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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/02331 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G3QI
S.A.S. THOM
C/ [Y] [M]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 04 Novembre 2021, RG F 20/00097
APPELANTE :
S.A.S. THOM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Saskia HENNINGER de la SCP LA GARANDERIE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS – Représentant : Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIME :
Monsieur [Y] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Frédéric MATCHARADZE de la SELARL FREDERIC MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 07 Février 2023, devant Madame Isabelle CHUILON, Conseiller désigné(e) par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé(e) du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Mme Capucine QUIBLIER, Greffier à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
********
Exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties
M. [M] [Y] a été embauché, à compter du 5 septembre 2011, par la société Histoire d’Or, en qualité d’adjoint de direction, catégorie agent de maîtrise, coefficient 285, niveau 6, échelon 1, de la convention collective du commerce de détail de l’horlogerie bijouterie, au sein du magasin ‘Histoire d’Or’ du centre commercial [7] de [Localité 8], suivant un contrat de travail à durée indéterminée prévoyant une modulation du temps de travail et une rémunération mensuelle brute de 2.000 €, outre une prime de fin d’année et la perception d’un intéressement.
La société Thom gère plus de 350 bijouteries exerçant sous l’enseigne ‘Histoire d’Or’, implantées dans différentes villes, et compte plus de 2.300 salariés.
Par avenant du 12 janvier 2012, M. [M] [Y] a été promu, à compter du 1er janvier 2012, au poste de directeur de magasin, relevant de la catégorie cadre, coefficient 320, échelon 1, avec une convention de forfait et une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 2.135 €, au sein du magasin ‘Histoire d’Or’ de [Localité 6].
Par avenant du 18 février 2019, M. [M] [Y] a été muté, à compter du 15 avril 2019, au poste de directeur de magasin au niveau G, relevant de la catégorie cadre, avec une convention de forfait (217 jours par an) pour une rémunération forfaitaire mensuelle brute de 2.600 €, outre une prime de fin d’année et une prime sur objectif, au sein du magasin ‘Histoire d’Or’ de [Localité 5].
Par courrier recommandé du 09 octobre 2019, M. [M] [Y] a été convoqué en entretien préalable avant éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, lequel s’est tenu le 29 octobre 2019 en présence d’une déléguée du personnel, Mme [S] [Z].
Par courrier recommandé du 08 novembre 2019, M. [M] [Y] a été licencié pour cause réelle et sérieuse, avec dispense d’effectuer le préavis.
Par requête déposée le 9 juillet 2020, M. [M] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Chambéry aux fins de contester son licenciement et d’obtenir l’allocation d’indemnités de rupture.
Par jugement du 04 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Chambéry a :
-Dit que le licenciement de M. [Y] [M] est intervenu sans cause réelle et sérieuse;
-Condamné la société Thom à régler à M. [Y] [M] :
*23.200 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*317,07 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement;
-Débouté M. [Y] [M] du surplus de ses demandes;
-Condamné la société Thom à payer à M. [Y] [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-Débouté la société Thom de sa demande reconventionnelle;
-Condamné la société Thom aux éventuels dépens.
La Sas Thom a interjeté appel par déclaration enregistrée le 2 décembre 2021 au réseau privé virtuel des avocats. M. [Y] [M] a formé appel incident par conclusions du 25 mai 2022.
*
Par conclusions notifiées le 31 octobre 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la Sas Thom demande à la Cour de :
-Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 4 novembre 2021 en ce qu’il a:
-Dit que le licenciement de M. [Y] [M] est intervenu sans cause réelle et sérieuse;
-Condamné la société Thom à régler à M. [Y] [M] :
*23.200 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-Débouté la société Thom de sa demande reconventionnelle;
-Condamné la société Thom aux éventuels dépens.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
-Dire que le licenciement notifié le 8 novembre 2019 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
-Débouter M. [Y] [M] de sa demande de 30.788.48 euros nets de CSG CRDS au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-Débouter M. [Y] [M] de sa demande d’une condamnation de la société à 2.640 euros au titre de l’article 700 pour la première instance,
-Débouter M. [Y] [M] de sa demande d’une condamnation de la société à 2.400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’instance d’appel,
-Débouter M. [Y] [M] de sa demande au titre des dépens,
-Débouter M. [Y] [M] de l’ensemble de ses demandes,
-Condamner M. [Y] [M] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
-Limiter le quantum des dommages et intérêts à 11.545,68 euros bruts,
En tout état de cause,
-Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 4 novembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [Y] [M] de ses autres demandes et notamment de la non-application du barème prévu à l’article 1235-3 du code du travail.
*
Par conclusions récapitulatives notifiées le 20 septembre 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, M. [Y] [M], formant appel incident, demande à la Cour de :
-Débouter la société Thom de l’ensemble de ses demandes;
-Fixer à 3.848,56 € le salaire moyen de référence ;
-Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Chambéry le 4 novembre 2021 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement notifié le 8 novembre 2019 était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-Le réformer sur le quantum de la somme allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Statuant à nouveau sur ces deux chefs de jugement;
-Condamner la société Thom à payer à M. [M] une indemnité nette de CSG, de CRDS et de toute cotisation sociale d’un montant de 30.788, 48 € au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-Condamner la société Thom à payer à M. [M] une somme de 2.640,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant des frais exposés en première instance ;
Y ajoutant,
– Condamner la société Thom à payer à M. [M] une somme de 2.400,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la société Thom aux entiers dépens de l’instance et d’exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.
*
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 9 décembre 2022.
La date des plaidoiries a été fixée à l’audience du 7 février 2023.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2023, prorogé au 23 novembre 2023.
SUR QUOI, LA COUR :
A titre liminaire, il sera observé, malgré les développements consacrés sur ce point par le salarié dans le corps de ses conclusions, qu’aucune des parties n’a relevé appel s’agissant du chef de jugement ayant condamné la société Thom à verser à M. [Y] [M] la somme de 317,07 euros au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement, de sorte que la Cour n’en est pas saisie, sachant, par ailleurs, qu’un réglement a été effectué par l’employeur ainsi que cela ressort d’un bulletin de paie d’octobre 2022.
I. Sur le licenciement
Sur les moyens des parties:
La Sas Thom soutient que :
Le poste de directeur de magasin correspond à un emploi particulièrement exigeant et qui nécessite de la rigueur.
Les manquements invoqués dans la lettre de licenciement sont avérés et justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le salarié n’a pas respecté les procédures internes garantissant la sécurité des biens et des personnes, que ce soit les régles relatives au rachat d’or, à la prohibition de la présence d’une ‘caisse noire’, aux remises en banque, au rangement des plateaux de diamants au coffre, et à l’inventaire.
Par ailleurs, le salarié a été défaillant dans son rôle de manager auprès de l’équipe et a tenu des propos inacceptables et inappropriés envers une salariée.
Le caractère prétendument vicié du licenciement du fait de l’ouverture du casier du salarié, ne repose sur aucune jurisprudence. En cas d’ouverture injustifiée, la Cour doit seulement écarter la preuve obtenue.
La conformité du barème de l’article L.1235-3 du code du travail ne fait plus aucun doute.
Le salarié n’apporte la preuve d’aucun préjudice. Il a immédiatement retrouvé un emploi, lequel lui a procuré une rémunération plus avantageuse.
*
M. [M] [Y] fait valoir que :
Son manager a décidé de contrôler le magasin et de fouiller son casier personnel situé dans les vestiaires, en son absence, le 20 septembre 2019, sans même le prévenir. Des photographies ont été réalisées à son insu. Il a été porté atteinte à sa vie privée et à son intimité.
Son licenciement est abusif (sans cause réelle et sérieuse) car reposant sur des éléments de preuve obtenus de manière illicite et déloyale.
Le licenciement est vicié dans son ensemble, les juges ne peuvent se limiter à écarter les griefs concernant les objets découverts illicitement dans le casier (pierres, pièces de monnaie).
Son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse. Les reproches ne sont pas avérés.
Les pierres précieuses et la monnaie retrouvées dans son casier lui appartiennent.
Il lui était impossible de faire une remise en banque du 12 septembre au 5 octobre 2019.
Le grief relatif aux plateaux non rentrés dans les coffres est prescrit à défaut d’indication de la date des faits. Celui relatif à l’inventaire est également prescrit.
Il était parfaitement accessible et au soutien de ses collaboratrices.
La véritable cause du licenciement est qu’il ne plaisait pas à son supérieur hiérarchique direct ainsi qu’à sa manager des ventes et aux salariées du magasin, au sein duquel les procédures Thom n’étaient pas respectées. Ces dernières n’ont pas accepté qu’il change leurs habitudes.
Son responsable N+1, M.[B], lui a expressément indiqué qu’il ne désirait pas sa venue dans son secteur. Son 1er entretien annuel d’évaluation avec celui-ci, qui s’est tenu le 11 septembre 2019, a été désastreux, alors que, jusqu’à présent, en 8 années d’exercice, il n’avait jamais fait l’objet du moindre reproche et que ses chiffres étaient très bons.
Les employées ont toutes établi des attestations contre lui, rédigées de manière semblable, à la même date. Elles ont été réunies par l’employeur le 14 octobre 2019 dans l’unique but de monter un dossier de licenciement. Ces témoignages ont été réalisés sur commande. Ils n’ont aucune valeur probante. L’employeur s’est contenté d’écouter les salariées sans mener de véritable enquête.
Le dispositif d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, prévu à l’article L.1235-3 du code du travail, n’est pas conforme aux textes internationaux ratifiés par la France. Son application doit être rejetée.
Son préjudice est particulièrement important. Il doit, désormais, assumer des déplacements avec une rémunération en nette baisse.
Sur ce,
L’article L.1232-1 du code du travail rappelle que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Celle-ci s’entend d’une cause objective, reposant sur des griefs suffisamment précis, vérifiables et établis, qui constituent la véritable raison du licenciement.
La charge de la preuve d’une faute repose exclusivement sur l’employeur qui l’invoque.
Selon les dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige sur le licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Il doit, notamment, apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l’exercice de poursuites pénales (C. trav., art. L. 1332-4).
Au delà de ce délai de deux mois, la faute est prescrite et ne pourra plus être invoquée à l’appui d’une sanction disciplinaire.Toutefois, une faute ancienne de plus de deux mois pourra être sanctionnée si elle s’inscrit dans une continuité ou un phénomène répétitif, le dernier fait constaté devant, quant à lui, se situer à moins de deux mois.
Une sanction disciplinaire fondée sur une faute prescrite encourt la nullité. Lorsque la sanction se traduit par un licenciement, celui-ci sera nécessairement jugé sans cause réelle et sérieuse.
Les parties peuvent administrer la preuve des faits qu’elles allèguent par tous moyens. Les modes de preuve illicites sont en principe interdits. La Cour de cassation n’en fait toutefois pas un principe absolu. Elle admet la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié ou collectés au moyen d’un procédé illicite, si ces données sont indispensables à l’effectivité du droit de la preuve et à l’équité du procès et pour autant que l’atteinte au droit du salarié ne soit pas disproportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 9 nov. 2016, n°15-10.203 ; Cass. soc., 5 déc. 2018, n°16-26.895 ; Cass. soc., 30 sept. 2020, n°19-12.058 ; Cass. soc., 25 nov. 2020, n°17-19.523). Sous cette réserve, a été jugé illicite la fouille de l’armoire individuelle d’un salarié sans raison légitime et en dehors de la présence de celui-ci (Cass. soc., 11 déc. 2001, n°99-43.030).
En l’espèce, la Sas Thom a licencié M. [M] [Y] pour cause réelle et sérieuse. La lettre de licenciement du 8 novembre 2019, qui fixe les limites du litige, fait mention des motifs suivants:
« Vous exercez la fonction de directeur de magasin depuis le 05 septembre 2011. Vous occupez votre fonction sur le point de vente Histoire d’Or 481 à [Localité 5] depuis le 29 avril 2019. Vous avez, à ce titre, la gestion du magasin et le management de l’équipe.
En votre qualité de directeur de magasin, vous êtes garant de la bonne gestion de votre point de vente et notamment de la bonne application des règles et des procédures internes.
Or, nous avons constaté de réels dysfonctionnements dans votre mission.
Nous avons tout d’abord relevé des manquements importants dans le respect des règles et des procédures internes concernant notamment les reprises d’or, les remises bancaires, ou encore la rentrée aux coffres à la fermeture.
En effet, le 20 septembre 2019, nous avons découvert sur le magasin une petite boîte transparente contenant des pierres, de tailles et de couleurs différentes, desserties des bijoux.
Nous avons interrogé les membres de votre équipe sur la présence de ces pierres. Ces dernières nous ont expliqué que vous leur avez donné pour directives, lors des reprises d’or, de dessertir les pierres des bijoux et de les conserver au lieu de les rendre aux clients comme le prévoit la procédure interne.
Concernant les remises en banque, nous avons constaté sur le magasin la présence de 8 bordereaux de dépôts bancaires correspondant à la semaine du 12 au 20 septembre 2019 pour un montant total de 2.402,9 euros, qui ont été réalisées le même jour, soit le 20 septembre (date sur les tampons des remises bancaires).
Il s’avère que vous n’avez pas respecté la fréquence imposée pour les remises bancaires.
Nous vous rappelons que, conformément à la procédure interne, il est impératif de procéder aux remises bancaires le plus souvent possible, au moins 3 fois par semaine (sauf si le montant à remettre est inférieur à 500 euros). Le respect de cette règle de sécurité permet d’éviter l’accumulation des recettes sur le magasin et ainsi de limiter les risques de pertes et de vols pour la société.
Par ailleurs, lors de la fermeture du magasin, vous demandez à vos collaboratrices de ne rentrer que 4 plateaux de diamants aux coffres alors que les 3 coffres sur le point de vente, ayant une grande contenance, peuvent en contenir davantage (environ 10 plateaux diamants).
Vous avez expliqué, lors de l’entretien, manquer de place dans les coffres car ceux-ci contiennent souvent les colis reçus ou à envoyer. Votre directeur de secteur s’est étonné que vous ne l’ayez pas alerté sur ce manque de place.
Vous avez consacré un des coffres pour le stock des montres de la marque Codhor, qui sont de moindre valeur, prétextant un manque de place dans vos placards sécurisés. Or, votre directeur de secteur a pu constater que les montres pouvaient rentrer dans les placards pour libérer le coffre utilisé à cet effet.
Les membres de votre équipe nous ont affirmé que vous leur aviez donné pour directive de ne rentrer que 4 plateaux aux coffres ceci par gain de temps et non par manque de place.
Pour rappel, la procédure de rentrée au coffre de nuit prévoit de rentrer les plateaux diamants, pierres précieuses et bijoux de forte valeur. Comme indiqué sur la note, cette procédure ne tolère aucune exception.
Nous avons constaté un autre manquement aux procédures internes, concernant cette fois-ci la pratique des inventaires sur le magasin. En effet, la veille de l’inventaire fiscal prévu le 25 juillet 2019, vous vous êtes autorisé à scanner tous les articles de l’horlogerie, soit plus de 500 articles.
Vous avez reconnu avoir scanné des produits avant la date de l’inventaire avouant avoir fait une erreur.
Une telle pratique est contraire aux règles en vigueur dans l’entreprise. Il est rappelé que les articles doivent être scannés le jour même de l’inventaire conformément à la procédure interne, ceci afin d’avoir des résultats d’inventaire fiables.
Nous avons également constaté la présence d’un sachet sur le magasin contenant de l’argent en espèce dont le montant s’élevait à une trentaine d’euros, présenté comme étant une « caisse noire ».
Cette «caisse noire» contenait la petite monnaie en trop dans les caisses, monnaie qui pour rappel doit rester dans le fond de caisse et ne jamais être mise de côté conformément aux règles internes. Celle-ci a disparu lorsque vous êtes parti en congé.
L’ensemble de ces manquements ne sont pas tolérables et ne peuvent que remettre en cause la confiance placée en vous.
D’autre part,les membres de votre équipe nous ont fait part de difficultés avec votre management concernant votre rôle d’accompagnement et votre attitude sur le magasin.
Vos collaboratrices nous ont indiqué que vous passiez du temps dans le bureau au lieu de les aider sur la surface de vente à accueillir les clients, y compris en période de forte affluence de la clientèle.
Une collaboratrice explique à cet égard qu’elle a dû faire face, seule, à un flux de clients important sur le magasin. Lorsqu’elle vous a demandé de l’aide, vous lui avez dit ne pas pouvoir car vous étiez « en administratif ». Vous vous êtes enfermé en réserve au lieu de vous rendre en surface de vente à ses côtés pour l’aider à assurer l’accueil et le service à la clientèle ceci étant une priorité sur le magasin.
Lors de l’entretien, vous avez confirmé que le temps passé dans le bureau était consacré à l’administratif.
D’une manière générale, votre équipe vous reproche d’être peu présent au magasin. Il s’avère que vous arrivez tard à votre poste de travail, vers 10h30, et le quittez tôt, entre 17h30 et 18h00.
Au cours de l’entretien, vous avez nié faire moins d’heures que celles mentionnées sur votre planning informatique sans toutefois fournir d’éléments probants.
Ces faits traduisent un manque de gestion des priorités et un manque d’implication de votre part. Votre directeur de secteur a régulièrement des plaintes de vos collaboratrices concernant votre attitude qu’elles jugent fermée et nonchalante à leur égard y compris avec les clients (ton sec employé, non souriant).
Le 29 août 2019, votre directeur de secteur, M. [B], la directrice merchandising, Mme [E] [O] et la visual merchandising, Mme [F] [J], qui étaient en visite sur le magasin, se sont étonnés de votre attitude complétement fermée et de votre manière de communiquer (froide et directe) même avec les clients.
M.[B] vous a contacté le lendemain afin de comprendre la raison de votre attitude non professionnelle. Vous lui avez répondu n’avoir aucun motif particulier si ce n’est avoir été un peu déçu de ne pas avoir été félicité pour votre travail. Or, M. [B] vous avait indiqué avoir été satisfait de l’état de vos vitrines. Aussi, votre directeur de secteur vous a rappelé que votre attitude n’est pas acceptable sur le magasin.
Votre comportement a un impact négatif sur l’image de marque que notre entreprise souhaite véhiculer auprès de notre clientèle. Depuis votre arrivée sur le magasin, nous déplorons 15 commentaires clients se plaignant du manque d’accueil et de sourire.
Nous vous rappelons que le rôle d’un directeur de magasin est aussi d’être présent aux côtés de ses collaborateurs pour les accompagner au mieux dans leur mission avec une attitude positive et de mettre tout en ‘uvre pour assurer la satisfaction client qui est une priorité.
De plus, vous vous êtes permis de tenir des propos déplacés et intimes envers une collaboratrice.
Ainsi, le 28 août 2019, vous avez posé des questions d’ordre personnel au sujet de sa future intervention mammaire devant le reste de l’équipe et la visual merchandiser. Vous lui avez notamment demandé «comment ce sera ‘», et de «vous montrer la différence » après l’opération, pour reprendre vos propos.
Vous avez été confus dans vos réponses lorsque vous avez été interrogé à ce sujet lors de l’entretien. Vous avez dans un premier temps affirmé ne pas connaitre la raison de son absence puis, après un laps de temps, vous avez fini par reconnaitre savoir que la salariée devait s’absenter pour une intervention mammaire.
Aussi, vous avez dit à cette même collaboratrice qui venait de subir une intervention volontaire de grossesse : « bon maintenant vous allez pouvoir passer à autre chose. »
Nous ne pouvons tolérer de tels propos. Votre comportement est tout à fait contraire à ce que nous exigeons d’un directeur de magasin qui se doit d’être exemplaire à l’égard des membres de son équipe, sur le savoir-être exigé et sur les procédures à appliquer.
Il est donc inadmissible de constater de tels manquements de votre part.
Ces faits particulièrement graves constituent une violation de votre obligation contractuelle de loyauté et remettent en cause la confiance placée en vous lors de votre embauche au sein de notre société.
Compte-tenu de l’ensemble de ces faits qui sont de nature à remettre en cause inévitablement la confiance placée en vous lors de votre embauche au sein de notre société, nous considérons qu’il n’est plus possible de poursuivre nos relations contractuelles.
C’est dans ce contexte que nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail compte tenu du non-respect de vos obligations contractuelles et du préjudice causé pour notre société.
Nous vous notifions, en conséquence, par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse’.
A la lecture de cette lettre de licenciement, il est donc formé deux types de griefs à l’encontre du salarié, les uns se référant au non-respect de procédures internes et les autres étant relatives à l’exercice de ses fonctions managériales.
‘ Sur le non-respect des procédures internes:
*Sur le non-respect des règles concernant le rachat d’or
La société Thom produit des photographies de pierres précieuses qui, selon ses explications, auraient été conservées par M. [Y] [M], sans qu’elles ne soient restituées aux clients, lors de procédures de rachat d’or, ceci au mépris des règles internes.
La conservation de ces pierres est attestée par les salariées. Ainsi, Mme [V] [H], conseillère de vente, indique: « Rachat d’or : [Y] conserve les pierres des bijoux des clients au fond de son casier». Mme [X] [N], occupant le poste de manager des ventes, précise, quant à elle, dans son attestation : « Garde les pierres des clients lors d’un rachat d’or (petite boite dans casier) ». Mme [P], conseillère de vente, mentionne: « rachat d’or procédure non respectée (pierres retrouvées dans son casier) ». Et enfin, Mme [D] [T] expose: ‘ Nous avons retrouvé des pierres précieuses dans son casier personnel qui n’avaient pour moi rien à y faire’.
M. [Y] [M] fait valoir que les pierres photographiées se trouvaient dans son casier personnel, lequel a été fouillé hors sa présence, ce qui n’est pas contesté par l’employeur qui précise avoir retrouvé une boite contenant 36 pierres.
Le salarié considère qu’il a été porté atteinte à sa vie privée, dans la mesure, notamment, où les dites pierres lui appartenaient, devant servir à la création d’un bijou sur mesure pour sa compagne.
Pour justifier de ses allégations, M. [M] produit un bon d’achat du 31 août 2019 correspondant à une reprise d’or 750 pour un montant de 253,96 euros, ainsi qu’un croquis et un devis concernant 7 pierres émanant de l’atelier Pozzi.
Après examen des éléments fournis par les parties, il apparait que l’employeur n’était pas légitime à procéder à l’ouverture du casier personnel du salarié en son absence, aucune raison concrète ne justifiant d’avoir recours à un tel procédé.
Il apparait, en outre, que l’employeur aurait pu atteindre un but identique à celui poursuivi en utilisant des moyens plus respectueux de la vie privée du salarié, à laquelle il a été porté atteinte de manière disproportionnée.
En effet, la fouille du casier de M. [Y] [M] a été réalisée, ainsi que cela ressort du compte-rendu d’entretien préalable, sans qu’il n’en soit informé et à la vue d’au moins 4 salariées du magasin, lesquelles ont été témoins des découvertes effectuées, ce dont elles attestent d’ailleurs. Cette fouille doit être considérée comme illicite.
Dans ces conditions, ne saurait être admise, en l’espèce, la production, par l’employeur, d’éléments obtenus au moyen d’un tel procédé déloyal, injustifié, dès lors qu’ils portent atteinte à la vie personnelle du salarié et qu’ils ne sont pas indispensables à l’effectivité du droit de la preuve et à l’équité du procès. Ces éléments doivent, par conséquent, être écartés des débats.
Le grief de licenciement lié au non-respect des règles concernant le rachat d’or reposant sur de tels éléments, il convient de considérer qu’il n’est pas caractérisé et qu’il ne peut, donc, être invoqué par l’employeur.
Contrairement à ce que soutient le salarié, seule la recevabilité du mode de preuve et des données obtenues est susceptible d’être affectée par le recours à une fouille illicite, et non la régularité du licenciement en lui-même, qui peut, malgré cela, être prononcé, dès lors que d’autres faits reprochés dans la lettre de licenciement sont régulièrement établis.
*Sur la présence d’une « caisse noire »
La société Thom, au soutien de ses accusations, verse au débat une photo relative à un petit sachet blister contenant de la menue monnaie, retrouvée dans le casier du salarié à l’intérieur d’un carton à biscottes (cf compte-rendu de l’entretien préalable rédigé par la déléguée du personnel Mme [Z]).
Elle produit, également, une attestation de Mme [T] [D], rédigée en ces termes: «Un surplus d’environ 30 euros avait été mis de côté qui pourrait éventuellement servir à compléter une caisse si besoin était, or, après le départ de M.[M] nous avons constaté que les 30 euros n’y était plus. Il a déjà laissé planner le doute que c’est nous qui pourrions nous servir de cette somme, ce qui nous a fortement déplus’.
Force est de constater que cette attestation est insuffisante pour démontrer les faits reprochés, lesquels se fondent sur les espèces appréhendées dans le casier personnel du salarié à l’occasion d’une fouille illégale, alors que ce dernier prétend qu’elles lui appartenaient.
Dès lors, comme exposé précédemment, ce grief de licenciement n’est pas caractérisé en ce qu’il repose sur des éléments qui doivent être écartés des débats, car obtenus au moyen d’un procédé déloyal, injustifié, portant atteinte de manière disproportionnée à la vie personnelle du salarié, étant précisé que M. [B], directeur de secteur, avait lui-même indiqué, lors de l’entretien préalable, qu’il n’y avait plus de ‘caisse noire’ depuis l’arrivée de M. [M].
*Sur le non-respect des règles en matière d’inventaire
Lors de l’entretien préalable le salarié a reconnu, en ces termes, ne pas avoir respecté les règles en matière d’inventaire fiscal en scannant des articles d’horlogerie la veille de celui prévu le 25 juillet 2019 : «J’ai scanné quelques marques de montres Fossile, Cluse,… avec la Zebex la veille, c’est une erreur de ma part».
Dans ses écritures, M. [M] prétend qu’il s’agissait d’une pratique courante, permettant de gagner du temps, et qu’elle n’était pas proscrite par le book inventaire définissant la procédure applicable, dont il produit un exemplaire, faisant observer, par ailleurs, que le compte-rendu d’inventaire ne fait état d’aucune remarque.
S’agissant de ce grief, comme soulevé à juste titre par le salarié, il convient de constater que les faits, connus dès l’origine de l’employeur, étaient prescrits au moment de la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement, puisque datés du 24 juillet 2019 (veille de l’inventaire), alors que la lettre de convocation à l’entretien préalable est du 9 octobre 2019. La Sas Thom ne peut, donc, s’en prévaloir, pour justifier une mesure de licenciement à l’encontre de M. [M].
*Sur le non-respect des règles relatives aux remises en banque
Aux termes de sa fiche de poste, annexée à son contrat de travail, il revenait à M. [M] [Y] de « garantir le respect des procédures de sécurité du magasin », notamment en faisant « appliquer les règles et les procédures de sécurité liées (‘) aux remises en banque ».
L’employeur considère qu’en qualité de directeur de magasin, M. [M] [Y] devait s’organiser afin de veiller à ce qu’il soit procédé à des remises en banque au moins 3 fois par semaine.
La Sas Thom fournit un document de Thom Europe relatif aux ‘consignes de sécurité à adopter pour les remises en banque’, dans lequel il est indiqué dans la version DC-NI du 21/11/14, notamment:
– ‘Procéder aux remises bancaires le plus souvent possible (au moins trois fois par semaine sauf si le montant « à remettre » est inférieur à 500 euros). Adapter les cadences à la période exceptionnelle de Noël’ ;
Le salarié produit, quant à lui, un document intitulé ‘planning d’organisation des tâches’ comportant le logo d’Histoire d’Or, non dâté, mentionnant, à propos des remises en banque, qu’elles devaient s’effectuer 2 ou 3 fois par semaine. Il a, d’ailleurs, précisé, lors de l’entretien préalable, qu’il n’opérait que deux dépôts par semaine.
Il apparait, à la lecture des éléments de la procédure, qu’aucune remise en banque n’a été effectuée sur la période du 12 septembre 2019 (un jeudi) au 20 septembre 2019 (un vendredi), date à laquelle 8 dépôts ont, alors, été réalisés pour un montant total de 2.402,90 euros.
Le salarié produit un mail d’une conseillère de clientèle du 23 avril 2021 mentionnant que l’établissement bancaire Société Générale de la Motte Servolex n’était ouvert au public que le matin pour y effectuer toute opération bancaire ne nécessitant pas de rendez-vous, notamment des dépôts de chèques ou d’espèces, sachant que cette banque était fermée, par ailleurs, les dimanches et lundis.
D’autre part, M. [M] [Y] démontre, par la communication d’un planning, avoir été en repos le lundi 16 septembre 2019, puis en congés payés du 17 au 22 septembre 2019, période durant laquelle il ne peut, dès lors, lui être reproché de ne pas avoir effectué de remise en banque, puisqu’une telle tâche incombait, alors, à son adjointe, Mme [N], chargée de le remplacer en son absence.
Pour autant, entre le 12 septembre 2019 et le 14 septembre 2019 (un samedi), M. [Y] [M], qui invoque un problème d’effectif, sans toutefois en justifier, ne démontre pas d’une impossibilité d’effectuer une remise en banque durant ces 3 jours et d’en avoir informé sa hiérarchie.
Ce grief peut, dès lors, être retenu à l’encontre du salarié.
*Sur les plateaux de diamants non rentrés dans les coffres de nuit
L’employeur fournit les règles de rentrée au coffre de nuit mises à jour au 25 juin 2014, précisant, notamment que :
-‘Chaque magasin doit disposer d’équipements adaptés (coffres et armoires forts). La vérification de ce principe incombe au directeur de magasin qui devra, à défaut, signaler le manque d’équipement à son directeur de secteur et au service assurances par mail au plus tôt. Une dérogation lui sera délivrée pour couvrir le délai nécessaire pour son retour aux normes d’équipement’,
-‘Le procédé retenu consiste à rentrer sans les défaire les plateaux complets Or et Empierré (pierres précieuses et pierres fines) et les réserves d’or’,
-Cette procédure de rentrée au coffre de nuit ne tolère pas d’exception autre que technique (dans ce cas, déclaration obligatoire à la charge du directeur de magasin). ‘Vos équipements correspondent à vos besoins, seule la place restée libre peut être optimisée à votre guise.»
Le fait que M. [Y] [M] ne respectait pas la procédure de rangement des plateaux de diamants lors de la fermeture le soir est évoqué par Mme [N], manager des ventes, qui précise: «Ne souhaite pas ranger les plateaux diamants et les caisses dans les coffres alors que obligatoire.», ainsi que par Mme [U] [P], qui mentionne: « Non-respect des procédures (plateaux, RB…) ».
Le salarié produit, quant à lui, une ‘note AR/DC sécurisation 20/08/2015″ comprenant une photographie relative au rangement des coffres, indiquant que doivent être placés dans le coffre les produits précieux, à savoir ‘ les rachats or, les commandes et mdc clients, les remises bancaires, les enveloppes et fonds de caisse, les transferts reçus ou à envoyer, etc.’, ainsi que ‘les plateaux et racks de réserves de produits précieux et/ou les colis réceptionnés et non traités..’.
M. [Y] [M] soutient qu’il n’y avait pas suffisamment de place dans les coffres, où étaient également entreposés les colis reçus et à envoyer, ainsi que les remises bancaires, de sorte que tous les plateaux de diamants ne pouvaient y entrer, sachant que certains d’entre eux avaient une valeur équivalente aux bijoux restant en vitrine et que le magasin était, par ailleurs, équipé de systèmes de protection.
Lors de l’entretien préalable, à la question: ‘Vous avez consacré un coffre pour le stock Codhor prétextant un manque de place dans vos placards sécurisés. Pouvez-vous m’expliquer quel est l’intérêt de cette décision”, M. [M] [Y] a répondu: ‘ les coffres sont souvent pleins de colis reçus en attente de réception ou de colis Skynet à envoyer’. En revanche, il n’a pas admis avoir donné comme directive à son équipe de ne pas rentrer au coffre certains plateaux de diamants par volonté de gagner du temps.
Les arguments développés par le salarié sur ce grief sont inopérants puisqu’en qualité de directeur du magasin, il lui appartenait, au regard des enjeux majeurs encourus en la matière, d’appliquer et de faire appliquer par les membres de son équipe, les procédures définies par son employeur en matière de sécurité des biens, conditionnant, notamment, la prise en charge d’un éventuel sinistre par la compagnie d’assurances. En cas de difficulté, relative, notamment, à un défaut d’équipements suffisants ne permettant pas de respecter les dites procédures, il aurait dû alerter sa hiérarchie, conformément aux règles internes prévoyant ce cas de figure.
M. [M] estime que les faits reprochés de ce chef n’étant pas datés, ceux-ci doivent être considérés comme prescrits. Or, il est question, à la lecture de la procédure, d’une pratique récurrente du salarié et d’agissements qui se sont répétés dans le temps de manière continue (chaque jour de travail), jusqu’à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, de sorte que ses manquements aux règles de rentrée au coffre de nuit ne sont pas atteints par la prescription de deux mois.
En considération de ces éléments, ce grief peut, dès lors, être retenu à l’encontre du salarié.
*
Ainsi, il ressort des éléments produits par les parties, que M. [M] [Y] a failli à ses obligations de directeur de magasin en contrevenant à certaines procédures internes instaurées par la Sas Thom en matière de remise en banque et de rentrée des plateaux de diamants au coffre de nuit.
Pour autant, de tels manquements ne sauraient, à eux-seuls, justifier une sanction aussi sévère qu’un licenciement, sachant qu’il est fait état par M.[B], directeur de secteur, lors de l’entretien professionnel du 11 septembre 2019, au titre des points forts de M. [M] [Y], sa’rigueur dans la volonté de respecter les régles et procédures’.
L’appréciation de la Cour est, toutefois, différente, s’agissant des problématiques repérées au niveau de son management.
‘ Sur les défaillances managériales et d’accueil de la clientèle
Dans le compte-rendu de l’entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 29 octobre 2019, il est mentionné que M. [B] [W], directeur de secteur, avait été amené à effectuer les reproches suivants à l’encontre de M. [M] [Y]:’ Je te parle de façon générale, de ton attitude dans le verbal comme dans le non verbal, tu es fermé, tu dégages du stress, tu es non souriant… Dans cette attitude tu ne dégages pas de notion de plaisirs et c’est palpable avec tes collaboratrices, les clients et même avec tes collègues du centre-ville. Tu as une attitude fermée, tu es sec dans tes propos et j’ai une équipe qui me téléphone régulièrement pour se plaindre de toi…’.
Par ailleurs, il lui avait été indiqué, par M. [B], à l’occasion de son dernier entretien d’évaluation du 11 septembre 2019, qu’il devait améliorer son attitude et son management, en ces termes : « Je t’ai plusieurs fois alerté sur ton attitude, t’expliquant qu’il fallait positiver et avoir un accueil plus chaleureux (non verbal très fermé)’, ‘Tu dois aussi travailler sur la gestion de tes émotions, c’est essentiel pour l’image que tu renvoies, et la gestion de ta clientèle’, ‘J’attends de toi que tu développes une bonne cohésion d’équipe’.
La Sas Thom fournit, pour démontrer l’existence de défaillances managériales et d’accueil de la clientèle imputables à M. [M] [Y], plusieurs attestations et avis, émanant, non seulement, des membres de son équipe, mais également de personnes extérieures:
-Mme [F] [J], visual merchandiseur, précise : « Lors d’une tournée lors de laquelle, je suis passée sur le magasin avec [W] [B], directeur de secteur, et [E] [O], directrice merchandising, [Y] s’est montré froid et a adopté une attitude négative. Il n’a cessé d’évoquer les points négatifs du magasin, de se plaindre de la qualité du mobilier de vitrines, nous exposant ainsi un profil très peu commerçant. Enfin, j’ai dû recommander du matériel merchandising, pour la vitrine de montres Guess, car [Y] avait jeté ce qu’il restait à la fin de l’ouverture du magasin, estimant ne pas avoir la place de le garder (…) »,
-Mme [V] [H], vendeuse conseillère, mentionne au sujet de M. [M] :«Gestion des priorités : le magasin est plein de clients, je suis seule en surface de vente et [Y] refuse de venir m’aider après s’être enfermé en réserve depuis 1h pour raison : (« je ne peux pas, je suis en administratif »)(…). Litige client: de nombreux clients se plaignent du manque d’amabilité de [Y]. Refuse certain service tel que changement de pile et recherche de références sur le site car «on a pas le temps ».(…) Quand il passe sa matinée en réserve, il s’amuse à faire des dessins. (…) Refuse de servir les clients car il a la tête dans les vitrines pendant que nous gérons déjà plusieurs clients à la fois »,
-Mme [T] [D], conseillère de vente, indique, quant à elle : « M. [M] [Y] n’est pas suffisamment présent sur la surface de vente au moment où il y a le plus de clients, ce qui ne nous permet pas d’être rapidement disponible pour les clients (…). Plusieurs plaintes à son égard a été émis par les clients (pas très aimable) »,
-Au surplus, Mme [U] [P], conseillère de vente, expose à son propos: «Non aimable avec les clients (commentaires clients, litiges clients…).(…) Tête dans les vitrines, ne s’occupe pas des clients»,
-Enfin, Mme [N] [X], manager des ventes, rapporte ‘plusieurs points pour lesquels [Y] [M] n’est pas dans la norme de son poste de directeur de magasin’: « Aucun sens des priorités (…). Les clients passent toujours en dernier et lorsque je lui demande de l’aide en surface de vente, me dit qu’il est en administratif alors que je le vois faire des dessins. Refuse certaines tâches dites « service ». ‘Satisfaction client en baisse conséquente. On passe de 9,50 lorsqu’il n’est pas là à 8 lorsqu’il est en magasin’.
Par ailleurs, la Sas Thom fournit deux commentaires négatifs laissés par la clientèle visant directement le responsable du magasin, à savoir M. [M], alors décrit comme désagréable et manquant de professionnalisme, dont l’un est daté du mois d’août 2019, ce qui confirme le contenu des attestations produites.
Par conséquent, même si l’impartialité de Mme [H] [V] est remise en cause par M. [M] [Y], en ce que cette salariée, placée sous sa responsabilité, a fait l’objet d’un avertissement remis en mains propres le 11 septembre 2019, force est de constater que les témoignages recueillis mettent, unanimement, en évidence, par la description de faits précis, une absence de soutien aux membres de son équipe, de la part de ce directeur de magasin, essentiellement perceptible lors des moments de forte affluence, ainsi qu’une attitude malaimable à l’égard de la clientèle, alors qu’il se devait, pour l’une (son équipe) comme pour l’autre (sa clientèle), d’en prendre soin tout particulièrement.
Les documents communiqués par le salarié sur ce point (attestations de Mme [A], de Mme [R] et de Mme [L], ainsi que ses précédentes évaluations (entretiens annuels de développement) relatives aux années 2015, 2016, 2017 et 2018), sont sans lien avec les faits reprochés, en ce qu’ils concernent des périodes durant lesquelles le salarié était en poste au sein d’une autre entité ([Localité 6]) avec des collaborateurs différents.
Si ceux-ci n’ont pas eu à se plaindre de son comportement à cette époque, bien au contraire, force est de constater qu’au sein de l’établissement ‘Histoire d’Or’ de [Localité 5], M. [Y] [M], directeur de magasin, n’a pas été à la hauteur des qualités professionnelles et du savoir-être attendus de la part de son employeur, sa fiche emploi, annexée à son contrat de travail (avenant), rappelant qu’il devait ‘avoir le sens du commerce (engagé-e satisfaction client, a une attitude positive et une aisance relationnelle)’, ‘avoir l’esprit d’équipe (est solidaire avec ses collègues, partage son expérience…)’, ‘être ambassadeur de l’enseigne (véhicule une image positive, a une présentation et une expression orale adaptées…)’, ‘avoir des qualités de manager’, et, par ailleurs, que l’une des finalités de son poste était de ‘fidéliser la clientèle’ en s’assurant ‘de la qualité d’accueil et de vente de son équipe’.
‘ Sur les propos déplacés envers Mme [D] [T]
La Sas Thom communique l’attestation de Mme [T] [D], conseillère de vente, laquelle précise : « (…) des propos très déplacés a été dit par M. [M] à mon égard suite à une opération ».
Mme [N], manager des ventes, a témoigné, en ces termes, au sujet de l’attitude de M. [M]: «a des propos déplacés vers une vendeuse que je trouve personnellement inadmissibles : «Montrez-moi vos nouveaux seins»’.
Ces deux attestations sont confirmées par celle de Mme [F] [J], visual merchandiseur, qui expose : « Lors d’une visite au magasin histoire d’or de Chamnord où [Y] [M] est directeur, le 28 août 2019, j’ai entendu [Y] poser plusieurs questions à [T], l’une des conseillères de vente, au sujet de sa future opération de chirurgie esthétique. Il m’a paru trop insistant sur un sujet d’ordre personnel et plutôt intime (ex: ‘Comment ce sera”, ‘vous nous montrerez ‘)(…)».
M. [M] [Y] conteste avoir tenu les propos rapportés par ces trois personnes.
Pour autant, il convient d’observer que lors de l’entretien préalable du 29 octobre 2019, après avoir feint d’ignorer la raison pour laquelle sa collaboratrice [T] s’était absentée, M. [M] a finalement répondu, après réflexion, que ‘oui’, il connaissait le motif de son absence, précisant que c’était pour une chirurgie mammaire en allant jusqu’à donner des détails sur l’emplacement des prothèses. En revanche, il ‘ne se rappelait pas’ avoir eu des remarques déplacées à l’égard de cette salariée du genre: ‘Vous me montrerez la différence’.
Au regard des éléments en présence, il apparait que ce grief, reproché à M. [M] [Y] dans la lettre de licenciement, est caractérisé, et qu’il n’est pas prescrit, puisque datant du 28 août 2019 (ce qui n’est pas contesté).
En adoptant de tels propos, totalement inadmissibles, à l’égard de l’une de ses subordonnées, le salarié a commis une faute, dont la nature et la gravité, ne pouvaient laisser d’autre choix à son employeur que de prendre, rapidement, la mesure qui s’imposait, à savoir l’engagement d’une procédure de licenciement.
*
Ainsi, en dépit de l’exemplarité qu’il se devait d’avoir en sa qualité de directeur de magasin, M. [M] [Y], par son comportement, tel que décrit supra, a fortement terni l’image de son employeur, à la fois auprès de ses clients, mais également auprès de ses collaborateurs.
Le maintien de la relation contractuelle n’était, dans ces conditions, pas envisageable. En le licenciant pour cause réelle et sérieuse, la Sas Thom a prononcé une sanction proportionnée à la nature et à la gravité des fautes commises par M. [M] [Y].
Dès lors, il convient d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 4 novembre 2021, en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [Y] [M] est intervenu sans cause réelle et sérieuse, et de débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
II. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement du conseil de prud’hommes relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront intégralement confirmées, au regard de la condamnation au fond, en 1ère instance, de la société Thom à régler à M. [M] [Y] un reliquat de 317,07 euros au titre de l’indemnité de licenciement, laquelle n’a pas fait l’objet d’un appel.
En revanche, au stade de l’appel, M. [Y] [M], succombant en toutes ses prétentions, il devra supporter la charge des dépens. Les demandes respectives des parties, formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, seront rejetées, au regard de la situation économique du salarié, par rapport à celle de l’employeur, et de la solution du litige.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dans les limites de l’appel principal et de l’appel incident,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 04 novembre 2021, en ce qu’il a:
-Débouté M. [Y] [M] du surplus de ses demandes,
-Condamné la société Thom à payer à M. [Y] [M] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Débouté la société Thom de sa demande reconventionnelle,
-Condamné la société Thom aux éventuels dépens.
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Chambéry du 4 novembre 2021 pour le surplus de ses dispositions frappées d’appel,
Statuant à nouveau sur les chefs d’infirmation,
-Dit que le licenciement de M. [Y] [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;
-Déboute M. [Y] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel;
Condamne M. [Y] [M] aux entiers dépens, en cause d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 23 Novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère en remplacement du Président légalement empêché, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier P/ Le Président