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02/06/2023
ARRÊT N°2023/250
N° RG 21/04951 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OQTZ
FCC/AR
Décision déférée du 04 Novembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/00168)
COLOMBO BILLAUD
[P] [C]
C/
S.A.S. GRAINE DE PASTEL
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 2 6 2023
à Me Manon CABARÉ
Me Stéphane LEPLAIDEUR
CCC pole emploi
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [P] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Manon CABARÉ de la SELARL CABARE-BOURDIER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.S. GRAINE DE PASTEL
Prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD et F. CROISILLE-CABROL, conseillères chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Graine de Pastel est spécialisée dans la fabrication de parfums et produits de toilette à base de pastel.
Mme [P] [C] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 20 mai 2015 par la SAS Graine de Pastel en qualité de responsable de boutique, coefficient 140, groupe I, catégorie employés. Mme [C] travaillait au sein de la boutique d'[Localité 4].
La relation de travail était soumise, initialement, à la convention collective nationale des industries chimiques.
Suivant avenant, Mme [C] est devenue animatrice de boutique à compter du 1er janvier 2016. La convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires s’est alors appliquée. Mme [C] était classée dans la catégorie employés, niveau 5.
Mme [C] a été placée :
– en arrêt maladie du 29 novembre 2017 au 12 janvier 2018 ;
– en congé maternité du 13 janvier 2018 au 8 mai 2018 ;
– en congé parental à temps partiel (121,34 heures par mois) à compter du 1er juin 2018 ;
– en arrêt maladie à compter du 17 novembre 2018.
Par LRAR du 3 janvier 2019, la SAS Graine de Pastel a convoqué Mme [C] à un entretien préalable au licenciement fixé le 23 janvier 2019, puis l’a licenciée par LRAR du 4 février 2019. La relation de travail a pris fin au 5 avril 2019. La SAS Graine de Pastel a versé à Mme [C] une indemnité de licenciement de 1.707 €.
Le 4 février 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de rappels de salaires en qualité d’agent de maîtrise, de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés à la sous-classification et de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Par jugement du 4 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit que la classification de Mme [C] est correcte et correspond à la réalité de son poste de travail,
– débouté Mme [C] de sa demande de classification au niveau 6 et en conséquence de sa demande de rappel de salaire et congés y afférents et par voie de conséquence de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
– dit que la SAS Graine de Pastel n’a pas commis d’acte de discrimination à l’encontre de Mme [C],
– dit que le licenciement de Mme [C] n’est pas entaché de nullité pour discrimination,
– débouté Mme [C] de sa demande de nullité du licenciement au regard de son état de mère et de son état de santé et par voie de conséquence de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
– dit que le licenciement de Mme [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté Mme [C] de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de ses demandes,
– condamné Mme [C] aux entiers dépens.
Mme [C] a relevé appel de ce jugement le 17 décembre 2021, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [C] demande à la cour de :
– réformer le jugement et statuer à nouveau,
– juger que :
* la SAS Graine de Pastel a sous-classifié Mme [C] qui en sa qualité de responsable de boutique devait se voir appliquer le statut d’agent de maîtrise niveau 6 de la convention collective,
* outre la perception d’une rémunération moindre du fait de cette sous-classification, Mme [C] a subi un préjudice moral et économique supplémentaire spécifique,
* la SAS Graine de Pastel a discriminé Mme [C] au regard de son état de mère et de son état de santé,
* le licenciement est nul du fait de son caractère discriminatoire,
A titre subsidiaire :
– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Graine de Pastel à verser à Mme [C] les sommes suivantes :
* 3.304,30 € bruts à titre de rappel en application de la classification idoine et 330 € bruts de congés payés afférents,
* 1.863 € à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices liés à la sous-classification,
* 11.178 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
* 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS Graine de Pastel à lui remettre le bulletin de paie correspondant et les documents de fin de contrat rectifiés,
– condamner la SAS Graine de Pastel aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Graine de Pastel demande à la cour de :
– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
– débouter en conséquence Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner Mme [C] à verser à la SAS Graine de Pastel la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [C] aux entiers dépens.
MOTIFS
1 – Sur la classification :
La convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires prévoit les classifications suivantes :
Employés et ouvriers : niveau 5
Compétences et connaissances :
Emploi qui requiert des connaissances professionnelles reconnues par un diplôme d’étude supérieure de niveau BTS, DUT, DEUG ou équivalent (niveau III de l’éducation nationale) ou une expérience professionnelle confirmée, équivalente telle que définie à l’article 3.1 de l’accord du 5 juin 2008. Emploi exigeant des compétences générales d’animation d’équipe ou des compétences spécialisées dans une filière ou une activité.
Complexité du poste et multi activité :
Effectue des opérations complexes liées à l’animation d’une équipe ou à un poste spécialisé dans une activité nécessitant la connaissance et l’expérience professionnelles correspondantes.
Autonomie et responsabilités :
Autonomie dans les tâches confiées.
Aide à l’animation et à la coordination de l’activité de plusieurs salariés (de niveaux 1 à 4) sous la responsabilité d’un salarié de niveau supérieur.
Responsabilité étendue à l’organisation des tâches et la fixation des priorités.
Communication et dimension relationnelle :
Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former (transmettre des connaissances ou de l’expérience) dans son domaine de compétences.
Agents de maîtrise : niveau 6
Compétences et connaissances :
Emploi exigeant des compétences complexes qui peuvent être multiples (plusieurs filières ou activités).
Complexité du poste et multi activité :
Effectue des opérations qualifiées et complexes du fait de métiers connexes, de difficultés techniques, laissant une marge d’interprétation.
Complexité du poste lié à un emploi spécialisé nécessitant la connaissance et l’expérience professionnelles de la spécialisation correspondante ou lié à la gestion d’une unité nécessitant des compétences multiples.
Autonomie et responsabilités :
Autonomie limitée aux moyens mis à sa disposition dans l’organisation du magasin ou service ou dans la fonction occupée.
A la responsabilité d’un magasin, d’un service sous l’autorité et les directives du chef d’entreprise, d’un directeur ou d’un responsable commercial ou a la responsabilité d’une activité correspondant à l’emploi occupé en qualité de spécialiste.
A la seule responsabilité d’animer, d’organiser et de coordonner son équipe.
Communication et dimension relationnelle :
Emploi qui nécessite de savoir communiquer sur des sujets complexes, coopérer, former, contribuer à l’évaluation de ses collaborateurs, et négocier avec des interlocuteurs variés.
En dernier lieu, Mme [C] était classée au niveau 5 ; elle revendique le niveau 6. Il lui appartient donc d’établir qu’en réalité, elle effectuait des
tâches relevant du niveau 6, sans pouvoir se borner à indiquer que la convention collective nationale mentionnait, parmi les emplois-repères au niveau 6, l’emploi de responsable de magasin, tandis que, parmi les emplois-repères au niveau 5, figuraient des vendeurs et animateurs d’équipe, ni se baser sur la fiche Rome de management de magasin de détail.
Le contrat de travail de responsable de boutique stipulait que Mme [C] avait pour missions :
au niveau commercial :
– la vente en boutique des produits et services de la société en langue française et anglaise,
– accueil et conseil de la clientèle,
– encaissement des achats,
– gérer les réclamations des clients et autres difficultés en fonction des consignes reçues,
– animation de l’espace de vente : assurer et superviser la présentation et le rangement des articles, la mise en oeuvre des animations et des promotions en fonction des règles et consignes de merchandising, la réalisation de la vitrine,
– l’accueil de groupes,
au niveau gestion :
– réceptionner les marchandises (vérification quantitative et qualitative etc),
– stocker les marchandises livrées et assurer le rangement des produits en réserve ou en magasin,
– assurer le suivi et la vérification de l’état des stocks des marchandises et signaler toute anomalie,
– assurer la gestion administrative courante du point de vente : classement des documents administratifs, collecte des informations nécessaires à l’établissement de la paie des salariés, assurer les liens entre la direction et le point de vente,
– la bonne tenue de l’espace de vente (propreté, mise en valeur).
Ces missions n’ont pas été modifiés par l’avenant relatif au poste d’animatrice de boutique.
Elles ont été rappelées, pour partie, dans la lettre de licenciement qui évoquait les missions de vente en boutique des produits et services de la société, d’animation de l’espace de vente en assurant et supervisant la présentation et le rangement des articles, de mise en oeuvre des animations et des promotions en fonction des règles et consignes de merchandising, de réalisation de la vitrine, de réception des marchandises, de suivi et vérification de l’état des stocks des marchandises et de signalement de toute anomalie.
Les parties s’accordent pour dire que les missions listées étaient effectivement celles que réalisait Mme [C].
Mme [C] affirme qu’elle disposait de l’autonomie nécessaire pour relever du niveau 6. Il est exact qu’elle avait reçu de la SAS Graine de Pastel un ‘manuel de réussite’ qui définissait avec un très grand degré de précision les actions quotidiennes que devait faire la salariée, notamment :
– procédures de vie : administratif, mise en route de la boutique, merchandising, gestion des stocks, communication interne, horaires, reporting commercial ;
– logiciel de caisse : utilisation logiciel, shop&go, détaxe ;
– cérémonial de vente : parcours client, examen visuel et tactile, tableau diagnostic, ordonnance beauté)…
En début de journée, la salariée devait préparer des tisanes particulières, nettoyer et ranger la boutique, le tout selon des consignes spécifiques ; il était également détaillé le mode d’emploi du logiciel, ainsi que les paroles et gestes exacts que devait prononcer ou exécuter la salariée avec les clients, lors de leur entrée en boutique, de leur recherche de produits etc…
Même si ce manuel de réussite était très détaillé, il ne réduisait pas la responsable ou l’animatrice de boutique à une simple exécutante dépourvue de tout possibilité de prendre des initiatives ; il était normal que celle-ci applique la politique de l’enseigne. Mme [C] était à la fois la seule salariée et la seule personne à travailler au sein du magasin d'[Localité 4], de sorte qu’au quotidien, elle avait nécessairement une certaine autonomie, même si elle avait un interlocuteur qu’elle pouvait contacter en cas de difficultés en la personne de sa supérieure hiérarchique Mme [X], animatrice réseau France à [Localité 5]. Le niveau 6 n’exige d’ailleurs pas un degré d’autonomie absolue : ce niveau évoque simplement une autonomie limitée aux moyens mis à sa disposition dans l’organisation du magasin ; c’est le niveau 7, du statut cadre, qui exige une participation à la définition des moyens, statut que ne revendique pas Mme [C].
Ainsi, même si Mme [C] ne passait pas commande des petites fournitures directement auprès des fournisseurs et adressait ses commandes à l’assistante commerciale Mme [R], elle devait néanmoins vérifier l’état des stocks et apprécier ses besoins. Elle avait par ailleurs à la fois des missions commerciales et des missions de gestion administrative.
Infirmant le jugement, la cour juge donc que Mme [C] relevait du statut agent de maîtrise, niveau 6.
Mme [C] revendique un rappel de salaire au niveau 6 de février 2017 à avril 2019 d’un total de 3.304,30 €. Toutefois, ainsi que le souligne la SAS Graine de Pastel, son calcul est erroné car il ne prend pas en compte le salaire minimum conventionnel dû pendant les périodes concernées, ni le temps partiel de juin à novembre 2018. Le rappel de salaire s’élève ainsi à 2.406,86 € bruts, outre congés payés de 240,69 € bruts.
Mme [C] réclame également des dommages et intérêts en réparation des préjudices liés à la sous-classification : préjudice moral en faisant peser sur la salariée des responsabilités d’agent de maîtrise en la rémunérant comme une employée, préjudice lié aux droits à retraite et à chômage, préjudice lié aux difficultés de retrouver un emploi avec une simple classification d’employée. Toutefois, Mme [C] ne produit aucune pièce justifiant de ses préjudices ; elle n’établit pas de préjudice moral ; elle ne démontre pas avoir perçu des indemnités chômage ; ses droits à retraite pourront être rectifiés au vu d’un bulletin de paie conforme. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, par confirmation du jugement.
2 – Sur le licenciement :
En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.
La lettre de licenciement était ainsi motivée :
‘Vous avez été embauchée en qualité de responsable boutique à compter du 20 mai 2015. Le titre de votre poste a été modifié en animatrice boutique sans que cela emporte une modification de vos tâches.
En effet, depuis votre embauche, vous avez en charge la gestion et l’animation commerciale de la boutique d'[Localité 4]. Dans le cadre de l’exercice de vos fonctions vous avez en charge notamment:
– la vente en boutique des produits et services de la société,
– l’animation de l’espace de vente en assurant et supervisant la présentation et le rangement des articles, mettre en oeuvre les animations et les promotions en fonction des règles et consignes de merchandising, réalisation de la vitrine,
– la réception des marchandises,
– d’assurer le suivi et la vérification de l’état des stocks des marchandises et signaler toute anomalie.
Le bon accomplissement de vos missions dans le respect des directives qui vous sont données doit vous permettre d’attendre les résultats commerciaux qui vous sont fixés.
Or nous avons dû constater que vous ne remplissez pas vos missions dans la gestion et l’animation de la boutique dont vous avez la charge de manière satisfaisante par rapport aux directives qui vous sont données. Ainsi en dernier lieu, lors du contrôle réalisé par Mme [T] [I] le 23 novembre dernier il est apparu que la tenue du magasin n’était pas conforme aux directives qui vous avaient été données et rappelées lors de formations.
En effet, Mme [I] a notamment constaté que la présentation des rayons de la boutique n’était pas correctement faite avec des paquets pliés différemment, des étiquettes positionnées à l’envers sur les produits, un manque d’hygiène sur les testeurs. De même, les placards de la boutique et la réserve étaient mal rangés.
L’ensemble des constatations faites par Mme [I] démontre un manque de soin apporté dans la présentation de la boutique qui ne correspond pas à l’image de notre société et de la marque ainsi que du niveau de qualité que nous souhaitons maintenir auprès de notre clientèle. Or, nous vous rappelons que vous êtes garant de l’image de notre société auprès de la clientèle de la boutique.
Vous avez été précédemment alerté sur la nécessité d’améliorer la présentation de la boutique, dans la mesure où les clients de cosmétiques qui se rendent en boutique peuvent être sensibilisés à la présentation et la propreté.
En outre, votre niveau de connaissance sur nos produits est très insuffisant. Or, la bonne maîtrise de nos produits et de leur qualité est essentielle pour qu’ils puissent être valorisés et vendus à nos clients.
La connaissances des produits vendus est l’élément essentiel pour que vous puissiez conseiller efficacement un client et l’amener à acheter le ou les produits dont il a besoin. Afin de vous accompagner dans la connaissance des produits nous avons organisé une formation les 3 et 4 septembre 2018, au cours de laquelle les produits vous ont été présentés. Au terme de cette formation l’oral de présentation que vous avez effectué a révélé que vous aviez une mauvaise maîtrise des produits.
Un contre écrit a été effectué en octobre 2018. Vous avez obtenu une note de 24,5 sur 59, ce qui démontre que vous n’avez pas amélioré vos connaissances.
Votre connaissance insuffisante des produits que vous vendez est préjudiciable dans l’activité commerciale.
En effet, au terme de l’année 2018, il est apparu que vos défaillances dans la gestion de la boutique ont eu pour conséquence des résultats commerciaux insuffisants.
Ainsi, entre mai 2018 (retour de votre congé) et décembre 2018 le chiffre d’affaires TTC s’est établi à 70.741 euros, alors que sur la même période l’année précédente il était de 77.605 euros, soit un recul de près de 10 %.
Ces résultats en forte baisse faisaient déjà suite à un exercice 2017 qui, avec 104.905 € de CA TTC, accusait un recul de – 17 % par rapport à l’année 2016 (125.777 € de CA TTC en 2016).
Au regard des résultats de votre remplaçante entre fin novembre 2017 et début mai 2018, il est manifeste que vos mauvais résultats ne résultent pas de facteurs extérieurs, mais uniquement de vos carences dans l’exécution de vos fonctions. En effet, cette dernière a réussi à augmenter le chiffre d’affaires de 15 % sur les ventes TTC alors qu’elle avait moins d’expérience professionnelle que vous. Elle a réalisé un chiffre d’affaires TTC de 66.975 euros alors que sur la même période l’année précédente vous aviez réalisé un montant de 57.222 euros (périodes: novembre 2017-mai 2018 vs novembre 2016-mai 2017)…’
Mme [C] soutient :
– à titre principal, que son licenciement est nul en raison d’une discrimination liée à sa situation familiale et à son état de santé ;
– à titre subsidiaire, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car les griefs ne sont pas établis.
Néanmoins, elle ne tire aucune conséquence d’un licenciement nul puisqu’elle ne demande pas de dommages et intérêts pour licenciement nul, mais seulement des dommages et intérêts pour licenciement abusif. La cour n’a donc pas à examiner le moyen lié à la discrimination et au licenciement nul, mais seulement le moyen lié au licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans sa lettre de licenciement, la société reprochait à la salariée une mauvaise exécution de ses missions de gestion et d’animation de la boutique et une tenue du magasin non conforme aux directives : présentation des rayons non conforme, mauvais rangement des placards et réserves, mauvaise connaissance des produits, résultats commerciaux insuffisants avec baisse du chiffre d’affaires ; elle ne qualifiait pas expressément la nature du licenciement (disciplinaire ou non).
Dans ses conclusions, la SAS Graine de Pastel affirme avoir licencié Mme [C] pour faute ; la société ayant versé à la salariée une indemnité de
licenciement, il s’agit donc selon ses dires d’un licenciement pour faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse. Néanmoins, elle ne caractérise pas de refus délibéré ou de mauvaise volonté délibérée de la salariée de respecter les consignes données : le simple fait que, malgré les consignes et formations que Mme [C] a reçues, elle n’ait pas rangé correctement le magasin, ni eu une connaissance correcte des produits, ni atteint les résultats commerciaux que la société espérait, ne fait pas la preuve de son comportement fautif.
En réalité, ces griefs relèvent d’une insuffisance professionnelle, non fautive, c’est-à-dire d’une incapacité de la salariée à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle. Or, la cour ne peut pas requalifier un licenciement que l’employeur qualifie de disciplinaire dans ses conclusions, en licenciement non disciplinaire.
Le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé de ce chef.
La SAS Graine de Pastel employait plus de 10 salariés.
Mme [C] allègue un salaire mensuel de 1.863 €, sans expliciter son calcul, et l’employeur un salaire de 1.726,26 € qui correspond au salaire réellement perçu. Compte tenu du rappel de salaire alloué, la cour retiendra un salaire de 1.841,80 € incluant la prime d’ancienneté.
Même en tenant compte de ses arrêts maladie, au moment du licenciement, Mme [C] avait une ancienneté de 3 années pleines et non de 2 années pleines comme le soutient l’employeur.
En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour une salariée ayant 3 ans d’ancienneté au jour du licenciement, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.
Née le 13 septembre 1985, elle était âgée de 33 ans. Elle affirme s’être reconvertie en assistante maternelle ; elle ne produit aucun élément sur ses revenus après le licenciement.
Il lui sera alloué des dommages et intérêts de 6.500 €.
En application de l’article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Il convient donc d’office d’ordonner le remboursement par l’employeur au Pôle emploi des éventuelles indemnités chômage à hauteur de 2 mois.
3 – Sur le surplus :
L’employeur devra remettre à la salariée un bulletin de paie et des documents de fin de contrat rectifiés.
L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L’équité commande de mettre à sa charge les frais irrépétibles exposés par la salariée soit 3.000 €.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Mme [P] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudices lié à la sous-classification, cette disposition étant confirmée,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [P] [C] était sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Graine de Pastel à payer à Mme [P] [C] les sommes suivantes :
– 2.406,86 € bruts de rappel de salaire au niveau 6, outre congés payés de 240,69 € bruts,
– 6.500 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la SAS Graine de Pastel de remettre à Mme [P] [C] un bulletin de paie et des documents de fin de contrat rectifiés,
Ordonne le remboursement par la SAS Graine de Pastel à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Mme [P] [C] du jour de son licenciement au jour du jugement, à hauteur de 2 mois,
Condamne la SAS Graine de Pastel aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANE Catherine BRISSET.