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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 25 OCTOBRE 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/00247 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNCK
Monsieur [K] [I] [X]
c/
Société SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE en liquidation judiciaire
S.E.L.A.R.L. [M] es-qualite liquidateur judiciaire de la SAS SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE
UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE BORDEAUX
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00490) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 16 janvier 2020,
APPELANT :
Monsieur [K] [I] [X]
né le 03 Juin 1959 à [Localité 5] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me VAGNAT de la SELARL EV AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.E.L.A.R.L. [M] es-qualite liquidateur judiciaire de la SAS SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
N° SIRET : 444 809 792
représentée par Me Benjamin BLANC de l’AARPI ROUSSEAU-BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX
UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE BORDEAUX prise en la personne de son directeur national domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]
non constituée
SAS Service Merchandising Assistance (SMA), en liquidation judiciaire
N° SIRET : 451 654 115 00026
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Rouaud-Folliard Catherine, présidente, chargée d’instruire l’affaire et Madame Bénédicte Lamarque,
conseillère Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [K] [I] [X], né en 1959, a été engagé en qualité de merchandiseur par la SAS Service Merchandising Assistance, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 4 novembre 2013 jusqu’au 29 novembre 2013 puis du 6 janvier 2014 jusqu’au 3 octobre 2014.
A compter du 4 octobre 2014, les relations contractuelles se sont poursuivies dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des prestataires de service dans le domaine du secteur tertiaire.
Par lettre datée du 4 décembre 2017, M.[I] [X] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 décembre 2017.
Le 18 décembre 2017, un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) a été remis à M.[I] [X].
M.[I] [X] l’a accepté et son contrat de travail a pris fin le 8 janvier 2018.
Soutenant que la société SMA a gravement manqué à ses obligations essentielles, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, violation des règles relatives au repos compensateur, travail dissimulé, manquement de l’employeur à l’obligation de bonne foi et un rappel sur les indemnités kilométriques, M.[I] [X] a saisi le 4 avril 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 13 décembre 2019, a :
– condamné la société Service Merchandising Assistance à verser à M.[I] [X]:
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet,
– ordonné l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,
* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M.[I] [X] du surplus de ses demandes,
– condamné la société Service Merchandising Assistance aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution du présent jugement.
Par déclaration du 16 janvier 2020, M.[I] [X] a relevé appel de cette décision, notifiée le 18 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 février 2023, M.[I] [X] demande à la cour de :
– dire que la Société SMA a gravement manqué à ses obligations essentielles,
En conséquence,
– condamner la société SMA à lui payer les sommes suivantes,
– dire que ces sommes seront garanties par le CGEA,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il a condamné la société SMA au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet,
– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– dire que la société SMA s’est rendue coupable de travail dissimulé,
– condamner la société SMA au paiement de la somme de 10.946,70 euros nets (à parfaire) à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 10.946,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel sur les indemnités kilométriques,
– condamner la société SMA au paiement de la somme de 1.060,15 euros nets à titre de rappel sur les indemnités kilométriques,
– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 1.060,15 euros nets à titre de rappel sur les indemnités kilométriques,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– condamner la société SMA au paiement de la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de bonne foi,
– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il a condamné la Société SMA au paiement de la somme de 1.000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– y ajouter la somme de 1.000 euros,
– fixer au passif de la société SMA à lui verser la somme de 2.000 euros nets à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 13 décembre 2019, en ce qu’il a condamné la société SMA aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux, le 13 décembre 2019, en ce qu’il déboutait le salarié de demande de bulletin rectifié,
– condamner la société SMA à la délivrance des bulletins de salaire rectifiés et/ou un bulletin de salaire rectifié,
– dire que ces sommes seront garanties par le CGEA.
Par jugement du 13 juillet 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Service Merchandising Assistance. La SELARL [M] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 mars 2023, la SELARL [M] demande à la cour de’:
– juger l’appel incident interjeté par la société Service Merchandising Assistance bien fondé,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bordeaux en ce qu’il a :
* condamné la société Service Merchandising Assistance à verser à M.[I] [X] les sommes suivantes :
* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet,
* 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile – mis les dépens à la charge de la société Service Merchandising Assistance,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
* débouté M.[I] [X] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
* débouté M.[I] [X] de sa demande de rappel d’indemnités kilométriques,
* débouté M.[I] [X] de sa demande de dommages intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de bonne foi,
Statuant à nouveau,
– dire que l’action de M.[I] [X] est partiellement frappée de prescription,
– juger que la société SMA a bien respecté les dispositions légales et conventionnelles en matière de comptabilisation des heures supplémentaires, de temps de trajet et du repos compensateur afférent,
– juger que l’ensemble des temps de trajet domicile-travail effectués par M.[I] [X] ne sauraient être qualifiés de temps de travail effectif,
– juger que l’ensemble des temps de trajet domicile-travail effectués par M.[I] [X] durant l’exécution du contrat de travail ont fait l’objet d’une compensation en repos,
– juger que la société SMA n’a commis aucun acte constitutif du délit de travail dissimulé,
– juger que la société SMA a exécuté de bonne foi et loyalement le contrat de travail,
– juger que M.[I] [X] ne justifie d’aucun préjudice de quelque nature que soit imputable à la société SMA,
En conséquence,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives au repos compensateur et prise en compte des temps de trajet,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 10.946,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 1.060,15 euros nets à titre de rappel sur les indemnités kilométriques,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 5.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
En tout état de cause,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à voir condamner la société SMA à la délivrance des bulletins de salaire rectifiés et/ou un bulletin de salaire rectifié,
– débouter M.[I] [X] de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SMA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamner M.[I] [X] à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’AGS CGEA de Bordeaux à laquelle la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées le 16 janvier 2023 n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
Les avocats des parties n’ayant pas été convoqués à l’audience, la cour leur a proposé une réouverture des débats le 10 octobre à 9 h. Les deux conseils ont indiqué que cette mesure n’était pas nécessaire, toutes les explications ayant été données à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour constate que M. [I] [X] ne formule pas de demande au titre de la rupture de son contrat de travail et ne demande pas de requalifier le licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
a- la comptabilisation des heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur
M. [I] [X] demande la fixation d’une créance indemnitaire au passif de la société à hauteur de 5 000 euros motifs pris que :
– il a constaté que des heures acquises au titre du repos compensateur lui ont été retirées sans explication (52,56 heures n’auraient pas été comptabilisées en 2014) ;
-les dispositions relatives à la prise des repos de compensation n’étaient pas respectées dès lors que leur date lui était imposée;
– l ‘ employeur ne comptabilisait pas les heures de trajet depuis son domicile mais depuis le siège social de l’ entreprise; dans les cas de déplacement à l’étranger, le temps de trajet n’étaient pas comptabilisés ou étaient réduits.
Le mandataire liquidateur fait valoir que les demandes de M. [I] [X] sont en partie prescrites par l’effet du délai de prescription de deux ans relatif aux demandes portant sur l’exécution du contrat de travail.
M. [I] [X] oppose le délai de prescription triennale applicable en matière salariale.
Aux termes de l’ article L.1471-1 du code du travail, toute action sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.
Aux termes de l’ article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu au aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années de salaire ou, lorsque le contrat a été rompu, sur les trois dernières années précédant la rupture.
Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation de son préjudice. Ce dernier, s’il est distinct de celui résultant du non paiement des heures supplémentaires, a le caractère de dommages et intérêts. Pour autant, les demandes sont soumises à la prescription de trois ans applicable aux actions en paiement de salaire.
La demande en paiement de dommages et intérêts au titre du défaut de comptabilisation des heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur est soumise à la prescription triennale édictée par l’ article L.3245-1 du code du travail. M. [I] [X] a saisi le conseil des prud’hommes le 4 avril 2018 et sa demande est recevable et peut porter sur les heures supplémentaires des trois dernières années précédant la rupture de son contrat de travail, soit à compter du 8 janvier 2015.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’ employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’ employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’ employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. [I] [X] produit des plannings sans aucune indication quant aux heures supplémentaires qui n’auraient pas été comptabilisées. Aucun décompte ni autre pièce ne sont produites qui constitueraient des éléments précis auxquels l’ employeur pourrait répondre;
En tout état de cause, les 52,56 heures supplémentaires qui auraient été réalisées en 2014 sans être comptabilisées sont antérieures de plus de trois ans à la saisine du conseil des prud’hommes et ne pourraient fonder cette demande.
b- la demande relative aux modalités de prise du repos compensateur
Cette demande ne relève pas de la prescription triennale parce qu’elle n’intéresse pas le nombre d’ heures supplémentaires acquises au titre du repos compensateur mais de la prescription de deux ans édictée par l’ article L 1471-1 du code du travail. Cette demande n’est pas prescrite mais ne peut porter que sur les prises de repos postérieurs au 8 janvier 2016.
L’ article 36 de la convention collective applicable prévoit que les modalités de récupération sont précisées par les règles propres à chaque entreprise.
Selon l’article 4 du code du travail de M. [I] [X], les heures supplémentaires éventuellement réalisées peuvent être compensées, en période de baisse d’activité, par un repos compensateur équivalent à leur paiement et aux majorations afférentes. Aucune autre précision n’est apportée.
Il convient de se référer aux dispositions du code du travail qui prévoient que
– dès que le nombre d’heures de repos compensateur atteint sept heures, le droit à repos est ouvert et il doit être pris dans le délai de deux mois;
-les salariés sont informés du nombre d’ heures de repos de remplacement portées à leur crédit par un document annexé au bulletin de paye;
– le salarié formule sa demande de prise de repos au moins une semaine à l’avance ; l’ employeur informe le salarié, soit de son accord, soit des raisons relevant d’impératifs liés au fonctionnement de l’ entreprise qui motivent le report de la demande. En cas de report, l’employeur propose au salarié une autre date.
Aucun élément n’établit que M. [I] [X] a pris ses jours de repos compensateur dans le délai de deux mois sus visé.
Aux bulletins de paye produits, n’est pas annexée une feuille informant le salarié du nombre d’ heures de repos porté à son crédit.
Aucun élément n’établit que M. [I] [X] a pu proposer des dates de prise de ses repos compensateur.
Dans ces conditions, il doit être considérer que l’ employeur n’a pas respecté les modalités sus visées.
M. [I] [X] a subi un préjudice résultant de l’impossibilité d’organiser ses jours de repos en fonction des ses disponibilités familiales.
c- les temps de trajet
M. [I] [X] fait valoir que l’employeur ne comptabilisait pas les trajets depuis son domicile mais depuis le siège social de l’ entreprise.
Au visa de l’ article L.3121-4 du code du travail, M. [I] [X] fait aussi état de de ce que le temps de trajet et d’attente lors de voyage en Russie et à [Localité 3] n’auraient pas été pris en compte ou auraient été minorés.
Cette demande porte sur la comptabilisation des heures de travail et sa recevabilité est soumise à la prescription triennale. Elle est recevable mais seuls les temps de trajet postérieurs au 8 janvier 2015 seraient pris en compte.
Aux termes de l’article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois :
-d’une part, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos soit financière,
– d’autre part, les temps de trajet effectués entre l’entreprise et le lieu d’exécution du travail peuvent être tenus pour temps de travail effectif dès lors que le salarié est tenu de passer par l’entreprise, est à la disposition de l’employeur qui peut lui donner des consignes et ne peut vaquer à ses occupations.
M. [I] [X] fait état d’un voyage en Russie effectué en juin 2014 et qui s’inscrit dans la période prescrite ;
Il fait aussi état de déplacements à Antibes effectués au cours des semaines 9,12, 22 à 28 de l’année 2015 en précisant les temps depuis le départ de son domicile jusqu’à son arrivée au magasin Castorama d'[Localité 3] en incluant les temps d’enregistrement et de récupération des bagages et le temps de vol. La société aurait comptabilisé 1h15 au lieu de 3h45.
Les temps de trajet réalisés à l’occasion d’un déplacement à [Localité 3] dépassent le temps normal de trajet entre le domicile de M. [I] [X] et son lieu de travail habituel.
Il ne peut être considéré que M. [I] [X] était libre de vaquer à des occupations personnelles en se rendant à l’aéroport une heure au moins avant le décollage dont l’heure pouvait être modifié par la compagnie, en attendant de récupérer ses bagages puis un véhicule de location, en rejoignant l’établissement Castorama d'[Localité 3]. Le salarié se tenait à la disposition de l’employeur qui pouvait le joindre par téléphone et lui donner des consignes. Le nombre d’heures supplémentaires retenu par l’employeur était minoré et partant, le nombre d’heures de repos compensateur l’était aussi.
S’agissant ensuite, des temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel, la règle est qu’ils ne constituent pas un travail effectif. Cependant, le temps de trajet entre l’entreprise et le lieu de travail peut être pris en compte lorsque le salarié est tenu de passer par la première avant de rejoindre le second.
L’attestation de M.[R], dont la crédibilité n’est pas altérée par les sanctions notifiées à ce dernier, peu important aussi qu’il n’ait pas contesté son solde de tout compte, fait état de ce que les salariés partaient de l’entreprise en équipe de deux personnes ou plus dans les véhicules de la société ; le mandataire reconnaît que le chef d’ entreprise ou le chef d’équipe pouvaient conduire eux mêmes les véhicules et ce temps de trajet devait être pris en compte dès lors que M. [I] [X] était à la disposition de l’ employeur dont il devait respecter les consignes sans pouvoir vaquer à ses occupations.
Le moyen selon lequel les salariés ne travaillaient pas lors de leur passage à l’entreprise est inopérant, cette circonstance n’étant pas une condition attendue.
Les pièces du mandataire relatives à l’envoi par les salariés des factures ou relevés d’heures ou feuilles de frais par la voie postale ne contredisent pas utilement le passage des salariés par l’ entreprise.
Le mandataire verse :
-l’attestation de Mme [T] qui a travaillé dans l’ entreprise jusqu’en 2012 soit avant l’embauche de M. [I] [X];
– l’attestation de M. [Z], ancien salarié, qui ne précise pas la période au cours de laquelle il a travaillé dans l’ entreprise;
– l’attestation de Mme [L], secrétaire, selon laquelle les salariés n’avaient pas la clef de l’ entreprise et décidaient d’un lieu de rendez- vous ( ‘ tout endroit arrangeant’) est inopérante : au regard des éléments sus cités, il ne peut être tenu compte que les salariés ‘ n’avaient pas d’intérêt à passer par l’ entreprise’ ou qu’ils ne disposaient pas des clefs du bureau de la secrétaire dès lors qu’il n’est pas établi que le passage dans ce bureau était un préalable nécessaire au départ pour les lieux d’intervention.
Le mandataire n’établit pas que la société a comptabilisé tous les temps de trajet entreprise – lieu de travail ouvrant droit à repos compensateur.
Cette circonstance et le non respect des modalités de prise des heures de remplacement ont causé à M. [I] [X] un préjudice qui sera réparé par la fixation d’une créance au passif de la liquidation à hauteur de 1 500 euros.
le travail dissimulé
Aux termes de l’ article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d’heures inférieur à celui réellement accompli ;
Aux termes de l’ article L. 8223- 1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’ article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’élément intentionnel n’est pas avéré par le seul défaut de comptage de toutes les heures supplémentaires effectuées et M. [I] [X] sera débouté de ce chef.
les indemnités kilométriques
M. [I] [X] estime n’avoir pas été rempli de ses droits tels que prévus par l’article 33.3 de la convention collective. Il indique avoir réalisé des trajets importants en juin et juillet 2017 (5114 kms) qui n’ont pas donné lieu à paiement d’ indemnités kilométriques conformes au barème fixé par l’ACOSS (pour un véhicule de 5 CV).
Le mandataire n’oppose pas la prescription de cette demande. Il dit que l’employeur a remboursé ces frais sur la base de 0,33 euros le kilomètre alors que les dispositions conventionnelles prévoient une indemnité de 0,245 euros. Selon lui , le barème fiscal ne serait qu’une référence pour l’imposition d’ un contribuable et en tout état de cause, M. [I] [X] ne démontrerait pas son préjudice et plus particulièrement que le taux appliqué ne permettait pas de couvrir les frais tels que la dépréciation du véhicule, les dépenses d’assurance, de réparation et de carburant.
Le nombre de kilomètres effectués par le salarié en juin et juillet 2017 n’est pas contesté par le mandataire.
Aux termes de l’ article 13.3 de la convention collective des prestataires de service dans le domaine du tertiaire, pour leurs déplacements professionnels, les salariés concernés bénéficieront du remboursement des frais exposés selon les modalités propres à l’entreprise. Quelles que soient ces dernières, l’indemnisation ne pourra pas être inférieure aux allocations forfaitaires prévues par les règles de l’ACOSS en termes d’exonération de cotisation de sécurité sociale. Le montant des indemnités résultant des règles ACOSS est supérieur à 0,33 euros le kilomètre et il ne revient pas au salarié d’établir que les frais sus visés n’ont pas été couverts.
Le mandataire ne peut opposer un taux relatif à une ‘activité d’optimisation linéaire’ ‘ dont le lien avec le contrat de travail de M. [I] [X] n’est pas précisé.
La créance de M. [I] [X] au passif de la liquidation judiciaire sera fixée à la somme de 1 060,15 euros.
l’exécution déloyale du contrat de travail
Au visa de l’ article L.1222-1 du code du travail, M. [I] [X] reproche à l’employeur de n’avoir pas respecté ses droits examinés supra, de n’avoir pas transmis le document du contrat de sécurisation professionnelle au Pôle Emploi, de lui avoir imposé ses congés payés en méconnaissance de l’ article 9 de son contrat de travail, d’avoir produit un règlement intérieur inconnu de lui, de lui avoir notifié un avertissement non justifié, et de l’avoir licencié pour un motif économique non avéré.
Le mandataire oppose que l’ordre des départs en congés payés relève du pouvoir de l’employeur, que M. [I] [X] avait été avisé de ses dates de congés payés dans la lettre d’avertissement du 1er août 2017.
Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Celle- ci étant présumée, il appartient au salarié de prouver que l’employeur n’a pas respecté cette obligation.
Une créance indemnitaire a été fixée au passif de la liquidation judiciaire au titre des modalités de prise des heures de repos compensateur.
L’employeur n’a pas transmis tous les documents attendus par le Pôle Emploi en temps utile ( cf mail et annotations cotés 10 et 11) mais le préjudice subi par M. [I] [X] n’est pas établi.
Aucune pièce ne prouve que l’employeur a demandé au salarié ses desiderata pour la détermination des dates de congés payés conformément à l’ article 9 du contrat de travail.
Le règlement intérieur interdit l’usage du téléphone professionnel sur les chantiers mais M. [I] [X] n’établit pas avoir été repris par l’ employeur à ce titre.
La réalité des faits ayant motivé l’avertissement notifié le 1 août 2017 n’est pas établie et cette notification a causé un préjudice moral au salarié.
La cour n’ayant pas été saisie d’une demande de contestation du licenciement économique, l’étude de son motif ne peut fonder cette demande au titre de l’exécution du contrat de travail.
La créance de M. [I] [X] sera fixée à la somme de 800 euros.
L’AGS CGEA de Bordeaux apportera sa garantie dans la limite légale.
La délivrance de documents de rupture rectifiés n’est pas nécessaire en l’absence d’ajout de salaire.
Vu l’équité, la créance de M. [I] [X] sera fixée à hauteur totale de 2 000 euros.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
la cour,
dans la limite de sa saisine,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [X] de sa demande relative au travail dissimulé et délivrance de bulletin de paye rectifié ;
Dit les demandes non prescrites dans les limites visées supra ;
Fixe la créance de M. [I] [X] au passif de la liquidation judiciaire de la société Service Merchandising Assistance aux sommes de :
-1 500 euros au titre des modalités de prise de repos compensateur et du décompte des temps de trajet ;
-1 060,15 euros au titre des indemnités kilométriques ;
-800 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel ;
Dit que l’AGS CGEA apportera sa garantie dans la limite légale ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Signé par Madame Sylvie Tronche conseillère, pour la présidente empêchée et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Tronche