Merchandising : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16862

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Merchandising : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/16862
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2023

(n° 132/2023, 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/16862 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMFB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Août 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n°20/12997

APPELANTE

S.A. MILLIMAGES,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 382 954 279,

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Juliette ROBIN-VERNAY plaidant pour la SELAS FIDAL, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque NAN 702

INTIMEE

Mme [U] [J]

Née le 19 mai 1979 à [Localité 6] (75)

De nationalité française

Exerçant la profession d’auteure illustratrice

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocate au barreau de PARIS, toque C 1050

Assistée de Me Jean-michel PORTAIL, avocat au barreau de BAYONNE, case 52

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société MILLIMAGES se présente comme un studio indépendant basé à [Localité 5] qui développe, produit et distribue des films et séries d’animation.

Mme [U] [J] se présente comme auteure illustratrice, travaillant depuis de nombreuses années dans le domaine du film d’animation et du jeu vidéo.

A la fin de l’année 2013, la société MILLIMAGES a eu le projet de concevoir une nouvelle série animée déclinant les aventures de deux personnages, à savoir le héros « Molang » et son compagnon « Piu Piu », précédemment créés par une illustratrice coréenne, Mme [X], auprès de laquelle la société MILLIMAGE a acquis les droits exclusifs d’adaptation et d’exploitation.

Dans le cadre de cette acquisition et de la réalisation du pilote de cette série, la société MILLIMAGES a fait appel en 2014 aux services de Mme [J], qui avait déjà collaboré avec elle sur d’autres séries d’animation en tant qu’assistante décoratrice et décoratrice couleur, pour créer la bible graphique de la série.

C’est ainsi qu’un contrat de commande et de cession de droits d’auteur a été signé le 25 février 2014 indiquant que la série d’animation serait constituée d’un nombre illimité d’épisodes de 3 à 7 minutes, une première saison de 52 épisodes de 3 minutes 30 étant alors envisagée.

Le 10 mars 2014, la société MLLIMAGES a engagé Mme [J] en qualité de cheffe décoratrice, avec le statut de technicienne intermittente salariée, pour travailler sur l’exécution des décors du pilote.

Mme [J] indique qu’en application du calendrier prévu au contrat du 25 février 2014, elle a créé les décors, notamment la maison du lapin ‘Molang’ et les paysages environnants, et y a intégré les personnages en y associant des éléments additionnels, tels que des costumes ou des accessoires.

La saison 1 de ‘Molang’ a été diffusée la première fois en France en novembre 2015 sur Canal+ Family et Piwi +, rencontrant un grand succès. Depuis 2017, les diffusions en France des cinq saisons de ‘Molang’ se sont faites sur TF1, MyTF1 et actuellement sur Canal +.

Par courriel du 29 avril 2016, Mme [J] s’est plainte auprès de la société MILLIMAGES de l’absence de toute rémunération proportionnelle au-delà de l’avance qui lui avait été réglée au moment de la conclusion du contrat, et du fait qu’elle n’était pas créditée dans le générique de ‘Molang’ au titre de la création graphique conformément au contrat, mais seulement comme chef décoratrice, voire seulement décoratrice.

Par LRAR du 29 juin 2016, la société MILLIMAGES a répondu que les décors suggérés par Mme [J] pour le pilote n’ayant pas donné satisfaction à la créatrice coréenne, avaient été modifiés sur la base d’instructions artistiques et techniques du producteur et de la créatrice coréenne et n’apparaissaient donc pas dans les épisodes de la série, reconnaissant que ces circonstances auraient dû être portées à la connaissance de Mme [J] et qu’elles n’avaient pu l’être en raison de changements intervenus dans la direction de la société MILLIMAGES.

Des discussions sont ensuite intervenues dans le courant de l’année 2016 entre les parties sans qu’une issue amiable soit trouvée au litige, Mme [J] ayant refusé de s’engager selon les termes d’un protocole transactionnel lui imposant de renoncer à ses droits proportionnels.

C’est dans ce contexte qu’après une ultime mise en demeure adressée à la société MILLIMAGES le 9 juillet 2020 restée sans réponse, Mme [J], par acte délivré le 7 décembre 2020, l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris pour voir constater l’accomplissement de ses obligations contractuelles, l’exploitation du travail livré et les atteintes portées à ses droits patrimoniaux et moraux d’auteur.

Par un jugement réputé contradictoire (la société MILLIMAGES étant défaillante) rendu le 13 août 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– dit que Mme [J] a créé et livré à la société MILLIMAGES, en application des dispositions prévues au contrat de commande et de cession de droits d’auteur du 25 février 2014, des dessins de décors intérieurs et extérieurs composant la bible graphique utilisée dans la production des épisodes de la série « Molang » ;

– dit que Mme [J] n’est pas créditée au titre de la création graphique des décors aux 52 génériques de la première saison de « Molang », ce en violation de l’article 7 du même contrat ;

– dit que la société MILLIMAGES s’est abstenue de communiquer les comptes d’exploitation de la série « Molang » à Mme [J] malgré plusieurs courriers recommandés et une mise en demeure du 9 juillet 2020, ce en violation de l’article 6 du même contrat ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de communication des comptes d’exploitation pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de crédit de celle-ci en tant que créatrice des décors aux génériques des 52 épisodes de la saison 1 de « Molang » pour les exploitations et diffusions de la série sur l’ensemble des territoires mentionnés au contrat ;

– débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son omission sur les déclarations des bulletins SACD ;

– condamné la société MILLIMAGES, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document manquant ou incomplet, passé un délai de 20 jours après la signification du jugement pour faire le compte entre les parties, à la communication :

– de tous les comptes d’exploitation de la série « Molang », certifiés par expert-comptable ou commissaire aux comptes, depuis l’année 2015 incluse à l’année 2020 incluse, soit 6 exercices comptables, pour la France et le monde,

– d’un extrait synthétique séparé, lui-même certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes, réalisé à partir des comptes d’exploitation précités, faisant clairement apparaître pour chaque année en application des pourcentages convenus dans le contrat du 25 février 20l4, les droits revenant à Mme [J] poste par poste ainsi que la somme totale des droits dus,

– de la copie de tous les contrats par lesquels la société MILLIMAGES a cédé à des tiers tout ou partie des droits dont elle est titulaire en application du contrat du 25 février 2014 ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 15 000 euros à titre de provision sur les recettes proportionnelles à déterminer après communication des comptes ;

– renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice au regard des pièces communiquées ou à défaut par voie d’assignation ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société MILLIMAGES aux dépens, dont distraction au profit de Me DANILOWIEZ, avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Le 24 septembre 2021, la société MILLIMAGES a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 30 juin 2022, la conseillère de la mise en état de cette chambre a ordonné une médiation. La médiation n’a toutefois pas permis aux parties de parvenir à une solution amiable du litige.

Dans ses dernières conclusions numérotées 4 et transmises le 8 juin 2023, la société MILLIMAGES demande à la cour :

Vu les articles L.111-1 et L.121-1 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles L. 131-3 et R. 131-2 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article 31.4 de la convention collective nationale de la production de films d’animation du 6 juillet 2004,

Vu la lettre d’engagement d’intermittent salarié du 10 mars 2014,

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son omission sur les déclarations des bulletins SACD ;

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que Mme [J] a créé et livré à la société MILLIMAGES, en application des dispositions prévues au contrat de commande et de cession de droits d’auteur du 25/02/14, des dessins de décors intérieurs et extérieurs composant la bible graphique utilisée dans la production des épisodes de la série MOLANG,

– dit que Mme [J] n’est pas créditée au titre de la création graphique des décors aux 52 génériques de la première saison de MOLANG, ce en violation de l’article 7 du même contrat,

– dit que la société MILLIMAGES s’est abstenue de communiquer les comptes d’exploitation de la série MOLANG à Mme [J] malgré plusieurs courriers recommandés et une mise en demeure du 9 juillet 2020, ce en violation de l’article 6 du même contrat,

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de communication des comptes d’exploitation pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019,

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de crédit de celle-ci en tant que créatrice des décors aux génériques des 52 épisodes de la saison 1 de MOLANG pour les exploitations et diffusions de la série sur l’ensemble des territoires mentionnés au contrat,

– condamné la société MILLIMAGES, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document manquant ou incomplet, passé un délai de 20 jours après la signification du présent jugement pour faire le compte entre les parties, à la communication :

– de tous les comptes d’exploitation de la série MOLANG, certifiés par expert-comptable ou commissaire aux comptes, depuis l’année 2015 incluse à l’année 2020 incluse, soit 6 exercices comptables, pour la France et le monde,

– d’un extrait synthétique séparé, lui-même certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes, réalisé à partir des comptes d’exploitation précités, faisant clairement apparaître pour chaque année en application des pourcentages convenus dans le contrat du 25 février 2014, les droits revenant à Mme [J] poste par poste ainsi que la somme totale des droits dus,

– de la copie de tous les contrats par lesquels la société MILLIMAGES a cédé à des tiers tout ou partie des droits dont elle est titulaire en application du contrat du 25 février 2014 ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 15 000 euros à titre de provision sur les recettes proportionnelles à déterminer après communication des comptes,

– renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice au regard des pièces communiquées ou à défaut par voie d’assignation,

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société MILLIMAGES aux dépens ;

– statuant à nouveau :

– sur la demande de dommages et intérêts au titre du droit moral allégué :

– à titre liminaire, de juger que les demandes formées par Mme [J] au titre du droit moral sont prescrites et de déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [J] au titre du droit moral,

– à titre principal, de juger irrecevables et mal fondées les demandes formées par Mme [J] au titre du droit moral et de débouter Mme [J] de toutes ses demandes sur le fondement du droit moral ;

– à titre subsidiaire, de juger que Mme [J] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice au titre du droit moral allégué et ainsi de la débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires ;

– à titre infiniment subsidiaire, de réduire significativement le montant des condamnations prononcées par le tribunal pour le ramener à de plus justes proportions ;

– sur la demande de provision sur les recettes proportionnelles :

– à titre principal,

– de juger qu’en sa qualité de cheffe décoratrice, Mme [J] ne peut prétendre à aucune rémunération proportionnelle sur les recettes de la série « MOLANG » ;

– de débouter Mme [J] de sa demande de condamnation de la société MILLIMAGES à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de provision sur les recettes proportionnelles ;

– à titre subsidiaire,

– de juger qu’en application du contrat de commande et de cession de droits d’auteur du 25 février 2014, aucune rémunération proportionnelle n’est due à Mme [J] sur la période du 2 novembre 2015 au 31 décembre 2020, compte tenu de l’avance de droits qui lui a été versée par la société MILLIMAGES ;

– de débouter Mme [J] de sa demande de condamnation de la société MILLIMAGES à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de provision sur les recettes proportionnelles ;

– sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’absence de communication des comptes d’exploitation :

– à titre principal,

– de juger irrecevables et mal fondées les demandes indemnitaires formées par Mme [J] au titre de l’absence de communication des comptes d’exploitation 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 ;

– de débouter Mme [J] de toutes ses demandes sur ce fondement ;

– à titre subsidiaire, de réduire significativement le montant des condamnations prononcées par le tribunal pour le ramener à de plus justes proportions ;

– en tout état de cause,

– de juger irrecevables et mal fondées les demandes formées par Mme [J] au titre de la liquidation d’astreinte, et en conséquence, de la débouter de toutes ses demandes à ce titre ;

– de condamner Mme [J] à payer à la société MILLIMAGES la somme de15.000 € euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner Mme [J] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SELARL 2H AVOCATS prise en la personne de Me Patricia HARDOUIN et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3 et transmises le 9 juin 2023, Mme [J] demande à la cour :

– de l’accueillir en l’ensemble de ses demandes et l’y dire bien fondée ;

Vu les articles L.111-1, L.112-1, L.112-2, L.121-1, L.122-1 du code de la propriété intellectuelle et 1217, 1231-1, 1231-6 du code civil,

Vu les moyens qui précèdent et l’ensemble des pièces apportées aux débats, dont le contrat du 25/02/14, la sommation de communiquer du 14/09/21 et le jugement dont appel ;

– de dire que Mme [J] a créé et livré à la société MILLIMAGES, en application des dispositions prévues à un contrat de commande et de cession de droits d’auteur du 25/02/14, des dessins de décors intérieurs et extérieurs ainsi que la charte graphique de la série MOLANG ; que le travail graphique original ainsi créé et livré constitue la bible graphique de la série MOLANG ;

– de dire que la société MILLIMAGES s’est abstenue de communiquer, malgré les termes du jugement dont appel, les comptes d’exploitations de MOLANG certifiés par expert-comptable ou commissaire aux comptes sur 6 exercices comptables, de 2015 à 2020, ainsi que la copie de tous les contrats par lesquels la société MILLIMAGES a cédé à des tiers tout ou partie des droits dont elle est titulaire en application du contrat du 25 février 2014 ;

– de dire que cette absence de communication est fautive et cause préjudice aux droits de Madame [J] ;

– de condamner en conséquence la société MILLIMAGES à la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts de ce point de vue ;

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société MILLIMAGES à la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts pour défaut de communication des comptes d’exploitation de la série MOLANG de 2015 à 2020, pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, malgré mise en demeure du 9 juillet 2020 ;

– condamné la société MILLIMAGES à verser à Mme [J] la somme de 15 000 euros à titre de provision sur les recettes proportionnelles ;

– retenu le principe de réparation des préjudices résultant de l’absence de crédit de Mme [J] en tant que créatrice des décors aux génériques des 52 épisodes de la saison 1 de MOLANG pour les exploitations et diffusions de la série sur l’ensemble des territoires mentionnés au contrat ;

– de réformer le jugement en ce qu’il a fixé la réparation desdits préjudices à la somme de 40.000 euros de dommages et intérêts pour l’ensemble des territoires mentionnés au contrats ;

– de condamner en conséquence la société MILLIMAGES à la somme de 104.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l’absence de crédit de Mme [J] en tant que créatrice des décors aux génériques des 52 épisodes de la saison 1 de MOLANG pour les exploitations et diffusions de la série sur l’ensemble des territoires mentionnés au contrat, sur tous supports concernés ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [J] de sa demande de réparation résultant du comportement fautif du producteur ayant causé son absence de mention comme auteur de la bible graphique de la série MOLANG dans les bulletins SACD depuis 2015 ;

– de condamner en conséquence la société MILLIMAGES à la somme de 25.000 euros de dommages et intérêts de ce point de vue ;

– de condamner la société MILLIMAGES à la somme de 6 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.

Sur les demandes de Mme [J] au titre du contrat conclu le 25 février 2014

Pour contester les manquements qui lui sont reprochés par Mme [J], la société MILLIMAGES soutient que constatant que le contrat de commande et de cession de droits d’auteur signé le 25 février 2014 ne reflétait pas la réalité de la mission confiée à Mme [J], les parties ont décidé quelques jours plus tard et d’un commun accord de modifier le cadre contractuel de leur relation, Mme [J] étant cette fois engagée en qualité de technicienne intermittente du spectacle comme cheffe décoratrice, pour travailler sur l’exécution des décors du pilote ; que l’article 31.4 de la Convention collective nationale de la production de films d’animation du 6 juillet 2004 indique que la fonction du chef décorateur est de « Traduire par l’exécution de maquettes ‘décor’ et de décors clés les directions de la réalisation » ; que telle a été la fonction effective de Mme [J] pour laquelle elle a été rémunérée ; que dans ce nouveau cadre contractuel, Mme [J] s’est en effet contentée d’effectuer des ajouts graphiques empruntés au domaine public, réalisant des décors en puisant dans le fonds commun des illustrations vectorielles très basiques sous les directives du producteur et de la réalisatrice ; qu’ainsi Mme [J] ne peut revendiquer aucun droit moral sur sa contribution, ni aucune rémunération proportionnelle sur les recettes – n’ayant effectué aucun travail sur les personnage de la série et sa lettre d’engagement ne prévoyant aucune rémunération au titre du droit d’auteur -, pas plus que la communication des comptes d’exploitation de la série puisqu’elle a perçu un salaire en tant que cheffe décoratrice ; que sa seule erreur a été d’avoir omis de dénoncer le contrat du 25 février 2014 qui ne correspond pas à la réalité, comme l’a reconnu M. [V] (producteur et dirigeant de la société MILLIMAGES).

Mme [J] répond qu’il est tout à fait habituel, en matière de production de film d’animation, de confier au créateur de la bible graphique, au moment de la réalisation du pilote et/ou au moment de la mise en production, un poste de direction artistique ou un poste de chef décorateur comme cela a été le cas en l’espèce, en vue « de la coordination logistique des programmes en cours de production » ; que la livraison de la bible graphique est intervenue en application du calendrier prévu au contrat de commande et de cession de droits d’auteur, après de fréquentes modifications et évolutions du travail, en fonction des échanges artistiques avec la production, tout au long de l’année 2014 ; que ce travail de création graphique sur la charte graphique a continué, même au-delà de la production du pilote ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de sa qualité d’auteur graphique en application du contrat de commande et de cession de droits d’auteur ; que MILLIMAGES a gravement porté atteinte ses droits en ne respectant pas ses obligations contractuelles, en ne la créditant pas comme auteur graphique mais comme « chef décoratrice » ou « décoratrice », portant ainsi atteinte à son droit moral, en ne lui versant pas la rémunération proportionnelle prévue, en omettant de lui communiquer les comptes d’exploitation et les bulletins SACD pour la série « Molang », portant ainsi atteinte à ses droits patrimoniaux.

Sur l’exécution du contrat du 25 février 2014 par Mme [J] et l’incidence de la lettre d’engagement du 10 mars 2014

Le contrat de commande et de cession des droits d’auteur conclu entre Mme [J] et la société MILLIMAGES le 25 février 2014 expose en préambule que ‘pour cette série [Molang] à l’état de développement, le producteur commande à l’auteur, qui l’accepte, un travail de recherche graphique de décors et d’éléments additionnels pour la série (ci-après “la Recherche Graphique’ / “les Travaux Graphiques’) en vue notamment de son exploitation audiovisuelle, vidéographique, cinématographique et dérivée » et l’article l indique que ‘Par travaux graphiques, les parties ont précisé au contrat qu’elles entendaient ainsi la création de l’univers graphique de la série, création de décors et modèles originaux noirs et blancs, création et mise en place de la charte graphique, de la charte couleur de la série, intégration des personnages sur décors, illustrations, éléments additionnels (costumes, accessoires…)
1: Mise en gras ajoutée par la cour.

».

L’article 2 organise les modalités de la cession des droits d’auteur au producteur permettant l’exploitation de l”uvre « en toutes langues, dans le monde entier, en tous formats, par tous les moyens de communication au public ».

Le contrat prévoit à son article 5 les rémunérations proportionnelles suivantes :

– pour l’exploitation télévisuelle en France, une rémunération constituée par les redevances réparties conformément aux règles de la SACD ;

– pour les diffusions télévisuelles dans des pays non régis par un système de droits collectifs, une rémunération proportionnelle de 0,10 % avant amortissement du coût de la série sur les recettes nettes part producteur portée à 0,20 % après amortissement ;

– pour les exploitations vidéographiques en France et à l’étranger, 0,10 % sur le prix public hors-taxes et 0,50 % sur le chiffre d’affaires net de l’éditeur vidéographique déclaré au producteur ;

– dans le cas d’une exploitation cinématographique en France, 0,10 % avant amortissement du coût de la série portée ensuite à 0,20 % ;

– en cas d’édition littéraire en France, un pourcentage de 0,25 % du prix hors-taxes payé par le public ou, à défaut, du chiffre d’affaires net réalisé par 1’éditeur ;

– en ce qui concerne le merchandising et les oeuvres multimédia, 0,10 % des RNPP avant amortissement, puis 0,20 % après amortissement du coût de la série ;

– enfin pour les exploitations par tous modes et procédés autres dans le monde entier, 0,10 % avant amortissement du coût de la série et 0,20 % postérieurement.

L’article 6 du même contrat prévoit notamment qu’« À compter de la première télédiffusion de la Série, les comptes d’exploitation seront arrêtés au 31 décembre de chaque année, et adressés à l’Auteur dans les 3 mois de leur date d’arrêté, accompagnés s’il y a lieu du produit des pourcentages revenant à l’Auteur conformément aux stipulations de l’article 5 ci-dessus. Le Producteur tiendra dans ses livres une comptabilité d’exploitation qui devra être tenue à la disposition de l’Auteur (‘) L’Auteur aura tout pouvoir pour demander justification des comptes qui lui seront fournis (‘) ».

L’article 7 « Générique » stipule que « Sous réserve de la parfaite exécution des obligations de l’Auteur prévue aux présentes, le Producteur s’engage à indiquer dans le générique de début ou de fin des épisodes de la Série la mention suivante : Création graphique : [U] [J] ou toute autre mention équivalente agréée par les parties, le cas échéant avec le ou les co-auteurs de la Création graphique (‘) ».

La lettre d’engagement en date du 10 mars 2014 prévoit que Mme [J] est engagée pour exercer les fonctions de chef décoratrice « en vue de la coordination logistique des programmes en cours de production qui seront exploités en tout ou en partie (éventuellement dans tout autre film) au seul profit de ses producteurs, par tous moyens de diffusion connus ou inconnus à ce jour, y compris le disque, la radiodiffusion, la télévision, les moyens multimédia, le système vidéo, etc. », à compter du 10 mars 2014 pour une période de 12 mois répartie comme suit : du 10 au 14, du 17 au 21, du 24 au 25 mars 2014, et moyennant, à titre de salaire, une somme forfaitaire de 140 € bruts par jour, soit sur la période, 1 920 € bruts.

Il apparaît ainsi que la mission confiée à Mme [J], en qualité de chef décoratrice, en vertu de cette lettre d’engagement (« coordination logistique des programmes en cours de production ») est distincte de celle résultant du contrat de commande et de cession des droits d’auteur du 25 février 2014 qui mentionne expressément un travail de « recherche graphique » pour la série « Molang », plus précisément défini comme « la création de l’univers graphique de la série, création de décors et modèles originaux noirs et blancs, création et mise en place de la charte graphique, de la charte couleur de la série, intégration des personnages sur décors, illustrations, éléments additionnels (costumes, accessoires…) » et qui prévoit par ailleurs la cession de droits d’auteur par Mme [J]. Les objets de ces deux contrats sont donc différents, complémentaires, et ils ont manifestement coexisté, le contrat du 25 février n’ayant au demeurant pas été formellement dénoncé ou résilié.

De fait, le contrat de commande et de cession des droits d’auteur a reçu application puisque Mme [J] produit un dossier de documents de recherche d’éléments de décor (sa pièce 5) ainsi qu’une série de visuels graphiques représentant des décors (maison, jardins, paysages, mobiliers, accessoires de décoration’) (sa pièce 8) dont il n’est pas contesté qu’ils ont été créés par elle pour le pilote, ce qui correspond précisément aux stipulations du contrat du 25 février 2014, le travail de création de Mme [J] n’étant pas exclusif d’échanges avec le producteur et/ou la personne chargée de la bible littéraire (Mme [B]), voire de demandes de ces derniers, et d’adaptations ou de modifications subséquentes des éléments graphiques comme le montrent les notes de « brainstorming » manuscrites prises par Mme [J] lors de réunions tenues entre le 18 décembre 2014 et le 15 janvier 2015 (sa pièce 4). Ces décors ont été ensuite en partie repris dans le pilote et des épisodes de la série ainsi qu’il ressort des pages 11 à 14 des écritures de l’intimée et de sa pièce 6 (capture d’écran d’un épisode « Le Cadeau » de la série sur My TF1) et exploités dans des livres (pièce 17) et sous forme de produits dérivés (pièce 9 – site internet de la société MILLIMAGES).

Mme [J] produit en outre un courriel du 7 juillet 2016 de Mme [X], la créatrice coréenne du personnage « Moland », dans lequel celle-ci exprime sa satisfaction pour le travail réalisé par l’illustratrice en des termes qui évoquent un véritable travail de conception et non pas seulement « des ajouts graphiques empruntés au domaine public » (« J’adore votre travail des décors pour Molang (‘) Nous apprécions vraiment votre beau concept pour le monde de Molang. Ces décors conviennent très bien. Je dis toujours aux gens comment vous avez travaillé dur pour développer des caractéristiques aussi fantastiques pour Molang.») et fournit le témoignage de Mme [Y], illustratrice, qui indique avoir travaillé à partir de fin janvier 2015 dans les locaux de MILLIMAGES aux côtés de [U] [J] et atteste que cette dernière est bien « la seule et unique auteur graphique des décors de la série MOLANG » et que « les dessins reproduits dans un tableau produit en annexe sont bien ceux mis au point par [U] [J] dans le cadre de la diffusion du pilote et de la série TV », lesdits dessins montrant des maisons dans des paysages et des scènes intérieures avec des mobiliers et éléments de décor tels qu’ils apparaissent sur la pièce 8 de l’intimée. Ce témoignage très circonstancié est corroboré par ceux de Mme [G] et de M. [D].

Enfin, il est acquis que Mme [J] a été créditée au générique des saisons 2, 3 et 4 de la série en tant que « créatrice graphique des décors » (pièce 41 intimée).

La société MILLIMAGES ne peut utilement se prévaloir du courriel adressé par M. [V] à Mme [J] dans lequel il indique que son erreur est « d’avoir laissé courir ce contrat [le contrat de commande et de cession de droit d’auteur] qui ne correspond pas à la réalité », ce message ayant été envoyé à une époque (juin 2016) où les relations entre les parties s’étaient fortement détériorées, la société MILLIMAGES faisant l’objet de réclamations de la part de Mme [J] qui se prévalait dudit contrat.

C’est donc à juste raison que le tribunal a retenu que Mme [J] avait créé et livré à la société MILLIMAGES, en application des dispositions prévues au contrat de commande et de cession de droits d’auteur du 25 février 2014, des dessins de décors intérieurs et extérieurs composant la bible graphique utilisée dans la production des épisodes de la série « Molang ».

Mme [J] étant à1’origine de la conception des décors des saisons 1 à 4 de la série « Molang », elle est fondée à réclamer l’application du contrat de commande et de cession de droits d’auteur conclu en février 2014 et en particulier, ses articles 5, 6 et 7 relatifs à la rémunération proportionnelle, à la reddition des comptes et à sa mention au générique au titre de la création graphique.

Sur la demande relative à la provision sur les recettes proportionnelles

La société MILLIMAGES soutient qu’aucune somme n’est due à Mme [J]. Elle fournit en cause d’appel une attestation de son commissaire aux comptes en date du 12 novembre 2021, à laquelle sont joints des extraits de compte, et de laquelle il ressort que la « rémunération de droits d’auteur » de Mme [J] s’établit à la somme de 2 047,91€. Elle fait valoir que Mme [J] a perçu, en application de l’article 5A du contrat du 25 février 2014, une avance sur rémunération proportionnelle de 12 500 euros HT qu’aux termes de l’article 5B du contrat, elle devait restituer afin de pouvoir percevoir sa rémunération proportionnelle.

Mme [J] objecte à juste raison que cette attestation qui repose sur des « sondages », selon le terme même utilisé par le commissaire aux comptes (« Nos travaux ont consisté, par sondages ou au moyen d’autres méthode de sélection (‘) »), sans examen exhaustif de tous les comptes d’exploitation de la série « Molang », laquelle a remporté un très grand succès au niveau mondial, donnant lieu à des droits d’exploitation TV et vidéo dans de nombreux pays mais également à des exploitation sous forme de livres et de produits dérivés. Il est à cet égard produit des articles de presse (pièces 43 à 45 de l’intimée) faisant état du fait que « Molang (‘) a conquis le monde » avec une diffusion dans « plus de 200 pays » et évoquant « un phénomène culturel (‘) suivi par près de 200 millions de spectateurs » et « un succès d’animation française énorme » générant « pas moins de 800 produits dérivés ». Or, les documents comptables produits mentionnent 0 € de recettes au titre des « exploitations secondaires et dérivés », et ne prend pas en compte l’existence de deux filiales à 100 % de la société MILLIMAGES, l’une au Royaume-Uni, l’autre à Hong-Kong (pièce 48 de l’intimée). L’attestation et les documents joints n’ont donc pas une force probante susceptible de remettre en cause la juste appréciation à laquelle a procédé le tribunal en allouant à Mme [J] une provision de 15 000 € à valoir sur les recettes proportionnelles non perçues.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à la communication des comptes d’exploitation de la série

Sur la violation par la société MILLIMAGES de l’article 6 du contrat

La cour estime que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mme [J] du fait de l’absence de communication des comptes d’exploitation pour les années 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, malgré de nombreuses réclamations, en lui allouant la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le non-respect par la société MILLIMAGES de la mesure de communication ordonnée par le tribunal

Mme [J] soutient que les communications effectuées par la société MILLIMAGES en novembre 2021 d’une attestation de son commissaire aux comptes et d’extraits de comptes ne sont ni probantes, ni complètes, ni conformes aux condamnations prononcées ; que cette absence de communication est fautive et lui cause un préjudice qu’il convient de réparer par l’allocation d’une indemnité de 50 000 €.

La société MILLIMAGES soutient que la cour doit se déclarer incompétente pour statuer sur cette demande de liquidation d’astreinte dès lors que le juge ne s’est pas expressément réservé le pouvoir de liquider l’astreinte et que seul le juge de l’exécution est alors compétent, nonobstant l’appel interjeté. Sur le fond, elle prétend qu’elle s’est bien conformée aux mesures de communication sous astreinte telles que prévues par le jugement.

La cour constate que Mme [J] ne sollicite pas la liquidation de l’astreinte prononcée par le tribunal, de sorte qu’elle n’a pas à se prononcer sur sa compétence à ce titre.

Comme il a été dit, l’attestation du commissaire aux comptes et les éléments comptables joints n’apparaissent pas suffisamment complets pour permettre d’établir le montant des droits dus à Mme [J]. Il est en outre observé qu’il était demandé par le tribunal la fourniture de « la copie de tous les contrats par lesquels [MILLIMAGES] a cédés à des tiers tout ou partie des droits dont elle est titulaire en application du contrat », ce qui n’a pas été fait.

La résistance de la société MILLIMAGES à fournir l’intégralité des informations nécessaires à l’évaluation des droits dus à Mme [J] porte nécessairement préjudice à cette dernière et justifie sa condamnation à verser à l’intimée la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande relative à l’absence de crédit de Mme [J] en tant que créatrice des décors des épisodes de la saison 1

Sur la prescription de la demande

La société MILLIMAGES soutient que la demande fondée sur le ‘droit moral’ (absence de crédit de Mme [J]) est prescrite dès lors que Mme [J] a attendu le 7 décembre 2020 pour l’assigner, soit plus de 5 ans suivant la découverte des faits litigieux lors de la diffusion de la saison 1 de « Molang » sur Canal + et Piwi + le 2 novembre 2015.

Mme [J] répond qu’elle a adressé différents courriers de mise en demeure, le dernier du 9 juillet 2020, préalablement à l’assignation ; qu’elle s’est aperçue du problème seulement en 2016 ce dont atteste son mail du 29 avril 2016 à M. [R], directeur de studio ; que la saison 1 de ‘Molang’ a été plusieurs fois rediffusée en France depuis 2015 et qu’il existe des visionnages possibles à la demande (notamment sur NETFLIX…), de sorte que son préjudice est actuel, renouvelé de façon continu et ne s’est pas arrêté en 2015, ni en France, ni dans le monde.

Selon l’article 1244 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

En l’espèce, il est constant que la saison 1 de « Molang » a été diffusée la première fois en France en novembre 2015 sur les chaînes Canal+ Family et Piwi +. Par courriel du 29 avril 2016, Mme [J] a écrit à M. [R], directeur de studio chez MILLIMAGES : « En regardant le générique de Molang de plus près, je ne suis citée qu’en tant que chef décorateur, alors que sur mon contrat d’auteur signé, il est stipulé que le producteur s’engage aussi à mettre sur le générique de début ou de fin « création graphique : [U] [J] » (‘) Donc dans le respect du contrat signé, cela serait super de corriger le tir (‘) ». Les termes du courriel de Mme [J] révèlent que ce n’est que fin avril 2016 qu’elle a découvert l’absence de crédit sur les épisodes de la saison 1. L’assignation étant du 7 décembre 2020, sa demande à ce titre n’est pas prescrite. La fin de non-recevoir de la société MILLIMAGES sera donc rejetée.

Sur le bien fondé

La société MILLIMAGES conteste toute violation du droit moral de Mme [J], faisant valoir que celle-ci ne démontre pas l’originalité de sa contribution et qu’en tout état de cause, aucune atteinte n’est caractérisée dès lors que la mention « Création Graphique : [U] [J] » prévue au contrat était conditionnée à la création, par Mme [J], de tout « l’univers graphique de la série » et que Mme [J] n’a pas créée l’univers graphique de la série « MOLANG » au sens de ce contrat, mais a uniquement travaillé sur quelques décors du pilote et en exécution des directives artistiques et techniques de Mme [B] (réalisatrice de la saison 1) et de M. [V] (producteur et dirigeant de la société MILLIMAGES) ; qu’en toute hypothèse, Mme [J] ne démontre pas son préjudice ; que le montant de la condamnation doit en tout état de cause être ramené à de plus justes proportions.

Mme [J] demande la réformation du jugement, réclamant la somme de 104 000, soit 52 000 € pour l’absence de mention de la qualité d’auteure graphique aux 52 génériques de la saison 1, cette réparation valant uniquement pour les préjudices subis du fait des diffusions et rediffusions en France (soit 500 euros par générique des 104 diffusions), et la même somme pour les diffusions des génériques de la saison 1 à l’étranger compte tenu de l’importance du succès remporté par la série.

Mme [J] étant à1’origine de la conception des décors des saisons 1 à 4 de la série « Molang », comme il a été dit, elle est fondée à réclamer l’application de l’article 7 précité du contrat de commande et de cession de droits d’auteur relatif à sa mention au générique au titre de la création graphique, l’argumentation de la société MILLIMAGES étant donc vaine, y compris en ce qu’elle conteste l’originalité des créations de Mme [J] puisque celle-ci n’agit pas en contrefaçon de ses droits d’auteur mais en exécution du contrat.

Eu égard notamment au succès de la série, la cour estime que les premiers juges, selon des motifs adoptés, ont fait une exacte appréciation du préjudice de Mme [J] en lui allouant la somme de 40 000 € en raison de l’absence de crédit de son nom en tant que créatrice graphique aux génériques des 52 épisodes de la saison 1 de « Molang ». Le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur la demande relative à l’absence de mention de sa qualité d’auteur de la bible graphique de la série dans les bulletins de la SACD

Mme [J] demande l’infirmation du jugement, faisant valoir que MILLIMAGES ne lui ayant jamais communiqué les bulletins SACD pour la série ‘Molang’ afin qu’elle puisse se déclarer, dès l’origine, comme auteur de la bible graphique de la série, elle ne peut pas percevoir les droits collectifs gérés par la SACD, en contrepartie des diffusions en France, pour les 5 saisons créées et déjà diffusées ; que MILLIMAGES n’a jamais informé les autres auteurs concernés de la série ‘Molang’ des droits de Mme [J] pour qu’un partage soit établi entre eux, intégrant Mme [J].

La société MILLIMAGES répond qu’aucune faute n’est démontrée à son encontre ; qu’elle ne s’est jamais chargée de fournir les bulletins de déclaration SACD, ni de les remplir ; que conformément à l’article 5.B/1 du contrat du 25 février 2014, il incombe à chaque auteur de faire lui-même les démarches nécessaires à ce titre, en accord avec les autres auteurs de la série.

L’inaction fautive de la société MILLIMAGES n’est pas caractérisée de ce chef, le contrat du 25 février 2014 prévoyant à son article 5.B/1 qu’« Il appartiendra l’auteur d’inscrire l”uvre au répertoire de la S.A.C.D. conformément à la règlementation interne de cette société (‘) ».

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [J] de sa demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles

1La société MILLIMAGES, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société MILLIMAGES au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme [J] peut être équitablement fixée à 6 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société MILLIMAGES quant à la demande de Mme [J] relative à l’absence de crédit au générique des épisodes de la saison 1 de la série,

Condamne la société MILLIMAGES à payer à Mme [J] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la non transmission de l’ensemble des éléments comptables et contractuels dont la communication a été ordonnée par le tribunal,

Condamne 1a société MILLIMAGES aux dépens d’appel et au paiement à Mme [J] de la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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