Merchandising : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/03027

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Merchandising : 23 novembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/03027
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MHD/PR

ARRÊT N° 584

N° RG 21/03027

N° Portalis DBV5-V-B7F-GMNL

[I]

C/

S.A.S. CONFISERIE PINSON VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE CONFISERIE BONTÉ

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de [Localité 3]

APPELANTE :

Madame [Y] [I]

née le 10 février 1982 à [Localité 7] (44)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Gilles TESSON de la SELARL GILLES TESSON AVOCAT, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMÉE :

S.A.S. CONFISERIE PINSON

VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE CONFISERIE BONTÉ

N° SIRET : 392 096 418

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Etienne DELATTRE de la SELARL HAROLD AVOCATS II, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 septembre 2018, Madame [Y] [I] a été engagée en qualité de vendeuse- responsable de magasin, classe II, coefficient 150, pour exercer ses fonctions à [Localité 6] pour une durée hebdomadaire de travail de 29, 50 heures après avoir travaillé pour la société en qualité de vendeuse intérimaire sur le site de [Localité 5] du 19 au 30 juillet 2018 et en qualité de responsable de magasin intérimaire sur le site de [Localité 6].

Le 10 octobre 2018, elle a été informée par son employeur de la fermeture du site de [Localité 6].

Le 26 décembre 2018, elle a refusé de signer l’avenant à son contrat de travail que lui avait proposé le 20 décembre 2018 la société et qui mentionnait une durée hebdomadaire de travail de 17,50 heures à exécuter sur le site de [Localité 5].

Le 28 décembre 2018, l’employeur l’a informée que son contrat de travail se poursuivrait sur le site de [Localité 5] aux conditions initialement prévues quant à la durée de travail, la classification et la rémunération.

Le 31 décembre 2018, elle a demandé à son employeur de procéder à son licenciement pour motif économique à compter du 31 décembre 2019 à la suite de la fermeture pour motif économique du magasin de [Localité 6] et de l’absence d’accord sur une éventuelle possibilité de reclassement au sein de la société.

Par courrier du 3 janvier 2019, la société a refusé de procéder à son licenciement économique et lui a indiqué que le changement de lieu de travail constituait une simple modification de ses conditions de travail qu’elle était tenue d’accepter et que de ce fait, elle comptait sur sa présence à [Localité 5] dès réception du courrier.

En réponse, le 7 janvier 2019, Madame [I] a expliqué par courrier électronique que l’avenant qui lui était proposé ne correspondait pas à la proposition orale qui lui avait été faite et qu’ainsi, son employeur avait le choix entre respecter son contrat d’embauche ou mettre un terme à celui-ci.

Par courrier du 10 janvier 2019, l’entreprise l’a mise en demeure de lui faire parvenir les justificatifs de son absence et de reprendre son travail, considérant qu’elle était en absence injustifiée.

Le 31 janvier 2019, Madame [I] a été licenciée pour faute grave caractérisé par ‘un refus d’accepter une modification de ses conditions de travail et une absence injustifiée depuis le 7 janvier 2018″ après avoir été entendue en entretien préalable le 25 janvier précédent.

Par requête du 8 juillet 2019, Madame [I] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 3] afin d’obtenir sa reclassification au poste de cadre débutant, coefficient 350, des dommages intérêts pour déloyautés et harcèlement moral, la constatation de la nullité de son licenciement ou à tout le moins de son absence de cause réelle et sérieuse avec l’octroi des indemnités subséquentes.

Par jugement du 24 septembre 2021, le conseil de prud’homme présidé par le juge départiteur a :

– débouté Madame [I] de sa demande de rappel de salaires et de dommages et intérêts au titre de sa classification professionnelle,

– dit que le licenciement de Madame [I] a une cause réelle et sérieuse,

– débouté Madame [I] de ses demandes relatives à son licenciement,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– condamné Madame [I] à verser à la société Confiserie Bonté la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [I] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration électronique en date du 20 octobre 2021, Madame [I] a interjeté appel de cette décision.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 août 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 25 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [I] demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué,

– statuant à nouveau,

– juger que l’emploi occupé doit être classé comme “cadre débutant, coefficient 350”,

– condamner la société confiserie Pinson à lui payer les sommes suivantes :

¿ 6 642,22 euros brut à titre de rappel de salaire et 664,22 euros au titre des congés payés afférents,

¿ 3 000 euros nets à titre de dommages intérêts de CSG CRDS et autres cotisations sociales,

– juger qu’elle a supporté des déloyautés et harcèlement moral,

– condamner la société Confiserie Pinson à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages intérêts de CSG CRDS,

– juger que la société Confiserie Pinson a modifié le contrat de travail, imposé une modification unilatérale de la durée du travail hebdomadaire, n’a pas agi de bonne foi, doit être condamné à lui verser la somme de 2 656,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 265,67 euros à titre de congés payés afférents,

– juger que l’origine de la modification du contrat ne lui est pas inhérente,

– juger que le licenciement intervenu a une cause économique et qu’il est nul, à défaut sans cause réelle et sérieuse,

– juger au principal que le plafonnement et le minimum issus du barème de l’article L.1235-3 du code du travail doivent être écartés en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable, l’atteinte à la liberté constitutionnelle de travailler,

– condamner la société confiserie Pinson à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts nets de CSG CRDS et autre cotisations sociales,

– à titre subsidiaire, si le conseil ne retenait pas l’inopposabilité du plafonnement, condamner la société confiserie Pinson à lui payer la somme correspondant au maximum d’indemnisation prévu soit 1 328,44 euros nets, et la somme de 6 671,56 euros au titre des préjudices spécifiques supportés,

– ordonner la transmission des documents sociaux et des bulletins de salaire dans un délai maximum de 15 jours après le prononcé de l’arrêt à intervenir sous astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard,

– dire avoir lieu aux intérêts de droit à compter de la date de la requête prud’homale ainsi qu’à l’application de l’article 1343-2 du code civil,

– fixer le salaire de référence à 1 328,44 euros brut,

– condamner la société Confiserie Pinson aux entiers dépens et à 2 500 euros en 1ère instance et en appel au titre de l’article 700 code de procédure civile,

– rejeter les demandes, fins et prétentions contraires de la société Confiserie Pinson.

Par conclusions du 24 juillet 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS Confiserie Pinson demande à la cour de :

– déclarer Madame [I] mal fondée en son appel et l’en débouter,

– confirmer dans son intégralité le jugement attaqué,

– débouter Madame [I] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Madame [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI,

I – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A – Sur la reclassification :

1 – Sur le bienfondé de la reclassification :

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.

Cependant, exceptionnellement, le contrat de travail prime, dans un sens favorable au salarié, sur la réalité des fonctions exercées et le juge doit s’en tenir aux dispositions contractuelles, en présence notamment d’une clause du contrat attribuant la qualité de cadre, (Cass. soc., 6 juill. 2011, no 09-43.130 ; Cass. soc., 21 nov. 2012, no 11-10.829).

En l’espèce, la convention collective nationale des détaillants de la confiserie chocolaterie, biscuiterie applicable à la relation de travail prévoit en annexe une classification de ses emplois.

Le salarié appartenant à la classe :

* 2, coefficient 150 est un vendeur “classique” :

– qui exécute un ensemble d’opérations classiques,

– qui répond aux instructions de l’employeur,

– qui adapte des procédés classiques acquis par démonstration,

– dont la responsabilité est décrite comme suit : ‘ l’autocontrôle (prix, pièces, poids), faire préciser la commande et la possibilité d’orienter le choix du client’,

– qui doit disposer du niveau CAP de vente ou d’un niveau ou d’une expérience significative de la vente en confiserie,

* 4, coefficient 350 est cadre débutant :

– qui remplit des missions spécifiques dans son ou ses domaines de spécialité définies par le supérieur hiérarchique ou l’employeur,

– dont la responsabilité est ainsi décrite : ‘ conduite des missions qui lui sont attribuées, supervision, contrôle, évaluation du travail confié à (aux) échelon (s) inférieur(s), possibilité d’appréciation des personnes. Rendre compte de ses missions à son employeur ou à son supérieur hiérarchique’,

– qui doit avoir un niveau licence, ESC ou expérience significative.

***

En l’espèce, Madame [I] soutient en substance :

– qu’elle a été embauchée pour un poste de vendeuse/responsable de magasin au coefficient de 150,

– que ce coefficient correspond à un emploi de base alors que celui afférent au poste de responsable est 350,

– qu’elle réalisait les missions du coefficient 350, qu’elle a un parcours professionnel antérieur et une fiche de poste qui caractérisent un emploi à ce coefficient,

– qu’elle devait assurer des missions de prospection,

– que dans sa communication externe l’entreprise la présente comme responsable du magasin,

– que Mesdames [N] et [J] – qui attestent respectivement avoir été salariée pour la première sous ses ordres et pour la seconde stagiaire – confirment son statut de responsable du magasin,

– que de plus un diplôme particulier n’est pas indispensable pour bénéficier du coefficient 350.

Elle verse aux débats en pièces :

° 3 : son contrat de travail qui précise qu’elle est engagée en qualité de vendeuse, responsable de magasin, classification classe II, coefficient 150,

° 4 : sa fiche de poste de ‘ vendeuse – responsable de magasin’ signée tant par l’employeur que par elle qui précise et détaille les missions : ‘ A – assure la gestion et la vente comptoir du magasin’, B -organise la prospection sur la zone géographique’, ‘ C – optimise le merchandising et l’offre des magasins’, ‘D -responsable de l’approvisionnement et du stock des produits’,

° 7 : son CV et ses diplômes,

° 9 et 30 : les attestations de Madame [N], salariée et de Madame [J], stagiaire, qui indiquent pour la première : ‘j’atteste avoir été vendeuse et Madame [I] [Y] responsable du magasin de [Localité 3].’ et pour la seconde : ‘ Je soussignée, Madame [I] [Y] avoir été la responsable du magasin La Confiserie Bonté à [Localité 3], ainsi été ma tutrice de stage durant la période du 26/11/2018 au 21/12/2018…  J’atteste également que Madame [I] [Y] a elle-même signé ma convention de stage en tant que tutrice et qu’à aucun moment, Mme [D] [Z] ou Monsieur [U] ne m’a dit ou donner des tâches à effectuer. …C’est madame [I] [Y] qui m’a encadré durant mon stage.’

° 13 : le projet de l’avenant à son contrat de travail qui mentionne : ‘ [Y] [I] occupera désormais les fonctions de vendeuse’,

33 : des exemples de recherches de commercialisation,

38.1 et 38.2 : des courriels de l’employeur lui demandant de prospecter,

38.3 : un courrier sous l’appellation de ‘confiseries Bonté’ à destination des clients potentiels signé par Madame [I] en qualité de responsable de magasin,

En réponse, la société objecte pour l’essentiel :

– que Madame [I] a été engagée pour un poste de vendeuse/responsable dont la classification correspond à la classe 2, coefficient 150,

– que cette classification est mentionnée dans son contrat de travail et sur ses bulletins de salaire,

– que la salariée produit seulement sa fiche de poste qui liste ses missions qui ne comportaient aucune mission spécifique, correspondant à un domaine de spécialité puisqu’elle gérait des missions diversifiées propres au travail de vendeuse en réponse à des instructions, qu’elle ne décidait pas des prix de vente, qu’elle ne gérait pas l’approvisionnement, qu’elle n’exerçait pas de fonction de management,

– que la salariée n’assurait ni le contrôle ni l’évaluation des tâches réalisées par Madame [N], la salariée qui travaillait également dans le magasin,

– que Madame [D], responsable région, atteste des missions de Madame [I], à savoir assurer la gestion des ventes, de la mise en rayon et la réalisation du marchandising,

– que ces fonctions ne correspondaient en aucun cas à des missions de cadre,

– qu’il n’a jamais été contractuellement prévu qu’elle bénéficie du statut de cadre,

– que sa mission de prospection se limitait à adresser les outils de communication par courrier et à les tenir à la disposition des clients près des caisses.

A l’appui de ses allégations, elle verse aux débats en pièces :

° 1 : le contrat de Madame [N] qui précise que celle-ci occupait un poste de vendeuse, classe IB, coefficient 130,

° 4 : les plannings des deux salariées qui démontrent que Madame [N] et Madame [I] travaillaient en alternance,

° 15 : l’attestation de Madame [D], responsable de réseau, qui atteste que les missions principales exercées par Madame [I] et Madame [N] sont les suivantes : ‘ assurer la gestion des ventes (conseiller clientèle), la mise en rayon (mettre en rayon quand le rayon est vide) réalisation du merchandising (mettre en avant les produits et ranger les rayons),

° 16 : l’attestation de Madame [X], vendeuse responsable du magasin de [Localité 9] qui atteste que ses missions sont d’assurer la gestion de la vente, de conseiller la clientèle et de réaliser le merchandising,

***

Cela étant, il ressort des pièces produites aux débats par les parties que contrairement à ce que soutient son employeur, Madame [I] avait un pouvoir de management dans le magasin.

En effet :

1) – sa fiche de poste qui fixe les tâches qui lui sont attribuées et qui prévoit que:

– elle devait organiser de la prospection dans la zone géographique autour du magasin

– elle devait assurer l’optimisation du merchandising,

– elle était responsable de l’approvisionnement et du stock du magasin,

– elle devait manager l’équipe de vente en assurant l’organisation commercial du magasin, encourager, motiver et informer le personnel et en étant responsable de la gestion des absences et des congés,

– elle devait faire l’analyse mensuelle des ventes,

et qui se conclut par : ‘ Le titulaire exerce au sein du magasin avec une certaine autonomie’,

est confirmée par les attestations qu’elle produit de la salariée et de la stagiaire qui travaillaient avec elle dans le magasin qui établissent – dans les termes sus rappelés – qu’elle était en charge de l’organisation et du management du magasin et de son équipe.

En tout état de cause, le fait qu’elle soit chargée de procéder à l’analyse mensuelle des ventes montrait qu’elle effectuait un contrôle du travail confié à la salariée et à la stagiaire qui travaillait avec elle.

2 ) – le projet d’avenant au contrat de travail que son employeur lui a proposé et qui stipule comme dit précédemment que ‘ Madame [I] occupera désormais les fonctions de vendeuse’ induit qu’antérieurement à la rédaction de l’avenant, elle n’exerçait pas les fonctions de vendeuse.

3 ) – les courriers élaborés par son employeur lui – même à destination des clients potentiels qui la présentent comme ‘ responsable de magasin ‘ et confirment qu’elle n’exerçait pas uniquement des fonctions de vendeuse mais également des fonctions de responsable de magasin.

4 ) – les diplômes et l’expérience professionnelle dont elle disposait, à savoir respectivement ‘courtier en opération de banque et service de paiement’ et ’employée commerciale’ confirment qu’elle pouvait prétendre à un poste de cadre débutant.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, l’absence de mention du statut de cadre dans le contrat de travail et l’absence de toutes discussions entre les parties sur ce statut, n’empêchent pas l’appelante d’avoir réalisé des missions relevant de cette classification et de pouvoir prétendre à un reclassement.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’employeur, le contrat de travail de Madame [N] n’est pas similaire à celui de Madame [I], en ce qu’il n’attribue pas à sa titulaire le titre de responsable de magasin et en ce que la fiche de poste associée ne prévoit aucune mission de management, ni de gestion d’équipe au sein du magasin, ni de mission de prospection.

Le fait que les deux salariées tiennent le magasin à tour de rôle et n’y soient pas présentes simultanément ou que Madame [I] ne travaille qu’à 80% du temps alors que Madame [N] travaille à temps plein ne permet pas d’écarter d’emblée les prétentions de Madame [I].

En outre, contrairement encore à ce que soutient l’employeur, le fait que Madame [X] soit vendeuse – responsable du magasin de [Localité 9] et n’assure pas de mission de management, de gestion et de prospection au sein de son propre magasin n’établit en rien que Madame [I] n’effectuait pas – elle – les missions dont elle se prévaut à l’appui de son contrat.

De surcroît, contrairement à ce que soutient l’employeur, les mels que Madame [D], responsable de région, envoie à Madame [I], confirment d’une part que celle-ci était chargée de faire de la prospection dans la mesure où il lui est demandé de rendre compte de ses actions de ce chef et d’autre part que Madame [I] avait la qualité de responsable de magasin dans la mesure où la fiche de poste de Madame [D] prévoit que ses interlocuteurs privilégiés sont les responsables de magasin.

Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments que les conditions de la reclassification de Madame [I] en cadre débutant, coefficient 350 telle que le prévoit la convention collective nationale applicable en l’espèce sont réunies.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

2 – Sur le rappel de salaires :

La convention collective applicable est la convention collective nationale des détaillants et détaillants-fabricants de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (IDCC 1286).

L’avenant du 3 mars 2018 à l’annexe III relative aux salaires est l’avenant en vigueur à la date du licenciement permettant de déterminer les salaires minimums par coefficient et classification.

L’avenant prévoit :

– que le salarié de classe/catégorie 2 et de coefficient 150 doit avoir une rémunération annuelle brute de 19 729.20 €, soit un salaire mensuel de 1 644.10 €.

– que le salarié de classe/catégorie Cadre débutant et de coefficient 350 doit avoir une rémunération annuelle brute de 38 657.64 €, soit un salaire mensuel de 3 221.47 €.

***

Au regard de la convention collective nationale applicable, le salaire minimum pour la classification contractuellement prévue était de 1 577,37 € par mois pour 151,67 heures.

Le contrat à durée indéterminée du 6 septembre 2018 prévoyait une rémunération de 1 405,14€ par mois pour 127,74 heures travaillées.

Ainsi, Madame [I] qui pouvait prétendre à un salaire mensuel minimum de 3 221,47 € pour 151,67 heures travaillées, soit 2 713,20 € par mois pour 127,74 heures travaillée, aurait donc dû percevoir une somme mensuelle supplémentaire de 1 308,06 € (2 713,20 ‘ 1 405,14 = 1 308,06).

Comme son contrat de travail en qualité de vendeuse/responsable de magasin a débuté le 6 septembre 2018 et a pris fin le 31 janvier 2019, soit 4 mois et 25 jours, il s’en déduit qu’elle est en droit de demander un rappel de salaires à hauteur de 5 232,24 € bruts (1 308,06 x 4 mois).

En conséquence, il convient de condamner la société Confiserie Pinson à lui payer la somme de 5232.24€ bruts au titre des rappels de salaires outre celle de 523,22€ au titre des congés payés afférents.

3- Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la classification conventionnelle :

Il est constant que la sous-classification d’un salarié peut entraîner pour celui- ci un préjudice distinct de celui de la non perception des salaires auxquels il peut prétendre, notamment lorsqu’elle a une promotion ou un avancement ou bien lorsqu’elle a entraîné la minoration du calcul des droits à la retraite. (Soc. 3 mai 2000, no 97-43.253).

Il appartient au salarié de démontrer le caractère particulier du préjudice dont il se prévaut aux fins de condamner son employeur au versement de dommages et intérêts.

***

En l’espèce, Madame [I] soutient que son sous-classement a entraîné la minoration de ses droits sociaux, de ses allocations Pôle Emploi et de son parcours professionnel.

La société intimée reste taisante sur ce point.

***

Cela étant, il n’est pas sérieusement contesté que Madame [I] a subi un préjudice distinct caractérisé par la minoration de ses droits sociaux et de ses droits à l’allocation chômage.

En conséquence, au vu des éléments versés au dossier et de la durée de la relation contractuelle de travail, il convient de condamner la société Confiserie Pinson à lui payer la somme de 800 € au titre de dommages et intérêts nets de CSG CRDS.

B – Sur les déloyautés, le harcèlement moral et leur indemnisation :

1 – Sur les déloyautés :

En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Un devoir de loyauté repose sur l’employeur dans l’exécution du contrat de travail et dans la mise en ‘uvre de la législation du travail, notamment, il interdit à l’employeur d’essayer de circonvenir un salarié pour contourner une contrainte légale.

***

En l’espèce, Madame [I] soutient en substance que la société a fait preuve à son égard de déloyautés manifestes caractérisées :

° par la proposition, en raison de la fermeture de l’établissement yonnais, de signer un avenant contractuel qui modifiait le lieu de travail, la qualification et la durée du travail hebdomadaire,

° par le non-respect de son obligation de pré-information contractuelle se manifestant comme suit :

– par le fait que le 20 décembre 2018, l’employeur lui a demandé de rédiger une demande de temps de travail inférieur à 24 heures par semaine pour contourner la législation applicable qui interdit à un employeur de faire travailler un salarié moins de 24 heures par semaine sans l’informer qu’elle ne percevra pas de complément de Pôle emploi dans cette hypothèse,

– par le fait que l’employeur ne pouvait pas ignorer en juillet 2018 lors de son embauche par intérim et en septembre 2018 lors de la signature du contrat de travail à durée indéterminée les mauvais résultats de son établissement Yonnais,

° par la dissimulation d’un licenciement économique non inhérent à sa personne sous son licenciement pour faute grave compte tenu des difficultés économiques que connaissait la société qui a fermé 2 magasins sur 3,

° par l’énonciation d’un effectif au sein de la société de moins de 11 salariés alors que l’entreprise est liée à d’autres entités comme Europa – Sweet et Craf industrie,

En réponse, la société Confiserie Pinson objecte pour l’essentiel :

* sur la charge de la preuve de la bonne foi de l’employeur que :

– que la bonne foi de l’employeur est présumée,

– que la charge de la preuve de la déloyauté pèse sur le salarié,

– qu’en l’espèce, la salariée n’apporte pas aucun élément permettant d’établir la mauvaise foi de l’employeur,

* sur le changement de lieu de travail :

– qu’en l’espèce, le contrat de travail précisait “[Localité 6]” comme lieu de travail “à titre purement informatif”,

– qu’en octobre 2018, l’employeur a décidé de fermer ce magasin,

– que [Localité 6] et [Localité 5] sont deux villes distantes de 30 kilomètres l’une de l’autre et qui appartiennent toutes les deux au bassin d’emploi de [Localité 3],

– que Madame [I] a refusé de signer l’avenant à son contrat de travail afin d’aller sur le site de [Localité 5] et qu’elle a refusé de se présenter sur son nouveau lieu de travail alors que l’employeur lui avait rappelé que le changement du lieu de travail n’était qu’une simple modification de ses conditions de travail.

* sur les difficultés économiques de la société :

– que l’article L.1233-3 du code du travail énumère les conditions d’un licenciement pour motif économique,

– que selon la jurisprudence, le licenciement consécutif au refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail a une nature économique dès lors que la modification proposée au salarié avait elle-même une cause économique,

– que la volonté de l’employeur de réaliser des économies ne peut en aucun cas être assimilée à une difficulté économique,

– que la Cour de cassation a énoncé que le licenciement de salariés faisant suite au refus de leur changement d’affectation consécutivement à la décision d’une société de procéder à des modifications d’implantation de ses magasins constituaient des licenciements pour motif personnel,

– qu’en l’espèce, Mme [I] a été licenciée le 31 janvier 2019 pour “refus d’accepter une modification des conditions de travail et absence injustifiée”,

– qu’il n’était en aucun cas question de difficultés économiques puisque la fermeture du site de [Localité 6] était le résultat d’une décision stratégique.

A l’appui de ses allégations, elle verse en pièces :

° 1 : le contrat de travail de la salariée,

° 4 : l’avenant du 20 décembre 2018,

° 5 : le mail de Madame [I] du 26 décembre 2018 refusant de signer l’avenant,

° 6 : les échanges de SMS du 28 décembre 2018,

° 7 : le relevé Mappy,

° 8 : le courrier de mise en demeure du 3 janvier 2019,

° 9 : le mail en réponse de Madame [I] du 7 janvier 2019,

° 10 : le courrier de mise en demeure de l’employeur du 10 janvier 2019.

***

Cela étant, Madame [I] ne rapporte aucun élément permettant d’établir :

– qu’un licenciement pour motif économique se dissimulait sous les modifications que son employeur voulait apporter à son contrat de travail et son licenciement pour faute grave,

– que lorsqu’elle a été embauchée en intérim puis en contrat de travail à durée indéterminée, son employeur connaissait déjà les mauvais résultats du magasin de [Localité 6].

Aussi, aucune déloyauté de ces chefs ne peut être retenue à l’encontre de l’employeur.

En revanche, il est acquis qu’il l’a bien invitée à rédiger une demande écrite afin de travailler moins de 24 heures par semaine sans l’avertir à aucun moment que cette modification du temps de travail aurait un impact sur ses droits aux indemnités de Pôle emploi.

De même, il vient d’être jugé que l’employeur l’a sous classée afin de ne pas lui accorder la rémunération minimale à laquelle elle pouvait prétendre au regard de la réalité des fonctions qu’elle exerçait.

En outre, il ne peut pas être contesté sérieusement qu’il lui a proposé de signer un avenant à son contrat de travail qui modifiait sa qualification et la durée de son temps de travail.

Or, ces derniers éléments, dont la matérialité est démontrée, s’analysent comme une exécution déloyale du contrat de travail.

En conséquence, il convient de constater que l’employeur a manqué à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

2 – Sur le harcèlement moral :

L’article L.1152-1 du code du travail dispose : ‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

Il résulte de cet article que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés :

– des agissements répétés,

– entrainant une dégradation des conditions de travail du salarié,

– portant atteinte à ses droits, sa dignité, sa santé physique ou mentale ou compromettant son avenir professionnel,

Cela signifie que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l’intention (malveillante ou non) de son auteur.

L’article L.1154-1 du code du travail prévoit le régime de la preuve en matière de harcèlement  de la façon suivante :

‘ Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’

La charge de la preuve de la réalité ou de l’absence de harcèlement s’opère en deux temps, à savoir : le salarié qui se prétend victime de harcèlement doit démontrer la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l’existence de l’infraction et l’employeur défendeur doit ensuite démontrer que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et s’expliquent objectivement.

***

En l’espèce, à l’appui de ses allégations de harcèlement moral, Madame [I] reprend les déloyautés qu’elle reproche à son employeur et soutient qu’elle a été confrontée à :

– un non-respect de son contrat de travail ;

– un non-respect de la convention collective ;

– un non-respect de la rémunération à laquelle elle avait droit, ce qui a entraîné des conséquences négatives sur les allocations chômage ;

– des comportements particulièrement déstabilisants de la part de son employeur visant à amoindrir sa protection en sa qualité de salariée à temps partiel ;

– des demandes déloyales caractérisées :

° par la proposition, en raison de la fermeture de l’établissement yonnais, de signer un avenant contractuel qui modifiait le lieu de travail, la qualification et la durée du travail hebdomadaire,

° par le non-respect de son obligation de pré-information contractuelle se manifestant comme suit :

* par le fait que le 20 décembre 2018, l’employeur lui a demandé de rédiger une demande de temps de travail inférieur à 24 heures par semaine pour contourner la législation applicable qui interdit à un employeur de faire travailler un salarié moins de 24 heures par semaine sans l’informer qu’elle ne percevra pas de complément de Pôle emploi dans cette hypothèse,

* par le fait que l’employeur ne pouvait pas ignorer en juillet 2018 lors de son embauche par intérim et en septembre 2018 lors de la signature du CDI des mauvais résultats de son établissement Yonnais,

° par la dissimulation d’un licenciement économique non inhérent à sa personne sous son licenciement pour faute grave compte tenu des difficultés économiques que connaissait la société qui a fermé 2 magasins sur 3,

° par l’énonciation d’un effectif au sein de la société de moins de 11 salariés alors que l’entreprise est liée à d’autres entités comme Europa – Sweet et Craf industrie,

– une fin de contrat de travail particulièrement blessante et vexatoire qui a gravement nuit à ses réputations personnelle et professionnelle consécutive au licenciement pour faute grave ;

– un non-remboursement de ses frais kilométriques pour ses frais professionnels, ayant dû se déplacer à plusieurs reprises sur [Localité 5], soit plus de 60 km par aller-retour ;

– une embauche caractérisant la déloyauté de l’employeur dans la mesure où elle a renoncé à d’autres propositions d’emploi pour répondre positivement à celle de la SAS Confiseries Bonté, sans se douter un seul instant de la situation économique dégradée de la société ;

– un manquement de l’employeur à ses obligations précontractuelles d’information avant la signature du contrat de travail ;

– un stress induit par les mises en demeure injustifiées qu’elle a reçue, qu’elle démontre notamment par la production de ses pièces n° 19 et n° 21.

– l’absence d’une possible assistance par un conseiller extérieur qui caractérise une atteinte aux droits de la salariée.

A l’appui de ses allégations, elle produit aux débats :

– l’ensemble des pièces versées pour obtenir sa reclassification,

– les échanges de mails intervenus entre l’employeur et elle relatifs à la demande écrite qu’elle aurait dû faire pour travailler moins de 24 heures, à son changement de lieu de travail et d’horaires et à son assistance par une personne de l’entreprise lors de l’entretien professionnel.

***

Cela étant :

– comme la cour vient de le juger précédemment, aucun élément de fait ne permet de détecter l’existence d’un licenciement économique se cachant derrière la fermeture du magasin de [Localité 5],

– l’employeur n’avait donc aucune information particulière à donner à la salariée avant la conclusion de son contrat de travail,

– le simple fait que le licenciement soit injustement motivé par une faute grave ne justifie pas du caractère vexatoire de la procédure,

– la matérialité des refus que Madame [I] soutient avoir opposés à d’autres propositions d’emploi pour répondre positivement à celle de la SAS Confiseries Bonté, n’est pas rapportée,

– le stress, l’angoisse et la dégradation de la santé de la salariée générés par les mises en demeure qu’elle a reçues ne sont pas davantage rapportées dans leur matérialité,

– le refus de l’employeur de voir la salariée assistée par une personne extérieure à l’entreprise n’est pas rapporté et en tout état de cause ne peut pas se déduire de la lecture de la pièce 23 du dossier de l’appelante, constituée par un courriel que lui a adressé l’employeur aux termes duquel il lui a indiqué que seule une personne de l’entreprise dont elle voudrait bien lui communiquer le nom pouvait l’assister,

– la matérialité de comportements particulièrement déstabilisants de la part de son employeur visant à amoindrir la protection de salariée à temps partiel de Madame [I] n’est pas non plus établie,

– l’obligation contractuelle pour l’employeur de rembourser les frais kilométriques professionnels, exposés par la salariée pour se déplacer à plusieurs reprises sur [Localité 5] n’est pas établie.

En revanche :

– le sous-classement de la salariée vient d’être reconnu par la cour,

– la matérialité des demandes déloyales est établie en ce que les courriels versés par la salariée établissent que l’employeur l’a invitée à rédiger une demande écrite afin de travailler moins de 24 heures par semaine alors qu’il ne l’a jamais avertie de l’impact que cette modification du temps de travail pouvait avoir sur ses droits aux aides de Pôle emploi,

– la matérialité de la proposition de signer un avenant contractuel qui modifiait le lieu de travail, la qualification et la durée du travail hebdomadaire en raison de la fermeture de l’établissement Yonnais est établie.

Il s’ensuit que les faits établis, pris dans leur ensemble, relèvent d’une déloyauté certaine de l’employeur qui peut laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral subi par Madame [I] du fait du comportement de son employeur.

Il appartient donc à l’employeur de prouver que les agissements invoqués par Madame [I] ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, l’employeur explique :

– qu’en l’espèce, le contrat de travail précisait ‘[Localité 6]’ comme lieu de travail ‘à titre purement informatif’,

– qu’en octobre 2018, il a décidé de fermer ce magasin,

– que [Localité 6] et [Localité 5] sont deux villes distantes de 30 kilomètres l’une de l’autre qui appartiennent toutes les deux au bassin d’emploi de [Localité 3],

– que Madame [I] a refusé de signer l’avenant à son contrat de travail prévoyant son affectation sur le site de [Localité 5] et a refusé de se présenter sur son nouveau lieu de travail alors que l’employeur lui avait rappelé que le changement du lieu de travail n’était qu’une simple modification de ses conditions de travail,

– que Mme [I] n’apporte aucun élément susceptible d’établir l’existence de manquements de la société, aucun élément ne laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral alors que cette obligation lui incombe,

– qu’elle doit donc être déboutée de ses demandes à ce titre.

***

Cela étant :

– en dépit des dénégations de l’employeur, le sous-classement de la salariée vient d’être reconnu par la cour et l’employeur a été condamné à payer à celle- ci un rappel de salaires et d’indemnités de congés payés,

– de ce fait, l’avenant au contrat de travail proposé à la signature de la salariée constitue une modification d’une condition essentielle de son contrat de travail, sur laquelle l’employeur ne donne aucune explication,

– l’employeur reste également silencieux sur le fait d’avoir invité la salariée à lui écrire afin de travailler moins de 24 heures par semaine alors qu’il ne l’a jamais avertie de l’impact que cette modification du temps de travail pouvait avoir sur ses droits aux aides de Pôle emploi.

En conséquence, il résulte de ce qui précède que l’employeur échoue à justifier par des éléments objectifs ces faits qui pris dans leur ensemble, ont contribué à dégrader les conditions de travail de la salariée.

Ainsi, sur le fondement des principes sus-rappelés, même si l’employeur n’a pas voulu sciemment et volontairement se rendre coupable d’un harcèlement moral à l’égard de Madame [I], le harcèlement moral est établi, étant précisé que la constatation d’une altération de l’état de santé n’est pas indispensable à établir l’existence du harcèlement moral.

En conséquence, le jugement attaqué doit être infirmé.

3 – Sur l’indemnisation des manquements :

En l’espèce, Madame [I] sollicite la condamnation de la SAS Confiserie Pinson à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de dommages et intérêts nets de CSG CRDS.

Cela étant, le préjudice subi par l’appelante du fait du harcèlement moral et des déloyautés auxquels elle a été soumise est établi.

Il convient en conséquence de condamner la société à payer à Madame [I] une somme de 800 € à titre de dommages intérêts.

Le jugement attaqué est donc infirmé de ce chef.

II – SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A – Sur la nullité du licenciement :

Selon l’article L.1152-3 du code du travail ‘Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.’

Un employeur ne peut se prévaloir d’un motif de licenciement qu’il a causé ou auquel il a contribué (Soc., 3 mai 2018, n° 16-26.306 et n° 17-10.306).

Le lien entre une situation de harcèlement moral et le motif du licenciement est établi souverainement (Soc. 23 septembre 2008, n 07-42.920) par le juge qui doit le caractériser afin de prononcer la nullité du licenciement.

***

En l’espèce, dans la lettre de licenciement notifiée à Madame [I] le 31 janvier 2019 l’employeur a fondé la mesure disciplinaire prononcée pour faute grave sur les motifs suivants : ‘ Nous vous notifions par la présente votre licenciement, sans préavis ni indemnités, pour les motifs suivants : .. Refus d’accepter la modification des conditions de travail et absence injustifiée depuis le 7 janvier 2018 ..’ (en réalité 2019 : erreur de plume de l’employeur).

Cependant, sans aller plus avant dans la démonstration par l’employeur de l’existence de la faute grave à laquelle il est tenu, il convient de relever que la salariée a été reconnue, victime de faits de harcèlement moral. parmi lesquels figure la déloyauté de l’employeur qui :

° lui a fait subir un sous-classement avec une rémunération diminuée de plus de 1 000 € bruts par mois par rapport au salaire auquel elle pouvait prétendre,

° l’a invitée à lui faire parvenir un courrier pour demander à travailler moins de 24 heures par semaine sans l’informer des conséquences que cela allait entraîner pour elle,

° lui a proposé un avenant à son contrat de travail modifiant les conditions essentielles de son contrat de travail initial, notamment relatives à son lieu d’exercice, sa classification dans la mesure où il indiquait ‘[Y] [I] occupera désormais les fonctions de vendeuse…’ sous-entendant ainsi qu’elle n’allait plus exercer ses fonctions initiales, ses horaires de travail et sa rémunération.

Le lien entre le harcèlement moral et le licenciement existe.

Il convient en conséquence d’annuler le licenciement de Madame [I].

C – Sur l’indemnisation du licenciement :

1 – Sur les dommages intérêts pour licenciement nul :

En application des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse institué par l’une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ne s’applique pas aux faits de harcèlement moral.

***

En l’espèce, Madame [I] sollicite la somme de 8 000 €, en justifiant le montant de sa demande par les atteintes graves à sa santé, sa perte d’employabilité, la détérioration de sa confiance en elle, l’éjection d’une communauté de travail très particulière, l’entrave injustifiée et disproportionnée à son droit d’agir en justice, la perte de son ancienneté dans son nouvel emploi, sa prise en charge par Pôle emploi et les préjudices financiers en découlant.

***

Cela étant, la salariée, presqu’âgée de 36 ans au jour de son licenciement, présentant une ancienneté de moins d’un an, à savoir 4 mois et 25 jours, ne fournit aucun renseignement sur sa situation professionnelle actuelle qui aurait permis d’évaluer au plus juste son préjudice résultant de la perte de son emploi.

En conséquence, au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de fixer à la somme de 8 000 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement nul.

L’employeur doit être condamné à payer ce montant à Madame [I].

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

2 – Sur l’indemnité de préavis :

En application de l’article 17 de la convention collective ‘confiserie, chocolaterie, biscuiterie (détaillants, fabricants), le salarié classé 4 peut prétendre à un préavis de deux mois.

En conséquence, Madame [I] qui est en droit de prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, doit percevoir sur le fondement de son salaire reclassifié à la somme de 2656, 88 € bruts au titre de l’indemnité de préavis et de 265,67 € bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

III – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

A – Sur la transmission des documents sociaux :

Compte-tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif étant précisé que lorsque l’employeur est condamné au versement d’un rappel de salaire dû sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement.

Il n’y a pas lieu de faire droit au prononcé d’une astreinte.

B – Sur les intérêts légaux :

Les sommes allouées à Madame [I] produiront intérêts au taux légal :

– s’agissant des créances indemnitaires (par ailleurs exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables) à compter de la présente décision,

– s’agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par la société Confiserie Pinson de la convocation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

C – Sur les dépens

Les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par la société Confiserie Pinson.

D – Sur les frais de procédure

Il n’est pas inéquitable d’infirmer le jugement de première instance qui a condamné la salariée à payer à l’employeur une somme de 800€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter en statuant à nouveau les parties de leurs demandes respectives formées de ce chef.

Enfin, il n’est pas pas davantage inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives formées au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de [Localité 3] le 24 septembre 2021 dans toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Fait droit à la demande de reclassification de Madame [I] au poste de ‘ cadre débutant’,

Condamne la SAS Confiserie Pinson à payer à Madame [I] les sommes de :

– 5232,24 € bruts au titre des rappels de salaires,

– 523,22 € au titre des congés payés afférents.

Condamne la SAS Confiserie Pinson à payer à Madame [I] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts nets de CSG CRDS au titre du préjudice distinct pour non-respect de la classification conventionnelle.

Dit que Madame [I] a fait l’objet de la part de son employeur de déloyautés et de harcèlement moral,

Condamne la SAS Confiserie Pinson à verser à Madame [I] la somme de 800 euros de dommages et intérêts nets de CSG CRDS au titre des déloyautés et harcèlement moral exercés par l’employeur.

Dit le licenciement de Madame [I] est nul.

Condamne la SAS Confiserie Pinson à verser à Madame [I] les sommes de :

– 8 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

– 2 656,88 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 265,67 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.

Condamne la SAS Confiserie Pinson à remettre à Madame [I] dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi conformes,

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

Condamne la SAS Confiserie Pinson aux dépens de première instance,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Confiserie Pinson aux dépens d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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