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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
18e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 JUIN 2018
N° 2018/746
Rôle N° RG 17/08279 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BAON4
Sébastien X…
C/
Jean-Pierre Y…
SAS SOCULTUR
Association CGEA AGS
Grosse délivrée
le :15 juin 2018
à :
Me Elise Z…
Me Christine ZZ…
Me Laurence AA…
Me YY… A…
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section Commerce – en date du 29 Mars 2017, enregistré au répertoire général sous le n°F 14/02592.
APPELANT
Monsieur Sébastien X…, demeurant […]
représenté par Me Elise Z…, avocat au barreau de CAEN, vestiaire : 102
INTIMES
Maître Jean-Pierre B… es qualités de Mandataire Liquidateur de la Société MILONGA., demeurant […]
représenté par Me Christine ZZ…, avocat au barreau de MARSEILLE
SAS SOCULTUR, prise en la personne de son représentant légal domicilié […]
représentée par Me Laurence AA…, avocat au barreau de MARSEILLE, Me C…, avocat au barreau de PARIS, Me Brigitte D…, avocat au barreau de BORDEAUX,
Association CGEA AGS, demeurant […]
représentée par Me YY… A… de la SELARL CABINET YY… A…, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François E…, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le o6 avril 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Monsieur Christophe RUIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Christophe RUIN, Président
Mme Marina ALBERTI, Conseiller
Monsieur Yann CATTIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2018.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2018.
Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La SA MILONGA a été créée le 21 mars 2000 avec pour objet social l’import, le négoce, la vente de produits et services en rapport avec l’activité musicale ainsi que l’exploitation, directe ou indirecte, de fonds de commerce spécialisés dans ces produits et services.
La société MILONGA, qui est une filiale de la société holding SODIVAL, fait partie du groupe SODIVAL qui comprend également les sociétés SOCULTUR, SODIART et SOVENAM.
Le 25 juillet 2013, une déclaration de cessation des paiements était effectuée concernant la société MILONGA.
Par jugement du 29 juillet 2013, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société MILONGA, fixé provisoirement au 25 juillet 2013 la date de cessation des paiements et la fin de la période d’observation au 29 janvier 2014. Maître F… était désigné en qualité d’administrateur judiciaire.
La liquidation judiciaire de la société MILONGA, sans poursuite d’activité, a été prononcée par le tribunal de commerce de Marseille selon jugement du 2 octobre 2013. La SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B…, a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA.
Après la tenue de deux réunions de consultation du comité d’entreprise, le liquidateur judiciaire a présenté un plan de sauvegarde de l’emploi dans un document unilatéral qui a été envoyé à la Direccte le 7 octobre 2013 (accusé de réception du 9 octobre 2013).
Chaque salarié de l’entreprise MILONGA a reçu des propositions de reclassement interne au sein de la société SOCULTUR.
Par une décision du 10 octobre 2013, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur a homologué le document élaboré par le liquidateur judiciaire de la société MILONGA contenant un plan de sauvegarde de l’emploi concernant le projet de licenciement collectif pour motif économique de tous les salariés de la société MILONGA qui ne pourraient être reclassés.
À compter du 10 octobre 2013, Maître Jean-Pierre B…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, a adressé aux salariés de cette entreprise les offres de poste en reclassement externe qu’il avait reçues.
À compter du 21 octobre 2013, les salariés (non protégés) de la société MILONGA n’ayant pas accepté les offres de reclassement ont été licenciés.
À compter du 31 octobre 2013, le mandataire liquidateur de la société MILONGA a demandé à l’inspection du travail l’autorisation de procéder au licenciement pour motif économique des salariés protégés. À compter du 6 novembre 2013, l’inspecteur du travail autorisait le licenciement pour motif économique des salariés protégés de la société MILONGA et à compter du 7 novembre 2013 le liquidateur judiciaire notifiait ces licenciements.
Des salariés ont demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 octobre 2013 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur a homologué le document élaboré par la SCP B…-W…, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MILONGA, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.
Par un jugement du 4 mars 2014 le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision d’homologation de la Direccte. Par un arrêt du 1er juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté les appels formés par la SCP B…-W… et par le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social contre ce jugement. Par un arrêt du 30 mai 2016, le Conseil d’État a rejeté les pourvois de la SCP B…-W… et du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Sur les 163 salariés de la société MILONGA au jour de la liquidation judiciaire (dont 8 auraient accepté une proposition de reclassement au sein de la société SOCULTUR : Messieurs G… H…, I… DE CASTRO, Bertrand J…, Pierre K…, Manuel L…, Jonathan M…, CC… LAFONTAINE et Mickael N…), environ 110 ont saisi le juge prud’homal pour contester notamment leur licenciement.
Au dernier état justifié de la relation contractuelle, Monsieur Sébastien X… était employé à temps complet en qualité de responsable univers campus LCM (statut agent de maîtrise / lieu de travail : site de […] / date d’ancienneté : 1er octobre 2003 / sur les trois derniers mois complets de travail : salaire mensuel brut de base de 1.725 euros mais rémunération mensuelle brute moyenne de 2.100 euros). Son licenciement lui a été notifié le 21 octobre 2013 par le liquidateur judiciaire.
Par jugement rendu contradictoirement en date du 29 mars 2017 (saisine du 22 septembre 2014), le conseil de prud’hommes de Marseille (section commerce) a :
– dit les demandes introduites par le requérant au visa des conséquences de l’annulation de la décision d’homologation, sur le fondement des dispositions des articles L. 1235-10 et L. 1235-16 du code du travail, inapplicables aux entreprises en liquidation judiciaire ;
– dit que les demandes introduites par le requérant au visa des conséquences de l’annulation de la décision d’homologation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont infondées ;
– dit la procédure de licenciement pour motif économique menée par Maître Jean-Pierre B…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, régulière et légitime ;
– dit que les demandes introduites par le requérant au visa de l’accord de méthode du 30 mai 2013, devenus illicites sous l’égide de la loi du 14 juin 2013, sont infondées et injustifiées tant dans leur principe que dans leur quantum ;
– dit que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables au cas d’espèce ;
– dit que la SAS SOCULTUR à l’enseigne commerciale CULTURA n’a pas la qualité d’employeur ou de co-employeur de la partie demanderesse ;
– dit que le requérant bénéficie des dispositions de l’article L. 1233-58 du code du travail quant à l’obtention de dommages et intérêts ;
– fixé la créance de Monsieur Sébastien X…, au titre de dommages et intérêts, à valoir sur la liquidation judiciaire administrée par Maître Jean-Pierre B…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, à la somme de 12.423,12 euros ;
– débouté Monsieur Sébastien X… du surplus de ses demandes ;
– débouté les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– dit le jugement commun et opposable au CGEA de Marseille en qualité de gestionnaire de l’AGS dans les limites de l’article L. 3253-8 du code du travail ;
– dit que le jugement bénéficiera de l’exécution provisoire de droit dans la limite des plafonds définis par l’article R. 1454-28 du code du travail ;
– condamné Maître Jean-Pierre B…, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, à payer à Monsieur Sébastien X… la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que les entiers dépens sont à la charge de la partie défenderesse.
Le 27 avril 2017, Monsieur Sébastien X… a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions notifiées le 19 septembre 2017 par le CGEA de Marseille en qualité de gestionnaire de l’AGS ;
Vu les conclusions notifiées le 13 mars 2018 par Monsieur Sébastien X… ;
Vu les conclusions notifiées le 19 mars 2018 par Maître Jean-Pierre B… en qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA ;
Vu les conclusions notifiées le 20 mars 2018 par la SAS SOCULTUR ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2018 ;
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Monsieur Sébastien X… conclut à la réformation du jugement et demande que la cour :
– juge que les agissements de la société SOCULTUR à l’égard de la société MILONGA caractérisent le transfert d’une entité économique autonome dont l’activité a été reprise et poursuivie;
– constate en toute hypothèse l’existence d’une confusion de patrimoines manifeste entre la société MILONGA et la société SOCULTUR ayant eu pour effet d’aboutir à la fictivité de la société MILONGA ;
– dise que les critères permettant de considérer que la société SOCULTUR a la qualité de co-employeur à l’égard du concluant sont réunis et juge en conséquence que la société SOCULTUR a nécessairement à son égard la qualité d’employeur ;
– constate que le concluant peut revendiquer l’accord de méthode du 30 mai 2013 contenant le plan de sauvegarde de l’emploi qui devait être appliqué à toute mesure de licenciement pour raison économique de plus de 9 salariés jusqu’à la date du 31 décembre 2014 ;
– dise qu’à raison de l’inapplication de l’accord de méthode du 30 mai 2013 contenant le plan de sauvegarde de l’emploi, le salarié a été injustement privé de l’ensemble du dispositif de reclassement, interne et externe, prévu aux termes de ce plan et, à titre subsidiaire, si par impossible il était jugé que le préjudice lié à la privation de l’ensemble des dispositions du plan ne constituait pas un préjudice distinct, intègre l’ensemble des demandes liées à la privation du plan dans l’indemnité due au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ;
– juge son licenciement nécessairement irrégulier et/ou dénué de cause réelle et sérieuse;
– en conséquence, condamne la société SOCULTUR à lui verser les sommes suivantes:
* 11.845,86 euros correspondant au cumul de 4.120,30 euros au titre de l’indemnité de congé de reclassement à 100 % et 7.725,56 euros au titre de l’indemnité de congé de reclassement à 75 % (sommes dues en application de l’accord du 30 mai 2013),
* 32.962,40 euros au titre de la majoration de la prime de licenciement (somme due en application de l’accord du 30 mai 2013),
* 20.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par l’accord de méthode du 30 mai 2013,
* 4.120,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 412,03 euros au titre des congés payés afférents,
* 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– à titre subsidiaire, si la qualité d’employeur ou de co-employeur de la société SOCULTUR n’était pas retenue, fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MILONGA les sommes suivantes au titre de ses créances :
* 11.845,86 euros correspondant au cumul de 4.120,30 euros au titre de l’indemnité de congé de reclassement à 100 % et 7.725,56 euros au titre de l’indemnité de congé de reclassement à 75 % (sommes dues en application de l’accord du 30 mai 2013),
* 32.962,40 euros au titre de la majoration de la prime de licenciement (somme due en application de l’accord du 30 mai 2013),
* 20.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par l’accord de méthode du 30 mai 2013,
* 4.120,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 412,03 euros au titre des congés payés afférents,
* 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– en tout état de cause, déclare l’arrêt commun et opposable à l’AGS-CGEA, déboute la société SOCULTUR ainsi que Maître Jean-Pierre B… ès qualités de l’ensemble de leurs demandes, condamne la société SOCULTUR et en tant que de besoin les organes de la procédure collective aux entiers dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, la SAS SOCULTUR conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté toutes les demandes à son encontre et sollicite que la cour :
– à titre principal, juge que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas applicables au cas d’espèce, juge que la société SOCULTUR n’a pas la qualité de co-employeur et qu’il n’existe pas de confusion de patrimoine entre les sociétés SOCULTUR et MILONGA ayant pour effet d’aboutir à la fictivité de la société MILONGA ;
– à titre subsidiaire, juge que la demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents n’est pas fondée, juge que l’accord de méthode du 30 mai 2013 est inapplicable et que les indemnités demandées à ce titre (indemnité de congé de reclassement, indemnité complémentaire de licenciement pour motif économique et indemnité pour privation du dispositif de reclassement externe) ne sont pas fondées, juge que la demande d’indemnité pour licenciement irrégulier et/ou sans cause réelle et sérieuse est injustifiée tant en son principe que dans son montant;
– en tout état de cause, déboute Monsieur Sébastien X… de toutes ses demandes et le condamne aux entiers dépens ainsi qu’à lui verser une somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, la SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de Monsieur Sébastien X… à lui verser une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’Unédic délégation AGS, conclut que la cour doit :
– à titre principal, sur les demandes de condamnation de la société SOCULTUR, juger inopposables à l’AGS les éventuelles condamnations de la société SOCULTUR, condamner la société SOCULTUR à verser à l’AGS la somme de 459.675,99 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux avances réalisées et non récupérées dans le cadre de la liquidation de la société MILONGA ou, à titre subsidiaire, condamner la société SOCULTUR à verser à l’AGS l’équivalent des avances faites pour le compte de l’appelant à titre de dommages et intérêts ;
– à titre subsidiaire, sur les demandes de fixation au passif de la société MILONGA :
* confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’appelant de ses demandes découlant de l’accord de méthode du 30 mai 2013 ou, subsidiairement, constater que le calcul de l’indemnité est erroné,
* en tout état de cause, dire les demandes inopposables à l’AGS, confirmer le jugement en ce qu’il a dit régulière et légitime la procédure de licenciement et débouté l’appelant de ses demandes à ce titre, juger que le licenciement repose sur un motif économique incontestable, constater que l’annulation de la décision d’homologation n’est pas imputable à la société MILONGA, s’agissant d’une annulation en raison de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens du groupe, débouter en conséquence l’appelant de ses demandes dirigées à l’encontre de la société MILONGA sur ce fondement, infirmer le jugement en ce qu’il a fixé au passif de la procédure collective de la société MILONGA des indemnités sur le fondement de l’article L. 1233-58 du code du travail, débouter l’appelant de ses demandes,
* condamner la société SOCULTUR à verser à l’AGS des dommages et intérêts équivalents aux éventuelles fixations prononcées sur ce fondement au passif de la société MILONGA;
– en tout état de cause, relever les conditions et limites de la garantie de l’AGS.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
MOTIFS
En application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées. La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
– Sur la mise en cause de la société SOCULTUR –
L’appelant soutient qu’il y a eu entre la société MILONGA et la société SOCULTUR un transfert de l’ensemble de l’activité et des actifs (corporels comme incorporels) correspondant à un transfert d’entité économique autonome au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail, qu’en conséquence les contrats de travail des salariés affectés à cette entité devaient également être transférés à la société SOCULTUR.
En ce sens, il affirme que la société SOCULTUR a accaparé toute la substance de la société MILONGA et a organisé la cessation totale et complète d’activité de la société MILONGA en s’appropriant l’ensemble des éléments corporels et incorporels lui permettant d’assurer elle-même la commercialisation des instruments de musique et l’enseignement de la musique (appropriation de la connaissance des instruments de musique, appropriation de la connaissance de l’enseignement de la musique, appropriation des techniques de commercialisation des instruments de musique, appropriation totale de la relation fournisseurs, appropriation du logiciel de gestion de l’activité de la société MILONGA, appropriation des données ressources humaines – recrutement – formation des salariés vendeurs d’instruments de musique ou professeurs de musique – et des données comptables, appropriation des fichiers clients, appropriation des stocks de la société MILONGA permettant la commercialisation des instruments de musique, appropriation des marques déposées par la société MILONGA, appropriation de la clientèle de la société MILONGA) sans toutefois procéder à un rachat légal de cette activité et sans assumer les conséquences salariales.
Il relève que la société SOCULTUR a sciemment réduit à néant l’activité réellement valorisable de la société MILONGA et a organisé l’état de cessation des paiements, alors que les mêmes banques soutenaient l’activité des sociétés SOCULTUR et MILONGA, puis a choisi de déposer le bilan de cette entreprise au coeur de l’été pour s’assurer qu’aucun repreneur ne sera trouvé et condamner ainsi la société MILONGA à une liquidation judiciaire.
L’appelant fait valoir que le rapport d’expertise O… invoqué par la société SOCULTUR est sans intérêt sur ce point puisqu’il ne traite absolument pas de la question du transfert des actifs mais seulement de la question des raisons économiques de la liquidation et de l’absence de toutes malversations financières.
Il conclut que son employeur étant la société SOCULTUR du fait du transfert légal du contrat de travail, et non la société MILONGA, son licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse. Il ajoute que selon les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, il peut opposer à la société SOCULTUR les droits qu’il a acquis au titre de l’application des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi faisant l’objet de l’accord collectif du 30 mai 2013.
Subsidiairement, l’appelant soutient qu’en raison de la confusion des patrimoines des sociétés SOCULTUR et MILONGA ainsi que du pillage d’activités et d’actifs susvisés, la société MILONGA n’était plus qu’une coquille vide et donc un employeur fictif, qu’en conséquence son seul employeur était la société SOCULTUR.
Toujours subsidiairement, l’appelant fait valoir qu’en tout état de cause la notion de co-emploi peut être retenue du fait d’une confusion d’intérêts, d’activité et de direction entre les sociétés SOCULTUR et MILONGA. En ce sens, il relève que les deux sociétés avaient le même président directeur général (Monsieur BB… XX…), que la société MILONGA était dirigée concrètement par des cadres salariés de la société SOCULTUR qui disposaient de postes stratégiques (Messieurs P… et Q…), que la société MILONGA était intégralement détenue (actionnaire unique) par la holding du groupe SODIVAL, comme la société SOCULTUR, que les activités des sociétés sont devenues identiques dans le cadre du pillage susvisé, que les actifs et moyens de la société MILONGA ont été accaparés par la société SOCULTUR, que la société MILONGA avait perdu toute autonomie tant financière que de gestion. Il conclut que la société SOCULTUR étant co-employeur, son licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse, qu’il devait bénéficier de la part de la société SOCULTUR d’une période indemnisée de préavis et de la mise en oeuvre de l’accord du 30 mai 2013.
La société SOCULTUR expose que sur demande du liquidateur judiciaire, une expertise a été ordonnée par le juge-commissaire en date du 11 décembre 2013 pour déterminer les causes de la déconfiture de la société MILONGA ainsi que la nature et l’étendue des relations entre la société MILONGA et les autres sociétés du groupe SODIVAL, notamment SOCULTUR. Elle souligne que le rapport de l’expert O… a écarté la responsabilité des sociétés du groupe SODIVAL dans la déconfiture de la société MILONGA.
La société SOCULTUR fait valoir que compte tenu des difficultés économiques importantes que présentait déjà la société MILONGA lors de son intégration au groupe SODIVAL, des mesures d’envergure ont été mises en oeuvre pour redresser la situation de cette entreprise, traduisant la volonté du groupe de sauver la société MILONGA en lui conservant toute son autonomie en matière de gestion et de stratégie de développement et non de la piller ou de provoquer sa déconfiture, comme suit à compter de 2009 :
– la holding SODIVAL (et non la société SOCULTUR) va financer la recapitalisation de la société MILONGA à hauteur de 14 millions d’euros (hors remboursement des dettes bancaires prises en charge, du fait de la cessation des paiements de la société MILONGA, par la société SODIVAL à hauteur de 9 millions d’euros au titre de ses engagements de caution) ;
– la structuration des ressources humaines de la société MILONGA est revue et la direction de cette entreprise va impulser le développement des produits à marque propre avec une équipe dédiée (ELLIPSE, DRUMTECK, etc.) ;
– la société MILONGA continue à ouvrir des magasins pour assurer une bonne couverture du réseau national, recrute du personnel, développe ses écoles de musique, renforce ses soutiens bancaires en intégrant de nouveaux partenaires financiers et rachète l’EURL SOVENAM pour disposer d’une gamme complète autour de l’instrument de musique.
La société SOCULTUR indique que tous les efforts réalisés n’ont pas permis de redresser la situation financière de la société MILONGA, compte tenu notamment des charges fixes de l’entreprise et du fait que le marché des instruments de musique devenait de plus en plus concurrentiel et difficile, qu’il s’est alors avéré nécessaire de supprimer certains magasins de musique. Elle soutient que ces résultats déficitaires vont conduire la banque HSBC à dénoncer son concours bancaire dès avril 2012 et les commissaires aux comptes du groupe à imposer une provision pour dévalorisation des titres de la société MILONGA détenus par la société holding SODIVAL, provisions et consolidation des parts entraînant des déficits pour la holding en 2011 et 2013. Pour tenter de redresser la situation, la direction de la société MILONGA était réorganisée à l’automne 2011, avec notamment les départs de Monsieur R… et de Monsieur S… et le recrutement de Monsieur P… qui avait acquis une solide expérience au sein de SOCULTUR. La stratégie commerciale était alors revue au niveau du groupe, en instaurant dans ce cadre une alliance MILONGA-SOCULTUR (MILONGA réorientant son activité vers la clientèle expérimentée et les produits moyen/haut de gamme alors que SOCULTUR se positionnait sur le marché des débutants et les produits ou articles sans technicité), ainsi que les coûts de production avec la volonté de diminuer les charges fixes de la société MILONGA, notamment par une mutualisation des moyens et une recherche de synergie entre MILONGA et SOCULTUR, tout en permettant à chaque enseigne de se différencier sur son marché et à chaque entreprise de conserver son autonomie et son identité (rachat par SOCULTUR de certains fonds de commerce non rentables et d’une partie du stock permettant un apport de trésorerie pour MILONGA ; déménagement du siège de MILONGA dans les locaux du siège de SOCULTUR à Bordeaux ; mutualisation des fournisseurs de marques propres ; mutualisation de la logistique ; arrêt de l’activité déficitaire e-commerce de MILONGA ; projet de plan de sauvegarde de l’emploi initié début 2013 en rapport avec la suppression envisagée d’environ 50 emplois comme suite notamment à la décision de fermeture de 4 magasins etc.).
La société SOCULTUR soutient que l’activité de la société MILONGA n’aurait pas pu être poursuivie sans son soutien et la crédibilité qu’apportait auprès des banques le partenariat entre les deux entreprises du groupe sachant qu’autrement aucune banque n’aurait continué à soutenir une société chroniquement déficitaire. Toutefois, compte tenu des résultats catastrophiques de la société MILONGA qui était également à court de trésorerie, alors que les banques manifestaient début 2013 leur inquiétude et durcissaient les conditions de crédit, la société SOCULTUR rachetait le 1er juillet 2013 un quart du stock des entrepôts de la société MILONGA pour environ 2 millions d’euros, ce qui n’impactait pas l’activité de l’entreprise mais permettait à MILONGA de faire face à ses échéances. Le 11 juillet 2013, la Société Générale dénonçait son concours en indiquant que les lignes de crédit prendraient fin au mois de septembre 2013 (perte de 40 % du montant des lignes de trésorerie), ce qui conduisait les sociétés CIC et LCL à décider également de retirer leur soutien (perte de 75 % du montant des lignes de trésorerie de la société MILONGA). Du fait de la disparition du concours des banques, la société MILONGA ne pouvait plus faire face à ses échéances et la société holding SODIVAL devait, en application de ses engagements de caution, rembourser immédiatement les dettes de MILONGA à hauteur de 9 millions d’euros.
La société SOCULTUR fait valoir qu’en conséquence de la situation susvisée, la société MILONGA se trouvait en juillet 2013 en état de cessation des paiements et ne pouvait plus financer le plan de sauvegarde de l’emploi, que du fait également du refus de l’administrateur judiciaire de régler par la suite les fournisseurs à la livraison la liquidation judiciaire de la société MILONGA devenait inéluctable.
Comme suite à la liquidation judiciaire, la société SOCULTUR expose qu’elle a identifié 253 possibilités de reclassement en son sein pour 163 salariés de la société MILONGA dont le licenciement était envisagé, qu’elle a proposé ces postes au liquidateur judiciaire auquel il appartenait de procéder à des offres personnalisées pour chaque salarié, qu’elle a mis en place une cellule de reclassement spéciale et s’est engagée à former les salariés reclassés pour que chaque employé de la société MILONGA puisse retrouver un emploi au sein du groupe SODIVAL, que chaque salarié a reçu des propositions personnalisées de reclassement de la part du liquidateur mais que seuls 8 salariés de MILONGA ont accepté de rejoindre SOCULTUR.
La société SOCULTUR relève que l’argumentation de l’appelant est incohérente, confuse et contradictoire en ce que celui-ci soutient à la fois un transfert d’une entité économique autonome fondant le transfert de son contrat de travail vers SOCULTUR et une situation de coemploi du fait d’une confusion des patrimoines mais également d’intérêts, d’activité et de direction entre MILONGA et SOCULTUR, se révélant ainsi incapable de décider si la société SOCULTUR est son employeur unique ou son co-employeur.
La société SOCULTUR fait valoir que l’article L. 1224-1 du code du travail est inapplicable en l’espèce alors que :
– l’appelant fait état du transfert d’une partie de l’activité, des services et stocks qui ne constitue pas un transfert d’une entité économique autonome (entité distincte et détachable des autres activités de la société MILONGA dotée d’un personnel propre ayant une qualification spécifique ; moyens particuliers tendant à des résultats spécifiques et à une finalité économique propre). La simple acquisition de moyens d’exploitation ne peut pas suffire à caractériser le transfert d’une entité économique autonome alors qu’il n’y a pas eu reprise d’éléments essentiels et significatifs d’exploitation. L’appelant est dans l’incapacité de préciser à quelle date la société SOCULTUR aurait été en mesure de diriger de manière autonome l’entité reprise alors que la société MILONGA n’aurait plus disposé d’une autonomie décisionnelle pour exploiter l’activité transférée. Il appartient cumulativement à l’appelant d’identifier l’entité économique autonome de la société MILONGA qui aurait été transférée, d’établir le transfert des moyens effectifs d’exploitation (corporels et incorporels) qui auraient été transférés et de démontrer le maintien au sein de la société SOCULTUR des conditions de fonctionnement de l’entité transférée ;
– la société MILONGA avait pour activité principale la vente d’instruments de musique dans des magasins spécialisés et pour activités accessoires l’e-commerce d’instruments de musique et la conception d’instruments de musique, ainsi qu’une activité de réparation des instruments de musique via sa filiale SOVENAM. Initialement, l’activité de MILONGA était dirigée tant vers la clientèle des musiciens débutants que des musiciens expérimentés, même si ces derniers ont toujours constitué le coeur de la clientèle de MILONGA, sans que des salariés ou équipes soient affectés spécifiquement à l’une des clientèles ou à la vente d’articles pour débutants, la polyvalence étant le principe. À compter de juin 2012, comme suite à une réflexion sur le développement des synergies entre les filiales du groupe (SOCULTUR et MILONGA) pour tenter de pallier les difficultés économiques de MILONGA, il a été décidé une mutualisation des moyens (logistique, approvisionnement, informatique…) et une segmentation du marché des instruments de musique (distinction clients débutants et expérimentés). L’objectif était de consolider les positions commerciales des deux enseignes (SOCULTUR et MILONGA) sans déposséder la société MILONGA de son activité et de son autonomie puisque cette entreprise a continué seule la vente des instruments de musique destinés aux musiciens confirmés mais également des instruments de musique destinés aux musiciens débutants en synergie avec SOCULTUR ;
– il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome lorsque la société SOCULTUR a commercialisé des instruments de musique de marques propres destinés aux musiciens débutants car, dans ce cadre, il n’y a pas eu de transfert d’éléments d’exploitation significatifs. Il n’y a pas eu de captation d’un savoir-faire mais uniquement un partage (ou mutualisation) des connaissances et des formations, sans transfert particulier de techniques de vente (merchandising et marketing) concernant le marché des instruments de musique destinés aux musiciens débutants alors que la société MILONGA conservait son expertise concernant les musiciens expérimentés. La société SOCULTUR ne s’est nullement appropriée le réseau de fournisseurs de la société MILONGA mais sur ce point une synergie a été développée pour réduire les coûts d’approvisionnement dans une logique de bonne gestion du groupe. La société MILONGA a continué de façon autonome à décider de ses besoins en terme d’approvisionnement, à établir ses bons de commande à l’égard de ses fournisseurs, à recevoir et régler ses factures. La société SOCULTUR n’a pas plus capté la clientèle, le nom ‘MILONGA’, les baux commerciaux (hors acquisition des fonds de commerce), les marques propres (vente du stock acquis et distribution de marques non spécifiques), les brevets, les licences ou les fichiers informatiques de la société MILONGA ;
– il n’y a pas eu transfert d’une entité économique autonome du fait de la mutualisation de certains services ou moyens (informatique et internet, regroupement du siège et des services centraux des deux sociétés sur le même site, formation etc.) effectuée pour réduire les coûts au sein du groupe. La société SOCULTUR a racheté quatre fonds de commerce déficitaires (sur 20 appartenant alors à MILONGA) et un quart du stock de la société MILONGA pour apporter de la trésorerie à cette dernière et réduire ses coûts sans qu’il y ait eu à ce titre transfert d’une entité économique autonome. Avant la liquidation judiciaire, la société MILONGA a dû fermer quatre autres magasins en juin 2013 dont les stocks n’ont pas été captés par SOCULTUR et les actifs des 12 magasins restants au moment de la liquidation judiciaire ont été vendus par le liquidateur et non repris par la société SOCULTUR ;
– la société SOCULTUR n’a pas repris l’activité de la société MILONGA. Les enseignes SOCULTUR et MILONGA correspondaient à des activités relevant du même domaine commercial mais la société MILONGA exerçait uniquement une activité centrée sur les instruments de musique et essentiellement à destination de musiciens confirmés alors que la société SOCULTUR n’a jamais visé cette clientèle ; le chiffre d’affaires des ventes d’instruments de musique à destination des musiciens débutants représente seulement 2 % du chiffre d’affaires global de cette entreprise. Il n’y a pas plus de concordance d’activité en matière d’affectation du personnel ou de doublons sciemment créés alors que sur les 253 postes de reclassement proposés pas la société SOCULTUR, 6 postes seulement correspondaient à des emplois dans le département des instruments de musique, la grande majorité des postes de reclassement nécessitant une formation spécifique pour les salariés de MILONGA dont le licenciement était envisagé ;
– dans son arrêt du 23 juin 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a considéré ‘qu’il ne ressort pas des pièces des dossiers que le personnel et les moyens corporels et incorporels de la SA Milonga aient été repris par la société Socultur dans des conditions telles que cette reprise puisse être regardée comme constitutive d’un transfert d’une entité économique autonome ; que, par suite, (le salarié) n’est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement pour motif économique le concernant n’aurait été mise en oeuvre qu’en vue de faire échec au transfert de son contrat de travail par fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail’. Le Conseil d’État n’a pas remis en cause l’analyse de la cour administrative d’appel de Marseille sur ce point.
La société SOCULTUR soutient qu’elle ne peut être considérée comme le co-employeur de Monsieur Sébastien X… au titre des confusions de patrimoine, d’intérêts, de direction et d’activité, ou fictivité de la société MILONGA, alléguées par l’appelant.
Elle fait valoir que l’appelant utilise à mauvais escient les notions de confusion de patrimoine et/ou fictivité de la personne morale qui sont des notions propres au droit des procédures collectives (L. 621-2 du code de commerce : à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale). Elle relève que le tribunal de commerce n’a pas reconnu ces notions s’agissant de la société MILONGA, que l’existence d’un groupe et la nature des relations entre les sociétés du groupe ne sauraient caractériser une confusion de patrimoine ou une quelconque fictivité d’une filiale, qu’en tout état de cause la chambre sociale de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ne serait pas compétente en la matière. Elle ajoute que l’appelant ne démontre nullement une confusion des actifs et passifs des sociétés SOCULTUR et MILONGA qui doit s’apprécier de façon stricte selon la jurisprudence commerciale.
La société SOCULTUR expose que les rapports entre la société MILONGA et elle ne correspondent pas aux critères exigés par la jurisprudence s’agissant de la confusion d’intérêts, de direction et d’activité caractérisant une situation de co-emploi. Le co-emploi ne peut résulter de la seule communauté d’intérêts économiques inhérente à un groupe mais nécessite la démonstration d’une immixtion anormale dans la gestion économique et sociale avec une perte totale d’autonomie de la société dominée. Elle soutient qu’à aucun moment la société MILONGA n’a perdu son autonomie dans sa gestion économique, financière et sociale nonobstant le fait que les dirigeants des sociétés SOCULTUR et MILONGA, qui n’étaient pas les mêmes, entretenaient des relations de partenariat assez courantes au sein d’un groupe et que certaines actions étaient coordonnées ainsi que certains moyens mutualisés. Elle ajoute que la société MILONGA a toujours exercé les pouvoirs inhérents à la qualité d’employeur (recrutement, disciplinaire, modification des contrats de travail, organisation des conditions de travail, affectation des salariés, gestion des carrières et de la formation etc.) sans immixtion d’une autre société du groupe, que la société MILONGA avait ses propres institutions représentatives du personnel et gérait de façon autonome les relations tant individuelles que collectives du travail au sein de l’entreprise, que les salariés de la société MILONGA n’ont jamais entretenu de lien de subordination à l’égard de la société SOCULTUR.
La SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, conteste toutes les affirmations de Monsieur Sébastien X… s’agissant des causes des difficultés économiques de la situation MILONGA et de l’implication du groupe SODIVAL ou de la société SOCULTUR dans la déconfiture de MILONGA, en relevant notamment que :
– la société MILONGA présentait des résultats négatifs depuis sa création comme au moment de son entrée dans le groupe SODIVAL. Lors du rachat en 2008 par la société SODIVAL, l’équipe dirigeante de la société MILONGA (notamment Monsieur R…) était maintenue en fonction et cette société restera toujours autonome en matière de gestion et de stratégie. Devant l’échec du plan de redressement initié par Monsieur Xavier R…, ce dernier est remplacé comme directeur général par Monsieur Philippe BB… XX… à compter d’octobre 2011 puis par Monsieur Christophe T… à compter d’avril 2012 ;
– dès 2009, le groupe SODIVAL a apporté un soutien financier conséquent à la société MILONGA (apport en compte courant de 13,8 millions d’euros entre 2008 et 2012) et a oeuvré au redressement de celle-ci en développant une synergie entre les sociétés du groupe pour développer l’activité de MILONGA tout en essayant de réduire les charges de cette entreprise pour en améliorer la rentabilité. Toutefois, la situation économique de la société MILONGA n’a cessé de se dégrader malgré les efforts des autres sociétés du groupe SODIVAL qui n’ont jamais pillé la société MILONGA mais l’ont au contraire constamment soutenue. En 2013, dans le cadre d’un plan de restructuration financé par le groupe et destiné à éviter la cessation des paiements de la société MILONGA, en lui apportant notamment de la trésorerie et en tentant de diminuer les charges fixes, 4 magasins MILONGA ont été fermés, 4 autres fonds de commerce, qui étaient déficitaires, ont été vendus, selon un prix tout à fait adapté, en février 2013 à la société SOCULTUR qui a repris le personnel afférent ;
– malgré l’aide constante et massive du groupe SODIVAL, la société MILONGA présentait un déficit de trésorerie de 6,2 millions d’euros au 23 juin 2013. Toujours dans le but d’améliorer rapidement la trésorerie et de diminuer les charges fixes de la société MILONGA, le siège social de cette entreprise a été transféré de Géménos à Mérignac en juillet 2013 et 26 % du stock de MILONGA a été vendu à SOCULTUR pour un peu plus de 2 millions d’euros. Une partie du stock ainsi cédée pouvait ensuite être revendue à la société MILONGA en fonction des besoins de cette dernière entreprise avec une marge limitée à 2 %, soit à un taux moindre qu’un crédit bancaire. Pour réduire encore les pertes, le site e-commerce déficitaire de la société MILONGA a été fermé en juillet 2013 ;
– à compter des dénonciations de crédit bancaire (11 juillet 2013 pour la Société Générale, soit 40 % du découvert bancaire autorisé ; 16 juillet 2013 pour LCL ; 23 juillet 2013 pour le CIC et 16 août 2013 pour la BNP) et l’obligation pour la société SODIVAL d’honorer ses engagements de caution auprès des banques (8 millions d’euros), la société MILONGA était contrainte de se déclarer en cessation des paiements le 25 juillet 2013. L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire était prononcée le 29 juillet 2013. Au 10 septembre 2013, l’état des créances déclarées était de 7.572.231 euros, mais le passif total de la société MILONGA était de 14.215.825 euros au 25 septembre 2013. Aucun plan de redressement ne pouvait être mis en place par l’administrateur judiciaire, qui devait refuser d’autoriser la livraison de marchandises par les deux principaux fournisseurs de MILONGA, compte tenu du fait que la société MILONGA n’avait pas atteint son seuil de rentabilité en 13 ans d’existence, que le groupe SODIVAL dont la rentabilité était mise en cause par les difficultés économiques de MILONGA n’apportait plus de soutien financier, qu’aucune offre sérieuse de reprise n’était présentée. Le 2 octobre 2013, la liquidation judiciaire de la société MILONGA était ordonnée, ce qui entraînait inéluctablement la fermeture de cette société et la suppression de 163 emplois ;
– au jour de l’ouverture de la procédure collective de la société MILONGA, cette entreprise exploitait encore plusieurs magasins vendant des instruments de musique. Après la liquidation judiciaire de MILONGA, la société SOCULTUR, qui disposait d’environ 60 magasins, ne vendait des instruments de musique (+ cours de musique) que dans les 4 magasins achetés le 1er février 2013 à la société MILONGA et dans deux autres magasins bordelais CULTURA à titre de test, mais avec une gamme de produits plus réduite que dans les magasins MILONGA. Sur les 253 postes de reclassement proposés par la société SOCULTUR au liquidateur judiciaire de MILONGA, seuls 13 postes concernaient la vente d’instruments de musique ;
– dans son rapport d’expertise, Monsieur O… affirme qu’aucune manoeuvre frauduleuse de la part des sociétés du groupe SODIVAL ne semble avoir été à l’origine de la déconfiture financière de la société MILONGA en général et de sa liquidation judiciaire en particulier.
La SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, ajoute qu’elle rejoint totalement la société SOCULTUR en son argumentation et conclut en conséquence que Monsieur Sébastien X… ne saurait mettre en cause la société SOCULTUR, en qualité d’employeur ou de co-employeur ou autre, que ce soit sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail ou sur des allégations fallacieuses de confusion des patrimoines des sociétés SOCULTUR et MILONGA, de pillage d’activité et d’actifs, de confusion d’intérêts, de direction et d’activité, ou de fictivité de la société MILONGA.
Le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’AGS, fait valoir que :
– s’agissant de la mise en cause de la société SOCULTUR par l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, il appartient aux salariés qui invoquent ces dispositions de démontrer l’existence du transfert d’une entité économique autonome, mais que pour sa part il s’associe aux explications des mandataires de la société MILONGA ;
– s’agissant de la mise en cause de la société SOCULTUR par l’application de la notion de co-emploi, la Cour de cassation a restreint l’admission d’une situation de co-emploi sur le fondement d’une confusion d’intérêts, de direction et d’activité en laissant par ailleurs aux salariés la possibilité d’engager la responsabilité délictuelle d’une société tierce désignée comme responsable des difficultés économique rencontrées par leur employeur, mais que pour sa part il s’associe aux explications des mandataires de la société MILONGA ;
– en tout état de cause, les condamnations prononcées contre une société in bonis telle que SOCULTUR seraient inopposables à l’AGS ;
– si la cour relevait l’existence d’une fraude au détriment de l’AGS qui serait imputable à la société SOCULTUR comme responsable ou à l’origine de la déconfiture de la société MILONGA, cette entreprise in bonis devra être condamnée à verser à l’AGS une somme de 459.675,99 euros correspondant à l’ensemble des sommes avancées à la liquidation judiciaire et non récupérées ou, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts dont le montant sera équivalent aux avances brutes faites dans l’intérêt de l’appelant.
Vu les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, il échet de constater que Monsieur Sébastien X… soutient d’abord que la société SOCULTUR était son seul employeur du fait du transfert d’une entité économique autonome au sens des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail mais également du fait de la fictivité de la société MILONGA en raison d’une confusion de patrimoines entre la société MILONGA et la société SOCULTUR. Subsidiairement, l’appelant affirme que la société SOCULTUR était au moins le co-employeur des salariés de la société MILONGA. Monsieur Sébastien X… ne fonde pas ses demandes sur la responsabilité civile extra-contractuelle ou délictuelle de la société SOCULTUR mais ce fondement est invoqué par l’AGS pour solliciter des dommages et intérêts si la cour jugeait la société SOCULTUR responsable ou à l’origine de la déconfiture de la société MILONGA et donc des pertes d’emploi subies par les salariés licenciés dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Il convient donc d’examiner ces différents fondements.
Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : ‘Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.’.
En application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, tous les contrats de travail, en cours au moment du transfert, suivent l’entité transférée quelle que soit leur nature. Ce sont les contrats de travail qui sont transférés, donc seuls les salariés affectés à l’activité transférée passent au service du nouvel employeur. Le transfert ne peut être imposé à un salarié affecté à une activité non cédée. Ce transfert a lieu de plein droit (ordre public) : toute clause contraire doit être réputée non-écrite. Le salarié (ou l’employeur) ne peut refuser le transfert. L’employeur n’est pas tenu de notifier ce transfert légal au salarié. Les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entité économique transférée dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification (maintien de l’ancienneté, de la qualification, de la clause de non-concurrence etc.).
Aux termes de l’article L. 1224-2 du code du travail : ‘Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants : 1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ; 2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci. Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.’.
Le nouvel employeur débiteur des sommes mises à sa charge par l’article L. 1224-2 du code du travail peut se retourner contre l’ancien employeur pour lui réclamer le montant des sommes
correspondant à sa quote-part. Le salarié peut également agir directement contre l’ancien employeur en paiement de la quote-part qui lui incombe.
L’article L. 1224-1 du code du travail s’applique, s’agissant d’un transfert de droit des contrats de travail, chaque fois qu’il y a transfert d’une entité économique autonome, peu importe qu’il y ait ou non un lien de droit entre les exploitants successifs (condition posée par contre par l’article L. 1224-2 pour un transfert des obligations incombant à l’ancien employeur à la date de la modification de la situation juridique de l’employeur).
Le juge qui entend appliquer l’article L. 1224-1 du code du travail doit donc caractériser le transfert d’une entité économique autonome. Le fait qu’un accord collectif prévoie le transfert du contrat de travail ne suffit pas à caractériser le transfert d’une entité économique autonome.
Une entité économique autonome est un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit son objectif propre. L’entité économique est un ensemble organisé constitué de trois éléments : – une activité ; – des personnes ; – des éléments corporels et incorporels. L’entité économique rassemble donc une pluralité d’éléments (le personnel ; l’encadrement ; l’organisation du travail) ; l’activité, si elle est nécessaire, ne peut suffire à elle seule à caractériser l’identité de l’entité. L’ensemble doit être organisé, la réunion de quelques éléments d’exploitation non significatifs ne suffit pas à caractériser l’entité.
La reconnaissance d’une entité économique autonome suppose que la branche d’activité, le secteur d’activité ou le service transféré constitue une entité distincte et détachable des autres activités exercées par le cédant, dotée d’une organisation propre et poursuivant un objectif propre. L’entité économique transférée doit jouir d’une autonomie de gestion, budgétaire et comptable, ainsi que d’une autonomie fonctionnelle suffisante (les responsables du groupe de salarié concerné doivent disposer des pouvoirs suffisants pour organiser leur travail de manière indépendante). L’entité économique transférée doit disposer d’un personnel propre spécifiquement affecté à l’exercice de l’activité (même partiellement), par exemple d’un personnel doté d’une qualification professionnelle particulière si l’activité le requiert ou spécialement recruté. L’entité économique transférée doit disposer de moyens corporels (bâtiments, ateliers, terrains, équipements, matériel, stock, outillage, etc.) et/ou incorporels (clientèle, marque, droit au bail, etc.) qui concourent à l’exercice d’une activité poursuivant un objectif propre, c’est-à-dire que l’ensemble des moyens affectés doit tendre à des résultats spécifiques et à une finalité propre.
Les parties peuvent convenir de se soumettre volontairement aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail lorsque celui-ci n’est pas applicable de plein droit.
Lorsque les conditions objectives de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, ni la perte d’un marché de services au profit d’un concurrent, ni la poursuite par l’entreprise entrante, en application d’un accord collectif qui la prévoit et l’organise, des contrats de travail d’une partie des salariés affectés à ce marché ne caractérisent à eux seuls le transfert d’une entité économique autonome au sens de ce texte, de sorte que seul l’accord collectif est applicable.
L’application de l’article L. 1224-1 du code du travail exige la réunion de deux conditions : le transfert d’une entité économique autonome et le maintien de l’identité de l’entité transférée avec poursuite ou reprise de l’activité de cette entité par le repreneur. Lorsque ces conditions sont cumulativement remplies, le transfert s’opère à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d’en assurer la direction.
Ainsi, au-delà de l’existence d’une entité économique autonome, l’entité doit conserver son identité après le transfert, ce qui résulte notamment de la poursuite ou de la reprise par le repreneur de l’activité avec les moyens d’exploitation nécessaires. La seule poursuite d’une activité identique ne peut pas suffire à caractériser un tel maintien de l’identité. La condition d’identité s’apprécie à la date du transfert, les modifications ultérieures de ce fonctionnement étant à cet égard sans incidence.
La reprise de la commercialisation des produits d’une marque et de la clientèle qui y est attachée entraîne, en principe, le transfert d’une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise et, par voie de conséquence, le transfert des contrats de travail au nouveau distributeur. Toutefois, il n’y a pas nécessairement de transfert d’entreprise lorsque la cession ne porte que sur une partie de la clientèle et certaines références de la marque.
Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre moyennant rémunération. Il découle de cette définition trois éléments indissociables : l’exercice d’une activité professionnelle, la rémunération, le lien de subordination. Le lien de subordination est l’élément déterminant du contrat de travail car c’est le seul critère permettant de le différencier d’autres contrats comportant l’exécution d’une prestation rémunérée.
C’est en principe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence. À l’inverse, en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
L’employeur est celui pour le compte et sous le contrôle duquel s’exerce le travail effectué par le salarié. L’employeur, personne physique ou morale, détient le pouvoir de direction. En principe, l’employeur est celui qui a conclu le contrat de travail avec le salarié.
Le salarié peut, sous certaines réserves, avoir plusieurs employeurs en concluant un contrat de travail avec chacun d’eux. Il peut arriver qu’un salarié, titulaire d’un seul contrat de travail, soit lié à plusieurs employeurs, dits co-employeurs ou employeurs conjoints, soit parce que le salarié se trouve sous la subordination de chacun d’eux, soit parce qu’il existe une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre l’employeur initial et une autre personne physique ou morale.
Dépourvu de personnalité juridique, le groupe n’a pas la capacité d’être directement l’employeur. En principe, la société mère du groupe n’est pas non plus l’employeur de tous les salariés du groupe ; elle ne l’est qu’à l’égard de ses propres salariés. Toutefois, la complexité des structures de direction dans les groupes soulève parfois des difficultés lorsqu’il s’agit de déterminer qui doit assumer les obligations imposées à l’employeur par le droit du travail. La jurisprudence énonce un principe d’étanchéité entre les structures juridiques, mais réserve la possibilité au salarié de se prévaloir d’un contrat de travail, non pas avec le groupe mais avec plusieurs co-employeurs.
L’état de subordination des salariés de la filiale vis-à-vis de la société mère est caractérisé notamment lorsqu’il est établi, d’une part que la filiale n’est qu’un simple établissement de la société mère, sans réelle autonomie financière et de gestion, et qu’il existe entre ces sociétés une confusion totale d’activité, d’intérêts et de direction, d’autre part que les salariés de la filiale reçoivent des ordres transmis directement depuis la société mère, sans aucun pouvoir pour les dirigeants de la filiale de donner directement des instructions, alors que toute la gestion du personnel est faite par la société-mère, ce dont il se déduit que la société mère a un pouvoir de direction et de contrôle sur l’ensemble des salariés de la société filiale.
Hors état de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l’égard du personnel employé par une autre société, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.
La situation de coemploi, par confusion d’intérêts, d’activités et de direction, avec immixtion de la société mère (ou d’une autre société du groupe) dans la gestion économique et sociale de la société filiale, peut être retenue notamment lorsque :
– la société mère dispose et exerce un pouvoir permanent pour agir dans la filiale, avec centralisation du recrutement, prise en charge de toutes les questions de nature contractuelle, administrative, juridique et financière, transfert de la gestion des équipes informatiques, comptables et surtout de la gestion des ressources humaines, notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ;
– il existe une unité de direction sous la conduite de la société mère se traduisant par des décisions prises par cette dernière qui privent la filiale de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, avec une gestion des ressources humaines de la filiale assurée par la société mère et des dirigeants de la société filiale ne disposant plus d’aucun pouvoir effectif car entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, toujours au seul profit de celui-ci ;
– une filiale est sous la totale dépendance d’un groupe ou d’une société mère qui absorbe l’essentiel de sa production et détermine les prix, gère son personnel, dicte ses choix stratégiques, intervient constamment dans la gestion financière et sociale, assure la direction opérationnelle et la gestion administrative de celle-ci.
Par contre, ne suffit pas à caractériser une situation de coemploi le fait que :
– les dirigeants de la filiale proviennent du groupe ou soient choisis par la société mère dominante avec laquelle ils sont en étroite collaboration, que celle-ci ait prélevé des sommes de la société filiale aux fins de redistribution de dividendes aux actionnaires et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu’une convention générale d’assistance moyennant rémunération ;
– les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que la société mère ou dominante ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu’une convention générale d’assistance moyennant rémunération ;
– les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société mère, et que celle-ci ait pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis ait renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s’impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe ;
– la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l’activité économique et sociale de sa filiale, et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l’exécution des obligations de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ;
– les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et que la société mère ait pris dans le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois ;
– la filiale, en tant qu’unité de production, ne possède aucune latitude pour développer et prospecter de nouveaux débouchés, et que la société mère, dont c’est la responsabilité, décide de retirer brutalement sa clientèle à la société filiale, sans aucune alternative économique présentée et a fortiori mise en oeuvre, que les dirigeants soient étroitement liés ou communs, que la filiale n’ait pour client unique que la société mère, que toute la comptabilité de la filiale soit traitée chez la société mère, que les budgets de la filiale soient validés directement par la société mère, que la société mère ait consenti une avance de trésorerie à la filiale et/ou un abandon de créances ;
– les dirigeants de la filiale proviennent du groupe ou soient choisis par la société mère dominante avec laquelle ils sont en étroite collaboration, que celle-ci ait prélevé des sommes de la société filiale aux fins de redistribution de dividendes aux actionnaires et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu’une convention générale d’assistance moyennant rémunération ;
– le dirigeant de la filiale soit en étroite collaboration avec la société mère, que cette dernière ait conclu un unique contrat de prestation de service avec sa filiale ou en assure sa comptabilité.
Les difficultés rencontrées par une entreprise ne sont pas toujours le résultat d’une mauvaise conjoncture économique, de choix stratégiques peu pertinents ou d’une baisse de parts de marché. La situation peut parfois être imputable à la faute d’un tiers : un établissement de crédit, un fournisseur, un franchiseur, un concédant ou, dans les groupes, une société exerçant un pouvoir de contrôle en sa qualité d’associé prépondérant ou d’actionnaire unique. En pareille hypothèse, à l’instar d’autres créanciers, les salariés licenciés pour motif économique par l’entreprise en difficulté peuvent choisir d’engager la responsabilité délictuelle pour faute du tiers fautif dans un souci de justice sociale et de réparation indemnitaire.
Le droit commun de la responsabilité délictuelle exige l’établissement d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux.
Pour pouvoir agir contre une autre personne que le débiteur défaillant (l’employeur) sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil, le salarié doit prouver que cette personne, en l’espèce une autre société du groupe, lui a causé un préjudice spécial et distinct. Quel que soit le préjudice invoqué par le salarié, celui-ci n’en obtiendra réparation que s’il parvient à l’imputer à une faute personnelle du tiers.
Ainsi, en dehors de toute situation de coemploi, lorsqu’une société-mère, actionnaire unique ou largement majoritaire, prend des décisions dommageables pour sa filiale, qui aggravent la situation économique difficile de celle-ci, ne répondent à aucune utilité pour elle et ne sont profitables qu’à la société-mère ou à une autre société du groupe, les salariés licenciés suite à la mise en liquidation judiciaire de la filiale qui les employait peuvent obtenir réparation du préjudice causé par la faute et la légèreté blâmable de la société-mère, bien que cette dernière ne soit pas leur employeur.
Malgré l’absence de reconnaissance de la qualité de co-employeur, la responsabilité délictuelle d’une société-mère peut donc être engagée lorsqu’il est établi qu’elle n’a pas mobilisé ses possibilités de redressement, en ne fournissant pas à la société filiale (et employeur) les moyens qui lui auraient permis de réaliser et de mettre en oeuvre des mesures de redressement, et que ce défaut de mise à disposition des possibilités de redressement relève d’une abstention fautive ou d’une légèreté blâmable, de nature à compromettre la bonne exécution par sa filiale de ses obligations. Elle peut être également engagée quand il est établi que la société-mère a pris des décisions dommageables pour la filiale, qui ont aggravé la situation économique difficile de celle-ci, ne répondaient à aucune utilité pour elle et n’étaient profitables qu’à son actionnaire unique, qu’elle a par sa faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l’employeur et à la disparition des emplois qui en est résultée.
Une société-mère n’est pas tenue de soutenir financièrement une société filiale, notamment si cette dernière connaît de sérieuses difficultés économiques, mais commettrait une faute si elle décidait abusivement de fermer une filiale (notamment si celle-ci est rentable) dans le but de réaliser des économies et d’améliorer sa propre rentabilité au détriment de la stabilité de l’emploi dans l’entreprise concernée. Si la politique d’un groupe justifie des choix d’investissements, des orientations stratégiques, des redéploiements d’activités défavorables à une filiale, les salariés de la filiale ne pourront pas se fonder toutefois sur la simple supériorité de l’intérêt du groupe pour imputer une faute à la société-mère.
Dans tous les cas, il appartient à celui qui l’invoque d’établir la faute ou la légèreté blâmable dont il se prévaut.
La faute permettant d’engager la responsabilité délictuelle sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil (désormais articles 1240 et suivants) répond à une conception plus extensive que celle du coemploi dans la mesure où une direction de droit ou de fait n’est pas exigée, pas plus qu’une immixtion dans la gestion de la société.
En l’espèce, à la lecture des pièces versées au dossier, la cour peut faire les constats et observations qui suivent.
À partir de 1998, Monsieur Philippe BB… XX… met à exécution son idée de créer des points de vente de produits (ou articles) culturels et de loisirs artistiques dans des […]). L’enseigne CULTURA, qui a d’abord été exploitée par la société SODIVAL, a pris une dimension régionale puis nationale.
En mars 2000, est créée la société anonyme MILONGA (fondateur : Monsieur Xavier R… / siège social à […]), qui avait pour objet la conception, l’import, le négoce et la vente de produits et services en rapport avec l’activité musicale et qui a exploité des points de vente de produits musicaux dans des zones commerciales, en tout cas en périphérie des villes, parfois non loin de magasins à l’enseigne CULTURA.
La société MILONGA présentait des difficultés économiques (résultat net : – 247.947 euros en 2006 ; – 1.543.966 euros en 2007).
En avril 2008, la société SODIVAL, qui exploitait alors l’enseigne CULTURA, prenait le contrôle de la société MILONGA qui présentait une activité déficitaire depuis plusieurs années.
En 2009, la société MILONGA prend le contrôle de l’EURL SOVENAM dont l’objet est la réparation des instruments de musique.
En 2009-2010, le groupe SODIVAL se structure. La société SODIVAL devient la société holding du groupe SODIVAL (plus de 66 % du capital de la holding détenu par Monsieur Philippe BB… XX… et son épouse). La société SOCULTUR, filiale de la société SODIVAL, est créée pour exploiter désormais l’enseigne CULTURA.
Le groupe SODIVAL comprend alors la holding SODIVAL et ses trois filiales : la société SOCULTUR, l’EURL SODI-ART et la société MILONGA (cette dernière ayant elle-même pour filiale l’EURL SOVENAM).
La société SODIVAL détient l’intégralité des actions composant le capital social des sociétés SOCULTUR et SODI-ART. Le capital de la SA MILONGA est divisé en 579.602 actions dont 579.597 (99,99 %) détenues par la holding SODIVAL et les 5 autres actions réparties entre Monsieur Philippe BB… XX… et son épouse, Monsieur Jean-Pierre Q…, Monsieur CC… U… et Monsieur Thierry U…. La société MILONGA détient l’intégralité du capital social de la société SOVENAM.
Au sein du groupe SODIVAL, les sociétés SOCULTUR et SODIART ont une activité de vente d’articles culturels et de loisirs artistiques, la société MILONGA est spécialisée dans la vente d’instruments de musique et l’apprentissage de la musique.
Début 2013, la société SOCULTUR représente environ 91 % du chiffre d’affaires du groupe SODIVAL alors que la société MILONGA représente 8 % de ce CA. La société MILONGA vend essentiellement des instruments de musique et accessoires ; ses activités annexes (environ 10 % de son CA) sont les suivantes : école de musique, atelier, extension de garantie. La société MILONGA a également déposé des marques de vente qu’elle fait fabriquer essentiellement en Chine et exploite.
La société MILONGA présentait toujours des difficultés économiques persistantes (résultat net : – 1.994.657 euros au 31 janvier 2010 ; – 2.136.751 euros au 31 janvier 2011 ; – 4.993.681 euros au 31 janvier 2012 ; – 4.813.431 euros au 31 janvier 2013 / résultat d’exploitation : – 1.836.134 euros au 31 janvier 2011 ; – 4.685.518 euros au 31 janvier 2012 ; – 4.221.223 euros au 31 janvier 2013).
Le 6 avril 2012, la banque HSBC dénonçait le concours bancaire (autorisation de découvert de 500.000 euros) accordé à la société MILONGA.
Nonobstant la stabilité du chiffre d’affaires sur les trois exercices 2011-2013 (entre 32 et 33 millions d’euros par an), la société MILONGA n’a jamais pu dégager un résultat d’exploitation positif. Les pertes nettes cumulées de la société MILONGA s’élèvent à environ 12 millions d’euros entre 2011 et 2013. Début 2013, aucun des 20 magasins alors exploités par la société MILONGA n’avait pu présenter un résultat d’exploitation positif. En moyenne, sur les derniers exercices, la perte d’exploitation de chaque magasin représentait 200.000 euros par exercice et le site en ligne milongamusic.com présentait une perte de 478.000 euros sur le dernier exercice. Les coûts de structure annuels étaient d’environ 10 millions d’euros pour les magasins ainsi que le site en ligne MILONGA et d’environ 3 millions d’euros pour les services centraux.
Monsieur Xavier R… a été remplacé comme directeur général de la SA MILONGA par Monsieur Philippe BB… XX… à compter d’octobre 2011 puis par Monsieur Christophe T… à compter d’avril 2012, puis par Monsieur Jean-Pierre Q… (auparavant directeur des opérations de la société MILONGA) à compter d’avril 2013. À compter du 2 mai 2011, Monsieur Jean-Luc P…, salarié de la société SODIVAL, a été mis à la disposition de la société MILONGA en tant que directeur de l’offre et de l’internet (salaire payé par SODIVAL mais facturé ensuite de façon trimestrielle).
Au 31 janvier 2013, la société MILONGA présentait un passif total de 9.266.000 euros au titre des concours bancaires accordés par la Société Générale, BNP Paribas, le CIC et LCL.
Les pertes de la société MILONGA ont sensiblement impacté les résultats consolidés du groupe SODIVAL. La société SODIVAL présentait un résultat net déficitaire au 31 janvier 2011 (- 3.037.662 euros) du fait notamment d’un poste ‘dotations financières aux amortissements et provisions’ de 4 millions d’euros, un bénéfice au 31 janvier 2012 (3.676.384 euros) alors que le poste ‘dotations financières aux amortissements et provisions’ était à zéro pour cet exercice, un résultat net déficitaire au 31 janvier 2013 (- 9.003.381 euros) du fait notamment d’un poste ‘dotations financières aux amortissements et provisions’ d’environ dix millions d’euros. S’agissant de ces provisions pour dépréciation des titres MILONGA détenus par la holding SODIVAL, le cabinet KPMG a attesté qu’il n’avait pas d’observations à formuler à ce titre sur la concordance et la sincérité des informations ayant fondé l’inscription dans les comptes sociaux de ces provisions.
Pour réduire des charges fixes trop élevées, la société MILONGA envisageait début 2013 la vente de 4 fonds de commerce déficitaires à la société SOCULTUR, la fermeture de 4 autres sites ou magasins déficitaires et le transfert de son siège social de GEMENOS à MERIGNAC, avec dans ce cadre un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant une cinquantaine de salariés de l’entreprise. Un accord de méthode était notamment signé le 30 mai 2013 en vue de la négociation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, mais ce projet n’a pas été mis en application.
Ainsi, début 2013, la société MILONGA, qui exploitait alors 20 magasins implantés sur le territoire français, a cédé 4 de ses sites ou magasins (BALMA ; FRANCONVILLE ; HENIN BEAUMONT ; NIMES) à la société SOCULTUR (fonds de commerce et marchandises payés séparément et au comptant). Les quatre actes de cession des fonds de commerce précités, tous datés du 9 février 2013, mentionnent expressément la reprise des contrats de travail des salariés affectés à ces sites en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.
En mai 2013, le groupe SODIVAL comprend :
– la holding SODIVAL ;
– la société SOCULTUR qui exploite 52 magasins sous l’enseigne CULTURA (2258 salariés) ;
– la société MILONGA qui exploite 16 magasins (230 salariés) et a elle-même pour filiale l’EURL SOVENAM ;
– la société SODIART qui exploite un magasin (15 salariés).
En juillet 2013, la société MILONGA a fermé 4 magasins déficitaires (ECHIROLLES 38130 ; […] ; […]). À la même période, elle a également, d’une part, arrêté son site de vente en ligne (mis en place en 2005) car celui-ci générait 20 à 30 centimes de perte sur chaque euro de vente et, d’autre part, vendu une partie de son stock.
Le 1er juillet 2013, la société MILONGA a ainsi vendu une partie de son stock (essentiellement des instruments de musique entreposés à Port-Saint-B…-du-Rhône) à la société SOCULTUR pour un montant d’environ 2 millions d’euros.
Le 11 juillet 2013, la société Générale a dénoncé ses concours bancaires (ligne de crédit de 1.500.000 euros et découvert en compte courant de 2.750.000 euros) et exigé le remboursement des sommes dues (principal et intérêts) par la société MILONGA avant le 9 septembre 2013. Le 15 juillet 2013, le LCL a dénoncé son concours bancaire (découvert de 1.000.000 euros) et demandé un remboursement avant le 20 septembre 2013. Le 23 juillet 2013, le CIC a dénoncé son concours bancaire (facilité de caisse d’un montant de 1.500.000 euros) et demandé un remboursement avant le 23 septembre 2013. (Le 16 août 2013, la BNP a dénoncé son concours bancaire et demandé un remboursement avant le 16 octobre 2013)
Entre le 11 et le 23 juillet 2013, la société MILONGA perdait ainsi une grande partie de ses lignes de crédit bancaire et connaissait des difficultés très importantes de trésorerie. La société
SODIVAL était alors contrainte de remplir ses engagements de caution bancaire à l’égard de la société MILONGA à hauteur d’environ 9 millions d’euros.
La société MILONGA enregistrait une nouvelle perte (résultat net) de 4,2 millions d’euros sur le premier semestre de l’exercice 2013.
La société MILONGA se déclarait alors en cessation des paiements (25 juillet 2013). Par jugement du 29 juillet 2013, le tribunal de commerce de Marseille ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société MILONGA. Maître F… était désigné en qualité d’administrateur judiciaire.
Au moment de l’ouverture de la procédure collective :
– Monsieur Jean-Pierre Q… était le représentant légal (directeur général) de la SA MILONGA qui employait environ 230 salariés ;
– la société MILONGA, dont le siège social avait été transféré à Mérignac, exploitait toujours 12 magasins correspondant à 12 fonds de commerce et baux commerciaux ([…] ; […] ; […] ; […] ; […] ; […]) ;
– la société MILONGA disposait encore d’éléments d’actifs importants, notamment des stocks et un portefeuille de marques déposées à son nom entre 2000 et 2011 (ACESSO, ALL ACCESS, DRUMTECH, ELYPSE, HARMANN, KEYWOOD, MILONGA, etc.).
La liquidation judiciaire de la société MILONGA était prononcée par jugement du 2 octobre 2013. Maître Jean-Pierre B… était désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA.
Au 14 octobre 2013, le montant des créances déclarées à la liquidation judiciaire de la société MILONGA était supérieur à 19 millions d’euros.
Le seul lien capitalistique entre la société MILONGA et les autres sociétés du groupe SODIVAL est une détention du capital de MILONGA à quasiment 100 % par la société mère ou holding SODIVAL.
La famille U… est l’actionnaire majoritaire du groupe AUCHAN par l’intermédiaire de l’AFM (Association Familiale U…). Si Monsieur Philippe BB… XX… appartient par alliance à la famille U…, il n’existe aucun lien capitalistique entre, d’une part, le groupe SODIVAL et, d’autre part, le groupe AUCHAN ou l’AFM. L’exploitation de l’enseigne CULTURA comme le fonctionnement du groupe SODIVAL ont été réalisés sans aide financière ou immixtion particulière de la part du groupe AUCHAN, des autres membres de la famille U… ou de l’AFM.
L’expert Jean O…, missionné par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Marseille, selon une ordonnance du 11 décembre 2013, a notamment mentionné dans son rapport en date du 30 octobre 2014 que :
– il n’a détecté aucun transfert de résultat entre la société MILONGA et sa société mère SODIVAL ou sa société soeur SOCULTUR au cours de l’exercice 2013 alors que les relations économiques courantes entre ces sociétés semblent dûment justifiées ;
– entre 2011 et 2013, les besoins liés à l’exploitation de la société MILONGA ont été structurellement financés par de l’emprunt bancaire, des concours bancaires autorisés et du financement par compte courant de la société mère SODIVAL. Les apports en trésorerie de la société mère SODIVAL et la consolidation des capitaux propres de la société MILONGA par cette même société mère ont été prépondérants dans l’équilibre financier de la société MILONGA. Les activités de la société MILONGA n’auraient pu se poursuivre depuis janvier 2011 sans le soutien du groupe SODIVAL ;
– les difficultés financières de la société MILONGA ayant conduit à sa déconfiture tiennent à des coûts de structure trop élevés au regard des marges dégagées par les ventes et autres services ;
– les résultats obtenus par la société MILONGA au 31 juillet 2013 sont conformes à ceux des précédents exercices (perte annuelle comprise entre 2 et 5 millions d’euros), c’est-à-dire structurellement déficitaires. La société mère n’a pourtant jamais retiré son soutien à la société MILONGA jusqu’à la date de cessation des paiements, alors notamment qu’elle a maintenu 4,3 millions d’euros en compte courant et oeuvré de façon constante pour que la société MILONGA bénéficie toujours de concours bancaires malgré la situation financière de la filiale ;
– l’état de cessation des paiements déclaré le 25 juillet 2013 n’est pas imputable au groupe SODIVAL mais était la conséquence directe du retrait, à partir du 23 juillet 2013, de l’essentiel des financements accordés par les banques ;
– la société SODIVAL a effectué des avances importantes en compte courant en faveur de la société MILONGA qui ont été consenties sans intérêts. Des rémunérations ont été versées par la société MILONGA à la société SODIVAL dans le cadre d’une convention d’assistance administrative permettant de couvrir les services apportés par la société mère en matière financière, assurance, marketing et juridique, ce de façon tout à fait proportionnée et sans aucune anomalie relevée ;
– une convention d’assistance administrative a été signée entre les sociétés MILONGA et SOCULTUR dans laquelle la société SOCULTUR s’engage à conseiller et assister sa société soeur en matière de gestion de trésorerie, de négociation de lignes de crédit et autres rapports avec les organismes financiers. Dans ce cadre, de faibles rémunérations ont été versées par MILONGA en 2011 et 2012 (environ 7.000 euros par an), de façon tout à fait régulière et adaptée, mais rien n’a été versé en 2013 ;
– la société MILONGA n’a pas été désavantagée, notamment sur le plan fiscal, par la vente d’une partie de son stock à la société SOCULTUR le 1er juillet 2013, pour un montant d’environ 2 millions d’euros. La vente de ce stock a été effectuée sans marge (prix de revient) mais l’absence d’une marge habituelle de 2 % n’aurait amputé les comptes de la société MILONGA que de 40.000 euros alors que le paiement très rapide du prix de vente a permis à MILONGA de s’acquitter de ses échéances sociales et fiscales. Aucune opération significative de revente d’une partie de ce stock entre SOCULTUR et MILONGA n’a été réalisée au détriment de la société MILONGA après le 1er juillet 2013 (pas de transfert anormal de marge au profit de SOCULTUR) ;
– les ventes des 4 fonds de commerce intervenues le 9 février 2013 entre MILONGA et SOCULTUR sont tout à fait régulières tant dans leur nature qu’au regard des prix mentionnés, sans aucune anomalie, alors que ces magasins étaient déficitaires, que les valeurs retenues étaient tout à fait justifiées, que le paiement très rapide des prix de vente par SOCULTUR a permis à MILONGA de disposer de trésorerie pour régler des dettes exigibles ;
– le plan de sauvegarde de l’emploi signé selon accord du 30 mai 2013 prévoyait le licenciement de 49 salariés de la société MILONGA (sur 231) et le reclassement possible de ceux-ci au sein du groupe SODIVAL, avec des mesures de reclassement et d’indemnisation spécifiques. Ce projet, qui n’a jamais été appliqué, aurait coûté plus de deux millions d’euros à court terme à l’entreprise mais aurait probablement permis des économies substantielles pour la société MILONGA sur les exercices futurs, avec toutefois seulement une très légère amélioration du résultat de l’exercice de 2014 (- 3,8 millions d’euros au lieu de – 4,2 millions d’euros). Reste que l’application de ce plan de sauvegarde de l’emploi (et des coûts y afférents) était fermement conditionnée au maintien des lignes de crédit des banques qui soutenaient la trésorerie de la société MILONGA ;
– la cessation des paiements de la société MILONGA est en lien direct avec le retrait des concours bancaires qui a définitivement et irrémédiablement anéanti les mesures engagées ou envisagées par le groupe SODIVAL pour redresser la situation financière de la filiale MILONGA ;
– jusqu’à la date d’une cessation des paiements imputable au retrait des concours bancaires, le groupe SODIVAL a constamment soutenu la société MILONGA. Ce soutien s’est traduit par le maintien d’un compte-courant de près de 4,3 millions d’euros, des apports constants depuis le rachat de MILONGA en 2008, des cautions et engagements versés en se substituant aux banques, des facilités de caisse obtenues auprès des banques du fait du soutien du groupe SODIVAL, la participation de la société mère à l’augmentation de capital de la société MILONGA, l’achat de 4 fonds de commerce non rentables par la société SOCULTUR. La société MILONGA a principalement été une source de coûts pour le groupe SODIVAL depuis le rachat de 2008. Les mesures entreprises par le groupe SODIVAL dès le début de l’exercice 2013 ne semblent pas, au regard des faits et des efforts consentis sur les dernièrs exercices, disproportionnées.
L’expert O…, qui indique n’avoir pas manqué d’informations ni de justificatifs dans le cadre de sa mission et relève la transparence totale du groupe SODIVAL, conclut que :
– la déconfiture de la société MILONGA, qui n’est pas récente, est survenue après plusieurs exercices déficitaires qui ont mis en lumière les limites du système de distribution ‘face au client’ dans le secteur de la vente d’instruments de musique. Les activités accessoires et les mesures entreprises par la direction de la société MILONGA n’ont pas permis d’atteindre le seuil de rentabilité souhaité ;
– la mise en place d’un plan de restructuration incluant un plan de sauvegarde de l’emploi significatif n’aurait que retardé une mise en redressement judiciaire ouverte le 29 juillet 2013 à la suite de la déclaration de cessation des paiements du 25 juillet 2013, conséquence directe de la dénonciation des concours bancaires par les banques partenaires de l’entreprise ;
– concernant les opérations effectuées depuis janvier 2013, aucune manoeuvre frauduleuse de la part des sociétés du groupe SODIVAL ne semble avoir été à l’origine de la déconfiture de la société MILONGA en général et de sa liquidation judiciaire en particulier.
En l’espèce, en l’absence de contrat de travail apparent (allégué ou présenté) entre la société SOCULTUR et Monsieur Sébastien X…, il appartient à ce dernier d’établir que la société SOCULTUR aurait été son employeur ou son co-employeur.
Il échet d’abord de constater que Monsieur Sébastien X… et l’AGS dirigent toutes leurs demandes contre la seule société SOCULTUR et non contre la société mère SODIVAL. Il n’existe aucun lien capitalistique entre la société MILONGA et la société SOCULTUR même si ces deux entreprises font partie du groupe SODIVAL.
Il appartient donc d’abord à Monsieur Sébastien X… de démontrer le transfert d’une entité économique autonome de MILONGA à SOCULTUR et le maintien de l’identité de l’entité transférée avec poursuite ou reprise de l’activité de cette entité par SOCULTUR.
Monsieur Sébastien X… revendique l’application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail sans jamais préciser dans ses écritures la date à laquelle aurait été opéré le transfert d’une entité économique autonome incluant le transfert de son contrat de travail, entité dont la société SOCULTUR aurait été mis en mesure d’assurer la direction à compter d’une date non précisée.
Un transfert d’entité économique autonome a effectivement été opéré entre la société MILONGA et la société SOCULTUR lors de la vente de quatre magasins ou sites (BALMA ; FRANCONVILLE ; HENIN BEAUMONT ; NIMES) intervenue le 9 février 2013. Il y a alors eu transfert à une date précise d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité qui poursuit son objectif propre. Toutefois, ce transfert ne concernait que le personnel affecté à l’activité des quatre magasins précités et il y a bien eu application dans ce cadre des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, ce qui apparaît formellement à la lecture des actes de vente et n’est pas contesté par les parties. Monsieur Sébastien X… n’était pas concerné par cette opération.
Pour le surplus, au regard des éléments d’appréciation dont elle dispose, la cour ne constate aucun transfert d’entité économique autonome (ensemble organisé constitué des trois éléments que sont une activité, des personnes affectées ainsi que des éléments corporels et incorporels y afférents) entre la société MILONGA et la société SOCULTUR pouvant concerner directement Monsieur Sébastien X… au sens des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.
Si la société SOCULTUR a exercé une activité de vente d’instruments de musique à destination de clients débutants (voire a fait dispenser des cours de musique dans ce cadre pour des musiciens débutants), il apparaît qu’une telle activité est tout à fait minoritaire par rapport au chiffre d’affaires de SOCULTUR et a pu être essentiellement opérée suite à l’achat auprès de MILONGA (en 2013) de quatre magasins de musique ayant poursuivi leur activité ainsi que d’un stock d’instruments de musique qu’il convenait d’écouler. En outre, une telle activité a été développée par la société SOCULTUR dans le cadre de choix stratégiques décidés par le groupe SODIVAL, non dans le but de nuire à la société MILONGA mais dans le dessein d’opérer des synergies, de rationaliser et de rentabiliser l’activité de MILONGA ainsi que de réduire les charges et contraintes de cette entreprise.
Les activités des sociétés SOCULTUR et MILONGA étaient différentes. L’activité de la société MILONGA était concentrée sur la vente d’instruments de musique à destination d’une clientèle de musiciens confirmés. La vente d’instruments de musique à des clients débutants était certes une activité commune aux deux sociétés, mais ne constituait pas le coeur de métier de MILONGA et apparaissait comme une activité tout à fait accessoire pour SOCULTUR. En outre, la vente de quatre magasins de musique et d’une partie du stock MILONGA rendait une telle activité inéluctable pour SOCULTUR, outre les synergies souhaitées par le groupe.
Il n’y a pas eu dans ce cadre de transfert à SOCULTUR d’une entité distincte et détachable des autres activités exercées par MILONGA, dotée d’une organisation propre et poursuivant un objectif propre. L’activité de vente d’instruments de musique (ou de cours de musique) à destination de clients débutants au sein de la société SOCULTUR ne constitue nullement une entité économique jouissant au sein de cette entreprise d’une autonomie de gestion, budgétaire et comptable, ainsi que d’une autonomie fonctionnelle suffisante avec un personnel propre spécifiquement affecté à l’exercice de cette activité.
La vente des quatre magasins MILONGA ainsi que d’une partie du stock MILONGA, les synergies et coordinations développées entre les sociétés SOCULTUR et MILONGA en diverses matières (informatique, gestion des relations commerciales et fournisseurs, formation, administrative etc.) n’apparaissent nullement en l’espèce comme des opérations destinées à avantager le groupe ou une société du groupe (SOCULTUR) au détriment de la société MILONGA, voire comme l’écrit l’appelant, des opérations destinées à provoquer la déconfiture de cette société et à se débarrasser du personnel MILONGA via la liquidation judiciaire en profitant de la passivité du liquidateur.
Il apparaît au contraire que le groupe SODIVAL a soutenu loyalement et le plus longtemps possible la filiale MILONGA, au point que la question d’un soutien abusif ou excessif a été posée par le juge commercial à l’expert O….
La société MILONGA a connu des difficultés économiques depuis sa création et en tout cas avant même son rachat par SODIVAL. Aucun magasin MILONGA n’a pu rentabiliser économiquement son activité en raison de difficultés structurelles et conjoncturelles liées au marché spécifique de la vente d’instruments de musique dans le cadre d’un système de distribution ‘face au client’ (la vente en France des instruments de musique constituait alors un marché de niche en régression, avec une clientèle limitée et peu évolutive, une concurrence croissante de vendeurs étrangers plus compétitifs et de vendeurs sur internet) et du fait des coûts de structure ou charges fixes trop élevés impactant l’entreprise (le poids de la masse salariale notamment n’était pas couvert par la valeur ajoutée générée).
Le groupe, par le biais essentiellement de la société SODIVAL, a dû débourser plus de 20 millions d’euros (recapitalisation, cautions bancaires etc.) en cinq années pour maintenir en activité la société MILONGA. La société SOCULTUR a apporté également des liquidités (plus de 4 millions d’euros) indispensables au maintien de la trésorerie de la société MILONGA en acceptant notamment d’acheter quatre magasins déficitaires et un stock (notamment d’instruments de musique) dont l’écoulement n’apparaissait pas aisé. La cessation des paiements de la société MILONGA est intervenue non du fait du groupe MILONGA ou de la société SOCULTUR mais en raison de la dénonciation des concours bancaires nonobstant les efforts déployés par le groupe auprès des banques pour assurer la crédibilité de MILONGA.
Aucune opération ou mesure prise par le groupe SODIVAL (ou l’une des sociétés du groupe comme SOCULTUR) à l’égard de la société MILONGA ne peut être qualifiée, en l’état, d’anormale ou de nuisible sur le plan économique vis-à-vis de MILONGA. Il n’est pas plus établi l’existence d’opération ou mesure destinée à privilégier SOCULTUR par rapport à MILONGA, encore moins à provoquer sciemment la déconfiture et la liquidation judiciaire de la société MILONGA.
Au soutien de ses allégations, l’appelant fait essentiellement état d’événements ou d’opérations intervenus en 2013 ou parfois même après le jugement de liquidation judiciaire.
Pendant quelques jours, un lien informatique a été établi entre le site CULTURA (SOCULTUR) et le site MILONGA mais cette opération, rapidement interrompue, relevait d’une erreur imputable notamment aux difficultés du transfert des services centraux et informatiques dans le cadre d’un changement de siège social décidé pour effectuer des économies. Pour le surplus, il ne saurait être reproché à la société SOCULTUR d’avoir effectué, notamment par internet, des opérations de publicité ou de promotion concernant la vente d’instruments de musique inhérente à l’achat de quatre magasins et d’une partie du stock MILONGA.
Compte tenu de ses difficultés économiques et d’une cessation des paiements inéluctable en raison de la dénonciation des concours bancaires, la société MILONGA ne pouvait plus assurer les cours de musique programmés pour la saison 2013/2014 alors qu’elle avait encaissé des fonds à ce titre et, dans ce contexte, il ne saurait être reproché au groupe SODIVAL, via notamment la société SOCULTUR, d’avoir pris contact avec certains clients MILONGA pour gérer notamment le contentieux prévisible des remboursements et annulations de l’activité école de musique.
Il apparaît que la société MILONGA gérait des marques propres concernant des instruments de musique qu’elle faisait fabriquer essentiellement en Chine. Il n’est pas établi que la société SOCULTUR aurait vendu les marques propres de MILONGA en dehors du nécessaire écoulement du stock d’instruments dont elle était légitimement propriétaire suite notamment à l’achat de quatre magasins (avec stocks afférents) et d’une partie du stock MILONGA en 2013. Il n’est pas plus démontré que la société SOCULTUR aurait fait fabriquer des marques MILONGA ou aurait accaparé ou détourné les marques MILONGA ou fournisseurs de MILONGA ou techniques spécifiques MILONGA.
Pour le surplus, les nombreux documents produits par l’appelant (notamment des mails et documents internes au groupe) révèlent des échanges entre les salariés des sociétés MILONGA et SOCULTUR visant à assurer une synergie ou coordination des activités des deux entreprises dans l’intérêt du groupe SODIVAL, souvent dans l’intérêt également de la société MILONGA pour tenter de rentabiliser l’activité de celle-ci en diminuant ses coûts structurels, mais jamais dans le but de nuire à l’entreprise MILONGA ou de la désavantager vis-à-vis des autres sociétés du groupe. Monsieur Sébastien X… ne caractérise en aucun cas un pillage des actifs, de l’activité, des techniques, des moyens, du savoir-faire ou des données de la société MILONGA au profit de la société SOCULTUR ou du groupe SODIVAL, pas plus que des opérations ou mesures pouvant être assimilées au transfert d’une entité économique autonome.
Le liquidateur judiciaire précise clairement qu’aucun actif de la société MILONGA n’a été détourné par la société SOCULTUR ou le groupe SODIVAL, que la liquidation judiciaire n’a pas encore été clôturée pour insuffisance d’actif car la société MILONGA disposait au moment de l’ouverture de la procédure collective de plusieurs millions d’euros en termes d’actifs qui ne sont pas totalement réalisés à ce jour, que la société MILONGA est toujours propriétaire de toutes ses marques propres qu’elle continue à gérer et qui ne sont pas utilisées frauduleusement en l’état par la société SOCULTUR ou le groupe SODIVAL ou quiconque.
Le liquidateur judiciaire ajoute que le soutien du groupe SODIVAL (dont la société SOCULTUR) à l’égard de la société MILONGA a toujours été à sens unique et en faveur de cette dernière entreprise, que la liquidation judiciaire était inéluctable compte tenu des dénonciations de concours bancaires, du passif accumulé par MILONGA (plus de 14 millions d’euros à ce jour nonobstant les sommes versées par SODIVAL notamment en qualité de caution) et de la situation de la trésorerie (fonds de roulement d’environ 300.000 euros pour un besoin mensuel de l’ordre de 6 millions d’euros). Toutes ces affirmations du liquidateur sont corroborées par les pièces versées aux débats et l’expertise O….
Surabondamment, il échet de relever que dans le cadre de la contestation de l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail s’agissant des salariés protégés de la société MILONGA (le tribunal administratif de Marseille, par jugement du 4 mars 2014, a annulé la décision de l’inspecteur du travail du 6 novembre 2013 / Par arrêt du 23 juin 2015, la cour administrative de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014), la cour administrative de Marseille a considéré qu’il ne ressort pas des pièces des dossiers que le personnel et les moyens corporels et incorporels de la SA MILONGA aient été repris par la société SOCULTUR dans des conditions telles que cette reprise puisse être regardée comme constitutive d’un transfert d’une entité économique autonome ; que, par suite (le salarié protégé) n’est pas fondé à soutenir que la procédure de licenciement pour motif économique le concernant n’aurait été mise en oeuvre qu’en vue de faire échec au transfert de son contrat de travail par fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. Cette appréciation n’a pas été contredite par le conseil d’état qui, dans son arrêt du 19 juillet 2017, a annulé la décision rendue en date du 23 juin 2015 par la cour administrative de Marseille au seul motif qu’eu égard à l’effet rétroactif des annulations contentieuses, aucune décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi n’était en vigueur à la date à laquelle l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés et que cette autorisation ne pouvait, par suite, être légalement accordée.
Monsieur Sébastien X… sera débouté en conséquence de toutes ses demandes sur le fondement de l’article L. 1224-1 du code du travail.
Au regard des observations susvisées, l’appelant ne procède que par voie d’affirmation en soutenant qu’en raison de la confusion des patrimoines des sociétés SOCULTUR et MILONGA ainsi que du pillage d’activités et d’actifs, la société MILONGA n’était plus qu’une coquille vide et donc un employeur fictif. La confusion de patrimoines peut également constituer une notion commerciale (voire pénale) mais elle a été réfutée notamment par l’expert O… et n’a pas été retenue en l’espèce par le juge commercial ni fait l’objet de plainte ou de poursuites contre la société SOCULTUR ou le groupe SODIVAL. Le pillage d’activités et d’actifs ainsi que la confusion des patrimoines allégués n’étant nullement démontrés, Monsieur Sébastien X… ne peut qu’être débouté de sa demande visant à faire juger la société SOCULTUR comme son seul employeur à ce titre.
Il appartient ensuite à Monsieur Sébastien X… de démontrer que la société SOCULTUR était son co-employeur.
Monsieur Sébastien X… ne prétend ni ne démontre avoir reçu des instructions de la part des dirigeants de la société SOCULTUR ou avoir entretenu un quelconque lien de subordination à l’égard de cette société. Si des attestations de salariés de la société MILONGA sont produites, il apparaît que ceux-ci se plaignent de leurs conditions et horaires de travail au sein de MILONGA mais ne font nullement état d’un rapport de subordination vis-à-vis de la société SOCULTUR.
Les échanges produits entre les salariés des sociétés MILONGA et SOCULTUR traduisent la recherche de synergies et d’une coordination dans l’intérêt du groupe et dans le but de trouver des solutions pour surmonter les difficultés économiques de la société MILONGA mais ne font nullement apparaître un quelconque rapport de subordination ou une perte d’autonomie décisionnelle de la société MILONGA par rapport à la société SOCULTUR.
Vis-à-vis des salariés de l’entreprise, la société MILONGA a toujours conservé son pouvoir de direction, son autorité disciplinaire, sa capacité à organiser le travail sur un plan collectif comme individuel. Les délégations de pouvoirs aux cadres responsables des magasins MILONGA ont été accordées par la seule direction de la société MILONGA. Les contrats de travail ont toujours été négociés, signés et rompus (avant la procédure collective) par la direction de la société MILONGA qui était également la seule à donner des instructions au personnel de l’entreprise.
Dans une attestation du 25 octobre 2016, Monsieur Xavier R… indique que, suite à la prise de participation de la société SODIVAL, il a dirigé la société MILONGA d’avril 2008 à octobre 2011 en bénéficiant d’une réelle autonomie de gestion au quotidien sur la base de choix stratégiques partagés au niveau du groupe.
Au regard des éléments d’appréciation dont la cour dispose, la société SOCULTUR n’a jamais disposé d’un pouvoir de direction et de contrôle sur l’ensemble des salariés de la société MILONGA.
Les mesures de coordination, conventions d’assistance et de prestation de service, mutualisations, concertations ou aides directes, qui sont intervenues entre la société mère et ses filiales, voire directement entre les sociétés SOCULTUR et MILONGA, dans les domaines administratif, informatique, comptable, financier ou de l’assurance, étaient destinées uniquement à favoriser les synergies au sein du groupe et à améliorer la situation économique de la société MILONGA afin de pérenniser l’activité de cette dernière entreprise. Aucune anomalie n’a été caractérisée dans le cadre de ces opérations qui n’ont nullement privé la société MILONGA de son autonomie financière, commerciale, opérationnelle et administrative. Au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, la société MILONGA, qui n’était pas sous la dépendance de la société SOCULTUR, a conservé la gestion de ses ressources humaines, de ses activités économiques et de sa politique sociale.
Il n’est pas démontré que la société MILONGA aurait subi les conséquences négatives de décisions prises par la société SOCULTUR au seul profit de cette dernière entreprise ou de la société mère du groupe, qu’elle aurait été soumise aux instructions et directives de la direction du groupe toujours au seul profit de celui-ci, qu’elle aurait été un simple établissement de la société mère sans réelle autonomie financière et de gestion.
Pour le surplus, l’appelant ne saurait se prévaloir, pour voir juger que la société SOCULTUR était son co-employeur, de l’existence d’une convention générale d’assistance moyennant rémunération, du fait que certains de ses dirigeants ou cadres proviennent du groupe ou aient été choisis par la société mère (il n’est pas établi que la société SOCULTUR ait pu choisir ceux-ci ou même intervenir dans le processus de désignation des dirigeants ou cadres principaux de MILONGA), de l’étroite collaboration entre les dirigeants ou cadres principaux des sociétés du groupe, du soutien financier apporté directement ou indirectement par les sociétés SODIVAL ou SOCULTUR, de l’implication de la société SOCULTUR dans les recherches de reclassement et de l’aide apportée dans ce cadre au liquidateur de la société MILONGA, de la garantie apportée par la société mère vis-à-vis des organismes bancaires, de la renonciation de la société mère à poursuivre son concours financier suite aux dénonciations des concours bancaires alors que la société MILONGA était en état de cessation des paiements, du refus des sociétés SODIVAL et SOCULTUR de continuer à soutenir financièrement la société MILONGA après l’ouverture de la procédure collective (y compris s’agissant du financement du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire).
Au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, il n’est pas démontré entre les sociétés SOCULTUR et MILONGA l’existence d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion de la société SOCULTUR dans la gestion économique et sociale de la société MILONGA.
De même qu’elle n’était pas l’employeur du salarié, la société SOCULTUR ne peut être jugée co-employeur de Monsieur Sébastien X….
En conséquence, Monsieur Sébastien X… sera débouté de toutes ses demandes à l’encontre de la société SOCULTUR en qualité d’employeur ou de co-employeur.
Il appartient à celui qui l’invoque d’établir la faute ou la légèreté blâmable dont il se prévaut. Si des demandes de dommages et intérêts sont présentées par le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’Unédic délégation AGS, à l’encontre de la société SOCULTUR, aucune demande n’est formée contre la société SODIVAL qui n’était pas appelée devant le premier juge et n’est pas plus intimée dans le cadre de cette procédure d’appel.
Les sociétés SODIVAL et SOCULTUR ont soutenu de façon constante, importante et adaptée, la société MILONGA, ce depuis l’intégration de cette entreprise au sein du groupe jusqu’à la date de cessation des paiements. Au regard des circonstances de l’espèce (cf supra), il ne saurait être reproché à la société SOCULTUR (ou même à la société SODIVAL) d’avoir cessé de soutenir financièrement, directement ou indirectement, la société MILONGA à compter d’une cessation des paiements rendue inéluctable par la dénonciation des concours bancaires, vu notamment les pertes accumulées par la société MILONGA, la situation très obérée de l’entreprise, les perspectives très négatives, le lourd impact des déficits au niveau du groupe ayant notamment conduit la société mère à inscrire à son bilan des provisions d’un montant global très élevé.
Il n’est pas démontré que la société SOCULTUR (ou même la société SODIVAL) aurait pris des décisions dommageables pour la société MILONGA, qui auraient aggravé la situation économique difficile de celle-ci, tout en ne répondant à aucune utilité pour la société MILONGA et en n’étant profitables qu’à la société SOCULTUR ou à une autre société du groupe.
En l’espèce, la société SOCULTUR, qui n’était pourtant pas la société mère du groupe SODIVAL et n’avait ni obligation formelle ni lien capitalistique avec la société MILONGA, a fourni une aide significative et a mis en oeuvre des mesures pour tenter de redresser la situation économique de sa société soeur. Aucune abstention fautive ou légèreté blâmable ne peut être relevée dans ce cadre à l’encontre de la société SOCULTUR.
Alors que l’obligation de reclassement repose sur le seul employeur (MILONGA), la société SOCULTUR n’a commis aucune faute ou légèreté blâmable en ne participant pas au financement du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire de la société MILONGA. La société SOCULTUR, qui n’était pas obligée dans ce cadre vis-à-vis de sa société soeur, a néanmoins apporté une aide considérable au mandataire liquidateur dans le cadre d’une recherche de solutions de reclassement, incombant à ce dernier, pour les salariés de la société MILONGA.
La société SOCULTUR n’a pas, par sa faute ou légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de la société MILONGA et à la disparition des emplois qui en est résulté.
Le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’Unédic délégation AGS, sera donc débouté de toutes ses demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la société SOCULTUR, que ce soit au titre d’un préjudice propre ou d’une action récursoire fondée sur le préjudice causé à Monsieur Sébastien X….
La cour rejette toutes les demandes présentées à l’encontre de la société SOCULTUR en tant qu’employeur ou co-employeur des salariés de la société MILONGA ou en tant que responsable de la déconfiture et de la liquidation judiciaire de la société MILONGA ainsi que des pertes d’emploi afférentes.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la SAS SOCULTUR à l’enseigne commerciale CULTURA n’a pas la qualité d’employeur ou de co-employeur de Monsieur Sébastien X….
– Sur le licenciement –
La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (JORF n°0138 du 16 juin 2013) est applicable aux licenciements engagés à compter du 1er juillet 2013 (convocation du comité d’entreprise, à la première réunion de consultation sur le projet de restructuration et sur le projet relatif aux mesures d’accompagnement, envoyée à compter du 1er juillet 2013).
Monsieur Sébastien X… fait valoir que :
– suite à la décision définitive du juge administratif, pour cause d’insuffisance des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, d’annulation de la décision administrative ayant homologué le document élaboré par le liquidateur judiciaire fixant un plan de sauvegarde de l’emploi pour un projet de licenciement collectif pour motif économique, en application des dispositions des articles L. 1235-10, L. 1235-16 et L. 1233-58 II du code du travail, le licenciement notifié par le liquidateur doit être jugé sans cause réelle et sérieuse et tout salarié licencié doit bénéficier d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
– lorsque le licenciement d’un salarié ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés y afférents, sans qu’il y ait lieu de déduire le montant de l’assurance chômage perçu par le salarié ou les sommes versées par l’employeur à Pôle Emploi dans le cadre de sa participation au financement de l’allocation de contrat de sécurisation professionnelle ;
– pour apprécier le préjudice nécessairement subi du fait d’une perte injustifiée d’emploi et fixer le quantum des dommages et intérêts alloués au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge doit prendre en considération plusieurs critères (ancienneté, âge, situation familiale, difficultés de reclassement ou de réinsertion ; situations ou difficultés particulières…).
La société SOCULTUR fait valoir que :
– comme l’a relevé le premier juge, l’annulation de la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi par le juge administratif, dans une entreprise en liquidation judiciaire, n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. En tout état de cause, aucune demande ne pourra aboutir à son encontre s’agissant des conséquences du licenciement dans la mesure où elle n’est ni l’employeur ni le co-employeur de Monsieur Sébastien X… ni responsable du licenciement de ce salarié ;
– en application de l’article L. 1233-67 du code du travail, l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle le prive du droit au préavis alors qu’il perçoit en échange une allocation majorée versée par Pôle Emploi. En l’espèce, Monsieur Sébastien X… ne saurait prétendre au règlement d’une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents alors que la réalité du motif économique est incontestable et que le licenciement n’est pas sans cause réelle et sérieuse. L’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis conduirait à remettre en cause le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle dans l’ensemble de ses effets.
La SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, fait valoir que :
– depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, alors que les articles L. 1235-10 et L. 1235-16 du code du travail ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires, le licenciement pour motif économique notifié par le liquidateur judiciaire, sur le fondement d’un projet de licenciement homologué par une décision de l’administration qui a ensuite été annulée par le juge administratif, n’est ni nul ni sans cause réelle et sérieuse mais relève de la seule sanction spécifique prévue par l’article L. 1233-58 II alinéa 7 du code du travail (indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois) ;
– dans le cadre des procédures concernant les salariés protégés de la société MILONGA, le juge administratif a reconnu la réalité du motif économique du licenciement et validé l’intégralité de la procédure de licenciement pour motif économique ainsi que le respect par le liquidateur de ses obligations en matière de reclassement interne et de saisine de la commission paritaire de l’emploi ;
– c’est à juste titre que le premier juge a fixé la créance de Monsieur Sébastien X… à un montant correspondant aux salaires des six derniers mois de ce salarié et a rejeté les autres demandes d’indemnisation, notamment en matière d’indemnité compensatrice de préavis, alors que l’appelant ne peut comparer sa situation de rupture du contrat de travail à celle du licenciement nul ou du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’agissant des licenciements notifiés dans le cadre de la liquidation judiciaire, la SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, ajoute que :
– après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, sur interrogation de l’administrateur judiciaire, l’AGS a indiqué qu’elle ne prendrait pas en charge les indemnités supra légales (estimées à 900.000 euros) telles que prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi en cours, et la société MILONGA ne disposait pas de la trésorerie nécessaire pour faire face à une telle charge. L’administrateur judiciaire n’a donc pas notifié de licenciement pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective ;
– le 19 septembre 2013, dans l’éventualité d’une conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, Maître Jean-Pierre B… prenait contact avec la Dirrecte pour envisager l’élaboration éventuelle d’un nouveau plan de sauvegarde de l’emploi. Dès le 30 septembre 2013, il prenait contact avec le groupe SODIVAL pour déterminer les possibilités de reclassement en cas de liquidation judiciaire ;
– après le prononcé de la liquidation judiciaire en date du 2 octobre 2013, la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise de la société MILONGA était mise en oeuvre (lettre d’information du 3 octobre 2013 ; réunions de consultation le 7 octobre 2013). Le 3 octobre 2013, Maître Jean-Pierre B… interrogeait à nouveau toutes les sociétés du groupe SODIVAL sur les possibilités de reclassement. Le 4 octobre 2013, il interrogeait les sociétés périphériques, les sociétés intervenant sur le même secteur d’activité, la commission nationale paritaire etc. Le 4 octobre 2013, il informait la Dirrecte du projet de licenciement collectif pour motif économique concernant tout le personnel de la société MILONGA ;
– les 3 et 4 octobre 2013, le groupe SODIVAL lui fournissait une liste de 245 postes de reclassement au sein de la société SOCULTUR, puis de 8 postes supplémentaires le 7 octobre 2013, soit 253 propositions de reclassement au sein du groupe pour 163 salariés concernés par le projet de licenciement collectif pour motif économique. Consulté, le comité d’entreprise refusait de se prononcer sur ces solutions de reclassement. Une cellule de reclassement a été créée au sein de la société SOCULTUR afin de permettre à tout salarié intéressé d’obtenir des informations supplémentaires sur les postes ouverts au reclassement. Le 9 octobre 2013, la Dirrecte a accusé réception de la demande d’homologation du document unilatéral établi par le liquidateur judiciaire dans le cadre du projet de licenciement collectif pour motif économique ;
– à compter du 8 octobre 2013, le liquidateur judiciaire a notifié à chaque salarié de la société MILONGA des propositions individuelles de reclassement interne au sein de SOCULTUR. Entre le 10 et le 16 octobre 2013, il a notifié à chaque salarié de la société MILONGA des propositions individualisées de reclassement externe ;
– le 10 octobre 2013, l’autorité administrative a homologué le projet de licenciement collectif pour motif économique établi par le liquidateur judiciaire. Le 17 octobre 2013, les salariés protégés ont été convoqués à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 octobre 2013 ;
– seuls huit salariés de la société MILONGA ont accepté l’une des propositions individuelles de reclassement et ont signé un contrat de travail avec la société SOCULTUR. Le 21 octobre 2013, les salariés non protégés de la société MILONGA n’ayant pas accepté les offres de reclassement ont été licenciés ;
– le comité d’entreprise a été consulté sur le projet de licenciement des salariés protégés. Le 31 octobre 2013, l’inspection du travail a été saisie des demandes d’autorisation de licenciement des salariés protégés. Le 6 novembre 2013, l’inspection du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés. Le 7 novembre 2013, les salariés protégés ont été licenciés pour motif économique ;
– la grande majorité des salariés licenciés a accepté le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle, mais tous ont refusé par la suite les offres de reclassement réitérées au sein de la société SOCULTUR ;
– sur l’ensemble des salariés licenciés, 108 ont contesté la décision administrative d’homologation du projet de licenciement collectif pour motif économique établi par le liquidateur judiciaire. Huit salariés protégés ont contesté la décision de l’inspection du travail ayant autorisé leur licenciement.
Le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’AGS, fait valoir que :
– l’appelant ne critique pas le motif économique du licenciement concernant la société MILONGA mais l’estime inexistant uniquement dans l’hypothèse où son véritable employeur serait la société SOCULTUR ou si cette dernière était co-employeur. En tout état de cause, s’agissant de la société MILONGA, le motif économique du licenciement ne peut être contesté puisque la rupture du contrat de travail est intervenue en application du jugement de liquidation judiciaire du 2 octobre 2013 qui n’a fait l’objet d’aucun recours et est donc devenu définitif ;
– l’annulation par le juge administratif de la décision d’homologation du document unilatéral établi par le mandataire liquidateur et contenant le plan de sauvegarde de l’emploi ne repose que sur les motifs suivants : insuffisance de motivation par l’administration de sa décision d’homologation et insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens du groupe. Les organes de la procédure collective n’ayant aucun moyen de coercition vis-à-vis des autres sociétés du groupe SODIVAL afin que celles-ci participent au financement du plan de sauvegarde de l’emploi, les éventuelles conséquences de l’annulation de la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi ne sauraient en conséquence être mises à la charge de la société MILONGA et de la collectivité via l’AGS ;
– (subsidiairement), si la cour fixait des indemnités à ce titre au passif de la procédure collective et entrant dans le champ de la garantie de l’AGS, la société SOCULTUR devra être condamnée à verser à l’AGS des dommages et intérêts réparant le préjudice subi (montant des sommes fixées) alors que l’annulation de la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi est imputable au groupe SODIVAL et non à la société MILONGA ;
– l’appelant ne peut invoquer les articles L. 1235-10 et L. 1235-16 du code du travail qui ne s’appliquent qu’aux seules sociétés in bonis et, s’agissant de l’application de l’article L. 1233-58 du code du travail, il ne démontre pas avoir subi un préjudice supérieur aux six mois de salaires prévus par ce texte ;
– l’appelant ne peut réclamer une indemnité compensatrice de préavis puisque l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle entraîne l’absence de droit à préavis pour le salarié (article L. 1233-67 du code du travail). En outre, le motif économique du licenciement est incontestable en l’espèce du fait du jugement de liquidation judiciaire. Enfin, même si la cour relevait l’absence de motif économique du licenciement et l’obligation au préavis de l’employeur, il y aurait lieu de tenir compte et donc de déduire les sommes perçues par le salarié en application du dispositif contrat de sécurisation professionnelle, soit l’allocation spéciale majorée versée par Pôle Emploi et financée par une contribution de l’employeur (en l’espèce l’AGS).
En l’espèce, le liquidateur judiciaire de la société MILONGA a adressé à Monsieur Sébastien X… (courrier du 8 octobre 2013) :
– une liste individualisée et personnalisée des postes de reclassement (contrats de travail à durée indéterminée) au sein de la société SOCULTUR susceptibles de convenir au salarié, au regard notamment de l’emploi occupé, du niveau de rémunération et des qualifications acquises, parmi les 253 postes ouverts au reclassement au sein de la société SOCULTUR (CULTURA), ce avec des mentions précises quant à la localisation, le statut, l’intitulé, le service, le type de contrat de travail, l’horaire et le salaire de base correspondant à chaque poste de reclassement proposé ;
– la liste de l’ensemble des postes ouverts au reclassement au sein de la société SOCULTUR dans la catégorie professionnelle de Monsieur Sébastien X… ;
– une note sur la procédure de reclassement ;
– une note sur le parcours d’intégration au sein de la société SOCULTUR (CULTURA);
– les descriptifs des catégories de poste.
Ce courrier du 8 octobre 2013, qui contient des offres précises et personnalisées de reclassement interne au sein de la société SOCULTUR à l’égard de Monsieur Sébastien X…, mentionne également que, en cas d’acceptation, le salarié conservera l’ancienneté acquise, que les salaires mentionnés doivent s’entendre comme des salaires de départ ou minima de grille mais avec un examen individuel de réévaluation à effectuer en cas de postulation selon expérience et qualifications, que la société SOCULTUR distribue à tous ses collaborateurs intéressement et participation, que le salarié peut contacter directement pour information la cellule de reclassement ouverte par la société SOCULTUR en faveur des salariés de la société MILONGA.
Par courrier en réponse daté du 14 octobre 2013, Monsieur Sébastien X… a notifié au liquidateur judiciaire son refus de tous les postes de reclassement proposés.
Avant la notification du licenciement, le liquidateur judiciaire de la société MILONGA a adressé à Monsieur Sébastien X…, de façon personnalisée, des offres de reclassement externe.
La lettre de licenciement du 21 octobre 2013 est ainsi libellée :
‘Monsieur,
Par jugement du 2 octobre 2013, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la société MILONGA sans poursuite d’activité et ce pour les raisons économiques ci-après :
La société MILONGA a été créée le 21 mars 2000 et a pour objet…
…
La décision de liquidation judiciaire immédiate sans poursuite d’activité rendue par le tribunal de commerce le 2 octobre 2013 au visa des difficultés économiques de la société MILONGA telle que rappelées, l’absence de nouveau soutien apporté par le groupe SODIVAL pour la sauvegarde de sa propre rentabilité, a pour conséquence inéluctable la fermeture de l’entreprise et la suppression de l’intégralité des postes de travail existant en son sein.
Des recherches de solutions de reclassement ont été menées notamment auprès des entreprises du groupe mais également auprès des sociétés périphériques au groupe, alors même que n’intervenant pas sur le même secteur d’activité, et d’entreprises tierces intervenant sur le même secteur d’activité que celui de la société MILONGA, ainsi que par le biais de la commission paritaire nationale pour l’emploi et la formation de la branche professionnelle.
Les recherches entreprises dans le groupe ont permis de trouver des solutions de reclassement dont le nombre permettait le reclassement de tous les salariés de la société MILONGA, chacun d’entre eux, dont vous-même, ayant reçu des propositions de reclassement individuelles et personnalisées.
Vous n’avez pas souhaité donner suite aux propositions de reclassement qui vous ont été adressées personnellement et aucune solution de reclassement vous concernant n’a pu donc être effective.
Nous nous trouvons dès lors dans l’obligation de vous licencier pour motif économique de l’emploi que vous occupiez dans la société MILONGA qui a été mise en liquidation judiciaire avec cessation immédiate d’activité selon jugement du tribunal de commerce de Marseille le 2 octobre 2013, votre poste de travail étant supprimé et aucune solution de reclassement n’ayant pu être trouvée.
…
Nous vous proposons le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle.
Si vous souhaitez adhérer à cette mesure…’
Le 28 octobre 2013, Monsieur Sébastien X… a signé le bulletin d’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Aux termes de l’article L. 1233-57-3 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque considérée) :
‘En l’absence d’accord collectif ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1, et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants :
1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ;
2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement;
3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1.
Elle prend en compte le rapport le plus récent établi par le comité d’entreprise au titre de l’article L. 2323-26-2, concernant l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi.
Elle s’assure que l’employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l’article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l’article L. 1233-71.’.
Aux termes de l’article L. 1233-58 II du code du travail relevant de la section concernant le licenciement économique dans le cadre d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire (dans sa version applicable à l’époque considérée) :
‘ Pour un licenciement d’au moins dix salariés dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l’article L. 1233-24-4, élaboré par l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1233-57-4 et à l’article L. 1233-57-7.
Les délais prévus au premier alinéa de l’article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité d’entreprise, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire.
L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d’irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d’homologation, ou l’expiration des délais mentionnés au deuxième alinéa du présent II.
En cas de décision défavorable de validation ou d’homologation, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur consulte le comité d’entreprise dans un délai de trois jours. Selon le cas, le document modifié et l’avis du comité d’entreprise ou un avenant à l’accord collectif sont transmis à l’autorité administrative, qui se prononce dans un délai de trois jours.
En cas de licenciements intervenus en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation ou en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation ou à l’homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L’article L. 1235-16 ne s’applique pas.’.
L’article L. 1233-58 II du code du travail actuellement en vigueur (ordonnance 2017-1718 du 20 décembre 2017) stipule toujours qu’en cas de licenciements intervenus en cas d’annulation d’une décision ayant procédé à la validation ou à l’homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et que l’article L. 1235-16 ne s’applique pas. Mais cet article dispose désormais que, par dérogation au 1° de l’article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l’administrateur, le liquidateur ou l’employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l’employeur appartient pour l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi, l’autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l’emploi après s’être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l’entreprise. Toutefois, cette dernière disposition n’est pas applicable au cas d’espèce. De même, l’article L. 1233-58 II du code du travail actuellement en vigueur dispose que l’annulation pour le seul motif d’insuffisance de motivation de la première décision de l’autorité administrative est sans incidence sur la validité du licenciement et ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur.
Aux termes de l’article L. 1233-67 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque considérée) : ‘ L’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n’est opposable au salarié que s’il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle. Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L. 1233-68.’.
Aux termes de l’article L. 1235-10 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque considérée) :
‘ Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le licenciement intervenu en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation ou alors qu’une décision négative a été rendue est nul.
En cas d’annulation d’une décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 en raison d’une absence ou d’une insuffisance de plan de sauvegarde de l’emploi mentionné à l’article L. 1233-61, la procédure de licenciement est nulle.
Les deux premiers alinéas ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires.’.
Aux termes de l’article L. 1235-16 du code du travail (dans sa version applicable à l’époque considérée) : ‘ L’annulation de la décision de validation mentionnée à l’article L. 1233-57-2 ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-3 pour un motif autre que celui mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 1235-10 donne lieu, sous réserve de l’accord des parties, à la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. A défaut, le salarié a droit à une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.’.
En confiant à l’administration le soin de valider ou d’homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 lui a conféré également le pouvoir d’apprécier tant la validité du plan de sauvegarde de l’emploi que la régularité de la procédure sous le contrôle juridictionnel des juridictions administratives en cas de contentieux. Il en résulte au niveau du contentieux un bloc de compétence en faveur des juridictions administratives qui porte sur la décision de validation ou d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi et sur la procédure de licenciement collectif pour motif économique lorsque l’entreprise est tenue d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi (licenciement d’au moins dix salariés sur une période de trente jours dans une entreprise d’au moins cinquante salariés).
Le contrôle de l’administration porte sur le caractère effectivement majoritaire de l’accord instituant le plan de sauvegarde de l’emploi, sur la pertinence des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens dont dispose l’entreprise (ou le groupe) et en particulier sur le plan de reclassement nécessairement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi, ainsi que sur les renseignements fournis aux représentants du personnel qui doivent être en mesure d’apprécier la situation économique justifiant la réorganisation de l’entreprise.
L’administration, sous le contrôle du juge administratif, vérifie ainsi :
– la régularité de la procédure d’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi (régularité de l’ordre du jour et de l’expertise destinée à l’information du comité d’entreprise ; régularité des réunions du comité d’entreprise ; nécessité de la consultation du CHSCT ; vérification de la transmission aux représentants du personnel des réponses de l’employeur aux observations de l’administration etc.) ;
– la validité de l’acte juridique instituant le plan de sauvegarde de l’emploi (caractère majoritaire de l’accord collectif ; information du comité d’entreprise sur la situation économique de l’entreprise…) ;
– la pertinence du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (valeur des mesures, notamment dans le cadre du plan de reclassement, régularité des critères d’ordre…).
Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, si l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi répondant aux moyens du groupe n’incombe qu’à l’employeur, le Conseil d’État juge qu’il appartient à l’administration de vérifier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la conformité du plan de sauvegarde de l’emploi aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du caractère suffisant du plan de sauvegarde de l’emploi. Le Conseil d’État précise qu’à ce titre l’administration doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe ; que dans le cadre de cet examen, il revient à l’autorité administrative de s’assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; que l’employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise et, le cas échéant, dans le groupe auquel elle appartient, en procédant à une recherche sérieuse des postes disponibles.
En conséquence, lorsque l’entreprise est tenue d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, les contentieux précités (validité de l’acte juridique instituant le plan de sauvegarde de l’emploi ; régularité et suffisance ou pertinence du plan de sauvegarde de l’emploi ; régularité de la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel) relèvent de la seule compétence du juge administratif.
Le juge judiciaire conserve toutefois le contrôle du motif économique, de l’exécution loyale de l’obligation (personnalisée ou individuelle) de reclassement et du respect par l’employeur des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi à l’égard de chaque salarié concerné.
En effet, lorsque l’entreprise est tenue d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi, hors le cas du salarié protégé pour lequel une autorisation individuelle de licenciement doit être sollicitée auprès de l’administration, l’autorité administrative ne se prononce pas sur la réalité et le sérieux du motif économique invoqué par l’employeur dans le cadre de la notification du licenciement ni sur le respect de l’obligation personnalisée de reclassement.
À l’égard de chaque salarié, l’obligation de reclassement doit être respectée par l’employeur même lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi. Ainsi, l’employeur doit rechercher s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non par le plan de sauvegarde de l’emploi, et proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles, de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification de contrat de travail, en assurant au besoin l’évolution du salarié à l’évolution de son emploi.
L’absence de motif économique, le non respect par l’employeur de l’obligation personnalisée de reclassement, le non respect par l’employeur des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi (avant la notification du licenciement) ou des garanties de fond accordées en matière de reclassement, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Le non respect par l’employeur des autres dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi engage sa responsabilité contractuelle et le salarié peut prétendre à la réparation de son préjudice souverainement apprécié par le juge.
En l’espèce, le licenciement pour motif économique de Monsieur Sébastien X… (salarié non protégé) a été notifié par le mandataire liquidateur au visa du jugement de liquidation judiciaire du 2 octobre 2013 et sur la base d’un plan de sauvegarde de l’emploi établi par le seul liquidateur et sans aucun rapport avec le protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013.
Dans sa décision du 10 octobre 2013 homologuant le projet de licenciement collectif des salariés de l’entreprise MILONGA et le plan de sauvegarde de l’emploi afférent, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur relève que le comité d’entreprise a été régulièrement consulté, que le plan de sauvegarde de l’emploi contient des offres de reclassement au sein des entreprises du groupe SODIVAL, qu’il est également prévu des mesures de reclassement externe proportionnelles aux moyens dont dispose le liquidateur judiciaire, qu’enfin le contrat de sécurisation professionnelle est proposé à tous les salariés.
Dans son jugement du 4 mars 2014 annulant la décision d’homologation de la Direccte en date du 10 octobre 2013, le tribunal administratif de Marseille a relevé une insuffisance de motivation de la décision administrative.
Dans son arrêt du 1er juillet 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, confirmé la décision du tribunal administratif en ce qu’il a pu juger à bon droit que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Provence-Alpes-Côte d’Azur du 10 octobre 2013 était insuffisamment motivée au regard du contrôle que l’administration devait notamment exercer s’agissant des dispositions de l’article L. 1233-57 du code du travail et, d’autre part, en ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi, jugé que la décision d’homologation contestée est entachée d’illégalité du fait que le contenu du plan litigieux était insuffisant au regard des moyens dont disposait le groupe SODIVAL, ce en énonçant notamment les motifs suivants :
‘- Considérant que le plan de sauvegarde de l’emploi mentionne, au titre des mesures de sauvegarde de l’emploi, l’existence de 245 offres de reclassement au sein de la société Socultur, appartenant au groupe Sodival, et définit les critères d’ordre de priorité pour l’accès à ces emplois en fonction de l’âge des salariés et de leur éventuelle situation de handicap ; qu’au titre du reclassement à l’extérieur du groupe, le plan fait état des démarches effectuées par Me AE… auprès de 12 sociétés exerçant dans un autre secteur d’activité et auprès de 27 entreprises exerçant dans le même secteur d’activité ; qu’il ne comporte cependant aucune offre précise de reclassement au sein de ces sociétés ; qu’en guise de mesures d’accompagnement, le plan envisage de solliciter de l’Etat la conclusion d’une convention d’allocation temporaire dégressive et prévoit la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle pour l’ensemble des salariés, la dispense de l’exécution du préavis pour les salariés n’acceptant pas ce contrat, la libération des éventuelles clauses de non-concurrence, une priorité de réembauchage durant un an pour l’ensemble des salariés au sein des sociétés du groupe et la prise en charge par le régime d’assurance de garantie des salaires (AGS) de certaines mesures destinées à favoriser le retour à l’emploi des salariés licenciés ;
– Considérant que, par télécopie du 30 septembre 2013, Me AE…a sollicité le groupe Sodival afin qu’il prenne en charge les frais de déplacement, de restauration et d’hébergement exposés par les salariés dans le cadre de leur recherche d’emploi et les frais de réinstallation consécutifs à l’acceptation d’une offre de reclassement ; que, dans un courrier du 3 octobre 2013, la société holding Sodival a informé le liquidateur que le groupe n’entendait pas participer au financement de ces mesures ; que, compte tenu de ce refus et de l’absence de moyens financiers propres à la SA Milonga, le plan de sauvegarde de l’emploi élaboré par Me AE…ne comporte aucune mesure effective d’accompagnement des salariés acceptant une offre de reclassement au sein du groupe, ni aucune mesure positive et concrète d’accompagnement des salariés licenciés de nature à favoriser leur retour à l’emploi, hormis celles prises en charge par l’AGS ;
– Considérant que … si la SA Milonga ne pouvait financer aucune mesure d’accompagnement des salariés eu égard aux conditions de sa mise en liquidation, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour sa part, le groupe ne disposait d’aucun moyen compte tenu de sa propre situation financière ; qu’il suit de là que l’administration, qui ne pouvait se borner à prendre acte du refus du groupe d’abonder au plan, a commis une erreur d’appréciation en estimant que, malgré l’absence totale de mesures d’accompagnement exceptées celles prises en charge par l’AGS, le contenu du plan litigieux était suffisant au regard des moyens dont disposait le groupe et, par suite, était conforme aux exigences de l’article L. 1233-57-3 précité du code du travail.’.
Par arrêt du 30 mai 2016, le Conseil d’État a rejeté les pourvois de la SCP B…-W… et du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, considérant que si des dispositions, de nature indicative, ne créent pas d’obligation de prévoir des actions de reclassement externe dans un plan de sauvegarde de l’emploi, la cour a pu, sans erreur de droit, tenir compte de l’absence de telles actions dans son appréciation du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, considérant également que la cour a pu juger que les mesures de ce plan n’étaient, prises dans leur ensemble, pas suffisantes au regard des moyens d’accompagnement, notamment financiers, dont disposaient l’entreprise et le groupe, ce en énonçant notamment les motifs suivants :
‘…3. Considérant que, pour rejeter l’appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille, la cour s’est fondée sur deux moyens tirés, l’un de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse, l’autre de l’insuffisance des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi homologué par l’administration ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-57-4 du code du travail : ” L’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours (…) et la décision d’homologation dans un délai de vingt et un jours (…). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d’entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l’autorité administrative est motivée ” ; que si ces dispositions impliquent que la décision qui valide un accord collectif portant plan de sauvegarde de l’emploi ou qui homologue un document fixant le contenu d’un tel plan doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles ces décisions sont notifiées puissent à leur seule lecture en connaître les motifs, elles n’impliquent ni que l’administration prenne explicitement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui appartient d’assurer le contrôle en application des dispositions des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code, ni qu’elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que la motivation de la décision d’homologation litigieuse était insuffisante faute de mentionner chacune des exigences légales sur lesquelles l’administration avait à faire porter son contrôle, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;
6. Considérant toutefois qu’aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : ” Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (…) ” ; qu’aux termes de l’article L. 1233-24-4 du même code : ” A défaut d’accord (…), un document élaboré par l’employeur après la dernière réunion du comité d’entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ” ; qu’aux termes de l’article L. 1233-58 du code du travail : ” I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4 (…) II. Pour un licenciement d’au moins dix salariés dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, (…) le document mentionné à l’article L. 1233-24-4, élaboré par l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1233-57-4 et à l’article L. 1233-57-7 (…) ” ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : ” (…) l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et (…) le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1″;
7. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu’à ce titre elle doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe ;
8. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 1233-62 du code du travail : ” Le plan de sauvegarde de l’emploi prévoit des mesures telles que : (…) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise ” ; que si ces dispositions, de nature indicative, ne créent pas d’obligation de prévoir des actions de reclassement externe dans un plan de sauvegarde de l’emploi, la cour a pu, sans erreur de droit, tenir compte de l’absence de telles actions dans son appréciation du caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu’en retenant que le résultat net déficitaire de la société Sodival pour l’année 2013 résultait de l’inscription en comptabilité d’une provision pour dépréciation des titres de la société Milonga, que la société Sodival avait honoré les dettes de la société Milonga envers les clients de cette dernière et plusieurs organismes bancaires, qu’elle avait contribué à un premier plan de sauvegarde de l’emploi daté du 30 mai 2013 prévoyant 900 000 euros d’indemnités supra-légales et que la principale filiale du groupe réalisait un chiffre d’affaires annuel d’un peu plus de 386 millions d’euros en croissance de 20 % par an depuis cinq ans, la cour a seulement entendu établir, en faisant porter son appréciation sur un faisceau d’indices dont il ne ressort pas des pièces du dossier qui lui était soumis qu’ils seraient entachés de dénaturation, que les moyens du groupe Sodival étaient de nature à justifier un financement plus important, par l’employeur, des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi ; que les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que la cour se serait immiscée dans les options de gestion du groupe et aurait ainsi commis une erreur de droit ;
10. Considérant, en troisième lieu, que la cour a pu, sans erreur de droit, ne pas tenir compte, pour apprécier le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, de la brièveté du délai imparti au liquidateur, après le prononcé du jugement de liquidation, pour procéder aux licenciements sans compromettre la prise en charge des sommes dues aux salariés par l’assurance prévue par l’article L. 3253-6 du code du travail ;
11. Considérant, enfin, qu’après avoir retenu que les moyens dont disposaient l’entreprise Milonga et le groupe qu’elle forme avec la société Sodival n’étaient pas de nature à justifier
la faiblesse des mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi, la cour a pu, sans erreur de droit et par une appréciation souveraine qui n’est pas entachée de dénaturation, juger que les mesures de ce plan n’étaient, prises dans leur ensemble, pas suffisantes au regard des moyens d’accompagnement, notamment financiers, dont disposaient l’entreprise et le groupe ;
12. Considérant que ce dernier motif était à lui seul de nature à entacher d’illégalité la décision d’homologation litigieuse et, par suite, à justifier le dispositif de l’arrêt attaqué…’.
Il en résulte que, s’agissant du licenciement pour motif économique de Monsieur Sébastien X…, la décision d’homologation du document contenant le plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire a été définitivement annulée par le juge administratif au motif d’une insuffisance de ce plan de sauvegarde de l’emploi du fait, d’une part, d’une absence ou insuffisance des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise et, d’autre part, d’une insuffisance des mesures au regard des moyens d’accompagnement, notamment financiers, dont disposaient l’entreprise MILONGA et le groupe SODIVAL.
Hors l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire, alors que la société SOCULTUR a été mise hors de cause en tant qu’employeur, co-employeur ou responsable de la déconfiture de la société MILONGA et des licenciements afférents, il échet de constater que le motif économique du licenciement de Monsieur Sébastien X… n’est pas querellé pour le surplus en l’espèce, notamment en ce qui concerne le motif économique stricto sensu ou l’obligation individuelle de reclassement incombant au liquidateur. L’appelant ne conteste en effet ni le fait que le liquidateur judiciaire pouvait fonder la notification de son licenciement pour motif économique au seul visa du jugement de liquidation judiciaire ni la bonne exécution par le liquidateur de l’obligation individuelle et personnalisée de reclassement à son égard.
Surabondamment, il échet de relever que dans le cadre de la contestation de l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail s’agissant des salariés protégés de la société MILONGA (le tribunal administratif de Marseille, par jugement du 4 mars 2014, a annulé la décision de l’inspecteur du travail du 6 novembre 2013 / Par arrêt du 23 juin 2015, la cour administrative de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mars 2014), la cour administrative de Marseille a considéré qu’en l’espèce le mandataire liquidateur a pu procéder aux licenciements des salariés de la société MILONGA sans y avoir été autorisé par le juge-commissaire, par le seul effet du jugement de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité et que les salariés (protégés) ne peuvent dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 631-17 du code de commerce ou arguer de l’insuffisante motivation de la demande d’autorisation de licenciement, rappelant que le législateur a entendu que, lorsqu’est ordonnée la liquidation judiciaire de l’entreprise, la réalité des difficultés économiques et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective ; que, dès lors que la liquidation judiciaire a été ouverte, ces éléments du motif de licenciement ne peuvent être contestés qu’en exerçant les voies de recours ouvertes soit contre l’ordonnance du juge-commissaire, soit contre le jugement du tribunal de commerce. La cour administrative d’appel a également jugé que les salariés (protégés) ne sont pas fondés à soutenir que le mandataire liquidateur de la SA MILONGA aurait manqué à ses obligations de reclassement interne, compte tenu des moyens et du temps dont il disposait, ni arguer de l’absence de saisine de la commission paritaire ad hoc dans ce cadre. Cette appréciation n’a pas été contredite par le Conseil d’État qui, dans son arrêt du 19 juillet 2017, a annulé la décision rendue en date du 23 juin 2015 par la cour administrative de Marseille au seul motif qu’eu égard à l’effet rétroactif des annulations contentieuses, aucune décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi n’était en vigueur à la date à laquelle l’inspecteur du travail a autorisé le licenciement des salariés protégés et que cette autorisation ne pouvait, par suite, être légalement accordée.
Il résulte d’abord de la combinaison des articles du code du travail susvisés que la nullité de la procédure de licenciement n’est pas encourue en raison de l’insuffisance d’un plan social établi à l’occasion d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire de l’employeur. L’appelant convient d’ailleurs que son licenciement n’est pas nul alors que la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire a été définitivement annulée par le juge administratif, en raison d’une insuffisance de ce plan de sauvegarde de l’emploi, postérieurement à la notification de son licenciement pour motif économique.
Il n’est pas contesté que le mandataire liquidateur a notifié les licenciements des salariés de la société MILONGA sur la base d’un projet de licenciement collectif pour motif économique et d’un plan de sauvegarde de l’emploi (sans rapport avec l’accord du 30 mai 2013) ayant donné lieu à une convocation du comité d’entreprise, pour la première réunion de consultation sur le projet de restructuration et sur le projet relatif aux mesures d’accompagnement, envoyée après le 1er juillet 2013.
Comme l’a relevé le premier juge, s’agissant d’un licenciement pour motif économique qui a été notifié par le mandataire liquidateur au visa d’un jugement de liquidation judiciaire sans maintien d’activité et alors que la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 était entrée en vigueur, l’article L. 1233-58 II du code du travail ne prévoit pas, dans le cas notamment de l’annulation d’une décision d’homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l’emploi, cas de l’espèce, que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cet article limite les conséquences de l’annulation de l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi à l’indemnisation du salarié licencié, l’indemnité mise ainsi à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois et l’article L. 1235-16 du code du travail ne pouvant s’appliquer.
En conséquence, le licenciement de Monsieur Sébastien X… n’étant ni nul, ni sans cause réelle et sérieuse, ni irrégulier, mais intervenu alors que la décision administrative d’homologation du document fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi a fait l’objet, postérieurement à la notification de la rupture du contrat de travail, d’une décision définitive d’annulation par le juge administratif, l’appelant peut prétendre à une indemnité, en réparation du préjudice causé par l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Le montant des salaires des six derniers mois, soit en l’espèce 12.954,10 euros (rémunération mensuelle brute moyenne sur les douze derniers mois invoquée par l’appelant : 2.070,52 euros), constitue un plancher d’indemnisation et non un forfait fixe ou un plafond. Dans ce cadre, il appartient à Monsieur Sébastien X… de justifier de sa situation pour permettre au juge d’apprécier l’importance du préjudice subi.
Monsieur Sébastien X… (né […]) justifie de dix ans d’ancienneté au sein de la SA MILONGA, avoir un enfant mineur, avoir été embauché en contrat de travail à durée indéterminée (temps complet) par la société ADOMUS à compter du 6 novembre 2014 (rémunération au pourcentage du chiffre d’affaires avec un minimum brut mensuel de 1.800 euros) après une période de chômage.
Au regard des circonstances de l’espèce, une créance d’un montant de 20.000 euros sera reconnue à Monsieur Sébastien X… et fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société MILONGA en application des dispositions de l’article L. 1233-58 II du code du travail et à titre de dommages et intérêts.
Si une entreprise qui appartient à un groupe est tenue de solliciter les autres sociétés du groupe en vue de rechercher un reclassement avant tout licenciement économique, cela ne met aucune obligation à la charge desdites sociétés. En effet, l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi répondant aux moyens du groupe n’incombe qu’à l’employeur. Il en résulte qu’une société relevant du même groupe que l’employeur n’est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés qui sont au service de ce dernier d’une obligation de reclassement et qu’elle ne répond pas, à leur égard, des conséquences d’une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l’emploi.
Comme jugé dans les attendus qui précèdent, en l’absence d’obligation légale, pas plus que conventionnelle ou contractuelle (pas d’engagements formels en ce sens), la société SOCULTUR n’a commis aucune faute ou légèreté blâmable en ne participant pas au financement du plan de sauvegarde de l’emploi établi par le liquidateur judiciaire de la société MILONGA, pas plus qu’en apportant loyalement son concours au mandataire liquidateur dans le cadre d’une recherche de solutions de
reclassement, incombant à ce dernier pour les salariés de la société MILONGA. La société SOCULTUR n’a pas plus, par faute ou légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de la société MILONGA et à la disparition des emplois qui en est résultée.
En conséquence, le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’AGS, sera débouté de sa demande afin de condamner la société SOCULTUR à verser à l’AGS des dommages et intérêts équivalents aux éventuelles fixations prononcées au passif de la société MILONGA.
Le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle ne bénéficie pas, en principe, de l’indemnité compensatrice de préavis. Il est seulement rémunéré jusqu’au dernier jour travaillé. L’indemnité de préavis est versée par l’employeur à Pôle Emploi, en vue de financer les prestations résultant de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
Il existe plusieurs exceptions au principe susvisé :
– si le préavis auquel le salarié aurait eu droit, s’il n’avait pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, est supérieur à trois mois, la fraction de l’indemnité compensatrice de préavis excédant ces trois mois doit lui être versée dès la rupture de son contrat de travail ;
– si le salarié n’avait pas un an d’ancienneté, l’employeur doit lui verser, dès la rupture du contrat de travail, la somme correspondant à l’indemnité compensatrice de préavis que le salarié aurait perçue s’il n’avait pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle. En effet, dans ce cas, l’employeur ne contribue pas au financement du contrat de sécurisation professionnelle car c’est l’allocation de retour à l’emploi qui est versée au salarié, laquelle est financée par les cotisations habituelles d’assurance chômage ;
– si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés afférents. Dans ce cas, l’employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.
En l’espèce, le licenciement de Monsieur Sébastien X… n’est ni sans cause réelle et sérieuse, ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens des dispositions précitées, et l’appelant ne saurait donc prétendre au versement du préavis et des congés payés afférents.
Monsieur Sébastien X… sera donc débouté de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ainsi que des congés payés afférents.
– Sur l’application du plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans l’accord collectif du 30 mai 2013 –
L’appelant soutient qu’il doit bénéficier des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi adopté le 30 mai 2013 alors que :
– cet accord prévoit expressément son application à toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d’intervenir au sein de la société MILONGA et qui débuterait avant le 31 décembre 2014 ;
– la loi du 14 juin 2013 n’a pas d’effet rétroactif, elle est parfaitement compatible avec la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l’emploi conclu le 30 mai 2013 qu’elle n’a pas eu pour effet de faire disparaître et ne doit pas léser les salariés des droits acquis ;
– il appartenait à l’employeur de soumettre cet accord collectif majoritaire à la validation ou à l’homologation de l’administration ;
– le congé de reclassement stipulé par cet accord n’est pas incompatible avec les dispositions du code du travail en cas de liquidation judiciaire (obligation pour le liquidateur d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle et de proposer cette adhésion aux salariés).
L’appelant fait valoir qu’il est en droit d’obtenir le bénéfice des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi du 30 mai 2013, notamment le versement de la rémunération fixée pendant la période du congé de reclassement (indemnité de 100 % + indemnité de 75 %) ainsi que le versement de l’indemnité supra légale ou complémentaire de licenciement (majoration de la prime de licenciement).
Il ajoute que le préjudice subi du fait de la privation des avantages accordés par le plan de sauvegarde de l’emploi du 30 mai 2013 (évalué à 20.000 euros par l’appelant), notamment des mesures de reclassement interne comme externe (cellule de reclassement, aides diverses…), constitue un préjudice distinct de celui indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société SOCULTUR fait valoir que :
– la société MILONGA a conclu le 30 mai 2013 avec le seul syndicat CFTC un accord de méthode relatif aux procédures d’information et de consultation du comité d’entreprise dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. En annexe de cet accord, les parties prévoyaient un certain nombre de mesures d’accompagnement spécifiques (prise en charge des frais de déplacement, frais de réinstallation, aide à la recherche d’un logement, congé de reclassement, indemnité complémentaire de licenciement etc.). Cette annexe précisait que l’accord de méthode pourrait s’appliquer ‘en cas de toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d’intervenir au sein de la société MILONGA et qui débuterait avant le 31 décembre 2014″ ;
– comme l’a relevé le premier juge, Monsieur Sébastien X… ne saurait prétendre à l’application de l’accord de méthode du 30 mai 2013 du fait, d’une part, de l’entrée en vigueur le 1er juillet 2013 de la loi du n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui a notamment limité la possibilité de conclure un accord de méthode aux seules modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise (dispositions d’ordre public), ce dont il résulte que l’accord du 30 mai 2013 restait applicable exclusivement en ses dispositions concernant l’aménagement de la procédure d’information-consultation, d’autre part, de la survenance d’une procédure collective puis de la mise d’un plan de sauvegarde de l’emploi en application d’une décision de liquidation judiciaire qui a rendu sans objet ni fondement le projet de licenciement collectif pour motif économique et le plan de sauvegarde de l’emploi visés dans l’accord de méthode du 30 mai 2013 ;
– les mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l’emploi intégré dans l’accord de méthode du 30 mai 2013 ne sauraient constituer un engagement unilatéral de l’employeur alors qu’elles étaient liées à un projet de licenciement collectif pour motif économique qui n’a jamais été mis en oeuvre et que le plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvait connaître d’effet juridique puisque son homologation a été annulée par le juge administratif ;
– à titre subsidiaire, la demande de Monsieur Sébastien X… concernant l’indemnité pour privation du dispositif de reclassement externe se confond avec celle portant sur l’indemnité de reclassement et le salarié ne justifie pas en la matière de l’existence d’un préjudice spécifique.
La SCP B… W…, prise en la personne de Maître Jean-Pierre B… en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MILONGA, conclut que Monsieur Sébastien X… devra être débouté de ses demandes au titre de l’indemnité de reclassement et de l’indemnité complémentaire de licenciement prévues par l’accord de méthode du 30 mai 2013 comme de dommages et intérêts à raison de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par le même accord, en faisant valoir que :
– le projet de licenciement collectif pour motif économique initié avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 concernait 49 salariés sur les 230 que comptait alors l’effectif de la société MILONGA. L’accord de méthode du 30 mai 2013 était conforme aux dispositions alors applicables de l’article L. 1233-22 du code du travail permettant à un tel accord d’anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. Cet accord du 30 mai 2013, qui prévoyait des mesures d’accompagnement spécifiques (mise en oeuvre d’un congé de reclassement d’une durée de 7 mois à raison d’indemnités de reclassement de 100 % pour la durée équivalente au préavis et de 75 % pour la durée au-delà de celle équivalente au préavis ; indemnités supra légales etc.) pour les licenciements pour motif économique, mentionnait s’appliquer en cas de toute nouvelle procédure de licenciement pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d’intervenir au sein de la société MILONGA et qui débuterait avant le 31 décembre 2014. Nonobstant, cet accord ne sera jamais appliqué puisque, suite à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, l’administrateur judiciaire refusera de poursuivre le projet de licenciement collectif pour motif économique initié avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 compte tenu de l’état de la trésorerie de la société MILONGA et d’un coût en matière d’indemnités supra légale évalué à plus de 900.000 euros ;
– l’accord du 30 mai 2013 ne visait qu’un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant 49 salariés, en tout cas tout au plus les procédures de licenciement collectif pour motif économique engagées avant le 31 décembre 2014 par la société MILONGA in bonis, mais ne peut en aucun cas s’appliquer à une entreprise en liquidation judiciaire puisque le jugement de liquidation judiciaire met fin à la société (article 1844-7 du code de commerce) ;
– l’accord du 30 mai 2013 est sans effet s’agissant du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi du fait de l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ayant eu également pour effet de modifier les dispositions des articles L. 1233-21, L. 1233-22 et L. 1233-24 du code du travail, notamment la possibilité pour un accord de méthode sur la procédure d’information-consultation d’anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et de mettre en oeuvre des actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l’entreprise et du groupe . Selon le rapport de l’Assemblée Nationale à ce sujet et l’instruction DGEFP/DGT du 19 juillet 2013, les accords de méthode antérieurs à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 restent applicables exclusivement en ce qui concerne l’aménagement de la procédure d’information-consultation mais les éventuelles mesures anticipant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi n’exonèrent pas l’entreprise d’élaborer un plan conformément à la nouvelle législation ;
– l’accord du 30 mai 2013 ne saurait s’imposer au liquidateur judiciaire alors que l’article L. 3253-13 du code du travail stipulait à l’époque considérée que l’AGS ‘ ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe ou d’une décision unilatérale de l’employeur, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire’ et stipule désormais (loi du 14 juin 2013) que l’AGS ‘ ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe, d’un accord collectif validé ou d’une décision unilatérale de l’employeur homologuée conformément à l’article L. 1233-57-3, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l’accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire’ ;
– le congé de reclassement est expressément exclu en cas de liquidation judiciaire par l’article L. 1233-75 du code du travail, les salariés bénéficiant en lieu et place (dans les entreprises de moins de 1000 salariés) d’un contrat de sécurisation professionnelle, selon les conditions fixées par les articles L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, qui ne peut être cumulé avec le congé de reclassement car les régimes et modalités de ces deux dispositifs sont incompatibles. En ce sens, l’article L. 3253-8 du code du travail stipule que l’AGS couvre uniquement en cas de liquidation judiciaire, d’une part, les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, d’autre part, les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : a) Pendant la période d’observation ; b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
– si Monsieur Sébastien X… ne peut prétendre aux mesures énoncées par l’accord de méthode du 30 mai 2013, il ne peut pas plus justifier du préjudice allégué alors qu’il
a bénéficié des recherches et propositions de reclassement, tant internes qu’externes, du liquidateur judiciaire, de la cellule de reclassement mise en place par la société SOCULTUR, des mesures d’accompagnement prévues dans le document unilatéral établi par le liquidateur judiciaire dans le cadre du projet de licenciement collectif pour motif économique, ainsi que des mesures destinées à favoriser son retour à l’emploi dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.
Le CGEA de Marseille, en qualité de gestionnaire de l’AGS, s’associé aux explications du mandataire liquidateur de la société MILONGA s’agissant de l’inapplicabilité de l’accord de méthode du 30 mai 2013 et fait valoir que :
– aucun congé de reclassement ne peut être sollicité par l’appelant alors que l’article L. 2133-75 du code du travail précise que celui-ci n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire ;
– l’appelant devra être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour privation des mesures de reclassement prévues dans l’accord de méthode du 30 mai 2013 au regard des moyens et arguments développés supra par le mandataire liquidateur et du fait que les salariés ont bénéficié du dispositif alternatif du contrat de sécurisation professionnelle financé par l’AGS ;
– (subsidiairement) l’appelant a commis une erreur flagrante de calcul dans ses écritures puisqu’il réclame une somme correspondant à environ 300 % (et non 75 %) de l’indemnité de reclassement ;
– en tout état de cause, vu les dispositions de l’article L. 3253-13 du code du travail, la demande de l’appelant est inopposable à l’AGS puisque l’accord de méthode invoqué a été conclu le 30 mai 2013, soit moins de 18 mois avant la date du jugement (29 juillet 2013) ouvrant la procédure collective à l’encontre de la société MILONGA.
En l’espèce, en février 2013, la direction de la société MILONGA a présenté un premier projet de plan de sauvegarde de l’emploi dans le cadre d’un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant la suppression de 53 postes (29 en magasin et 24 dans les services centraux). Ce projet n’a pas connu de suite concrète et le comité d’entreprise a été informé de son abandon le 25 mars 2013.
En mai 2013, la direction de la société MILONGA a présenté un deuxième projet de plan de sauvegarde de l’emploi dans le cadre d’un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant la suppression de 49 postes (29 en magasin et 20 dans les services centraux).
Un protocole d’accord de méthode a été signé en date du 30 mai 2013 par Monsieur Q…, en qualité de représentant légal de la société MILONGA, et Monsieur V… au nom du syndicat CFTC.
Le protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013 prévoit notamment :
– les modalités d’information-consultation du comité d’entreprise sur le projet de réorganisation envisagé par la direction de la société MILONGA (calendrier avec réunions du comité d’entreprise les 3 juin et 17 juin 2013 ; règlement des conflits liés à l’accord ; modalités d’application des critères d’ordre des licenciements ; suivi des réunions extraordinaires du comité d’entreprise ; crédit d’heures de délégation spécifique). Il est précisé que l’accord est conclu pour la durée des procédures d’information et de consultation du comité d’entreprise et du CHSCT initiées dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi, à propos duquel les représentants du personnel seront consultés à compter du 3 juin 2013 (sauf nouvel avenant signé par l’ensemble des parties signataires) ;
– des mesures d’accompagnement spécifiques dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi, par renvoi aux annexes 1 et 2, sur lesquelles les parties sont d’ores et déjà en accord;
– les modalités d’intervention (prestations et moyens) de la cellule de reclassement (annexe 2) ;
– des modalités de reclassement interne (annexe 1) telles que critères d’ordre de priorité, délai de réflexion, frais de déplacement, maintien du salaire, formation d’adaptation au poste de travail, frais de réinstallation ;
– un congé de reclassement (annexe 1) pour les salariés licenciés d’une durée de sept mois avec une rémunération de 100 % pendant la période du congé de reclassement coïncidant avec le préavis et une rémunération de 75 % pendant la période du congé de reclassement excédant le préavis (sur la base de la rémunération brute moyenne perçue au cours des douze derniers mois) ;
– une indemnité complémentaire de licenciement (annexe 1) pour les salariés licenciés selon un barème proportionnel à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise (entre 1 mois et 16 mois de salaire brut selon l’ancienneté, ce afin de prendre en compte le préjudice qui serait subi par les salariés licenciés pour motif économique dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi ;
– une aide à la création et à la reprise d’entreprise (annexe 1).
Dans l’annexe 1, un paragraphe ‘durée de validité de l’accord de méthode’ mentionne : ‘Il est convenu que les dispositions qui seront arrêtées dans le présent accord de méthode s’appliqueront également en cas de toute nouvelle procédure de licenciement collectif pour motif économique de plus de 9 salariés qui serait susceptible d’intervenir au sein de la société MILONGA et qui débuterait avant le 31 décembre 2014″.
Le projet de licenciement collectif pour motif économique et le plan de sauvegarde de l’emploi portant suppression de 49 postes a été soumis par la société MILONGA à la Direccte qui a formulé des observations en retour par courrier du 13 juin 2013. Monsieur Q…, en qualité de représentant légal de la société MILONGA, a répondu aux observations de la Direccte par courrier du 17 juin 2013.
Il n’est pas justifié par la suite d’une application concrète et effective des modalités fixées par l’accord de méthode du 30 mai 2013, ce avant l’ouverture de la procédure collective comme avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société MILONGA.
Le projet de licenciement collectif pour motif économique de l’ensemble des salariés de la société MILONGA ainsi que le projet de plan de sauvegarde de l’emploi afférent, présentés par le mandataire liquidateur en application du jugement du 2 octobre 2013 prononçant la liquidation judiciaire sans maintien d’activité, ne reprend pas les dispositions de l’accord de méthode du 30 mai 2013 ni dans son contenu ni par référence expresse ou implicite.
Aux termes de l’article L. 1233-21 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013 comme au 21 octobre 2013) : ‘Un accord d’entreprise, de groupe ou de branche peut fixer, par dérogation aux règles de consultation des instances représentatives du personnel prévues par le présent titre et par le livre III de la deuxième partie, les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise applicables lorsque l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours.’.
Aux termes de l’article L. 1233-22 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013):
‘L’accord prévu à l’article L. 1233-21 fixe les conditions dans lesquelles le comité d’entreprise :
1° Est réuni et informé de la situation économique et financière de l’entreprise ;
2° Peut formuler des propositions alternatives au projet économique à l’origine d’une restructuration ayant des incidences sur l’emploi et obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses propositions.
L’accord peut organiser la mise en oeuvre d’actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l’entreprise et du groupe.
Il peut déterminer les conditions dans lesquelles l’établissement du plan de sauvegarde de l’emploi prévu à l’article L. 1233-61 fait l’objet d’un accord et anticiper le contenu de celui-ci.’.
Aux termes de l’article L. 1233-22 du code du travail (version applicable au 21 octobre 2013 suite à l’entrée en vigueur de la loi 2013-504 du 14 juin 2013) :
‘L’accord prévu à l’article L. 1233-21 fixe les conditions dans lesquelles le comité d’entreprise :
1° Est réuni et informé de la situation économique et financière de l’entreprise ;
2° Peut formuler des propositions alternatives au projet économique à l’origine d’une restructuration ayant des incidences sur l’emploi et obtenir une réponse motivée de l’employeur à ses propositions.’.
Aux termes de l’article L. 1233-23 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013):
‘L’accord prévu à l’article L. 1233-21 ne peut déroger :
1° A l’obligation d’effort de formation, d’adaptation et de reclassement incombant à l’employeur prévue à l’article L. 1233-4 ;
2° Aux règles générales d’information et de consultation du comité d’entreprise prévues aux articles L. 2323-2, L. 2323-4 et L. 2323-5 ;
3° A la communication aux représentants du personnel des renseignements prévus aux articles L. 1233-31 à L. 1233-33 ;
4° Aux règles de consultation applicables lors d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, prévues à l’article L. 1233-58.’.
Aux termes de l’article L. 1233-24 du code du travail (version applicable au 30 mai 2013) : ‘Toute action en contestation visant tout ou partie d’un accord prévu à l’article L. 1233-21 doit être formée, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date du dépôt de l’accord prévu à l’article L. 2231-6. Ce délai est porté à douze mois pour un accord qui détermine ou anticipe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi prévu à l’article L. 1233-61.’.
Aux termes de l’article L. 3253-13 du code du travail (version modifiée par la loi du 14 juin 2013), l’AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe, d’un accord collectif validé ou d’une décision unilatérale de l’employeur homologuée conformément à l’article L. 1233-57-3, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l’accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Aux termes de l’article L. 3253-13 du code du travail (version au 30 mai 2013), l’AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe ou d’une décision unilatérale de l’employeur, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.
Selon l’article L. 1233-75 du code du travail (version du 21 octobre 2013 sur le congé de reclassement), les dispositions de la sous-section du code du travail concernant le congé de reclassement ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
L’appelant ne saurait revendiquer l’application à son profit du protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013, s’agissant notamment des mesures d’accompagnement spécifiques du plan de sauvegarde de l’emploi prévues par les annexes 1 et 2 de cet accord, pour les raisons suivantes :
– le projet de licenciement collectif pour motif économique ainsi que le plan de sauvegarde de l’emploi établis par le mandataire liquidateur n’ont aucun rapport avec l’accord du 30 mai 2013. L’accord du 30 mai 2013 a été signé par un employeur in bonis qui avait envisagé le licenciement d’une cinquantaine de salariés de l’entreprise (sur 230) dans le cadre d’un projet de restructuration prévoyant notamment la fermeture de quatre magasins et le transfert du siège social de l’entreprise. Lorsque l’accord du 30 mai 2013 a été signé, la société MILONGA connaissait des difficultés économiques mais bénéficiait encore de concours ou facilités bancaires ainsi que d’aides financières de la part du groupe SODIVAL. Le mandataire liquidateur devait quant à lui impérativement établir un projet de licenciement collectif pour motif économique de tous les salariés (163) de la société MILONGA, contraint en ce sens par son obligation d’appliquer très rapidement le jugement du 2 octobre 2013 prononçant la liquidation judiciaire de la société sans maintien d’activité. Le mandataire liquidateur devait dans ce cadre également établir un document unilatéral spécifique contenant un plan de sauvegarde de l’emploi, adapté aux moyens et conditions dont il disposait suite au prononcé de la liquidation judiciaire, et procéder à une nouvelle procédure d’information-consultation du comité d’entreprise de la société MILONGA. Le mandataire liquidateur est donc intervenu dans un contexte totalement différent, sans la liberté de manoeuvre ou de négociation ni les moyens de financement dont disposait l’employeur in bonis à la date du 30 mai 2013 ;
– suite à l’ouverture d’une procédure collective intervenue postérieurement à sa signature, le protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013 ne saurait avoir un caractère contraignant, notamment pour le mandataire liquidateur dans le cadre de l’application d’un jugement de liquidation judiciaire, que ce soit à titre d’accord collectif ou d’engagement unilatéral de l’employeur lorsqu’il était in bonis. Toute interprétation contraire serait en contradiction totale avec le fondement et l’objet d’une procédure collective en général et de la liquidation judiciaire en particulier, et ferait également peser le risque pour la liquidation judiciaire de devoir assumer toutes les largesses ou toutes les anomalies, voire tous les excès ou abus, actés alors qu’une société était in bonis, ce d’autant plus que l’AGS n’aurait pas pu garantir en l’espèce les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail en application du protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013, telles notamment les indemnités supra-légales dont le coût pourrait dépasser à elles seules un montant global de 900.000 euros et que le congé de reclassement n’est pas applicable à une entreprise en liquidation judiciaire ;
– l’article L. 1233-22 du code du travail a été modifié par la loi 2013-504 du 14 juin 2013 (suppression des deux derniers alinéas) qui a tiré les conséquences de la création de la possibilité de négocier sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. La loi a ainsi adapté le contenu des accords de méthode en ce que ceux-ci ne peuvent plus anticiper le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui relève désormais du champ de l’accord majoritaire. Les accords de méthode antérieurs à la loi 2013-504 du 14 juin 2013 restent donc applicables exclusivement en ce qui concerne l’aménagement de la procédure d’information-consultation.
En conséquence, Monsieur Sébastien X… sera débouté de toutes ses demandes (indemnité de congé de reclassement ; majoration de la prime de licenciement ; dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation du dispositif de reclassement externe prévu par l’accord de méthode) en rapport avec l’application à son profit des dispositions prévues par le protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013. Le jugement sera également confirmé sur ce point.
– Sur la garantie de l’AGS –
Les décisions de justice sont de plein droit opposables à l’AGS.
S’agissant de sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail, la garantie de l’AGS s’exerce dans des conditions et plafonds légaux qu’il n’y a pas lieu de rappeler.
Le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ; les intérêts échus des créances ne peuvent produire des intérêts.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire. Le jugement sera confirmé en ses dispositions statuant sur les frais irrépétibles de première instance. En l’espèce, il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Les dépens, comme les sommes allouées en application de l’article 700 du code de procédure civile, ne sont pas dus en exécution du contrat de travail et ne peuvent donc être garantis par l’AGS.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud’homale et par arrêt contradictoire,
– Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur Sébastien X… et, statuant de nouveau sur ce point, fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MILONGA une créance d’un montant de 20.000 euros reconnue à Monsieur Sébastien X… en application des dispositions de l’article L. 1233-58 II du code du travail et à titre de dommages et intérêts ;
– Rejette toutes les demandes présentées à l’encontre de la société SOCULTUR ;
– Rejette toutes les demandes en rapport avec l’application des dispositions prévues par le protocole d’accord de méthode du 30 mai 2013 ;
– Déboute Monsieur Sébastien X… de sa demande concernant l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT