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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRÊT DU 12 Juin 2014
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/04590 – MEO
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Novembre 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY -section encadrement- RG n° 10/00488
APPELANT
Monsieur [F] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Mehdi LEFEVRE MAALEM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1714
INTIMEE
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent THIERY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0236
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine METADIEU, Présidente
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Mme Catherine METADIEU, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [F] [M] a été engagé par la Sas Carrefour Hypermarchés France en qualité d’employé libre service dans le cadre d’un contrat à durée déterminée à compter du 1er décembre 1993, puis d’un contrat à durée indéterminée à compter du 25 février 1994.
Le 1er août 2007, M. [M] a été promu au poste de responsable secteur alimentaire avec le statut cadre. Sa rémunération mensuelle brute s’est élevée en dernier lieu à 6 184 €.
Convoqué le 8 mars 2010 à un entretien préalable fixé au 17 mars suivant, M. [M] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par courrier en date du 26 mars 2010.
Contestant son licenciement, M. [M] a saisi le conseil des Prud’Hommes d’Evry d’une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d’une indemnité pour licenciement nul (subsidiairement) sans cause réelle et sérieuse avec exécution provisoire et d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 30 novembre 2010, le conseil des Prud’Hommes a jugé le licenciement de M. [M] sans cause réelle et sérieuse et condamné la Sas Carrefour Hypermarchés France à lui payer la somme de 37 108,88 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme de 1 200 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire. Le conseil des Prud’Hommes a condamné la Sas Carrefour Hypermarchés France aux dépens et débouté le salarié pour le surplus.
M. [M] a fait appel de cette décision. Il demande à la cour de juger son licenciement nul (subsidiairement sans cause réelle et sérieuse) et de condamner la Sas Carrefour Hypermarchés France à lui payer la somme de 92 772,50 € à titre d’indemnité. Il formule une demande nouvelle au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er août 2007 au 26 mars 2010, qu’il évalue à 131 692,30 € , outre 13 169 € au titre des congés payés afférents et la somme de 1 859,35 € à titre de rappels de salaires pour les majorations non liées aux cinq dimanches travaillés et 186 € au titre des congés payés afférents. Il réclame enfin la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Formant un appel incident, la Sas Carrefour Hypermarchés France demande à la cour de juger le licenciement de M. [M] fondé, en conséquence de le débouter de sa demande de ce chef, ainsi que de ses demandes de rappel de salaire.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 6 mai 2014, reprises et complétées à l’audience.
MOTIVATION :
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
En outre, en application de l’article L 1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction..
En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié (article L 1235-1 du code du travail).
Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.
En application de l’article L 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l’espèce, la lettre du licenciement du 26 mars 2010 justifie le licenciement de M. [M] par une ‘insuffisance professionnelle liée à une carence managériale’ ainsi détaillée :
– ‘manque de rigueur et de réactivité dans la mise en place et le suivi des dossiers : ainsi le rangement des réserves demandé début janvier 2010 vous a valu un rappel ferme de la direction régionale et n’était toujours pas exécutée au 28 février ; le dossier réduction-rupture n’est toujours pas transmis au manager, absence de suivi des dossiers merchandising et baromètre
– le respect des règles n’est pas assuré dans la gestion des rayons ce qui a conduit la DGCCRF a dressé un procès-verbal le 18 février 2010, suite à la présence de périmés. L’année passée, cette administration avait engagé la même procédure sur des infraction concernant votre secteur.
– management non conforme à ce que l’on peut attendre d’un cadre de ‘votre niveau’ absence de communication et de transmission des informations à vos managers, langage et courriels directifs et rugueux et sont mal perçus par le personnel placé sous votre subordination. Ce comportement n’est pas étranger aux problèmes de harcèlement moral invoqué par certains collaborateurs à votre encontre
– infraction à l’interdiction de mise en vente à prix bradés des denrées alimentaires à date très courte,…..en maintenant cette pratique de façon discrète et occulte….’
A l’appui de ces griefs, l’employeur produit aux débats :
– sur le comportement ‘managérial’ de M. [M] : une main courante, et une attestation de M. [D] datées respectivement des 24 juillet 2008 et 27 septembre 2010. Ces deux déclarations qui émanent du même auteur sont contradictoires la première accusant M. [M] de harcèlement, la seconde l’en dédouanant. Elles sont donc inexploitables.
L’employeur produit également aux débats un mail de M. [M] adressé le 27 novembre 2009 à Mme [K], rédigé en ces termes : ‘ malgré mes consignes orales, mes notes de ce matin, je constate avec stupeur que tu n’en fais qu’à ta tête, et que tu ne vas pas aider en caisse alors que tout le magasin s’investit sur le sujet…’ et un courrier de cette même salariée en date du 7 décembre 2009, aux termes duquel celle-ci employée au rayon parapharmacie a dénoncé à son employeur les décisions selon elle inopportunes de M. [M] , ainsi que ses ‘méthodes répréhensibles’.
Ces éléments, peu circonstanciés, sont cependant insuffisants à caractériser les carences managériales reprochées à M. [M].
Sur le respect des règles, l’employeur produit des éléments de preuve établissant que des infractions avaient été relevées par la DGCCRF constatant, pour certains produits, un défaut d’affichage des prix ou une différence entre le prix affiché et le prix facturé. Sur la base d’un procès-verbal dressé le 30 mars 2009 par la DGCCRF, la Sas Carrefour Hypermarchés France a adressé le 1er avril 2009 à M. [M] un courrier de reproches sur la tenue de son secteur comportant la demande ‘de prendre rapidement toutes les mesures nécessaires et de vous investir personnellement dans la remise en état du secteur dont vous avez la charge…’. Ce courrier remis en main propre au salarié traduit l’intention de l’employeur de ne pas le sanctionner pour des faits qui ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle mais qui sont fautifs dès lors qu’ils caractérisent une infraction pénale.
Il s’ensuit que de tels faits, au surplus prescrits, au sens de l’article L1232-4 du code du travail, ne pouvaient fonder une procédure de licenciement de M. [M] basée sur l’insuffisance professionnelle.
Sur les faits de février 2010, l’employeur qui se contente de produire aux débats un mail de M. [J] chef de secteur PFT faisant référence à la visite du service des fraudes et des services vétérinaires de [Localité 1], et l’établissement d’un PV de contravention n’établit pas la responsabilité de M. [M] dans les infractions relevées.
Par ailleurs, si les évaluations de M. [M], établies pour 2007 et 2008, montrent qu’il est perfectible, notamment dans le domaine managérial, elles ne traduisent pas d’insuffisances caractérisées.
Enfin, la Sas Carrefour Hypermarchés France ne produit aux débats aucun élément sérieux sur l’infraction reprochée à l’interdiction de mise en vente à prix bradés, ni sur le manque de rigueur et de réactivité de M. [M] .
Il résulte donc de ce qui précède que les griefs invoqués contre M. [M] ne caractérisent pas l’insuffisance professionnelle reprochée.
Les éléments produits aux débats établissent que M. [M] a fait l’objet de nombreux arrêts de travail jusqu’au 28 septembre 2009, et de nombreux soins jusqu’au 30 septembre 2010, suite à un accident du travail subi le 6 octobre 2008. Il a été déclaré apte à son poste par le médecin du travail qui a recommandé le 11 février 2010 de limiter au maximum les efforts physiques de manutention manuelle. Contrairement à ce qu’il prétend, aucun élément produit aux débats ne démontre que M. [M] a travaillé dans des conditions contraires aux prescriptions du médecin du travail.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, si M. [M] apparaît comme un bon élément, perfectible sur certains points, il n’est pas établi que le motif invoqué au soutien de son licenciement soit fictif et que la véritable raison de la rupture de la relation de travail soit son état de santé.
Le licenciement de M. [M] n’est donc pas nul. Il est, en revanche, non fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Cette situation donne droit à M. [M] à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats, notamment sur l’ancienneté du salarié, est en mesure d’évaluer à la somme de 70 000 €.
Sur l’opposabilité de la convention de forfait et sur les heures supplémentaires
M. [M] qui conteste que la convention de forfait arguée par l’employeur ait été régulière au regard des conditions posées par la convention collective, soulève son inopposabilité et soutient avoir travaillé de nombreuses heures supplémentaires dont il réclame le règlement. Il précise, en effet, qu’il ne dispose pas de l’indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, ni d’un pouvoir de décision autonome, et que sa rémunération ne figurent pas parmi les plus élevées pratiquées dans son établissement.
Selon les dispositions de la convention collective applicable, les cadres pouvant faire l’objet d’une convention de forfait sans référence horaire sont notamment ceux relevant des niveaux 8 et 9 de la classification des fonctions.
Il n’est pas contesté que par avenant du 1er août 2007, M. [M] a été promu responsable alimentaire de son établissement, classé au niveau 8 de la classification des fonctions, et qu’à cette occasion il a signé une convention de forfait sans référence horaire.
Aucun élément produit aux débats ne dément qu’il a bien exercé les fonctions de responsable alimentaire, dans les conditions édictées par la convention collective, son contrat de travail et la délégation de pouvoirs qui lui a été consentie, laquelle témoigne également des larges pouvoirs dont il a été investi dans l’exercice de ses fonctions.
Il n’est pas contesté qu’il perçoit une rémunération conforme à sa classification, qui constitue l’une des plus élevées dans son établissement.
Il s’ensuit que lui est opposable la convention de forfait signée par M. [M], dans les conditions autorisées par la convention collective applicable.
M. [M] ne peut donc qu’être débouté de toutes ses demandes de rappel de salaire.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Compte-tenu de ce qui précède, il convient d’ ordonner d’office, en application de l’article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sas Carrefour Hypermarchés France de toutes les indemnités de chômage payées à M. [M] .
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré sur le licenciement
L’infirme sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée
Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant :
Condamne la Sas Carrefour Hypermarchés France à payer à M. [F] [M] la somme de 70 000 € à titre d’indemnité en application de l’article L1235-3 du code du travail
Déboute M. [M] pour le surplus
Ordonne d’office, en application de l’article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sas Carrefour Hypermarchés France de toutes les indemnités de chômage payées à M. [M]
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sas Carrefour Hypermarchés France à payer à M. [M] la somme de 2 500 €
Condamne la Sas Carrefour Hypermarchés France aux dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,