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SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2018
Rejet
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 994 F-D
Pourvoi n° H 16-21.299
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Sit Seferis Lille, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 27 mai 2016 par la cour d’appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l’opposant à Mme Anne-Lise Y…, domiciliée […] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 23 mai 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. C… , conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. C… , conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Sit Seferis Lille, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Caen, 27 mai 2016), que Mme Y… a été engagée le 1er novembre 2006 par la société Sit seferis Lille en qualité de vendeuse qualifiée ; qu’elle a été licenciée pour faute grave le 6 janvier 2010 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Sit Seferis Lille fait grief à l’arrêt de dire que la salariée relevait de la classification de responsable de magasin niveau VI, de lui ordonner de remettre à sa salariée sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à compter d’un mois suivant la notification de l’arrêt, et pendant une durée de 2 mois, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés de la fonction de responsable de magasin niveau VI pour les deux documents et de réserver à la cour le pouvoir de liquider l’astreinte alors, selon le moyen, que la circonstance qu’un salarié soit amené à effectuer des tâches distinctes de celles entrant dans sa qualification ne peut justifier l’octroi d’une qualification supérieure que si l’accomplissement de ces tâches révèle qu’il remplit toutes les conditions de la qualification supérieure revendiquée ; qu’en l’espèce, la salariée avait été embauchée en qualité de « vendeuse qualifiée, niveau IV » de la convention collective du commerce de détail non alimentaire, définie comme occupant un emploi qui requiert « des compétences globales sur l’ensemble de l’activité relative au poste occupé », une aptitude à « effectuer des opérations qualifiées nécessitant une polyvalence sur plusieurs postes de niveaux inférieures », à « faire preuve d’initiative dans la résolution des problèmes », à assumer une « responsabilité limitée aux décisions d’adaptation prises dans le respect des directives et des procédures », et à « savoir communiquer sur des sujets propres à son métier, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l’expérience) dans son domaine de compétence » ; que la salariée revendiquait la qualification de « responsable de magasin » définie comme occupant un emploi exigeant « des compétences complexes qui peuvent être multiples (plusieurs filières ou activités) » et une aptitude à « effectuer des opérations qualifiées et complexes du fait de métiers connexes, de difficultés techniques laissant une marge d’interprétation », conférant « la responsabilité d’un magasin sous l’autorité et les directives du chef d’entreprise, d’un directeur ou d’un responsable commercial » et la « responsabilité d’animer, d’organiser et de coordonner son équipe » et nécessitant « de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former, contribuer à l’évaluation de ses collaborateurs et négocier avec des interlocuteurs variés » ; qu’en affirmant que la salariée qui devait assurer « la bonne tenue du magasin », « le respect du plan merchandising imposé par Bouygues Telecom », « la propreté du magasin », « le respect des procédures de réception des marchandises et de traitement/suivi du SAV imposé par Bouygues Telecom », et devait « relayer les informations reçues (du responsable de l’agence) auprès des vendeurs du magasin », assurait ainsi des responsabilités « n’incombant pas à un vendeur même qualifié », sans à aucun moment constater que l’intéressée assumait toutes les fonctions et responsabilités d’un responsable de magasin et notamment qu’elle assumait la responsabilité du magasin, qu’elle animait, organisait, formait et coordonnait son équipe, qu’elle contribuait à l’évaluation de ses collaborateurs et qu’elle négociait avec des interlocuteurs variés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16 de l’avenant du 5 juin 2008 de la convention collective nationale du commerce de détail non alimentaire, ensemble l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant recherché les fonctions réellement exercées par la salariée au regard de celles définies dans la classification fixée par la convention collective applicable, et constaté que selon la description des tâches accomplies par la salariée et justifiées par la société elle-même, elle était responsable de la bonne tenue du magasin de […], du respect du plan « merchandising » imposé par Bouygues telecom, de la propreté du magasin, du respect des procédures de réception des marchandises et de traitement du service après-vente imposé par Bouygues telecom, qu’elle devait relayer les informations reçues auprès des vendeurs du magasin, toutes responsabilités n’incombant pas à un vendeur même qualifié, la cour d’appel, qui a pu en déduire que la salariée devait bénéficier de la classification de responsable de magasin niveau 6, a légalement justifié sa décision ;
Sur deuxième moyen :
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée, en conséquence de le condamner à lui verser certaines sommes à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés-payés y afférents, au titre de l’indemnité de licenciement, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de lui ordonner de remettre à sa salariée sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à compter d’un mois suivant la notification de l’arrêt, et pendant une durée de 2 mois, l’attestation Pôle emploi et le certificat de travail rectifiés du motif du licenciement pour le premier document et de la fonction de responsable de magasin niveau 6 pour les deux documents et de réserver à la cour le pouvoir de liquider l’astreinte alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une faute grave, et à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement, la méconnaissance des instructions reçues, a fortiori lorsqu’elle cause un préjudice à l’employeur ; qu’en l’espèce, à l’appui de son licenciement, l’employeur avait reproché à la salariée qui avait oublié les clefs du commerce à son domicile le 16 décembre 2009 et avait refusé de retourner les chercher, de ne pas avoir récupéré les clefs auprès de sa collègue et d’avoir laissé le magasin fermé toute la matinée pendant la période des fêtes de fin d’année, ce qui lui avait causé un préjudice financier, qui n’était pas contesté par la salariée ; que la cour d’appel a relevé que les faits reprochés à la salariée étaient établis ; qu’en disant pourtant le licenciement de la salariée injustifié, compte tenu de son ancienneté de plus de trois ans, la cour d’appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
2°/ qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve du fait justificatif qu’il invoque et aux juges de le caractériser ; qu’en l’espèce, l’employeur avait reproché à sa salariée l’ayant seulement informé de son retard compte tenu des intempéries, de ne pas s’être présentée au travail les 17 et 18 décembre 2009 ; qu’il affirmait que la salariée n’établissait pas avoir été dans l’impossibilité de se déplacer et donc de se présenter sur son lieu de travail puisque l’attestation de la SNCF qu’elle produisait, faisait seulement état de perturbations, et non d’une absence de circulation des trains et qu’elle avait, le 18 décembre au soir, consulté un médecin situé à proximité du domicile de ses parents à 100 km de son domicile ; que les premiers juges avaient d’ailleurs relevé que la salariée ne justifiait pas avoir été dans l’impossibilité totale de se déplacer ; qu’il était constant que la salariée ne s’était pas présentée sur son lieu de travail les 17 et 18 décembre 2009 et qu’elle avait consulté un médecin près du domicile de ses parents le 18 décembre au soir ; qu’en affirmant que les absences de la salariée n’étaient pas fautives au seul prétexte que le trafic ferroviaire était perturbé en raison des intempéries, la cour d’appel qui n’a, à aucun moment, caractérisé une impossibilité absolue de la salariée de se présenter sur son lieu de travail, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail ;
3°/ que si la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, la preuve du fait justificatif incombe au salarié ; qu’en l’espèce, il était constant que la salariée ne s’était pas présentée sur son lieu de travail les 17 et 18 décembre 2009 ; que la salariée tentait de justifier ses absences en raison des intempéries ; qu’en reprochant à l’employeur de ne pas rapporter la preuve de la présence d’autres salariés ayant leur domicile à Caen qui auraient été présents à leur poste les 17 et 18 décembre litigieux, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu’en l’espèce, pour établir les irrégularités et incohérences de la salariée dans l’exécution de son travail, l’employeur avait notamment versé aux débats le compte-rendu de l’entretien préalable aux termes duquel la salariée reconnaissait les incohérences qui lui étaient reprochées, puisqu’elle reconnaissait avoir mis le téléphone d’un client « en attente sur une étagère » en violation des procédures internes et avoir réceptionné une commande sans signaler l’anomalie constatée ; qu’en affirmant que l’employeur ne justifiait pas des non-respects de procédure reprochés, sans à aucun moment ni viser ni analyser serait-ce sommairement le compte-rendu d’entretien préalable de la salariée, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;