Merchandising : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11687

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Merchandising : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11687
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023

(n° 379, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11687 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAQT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/07646

APPELANT

Monsieur [S] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMÉE

SAS LACOSTE

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 542 011 606

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe RAMOGNINO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffiers, lors des débats : Madame Nolwenn CADIOU et Madame Marie-Charlotte BEHR

ARRET :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

M. [S] [E] est associé fondateur et salarié de la société [S] [P] (ci-après désignée la société FOB) dirigée par Mme [V] [P] qui a pour activité la création, la production, la commercialisation et la promotion de différentes collections et lignes de vêtements de prêt-à-porter de luxe et d’accessoires de mode sous le nom et la marque ‘[S] [P]’.

Le groupe Lacoste comprend notamment la société Lacoste et la société Devanlay qui ont des liens capitalistiques.

Plusieurs sociétés du groupe Lacoste dont la société Lacoste sont propriétaires des marques dudit groupe.

La société Devanlay détenait les droits d’utiliser les marques Lacoste en relation avec la création, la fabrication et la distribution pour le monde entier des vêtements Lacoste et des articles de maroquinerie Lacoste.

Par contrat du 29 juillet 2010 non produit et modifié par avenant du 19 janvier 2012, la société Devanlay a confié à la société FOB la responsabilité artistique pour la conception et la création des vêtements Lacoste jusqu’au 30 septembre 2013, le contrat se renouvelant par tacite reconduction.

Par contrat en date du 23 septembre 2010, la société Lacoste a confié à la société FOB une mission de réflexion créative sur la marque Lacoste devant être intégralement exécutée par M. [A] [P] durant la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2012.

Par contrat de février 2014 et compte tenu de l’évolution du groupe, la société Lacoste et la société FOB se sont rapprochées afin de réunir les prestations réalisées au titre des contrats conclus entre la société FOB et les sociétés Lacoste et Devanlay dans une même convention signée par la société Lacoste et la société FOB et pour la période du 1er octobre 2013 au 31 mars 2016. Ainsi, selon l’article 1er du contrat de février 2014, la société Lacoste ‘confie à (la société FOB) la réalisation des prestations suivantes :

En collaboration avec la direction Marketing : participer régulièrement à la réflexion générale sur la plateforme de la marque Lacoste, participer à chaque saison aux séances de validation de l’expression de communication de la marque Lacoste (campagne de communication),

En collaboration avec la direction Produit et le studio de création : participer à la réflexion créative de la marque Lacoste et son évolution, orienter et impulser la création ainsi que contrôler la mise au point des collections des vêtements Lacoste pour hommes, femmes et accessoires textiles, concernant les différents licenciés autres produits Lacoste, définir les orientations (couleurs, thèmes, modes, tendances), impulser la création et participer aux séances et validation des prototypages des collections (en coordination avec la direction des licences),

En collaboration avec la direction Marketing et la direction des licences, établir une veille globale sur la cohérence des autres collections des autres licences Lacoste,

En collaboration avec la direction Distribution, participer régulièrement aux réflexions concernant les éléments identitaires de la marque Lacoste vis-à-vis du client final, concept des points de vente, digital store, marketing, etc…,

En collaboration avec la direction générale et la direction Marketing, représenter la marque Lacoste en qualité d’ambassadeur vis-à-vis de la presse et des tiers (distributeurs, clients)’.

Un contrat de consultant a été conclu entre les sociétés Lacoste et FOB le 25 janvier 2016 pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2019. Au titre de l’article 1er de ce contrat, la société Lacoste ‘confie (à la société FOB) la réalisation des prestations suivantes :

Participation au processus de préparation des défilés Lacoste : élaboration de l’histoire de la saison couleurs, matières, pistes graphiques, accessoires et shopping, adaptation des dessins/tissus au produit final, finalisation des défilés et choix des silhouettes,

Participation aux recherches saisonnières liées aux collections Lacoste, veille concurrentielle, recherche archives, documentations et shopping produits finis’.

Par courrier du 20 mars 2018, le directeur général de la société Lacoste a notifié à la société FOB le non-renouvellement du contrat conclu le 25 janvier 2016.

Par courrier du 23 juillet 2018, le conseil de M. [A] [P] a indiqué à la société Lacoste que la collaboration entre celle-ci et son client s’analysait en un contrat de travail et a ainsi contesté le bien-fondé de la résiliation unilatérale de ce contrat par l’employeur le 20 mars 2018 celle-ci constituant, selon l’avocat, un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sollicitant la requalification des contrats de prestation de service conclus avec la société FOB en contrat de travail, M. [A] [P] a saisi le 11 octobre 2018 le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’obtenir la condamnation de la société Lacoste à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 4 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. [A] [P] de l’ensemble de ses demandes, débouté la société Lacoste de sa demande presentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [A] [P] aux dépens.

Le 20 novembre 2019, M. [A] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 février 2022, M. [A] [P] demande à la cour de :

– reformer sinon annuler le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes ;

Et statuant à nouveau,

– requalifier les conventions de prestation de service susvisées en un contrat de travail à durée indéterminée entre lui et la société Lacoste ;

– fixer son salaire mensuel moyen de référence sur les 12 derniers mois à la somme de 112.500 euros bruts ;

– condamner la société Lacoste à lui verser les sommes suivantes :

‘ 112.500 euros bruts à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, avec intérêts de droit et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

‘ 900.000 euros bruts (soit 8 mois de salaire) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

‘ 337.500 euros bruts (soit 3 mois de salaire) à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 33.750 euros à titre de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la date du licenciement et anatocisme en application de l’article 1154 du code civil,

‘ 795.699,64 euros à titre d’heures supplémentaires impayées, outre 79.569,96 euros de congés payés sur heures supplémentaires avec intérêts au taux légal à compter de la date du licenciement et anatocisme en application de l’article 1154 du code civil,

‘ 675.000 euros (soit 6 mois de salaire) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts de droit et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

‘ 675.000 euros (soit 6 mois de salaire) à titre de préjudice moral et en réparation du préjudice pour abandon de marque, avec intérêts de droit et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

‘ 112.500 euros (soit 1 mois de salaire) pour absence de visite médicale d’embauche, avec intérêts de droit et anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

‘ 112.500 euros (soit 1 mois de salaire) pour violation de la législation relative au temps de repos obligatoire avec intérêts de droit anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– ordonner la remise par la société Lacoste d’une lettre de licenciement, de ses bulletins de paie, d’un certificat de travail, d’une attestation destinée à Pôle emploi et d’un reçu pour solde de tout compte, le tout sous astreinte de 150 euros par document non remis ou non conforme et par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– condamner la société Lacoste à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de 10.000 euros au titre de l’instance d’appel ;

– condamner la société Lacoste aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 août 2022, la société Lacoste demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– débouter M. [A] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

– condamner M. [A] [P] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [A] [P] aux dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 25 janvier 2023.

MOTIFS :

Sur la requalification des contrats de prestation de service conclus entre les sociétés du groupe Lacoste et la société FOB en contrat de travail :

Il est rappelé que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. Il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat de travail de rapporter la preuve qu’il exécute une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération sous la subordination juridique de l’employeur. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En droit, le contrat de travail n’étant défini par aucun texte, il est admis qu’il est constitué par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique se caractérisant par le pouvoir de l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son salarié. Le fait que le travail soit effectué au sein d’un service organisé peut constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

En outre, le I de l’article L.8221-6 du code du travail dans sa version applicable au litige énonce une présomption de non salariat dans les termes suivants : ‘sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : (…) 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés’.

En l’espèce, il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que M. [A] [P] a réalisé des prestations au profit de la société Lacoste dans le cadre des contrats de prestation de service conclus entre, d’une part, la société Devanlay et cette dernière et, d’autre part, la société FOB dont il est salarié et associé fondateur et qui est inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 448 306 415.

Il s’en déduit que comme le soutient la société Lacoste, la présomption de non-salariat trouve application en vertu de l’article L. 8221-6 du code du travail susvisé.

S’agissant d’une présomption simple, il appartient à M. [A] [P] de la renverser.

En effet, le II de l’article L. 8221-6 du code du travail précise que ‘l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’.

M. [A] [P] soutient que les contrats conclus entre les sociétés du groupe Lacoste et la société FOB doivent être requalifiés en contrat de travail dans la mesure où un lien de subordination existait entre lui et la société Lacoste. Cette dernière s’oppose à cette demande.

En l’epèce et en premier lieu, comme il a été dit dans l’exposé des faits du présent arrêt, la société FOB s’est contractuellement liée non seulement à la société Lacoste mais également à la société Devanlay. Afin d’établir l’existence d’un pouvoir de direction de la société Lacoste à son égard, M. [A] [P] se réfère indistinctement dans ses conclusions aux stipulations contenues dans l’ensemble de ces contrats, sans expliquer en quoi les conventions non conclues par la société Lacoste seraient opposables à cette dernière nonobstant le principe de l’effet relatif des conventions posé par l’article 1165 du code civil et, désormais, par l’article 1199 du même code. Or, il ne ressort pas des stipulations des contrats conclus entre la société Devanlay et la société FOB que celles-ci trouvaient à s’appliquer aux relations entre la société Lacoste et la société FOB. Le seul fait que les sociétés Devanlay et Lacoste appartenaient au groupe Lacoste ne peut suffire à rendre les contrats conclus par l’une opposable à l’autre, s’agissant de deux personnes morales distinctes. En outre, il n’est ni allégué ni justifié que la société Lacoste vient aux droits de la société Devanlay. Par suite, il ne sera tenu compte ni des stipulations des contrats non conclus par la société Lacoste ni des engagements pris par la société Devanlay à l’égard de l’appelant au titre des contrats conclues entre elle et la société FOB.

En deuxième lieu, M. [A] [P] soutient que le lien de subordination invoqué se déduit de son intégration physique et opérationnelle au sein de la société Lacoste.

S’agissant de l’intégration physique, l’appelant expose qu’il devait réaliser ses prestations au siège de la société Lacoste, dans des locaux mis à sa disposition par cette dernière et bénéficiait ainsi d’une adresse électronique (‘@lacoste.com’), des cartes de visite ‘Lacoste’, d’une carte d’accès aux locaux de l’entreprise et de l’accès aux mails internes.

S’agissant de l’intégration opérationnelle, l’appelant expose qu’au titre des contrats de prestation de service, la société Lacoste lui fournissait des moyens matériels et humains à l’exercice de son activité et qu’il participait à la gestion des ressources humaines de l’intimée.

M. [A] [P] expose également que la société Lacoste lui a adressé des injonctions portant sur la manière d’accomplir la prestation demandée et que l’intimée organisait ses déplacements professionnels et ses interviews et le convoquait à des réunions sans concertation préalable avec lui.

M. [A] [P] expose enfin qu’il était lié à une exclusivité de droit à l’égard de la société Lacoste en vertu des contrats de prestation de service conclus entre cette dernière et la société FOB.

Il résulte des pièces produites, et en particulier des contrats conclu entre la société FOB et la société Lacoste que M. [A] [P] devait exécuter pour le compte de cette première entreprise les prestations convenues au sein d’un service de la société Lacoste. Il disposait à cette fin, comme il le souligne, d’une adresse e-mail, d’une carte d’accès et d’une carte de visite au nom de la société Lacoste et bénéficiait également d’un accès aux mails de cette dernière. M. [A] [P] disposait également, toujours aux termes des contrats conclus entre les deux sociétés, et ainsi que le confirment les pièces produites, de moyens matériels et humains fournis par la société Lacoste pour l’exécution de la prestation de service.

Contrairement aux déclarations de l’appelant, les stipulations de l’article 7.2 du contrat du 25 janvier 2016 ne constituent pas une clause d’exclusivité au profit de la société Lacoste. De même, si l’article 7.2 du contrat de février 2014 comporte bien l’engagement de la société FOB de ne point contracter un contrat de prestation de service avec des tiers, la cour constate que, comme l’expose l’intimée, la portée de cette clause est limitée et ne peut s’analyser en une clause d’exclusivité puisqu’il est contractuellement prévu que la société FOB peut exercer une activité de création liée à la marque ‘[S] [P]’ et qu’elle peut réaliser des ‘collaborations avec des tiers à condition que ceux-ci n’exercent pas une activité directement ou indirectement concurente à celle de Lacoste et dans la limite de deux collaborations par an. Dans l’hypothèse où (la société FOB) recevrait une proposition de collaboration, sous quelque forme que ce soit, (elle) devra soumettre au préalable cette proposition à la direction générale de Lacoste pour validation. L’autorisation de la direction générale de Lacoste devra être préalable et écrite’. De même, il n’est ni allégué ni justifié par M. [A] [P] que cette clause s’applique directement à lui n’étant, au regard des pièces produites et des écritures des parties, ni dirigeant de la société FOB ni signataire des contrats de prestation de service litigieux.

Les courriers électroniques produits par M. [A] [P] ne permettent pas d’établir que ses relations avec l’intimée excédaient la nécessaire organisation de l’activité de la société FOB au bénéfice de la société Lacoste, et le cadre normal d’échanges de vues et d’informations entre les deux sociétés qui devaient collaborer pour l’exécution de la prestation de services. De même, contrairement aux allégations de l’appelant, il ne ressort nullement des mails et des courriels auxquels ce dernier se réfère dans ses conclusions (p.13-15) que la société Lacoste lui a adressé des injonctions portant sur la manière d’accomplir la prestation demandée au titre des contrats de prestation de service. Enfin, s’il résulte de l’attestation de Mme [R], coordinatrice au sein de la société Lacoste que les déplacements professionnels de l’appelant étaient organisés et pris en charge par la société Lacoste et qu’il ressort des courriels produits par M. [A] [P] que celui-ci a été convié à des réunions ou que des plannings de déplacement lui ont été adressés, aucun élément produit ne permet d’établir que ces déplacements, réunions ou plannings lui ont été imposés par la société Lacoste, qu’il ne pouvait y déroger et que des sanctions pouvaient être prises à son encontre en cas de désobéissance.

S’il ressort des attestations versées aux débats par la société Lacoste et des contrats de prestation de service que M. [A] [P] est intevenu dans le processus de recrutement des membres du studio avec lesquels il devait collaborer au titre des prestations convenues, les éléments produits ne permettent d’établir qu’il était personnellement signataire des contrats de travail du personnel concerné, alors qu’il ressort au contraire des éléments produits et des écritures de la société Lacoste que ce recrutement se faisait en collaboration avec le service des ressources humaines de cette dernière qui demeurait ainsi libre de refuser de suivre l’avis de M. [A] [P]. En tout état de cause, le seul fait que ce dernier dispose d’un droit de regard sur l’engagement des futurs salariés du studio n’est pas de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination de la société Lacoste à son égard.

S’il est vrai que, comme l’affirme l’appelant, l’article 1er du contrat de février 2014 susmentionné prévoit que les prestations de service convenues doivent être exécutées en collaboration avec les directions de la société Lacoste, il ne ressort ni des termes du contrat ni des éléments produits que cette collaboration excéde la nécessaire organisation de l’activité de la société FOB et de son préposé au bénéfice de la société Lacoste.

Il résulte de ce qui précède que même si M. [A] [P] travaillait au sein de la société Lacoste et qu’il bénéficiait de la fourniture de moyens matériels et humains, il ne rapporte pas la preuve de consignes impératives données par l’intimée pour l’exécution de sa prestation, ni de directives données pour l’organisation de celle-ci, notamment en termes d’emploi du temps ou d’horaires ou encore de congés, la validation des congés étant un élément important du lien de subordination. De même, il n’est ni allégué ni justifié que M. [A] [P] était directement rémunéré par la société Lacoste, celle-ci devant seulement au titre des contrats produits verser le prix des prestations accomplies par l’appelant à la société FOB et prendre en charge certains frais exposés par lui (frais d’hôtel, de déplacement de vêtements…). Enfin, la preuve d’un contrôle de l’activité de M. [A] [P] par la société Lacoste n’est pas apportée.

En troisième lieu, M. [A] [P] soutient que la société Lacoste lui a imposé de fait une exclusivité l’empêchant d’exploiter sa propre marque en raison de la charge de travail qui lui était imposé. Plus précisément, il reproche à l’intimée de l’avoir fait travailler à temps plein à hauteur de 10 à 11 heures par jours alors qu’elle s’était engagée à ne l’employer qu’à temps partiel.

Afin d’établir sa charge de travail, M. [A] [P] se réfère :

– à des attestations de salariés de la société Lacoste faisant état de sa forte implication dans les prestations qui lui étaient confiées,

– à des exemples de travaux créatifs qu’il avait en charge,

– à ses plannings au titre des années 2014, 2017 et 2018,

– à l’attestation par laquelle Mme [I], directrice Produits Sénior de la société Lacoste, a indiqué que l’appelant a été remplacé par une directrice artistique salariée à temps complet.

S’agissant du temps partiel invoqué, M. [A] [P] se réfère uniquement aux courriers des 29 juillet 2010 et 19 juillet 2012 par lesquels M. [D], directeur marketing de la société Devanlay, a indiqué à la société FOB que l’exécution de la prestation de services prévue aux contrats conclus entre ces sociétés ‘devait être accomplie sur la base de 135 à 140 jours de prestation par année civile’ soit, selon l’appelant, une moyenne quotidienne de 3 heures.

Toutefois, comme il a été dit précédemment, il ne peut être tenu compte des engagements de la société Devanlay à l’égard de la société FOB pour apprécier ceux de la société Lacoste. Or, il n’est ni allégué par l’appelant ni justifié par les éléments produits que la société Lacoste s’est personnnellement engagée à une durée précise au titre des prestations stipulées dans les contrats conclus entre elle et la société FOB. Dès lors, M. [E] ne peut utilement se réfèrer aux courriers précités pour soutenir que la société Lacoste a méconnu ses engagements et l’a contraint à une surcharge de travail.

En outre, s’il ressort des éléments produits (attestations de Mme [U] [Z], directrice de studio pour la société Lacoste entre 2004 et 2014 et articles de presse) que M. [A] [P] a décidé de suspendre l’exploitation de sa marque, il ne ressort d’aucune pièce versée aux débats que la société Lacoste lui a imposé une telle suspension alors que les contrats liant la société FOB et la société Lacoste sont muets sur ce point, l’article 7.2 de la convention de février 2014 stipulant au contraire que la société FOB demeure libre de réaliser une activité de création sous la marque ‘[S] [P]’.

Enfin, si M. [A] [P] évoque une surcharge de travail, il n’allègue nullement dans ses conclusions avoir été au-delà des missions qui lui ont été confiées par la société Lacoste au titre des contrats de prestation de service conclus avec la société FOB, à l’exception toutefois de celle de directeur de studio par intérim qu’il affirme avoir exercée entre 2014 (date du départ de Mme [U] [Z]) et 2017 (date de son remplacement) sans que cela soit stipulé dans les contrats de prestation de service.

A l’appui de ses allégations, l’appelant se réfère à des attestations par lesquelles des salariés de la société Lacoste (Mmes [T] [M], [C] [K], [J] [B] et MM. [Y] et [I]) ont notamment indiqué que M. [A] [P] a assuré l’interim de Mme [Z] directrice de studio entre 2014 et 2017 et ainsi participé au recrutement des personnels du studio.

Toutefois, il ne ressort d’aucun élément versé aux débats que la société Lacoste a ordonné à M. [A] [P] d’assurer l’intérim de Mme [Z]. Au contraire, il résulte de l’attestation de Mme [L] que, comme l’a énoncé le conseil de prud’hommes dans sa décision querellée, pendant la vacance du poste de Mme [Z], l’intérim a été assuré par Mme [L], responsable Merchandising et Désign de la société Lacoste. Par suite, il n’est nullement établi que l’appelant a effectivement assuré les fonctions de directeur de studio par intérim à la demande de la société Lacoste.

S’il ressort en revanche des éléments susmentionnés que l’appelant a participé à la selection des candidats, la société Lacoste mentionne utilement qu’aux termes du contrat de février 2014, la société FOB a un droit de regard sur cette sélection puisque l’article 2.3 stipule : ‘Lacoste fera ses meilleurs efforts afin que les membres du studio coopérent de manière effective avec (la société FOB), cette dernière devant être associée à la sélection des personnes les composant’.

Il se déduit ainsi de ce qui précède que M. [A] [P] n’établit pas avoir réalisé des prestations au-delà de ce qui était contractuellement prévu. Par suite, il ne peut reprocher à la société Lacoste une surcharge de travail puisque le contrat de février 2014 stipule que ‘(la société) FOB en sa qualité de prestataire indépendant, sera libre d’organiser la réalisation de ses prestations, étant précisé que (la société FOB) s’engage expressément à consacrer le temps nécessaire à la parfaite réalisation de ses prestations’.

Au surplus, M. [E] n’établit pas que l’exécution des contrats de prestation de service litigieux avait pour conséquence l’impossibilité d’exploiter la marque dont l’exploitation était confiée à la société FOB et alors qu’il n’était que préposé de cette dernière selon les éléments produits.

En quatrième et dernier lieu, M. [A] [P] soutient que le lien de subordination invoquée se déduit du pouvoir de sanction de la société Lacoste lié à la dépendance économique de la société FOB à l’égard de cette dernière.

L’appelant expose que cette dépendance économique résulte :

– de l’exclusivité accordée à la société Lacoste par les articles 7.2 des contrats de février 2014 et du 25 janvier 2016,

– du fait que l’essentiel du chiffre d’affaires de la société FOB est assuré par la société Lacoste,

– de la durée limitée des contrats de prestation de service et du pouvoir de résiliation unilatérale de la société Lacoste au titre de ces contrats.

Comme il a été dit précédemment, les stipulations invoquées par l’appelant ne peuvent s’analyser en une clause d’exclusivité au profit de la société Lacoste.

Il ressort en revanche, d’une part, de l’attestation de l’expert-comptable produite par M. [A] [P] que l’essentiel du chiffre d’affaires de la société FOB provient de son activité au profit de la société Lacoste et, d’autre part, de l’article 9.1.2 du contrat de février 2014 que la société Lacoste peut mettre un terme de manière anticipée à celui-ci moyennant le respect d’un préavis et d’une indemnisation et que les contrats de prestation de service versés aux débats sont à durée déterminée. Si ces éléments établissent la dépendance économique de la société FOB à l’égard de la société Lacoste, cette dépendance n’est pas de nature à justifier à elle seule l’existence d’un lien de subordination entre M. [A] [P] et l’intimée.

***

Il résulte de ce qui précède que l’appelant n’établit pas que la prestation qu’il a accomplie au profit de la société Lacoste s’inscrivait dans le cadre d’un lien de subordination. En conséquence, l’existence du contrat de travail allégué n’est pas établie. Par suite, M. [A] [P] échoue à renverser la présomption de non salariat

En l’absence de contrat de travail, les demandes de M. [E] au titre de l’exécution d’un tel contrat (rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies, congés payés afférents, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, indemnité pour absence de visite médicale obligatoire, indemnité pour violation de la législation relative au temps de repos obligatoire) et de sa rupture (indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, remise de documents de fin de contrat) ne peuvent prospérer. Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et abandon de marque :

M. [A] [P] entend engager la responsabilité civile de la société Lacoste sur le fondement de l’article 1240 du code civil pour avoir subi de sa part une pression constante tout au long de sa collaboration avec elle l’ayant conduit à être suivi médicalement, pour l’avoir évincé du jour au lendemain et pour l’avoir contraint à ne plus exploiter sa propre marque. Il sollicite ainsi la somme de 675.000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi.

En défense, la société Lacoste s’oppose à cette demande.

En l’espèce, l’appelant ne se réfère dans son argumentaire à aucun élément de nature à établir les pressions invoquées ou le fait que la société Lacoste l’a contraint à ne plus exploiter sa propre marque. Le seul fait qu’il justifie d’un suivi médical n’est pas de nature à établir les pressions qu’il invoque. De même, il n’est nullement justifié que le non-renouvellement du contrat du 25 janvier 2016 s’est réalisé dans des conditions vexatoires. Enfin, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que la marque appartenait à l’appelant plutôt qu’à la société FOB. Par suite, il y a lieu de débouter l’appelant de sa demande pécuniaire et de confirmer le jugement en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

M. [A] [P] qui succombe est condamné à verser à la société Lacoste la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Il sera débouté de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens et condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [S] [E] à verser à la société Lacoste la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [S] [E] aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

 


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