages et intérêts au titre de la comptabilisation des temps de trajet et du repos compensateur afférent (c).

a- la comptabilisation des heures acquises au titre du repos compensateur

1) la prescription

La partie appelante fait valoir que la demande est prescrite par application du délai de deux ans applicable en vertu de l’ article L.1471-1 alinéa 1° du code du travail. Selon elle, le point de départ de ce délai est le 10 août 2015, dernier jour travaillé par le salarié lequel a ensuite pris des congés payés, a été placé en arrêt de travail pour maladie et a pris des jours de repos compensateur.

Elle ajoute que si M. [O] demande paiement de dommages et intérêts, le juge ne peut, lorsqu’il est saisi d’une demande en paiement d’heures supplémentaires, y substituer des dommages et intérêts.

M. [O] oppose la prescription triennale prévue par les dispositions de l’ article L.3245-1 du code du travail dont il précise que le point de départ est la date à laquelle il a eu ou aurait dû avoir connaissance de ses droits.

Aux termes de l’ article L.1471-1 du code du travail, toute action sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Aux termes de l’ article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années de salaire à compter de ce jour, ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.

Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation de son préjudice. Ce préjudice, s’il est distinct de celui résultant du non paiement des heures supplémentaires, a le caractère de dommages et intérêts. Pour autant, les demandes tendant au versement de sommes qui auraient dues être payées au titre de la contrepartie obligatoire en repos sont soumises à la prescription triennale applicable aux actions en paiement de salaire.

La demande en paiement de dommages et intérêts au titre du défaut de comptabilisation des heures donnant droit au repos compensateur est soumise à la prescription triennale édictée par l’ article L.3245-1 du code du travail. Ce délai n’ a pas couru à compter du 10 août 2015 mais à compter du jour où M. [O] a eu ou aurait dû avoir connaissance de ses droits. À supposer que M. [O] ait eu connaissance de la lettre transmise par l’inspection du travail à son collègue M. [L] – [M] le 14 février 2018, le délai de trois ans n’était pas expiré à la date de saisine du conseil des prud’hommes.

2) le bien – fondé de la demande

M. [O] fait valoir qu’il a constaté des erreurs dans la comptabilisation des heures acquises au titre du repos compensateur. Des heures lui auraient été ‘retirées ‘ de manière injustifiée .

Aux termes de l’ article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’ employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’ employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’ employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [O] ne produit aucun élément précis permettant à l’employeur d’y répondre et fournissant les horaires effectivement réalisés et il sera débouté de sa demande de fixation de créance de ce chef.

b- les dates de prise de jours de repos compensateur

1) la prescription

Cette demande ne relève pas de la prescription triennale parce qu’elle n’intéresse pas le nombre d’heures acquises au titre du repos compensateur mais de la prescription de deux ans édictée par l’ article L.1471-1 1° du code du travail relative à l’exécution du contrat de travail. Elle n’est pas prescrite dès lors qu’aucune pièce n’indique que M. [O] aurait eu ou aurait dû avoir connaissance de ses droits avant la saisine du conseil des prud’hommes. Elle ne peut cependant intéresser que la prise de congés compensateurs postérieurs au 26 janvier 2016.

2) le bien- fondé

M. [O] fait état d’un repos compensateur pris le 2 juin 2017, d’une durée de 2h30 soit de 13 h à 15h30. Il se réfère à une lettre du 14 février 2018 transmise par l’inspection du travail à l’ un de ses collègues (M. [L] [M]) aux termes de laquelle ‘ selon les informations recueillies, non contestées par votre employeur, ce repos serait fixé systématiquement par lui et non à la convenance des salariés’.

Selon l’article 4 du contrat de travail, les heures supplémentaires éventuellement effectuées pouvaient être compensées, en période de baisse d’activité, par un repos compensateur équivalent à leur paiement et aux majorations afférentes. Aucune autre précision n’était apportée.

Il convient de se référer aux dispositions du code du travail. Celles-ci prévoient que le repos est pris à la convenance du salarié qui en fait la demande au moins une semaine à l’avance, l’ employeur informant le salarié, soit de son accord, soit des raisons relevant d’impératifs liés au fonctionnement de l’entreprise qui motivent le report de la demande. En cas de report, l’employeur propose au salarié une autre date.

L’attestation de M [B] mentionne que n’avoir jamais su qu’il pouvait décider de la pose de ses repos compensateurs. L’employeur n’apporte aucune pièce utile à le contredire. M. [O] n’a pu choisir la date de prise de ses congés de remplacement et n’a pu organiser son agenda et ses activités personnelles.

c- les temps de trajet et repos compensateur afférent

1) cette demande porte sur la durée du travail et n’est pas prescrite dès lors que la lettre de l’inspection du travail datée du 14 février 2018 a été transmise à un autre salarié et qu’en tout état de cause, la connaissance de ses droits par M. [O] n’était pas antérieure de plus de trois ans à la saisine du conseil des prud’hommes.

2) M. [O] fait valoir que l’ employeur ne comptabilisait pas le temps de trajet entre le domicile et le lieu d’intervention alors même que les salariés étaient tenus de passer au siège de l’ entreprise au Haillan avant de rejoindre le lieu d’intervention.

L’ employeur répond que les salariés n’étaient pas tenus de passer par le siège de l’ entreprise avant de rejoindre le lieu d’ intervention, qu’ils n’avaient d’ailleurs pas les clefs du bureau et n’y travaillaient pas, qu’ ils pouvaient convenir de ce lieu de rendez – vous ou d’un autre. Il ajoute que le transport collectif du personnel pouvait se faire ‘ sous la conduite de M. [D] (patron de l’ entreprise), du chef de groupe ou d’un salarié volontaire. L’ employeur dit par ailleurs, sans le prouver, avoir octroyé un repos compensateur au titre de ce temps de trajet.

Aux termes de l’ article L.3121-1 du code du travail, la durée du travail est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir librement vaquer à ses occupations.

Aux termes de l’ article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, les temps de trajet effectués entre l’ entreprise et le lieu d’exécution du travail peuvent être tenus pour temps de travail effectif dès lors que le salarié est tenu de passer par l’ entreprise, est à la disposition de l’employeur qui peut lui donner des directives et ne peut vaquer à ses occupations.

La convention collective n’y déroge pas

M. [O] verse l’attestation de M. [Y] : ‘ nous partions en équipe de deux personnes ou plus et nous utilisions les 2 véhicules de la société, c’est donc le responsable d’équipe ou le chef d’équipe qui conduisait …’. Le liquidateur

conteste la crédibilité du témoignage et indique que M. [O] n’est pas visé dans cet écrit.

Le témoignage de M. [Y] n’est pas dépourvu de force probante parce qu’il aurait été sanctionné à deux reprises et n’aurait pas contesté son solde de tout compte. La cour constate que, lorsque le transport de salariés depuis l’ entreprise jusqu’au lieu d’intervention s’effectuait sous la conduite du chef d’ entreprise ou du chef de groupe, ce qui est reconnu par l’ employeur, la durée de ce trajet constituait un temps de travail effectif dès lors que les salariés étaient à la disposition de l’employeur qui pouvait donner des directives, et qu’ils ne pouvaient vaquer à leurs occupations personnelles.

Ensuite, le moyen de l’ employeur selon lequel les salariés ne travaillaient pas au siège de l’ entreprise où ils passaient avant de rejoindre leur lieu de travail est inopérant, la prise en compte du temps de trajet depuis celui-ci n’étant pas soumise à cette condition.

Les lettres, mails, SMS versés par l’ employeur sous cotes 44 à 49 les salariés transmettaient des factures, un relevé d’heures ou des frais par la poste, la fixation unique d’un point de rencontre près du domicile d’un salarié pour rejoindre un client à [Localité 6], la récupération de clefs au domicile du patron) ne contredisent pas utilement le passage des salariés par l’entreprise.

La partie appelante verse :

– une attestation de Mme [P] qui a travaillé dans l’entreprise jusqu’en 2012 soit à une date très antérieure à l’embauche de M. [O] ;

– une attestation de M. [T], ancien salarié, qui ne précise pas la période au cours de laquelle il a travaillé dans l’ entreprise,

– une attestation de Mme [C], secrétaire, selon laquelle les salariés n’avaient pas les chefs de l’ entreprise et décidaient d’un lieu de rendez- vous (‘ tout endroit arrangeant’) est inopérante : il ne peut être tenu compte que les salariés n’avaient ‘pas d’intérêt à passer par l’ entreprise’ ou qu’ils ne disposaient pas des clefs du bureau dès lors qu’il n’est pas établi que le passage dans le bureau étaient une condition nécessaire.

Considération prise de ces éléments, la cour estime que M. [O] a dû passer par le siège de l’entreprise avant de rejoindre certains lieux d’intervention et que le mandataire ne prouve pas que ces trajets entreprise – lieu de travail étaient comptabilisés.

M. [O] a subi qui sera réparé à hauteur de la somme de 1 500 euros.

d- le travail dissimulé

M. [O] demande qu’une créance d’un montant de 14 177,76 euros soit fixée au passif de la liquidation judiciaire au titre du travail dissimulé.

La partie appelante demande la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a dit cette demande prescrite.

Cette demande est relative à l’exécution du contrat de travail et n’est pas soumise à la prescription triennale mais à la prescription de deux ans à compter du jour où le salarié a eu ou aurait dû avoir connaissance de ses droits. Aucun

élément n’établit que cette connaissance aurait été antérieure de plus de deux ans à la saisine du conseil des prud’hommes et cette demande est recevable.

Aux termes de l’ article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli;

Aux termes de l’ article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’ article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

M. [O] fait état de ce que l’employeur a intentionnellement dissimulé le véritable nombre d’heures supplémentaires réalisées.

Le liquidateur conteste l’existence de l’élément intentionnel qui n’est ici pas avéré, l’inspecteur du travail ayant seulement interrogé l’ employeur et invité les salariés à saisir le conseil des prud’hommes dès lors que les parties s’opposaient, aucune mesure coercitive n’étant décidée par l’administration après recueil des précisions de l’employeur.

M. [O] sera débouté de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de délivrance d’ un bulletin de paye rectificatif, les sommes allouées n’étant pas des salaires mais des dommages et intérêts.

L’AGS CGEA apportera sa garantie dans la limite légale.

Vu l’équité, la créance de M. [O] au passif de la liquidation judiciaire sera fixée à hauteur totale de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande relative au travail dissimulé et à la délivrance d’un bulletin de paye rectificatif ;

statuant à nouveau des autres chefs ;

Dit que les demandes de M. [O] sont recevables ;

Fixe la créance de M. [O] au passif de la liquidation judiciaire de la société Service Marchandising Assistance aux sommes suivantes :

– 1 500 euros au titre des modalités de prise de repos compensateur et des temps de trajet entre l’ entreprise et le lieu habituel de travail ;

– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel;

Dit que l’AGS CGEA de [Localité 3] apportera sa garantie dans la limite légale;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Madame Sylvie Tronche, conseillère pour la présidente empêchée, et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Tronche

 


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