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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 24 OCTOBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04929 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZHE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Avril 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° 18/01829
APPELANTE
Société CASA FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0244
INTIME
Monsieur [B] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Salima HEZZAM, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] [J], né en 1976, a été engagé par la SAS Casa France, par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 30 mai 2005 en qualité de vendeur caissier.
La relation de travail s’est poursuivie en un contrat à durée indéterminée.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail non alimentaire.
A compter du 1er janvier 2012, M. [J] a occupé le poste de responsable magasin de l’établissement Casa [Localité 6], puis à compter du 1er octobre 2017, il s’est vu confier également la gestion du magasin de [Localité 5].
Par courrier en date du 25 octobre 2017, M. [J] s’est vu notifier une mise à pied disciplinaire d’un jour pour manquement managérial et aux règles de sécurité.
Par courriel en date du 26 octobre 2017 adressé à la directrice régionale de la société, M. [J] a demandé à être déchargé de la gestion du magasin de [Localité 5].
Du 19 février 2018 au 22 juin 2018 inclus, M. [J] a suivi une formation intitulée «’visuel merchandiser’» dans le cadre d’un congé individuel de formation.
A l’issue de ce congé, M. [J] a été reçu par le service des ressources humaines pour lui exposer les changements survenus durant son absence et a été muté définitivement au magasin Casa d'[Localité 7]. M. [J] a contesté sa mutation.
Par lettre datée du 14 juin 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 juin 2018 avant d’être licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 28 juin 2018.
M. [J] a été placé en arrêt de travail jusqu’à la fin de la relation contractuelle.
A la date du licenciement, M. [J] avait une ancienneté de 13 ans et 2 mois et la société Casa France occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaire, des dommages et intérêts, et l’annulation d’une sanction disciplinaire, M. [J] a saisi le 4 décembre 2018 le conseil de prud’hommes de Créteil qui, par jugement du 22 avril 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
– dit que le licenciement de M. [J] est sans cause réelle et sérieuse,
– condamne la société Casa France à lui payer les sommes suivantes :
– 32 773 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement irrégulier,
– 14 925 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l’absence de jours de repos compensateur,
– 1300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononce l’exécution provisoire sur l’intégralité de la décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,
– ordonne la remise d’un bulletin de paie rectificatif,
– dit que les intérêts porteront intérêt de droit à compter du prononcé de la présente décision,
– déboute M. [J] du surplus de ses demandes,
– déboute la société Casa France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– met les dépens à la charge de la partie défenderesse.
Par déclaration du 31 mai 2021, la SAS Casa France a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 19 mai 2021.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 juin 2023, la société Casa France demande à la cour de :
– juger que la déclaration d’appel ainsi que son annexe en date du 31 mai 2022 sont parfaitement régulières,
– rejeter la demande de M. [J] liée à l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel,
– infirmer le jugement rendu le 22 avril 2021 par le conseil de prud’hommes de Créteil,
– débouter M. [J] de ses demandes,
– condamner M. [J] à verser à la société Casa France 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juin 2023, M. [J] demande à la cour de’:
Avant toute défense au fond,
– constater que l’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 31 mai 2021 n’a pas opéré,
– constater que la cour n’est saisie d’aucune demande de la société Casa,
sur le fond,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il a fait droit aux demandes de M. [J] et condamné la société casa au règlement des sommes suivantes:
– 32 773 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement irrégulier,
– 14 925 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l’absence de jours de repos compensateurs,
– 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la remise d’un bulletin de paie rectificatif,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il a débouté M. [J] du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
– annuler la mise à pied notifiée par courrier du 25 octobre 2017,
en conséquence,
– condamner la société casa à verser à M. [J] les sommes suivantes :
– 105,88 euros à titre de rappel de salaire pour la journée du 27 octobre 2017,
– 10,58 euros à titre de congés payés afférents,
– ordonner la remise d’un bulletin de paie conforme,
– dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [J] est intervenue de façon vexatoire et brutale,
en conséquence,
– condamner la société Casa au règlement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages-et-intérêts du fait des conditions vexatoires et brutales de la rupture,
en tout état de cause,
– condamner la société Casa au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 septembre 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’effet dévolutif de l’appel
M. [J] soutient que la déclaration d’appel de la société Casa ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, et qu’elle ne renvoie pas expressément à une annexe, que dès lors, l’appel de la société est irrecevable.
La société Casa France soutient qu’elle a joint à sa déclaration une annexe contenant l’ensemble des chefs de jugement critiqués et que celle-ci est parfaitement régulière.
Le décret du 25 février 2022 a modifié l’article 901, 4° du code de procédure civile en tant qu’il prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots : « , comportant le cas échéant une annexe, ». L’article 6 du décret précise que cette disposition est applicable aux instances en cours.
L’arrêté du 25 février 2022 a modifié celui du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel. L’article 3 de ce texte prévoit qu’il entre en vigueur le lendemain de sa publication et qu’il est applicable aux instances en cours.
Il est de droit que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu’elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d’appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.
En l’espèce, la déclaration d’appel du 31 mai 2021 précise que l’appel est limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Si cette déclaration ne renvoie pas à un document mentionnant les chefs de jugement critiqués, il n’en demeure pas moins qu’un tel document est joint à cette déclaration, sans que cela ne soit contredit de telle sorte qu’il fait corps avec la déclaration d’appel et que l’intimée a ainsi eu connaissance précisément, dès la déclaration d’appel, des chefs de jugement critiqués et a pu, en conséquence, développer ses moyens de fait et de droit en réponse.
En conséquence, la cour retient que l’effet dévolutif a opéré et qu’elle est valablement saisie.
Sur la mise à pied disciplinaire
Pour infirmation de la décision entreprise, M. [J] soutient en substance que sur le plan managérial, il a fait preuve de diligence lorsqu’il a été informé d’un conflit opposant deux salariés et qu’il n’a commis aucun manquement relatif aux règles de sécurité.
La société Casa France rétorque que la mise à pied notifiée à M. [J] était justifiée, puisque son équipe était en souffrance et qu’il avait manqué à son obligation de sécurité, notamment en entreposant du matériel sous l’escalier qui servait d’issue de secours accessible de la réserve.
L’article L.1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié
Par courrier en date du 25 octobre 2017, la société Casa a notifié à M. [J] une mise à pied d’une journée motifs pris qu’il n’a pas su gérer d’une part le conflit entre Mme [N], vendeuse caissière et Mme [C] assistante responsable du magasin des [Localité 6], qui s’est traduit notamment par l’altercation verbale devant un client le 13 septembre 2017 et d’autre part le comportement de ses deux salariées, et qu’il n’a pas respecté les règles de sécurité en magasin en encombrant le dessous de l’escalier de secours de marchandises.
La société Casa fait part d’une enquête interne sans la produire ni verser aux débats aucun élément sur le conflit invoqué dans le courrier du 25 octobre 2017.
La seule pièce produite par elle est un courriel du 20 octobre 2017 sur l’encombrement sous l’escalier qui sert d’issue de secours accessible de la réserve. M. [J] produit un ensemble de courriels relatifs à l’escalier ainsi que deux attestations qui ne viennent pas contredire de façon pertinente l’existence de matériels entreposés sous l’escalier en méconnaissance des consignes.
Cependant, au constat que seul ce dernier fait est établi, que M. [J] bénéficiant de 13 ans d’ancienneté n’avait jamais été sanctionné, la cour retient que la mise en pied prononcée est une sanction disproportionnée au fait reproché au salarié.
En conséquence et par infirmation de la décision critiquée, la cour annule la mise à pied et condamne la société Casa à verser à M. [J] la somme de 105,88 euros de rappel de salaire pour la journée du 27 octobre 2017, outre celle de 10,58 euros de congés payés afférents.
Sur le repos compensateur
Pour infirmation de la décision sur ce point, la société Casa fait valoir essentiellement que le salarié n’a produit aucun élément à l’appui de son prétendu préjudice et s’est contenté d’affirmer qu’il avait travaillé 47 dimanches par an sur trois années ; qu’il a réalisé ses calculs à compter du 19 février 2015 alors qu’il a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil le 4 décembre 2018 ; qu’il n’a pas tenu compte de ses jours d’absences et de congés ; que le calcul retenu par le conseil de prud’hommes est nécessairement erroné.
M. [J] réplique que la société Casa ne verse aucune pièce à l’appui de son argumentation ; qu’elle se contente de soulever pour la 1ère fois en cause d’appel la prescription triennale ; qu’il a bien tenu compte de celle-ci en décomptant les dimanches travaillés depuis le mois de décembre 2015 ; qu’il n’a jamais bénéficié de repos compensateur.
Il est admis par la société Casa que le salarié a droit à un repos compensateur s’il travaille le dimanche, outre le paiement des heures effectuées avec une majoration de 100% , selon une note du 23 novembre 2017 diffusée dans l’entreprise.
Sans contredire que M. [J] a bien travaillé des dimanches, la société conteste en revanche le quantum alloué. Celui-ci verse à l’appui de sa demande ses bulletins de paie sur lesquels figurent les majorations de 100%.
L’employeur qui assure le contrôle des heures effectuées ne verse aux débats aucun élément contredisant le travail du salarié tous les dimanches de décembre 2015 à la saisine du conseil de prud’hommes, dans la limite de la prescription.
Il s’ensuit que M. [J] qui n’a pas été en mesure de prendre son repos compensateur est en droit de percevoir l’indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés afférents, soit la somme de 14 925 euros à titre de dommages-intérêts. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la rupture par un licenciement pour cause réelle et sérieuse
La société Casa France soutient en substance que le contrat de travail de M. [J] prévoyait une clause de mobilité selon laquelle il pouvait notamment être muté définitivement sur un autre lieu de travail, situé dans son secteur ou un secteur limitrophe ; qu’elle a été contrainte de prendre la décision de le muter à [Localité 7] au vu des difficultés rencontrées par M. [J] avec les salariés du magasin des [Localité 6] ; que c’est M. [J] qui avait émis le souhait de travailler sur le secteur de Mme [P], une des directrices régionales ; que cette mutation ne rallonge pas le temps de trajet de M. [J] eu égard aux embouteillages rencontrés.
M. [J] réplique essentiellement que la ‘clause affectation ‘ mutation’ ajoutée par un avenant du 31 janvier 2014 à son contrat de travail permettait à son employeur de l’affecter à un autre établissement en France et de le muter définitivement sur un autre lieu de travail situé dans son secteur ou dans un secteur limitrophe au sien ; qu’après avoir demandé à être déchargé de l’un des deux magasins qu’il gérait, il a été muté à [Localité 7], un magasin qui n’est pas limitrophe de ses anciens postes alors même que des magasins limitrophes disposaient de postes à pourvoir ; que la distance le séparant du magasin d'[Localité 7] est très contraignante en termes de kilomètres parcourus et de temps de trajet ; que cette mutation porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et personnelle ; que dès lors son refus de rejoindre ce nouveau lieu de travail n’est pas fautif.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Il est constant que pour être valable, une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’étendre unilatéralement la portée.
En l’espèce, la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige est essentiellement rédigée ainsi :
‘… Nous vous informons par le présent courrier que nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les faits suivants :
Vous étiez en congé individuel de formation du 19 février 2018 au 22 juin 2018 inclus. Pendant votre congé, nous avons eu l’occasion de vous recevoir le vendredi 27 avril 2018 afin d’échanger avec vous concernant votre retour de CIF. Au cours de cet entretien, nous avons évoqué l’hypothèse de procéder à votre mutation définitive compte tenu entre autre, de vos difficultés relationnelles avec votre responsable hiérarchique, Mme [Z] [K], déléguée régionale dont la perspective de collaborer de nouveau avec elle suscitait chez vous une vive appréhension.
Conformément à notre obligation de vous intégrer dans la société sur un poste équivalent (même rémunération, même qualification) à votre retour de CIF et en application de la clause contractuelle ‘d’affectation-mutation’ qui nous lie, nous avons choisi de vous muter sur le magasin CASA [Localité 7] Centre.
Nous vous avons informé de cette décision par téléphone et fait parvenir par courrier recommandé votre avenant de mutation définitive en date du 24 mai 2018, que vous avez refusé de signer.
Par courrier reçu par nos services le 8 juin 2018, vous avez clairement exprimé votre refus de mutation sur le magasin CASA [Localité 7] Centre.
Dès lors, votre décision entre en violation des obligations contractuelles qui nous lient, ce dont vous êtes parfaitement conscient.
En effet, au cours de notre entretien du lundi 25 juin 2018, nous vous avons exposé ‘ensemble des moyens permettant la mise en oeuvre de cette clause de mutation notamment en matière d’accompagnement au déménagement. En dépit de ces explications, vous avez fermement maintenu votre refus de mutation et ainsi votre prise de poste au sein du magasin CAS [Localité 7] Centre.
Par conséquent, votre refus d’exécuter la clause ‘d’affectation-mutation’, et donc les obligations contractuelles qui nous lient, nous contraint à prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Votre préavis d’une durée de deux mois que nous vous demandons d’exécuter sur votre nouveau lieu de travail débutera à la date de première présentation de cette lettre se terminera le 28 août 2018, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs…’.
Il se déduit de cette lettre de licenciement que le motif de la rupture est le refus d’exécuter la clause de mobilité.
Le contrat de travail prévoit une clause de mobilité ‘Affectation-Mutation’ selon laquelle:
‘Compte tenu de la multiplicité des établissements de la société implantée en France, vous pourrez être amené à assumer vos fonctions dans d’autres établissements, voire à être muté définitivement sur un autre lieu de travail, situé dans votre secteur ou dans un secteur limitrophe’.
La société Casa ne peut sérieusement soutenir que la mutation de M. [J] à [Localité 7], dans le Loiret à environ 120 kilomètres de son domicile intervient dans un secteur limitrophe au secteur dans lequel il exerçait ses fonctions, à savoir dans les Yvelines aux [Localité 6]. En outre, la cour relève que l’employeur ne justifie pas des difficultés relationnelles invoquées dans la lettre de licenciement et que de surcroît la mutation de M. [J] sur un site à 120 kilomètres de distance, qui portait atteinte de façon disproportionnée à son droit à une vie personnelle et familiale, pouvait seulement lui être proposée mais nullement imposée par l’employeur.
En conséquence, à l’instar des premiers juges, la cour retient que le refus de M. [J] de se rendre sur le site de Casa [Localité 7] n’est pas constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à son ancienneté, est compris entre 3 mois et 11,5 mois de salaire.
A la date du licenciement, M. [J], âgé de 42 ans, bénéficiait d’une ancienneté de plus de 13 ans. Il ne justifie pas de sa situation postérieure à la rupture. Compte tenu de sa capacité à retrouver un emploi et au vu de ses bulletins de salaire, par infirmation de la décision critiquée, il convient de lui allouer la somme de 28 000 euros en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi.
Sur les indemnités chômage
En application de l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la société Casa des indemnités de chômage versées à M. [J] dans la limite de 6 mois.
Sur les conditions vexatoires et brutales de la rupture
M. [J] soutient que l’ensemble du personnel savait avant lui qu’il ne réintégrerait pas son poste au magasin des [Localité 6] à l’issue de son congé de formation, qu’il s’agit donc pour lui d’une rupture brutale et vexatoire.
La société Casa réplique que M. [J] ne produit aucun élément justifiant l’octroi de dommages et intérêts du fait des conditions vexatoires et brutales de la rupture.
Il résulte des éléments du dossier et notamment du compte rendu de l’entretien préalable du 25 juin 2018 que M. [J] a suivi une formation avec l’accord de l’entreprise avec l’intention de rependre son poste à l’issue, sans que cela soit contredit par la société ; qu’une mutation à 120 km de son domicile lui a été proposée, la société arguant au cours de l’entretien d’une mauvaise entente avec [Z] [K], la nouvelle directrice régionale, puis d’un incident survenu dans un magasin alors que M. [J] était simple client et qu’une promotion lui avait été refusée, puis que sa formation merchandising n’était pas adaptée avec l’activité de la société, pourtant validée par elle. Durant cet entretien, le salarié a précisé à son employeur que la mutation envisagée impliquait la démission de son épouse de son travail qui disposait d’un contrat à durée indéterminée et le changement d’école de ses enfants âgés de 8 et 10 ans, outre des frais de déménagement.
La cour déduit de cet entretien que la rupture intervenue dès la fin de la formation est bien vexatoire et brutale et a causé un préjudice à M. [J] qui travaillait sur le site depuis 13 ans et était installé à proximité (10 minutes en voiture) et à qui il a été demandé de se présenter à [Localité 7] dès le lendemain de l’entretien.
La cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le préjudice causé à la somme de 3 000 euros que la société Casa devra verser à M. [J]. La décision sera infirmée de ce chef.
Sur les documents de fin de contrat
Dans la limite de la demande, la cour confirme la condamnation de la société à remettre un bulletin de paye récapitulatif à M. [J], sauf à ajouter que cette remise devra intervenir dans les deux mois de la signification du présent arrêt.
Sur les frais irrépétibles
La société Casa sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M. [J] la somme de en cause d’appel, la condamnation prononcée à ce titre en 1ère instance étant confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
JUGE que la cour est valablement saisie de l’appel ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a jugé le licenciement de M. [B] [J] sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Casa France à verser à M. [B] [J] la somme de 14 925 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l’absence de repos compensateurs et la somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et y ajoutant ;
ANNULE la mise à pied du 25 octobre 2017 ;
CONDAMNE la SAS Casa France à verser à M. [B] [J] les sommes suivantes :
– 28 000 euros d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 105,88 euros de rappel de salaire pour la journée du 27 octobre 2017,
– 10,58 euros de congés payés afférents,
– 3 000 euros de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE la remise par la SAS Casa France à M. [B] [J] d’un bulletin de paye conforme à la décision dans un délai de deux mois à compter de sa signification ;
ORDONNE le remboursement par la SAS Casa France à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [B] [J] dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SAS Casa France aux entiers dépens ;
CONDAMNE la SAS Casa France à verser à M. [B] [J] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
La greffière, La présidente.